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Décisions

CA Toulouse, 3e ch. corr., 22 février 2001, n° 00-00939

TOULOUSE

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Selmes

Substitut général :

M. Chazottes

Conseillers :

M. Lamant, Mme Baby

Avocats :

Mes Poulhies, Barthet

CA Toulouse n° 00-00939

22 février 2001

Rappel de la procédure :

Le jugement :

Le tribunal, par jugement en date du 4 septembre 2000, a déclaré :

* B Laurent André :

coupable de tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise, le 10 avril 1998, à Castelginest, infraction prévue par l'article L. 213-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-1, L. 216-2, L.216-3 du Code de la consommation

* D Jocelyne Corinne Solange :

coupable de tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise, le 10 avril 1998, à Castelginest, infraction prévue par l'article L. 213-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation

Et par application de ces articles, a condamné :

- B Laurent André à 5 000 F d'amende

- D Jocelyne Corinne Solange à 5 000 F d'amende, exclusion du bulletin n° 2 du casier judiciaire.

Sur l'action civile :

A condamné les prévenus solidairement à payer à Marty Christian 35 000 F à titre de dommages intérêts.

Les appels :

Appel a été interjeté par Monsieur B Laurent, le 14 septembre 2000 Mademoiselle D Jocelyne, le 14 septembre 2000 M. le Procureur de la République, le 14 septembre 2000 contre Mademoiselle D Jocelyne, Monsieur B Laurent

Décision :

M. Laurent B a acheté le 28 octobre 1997 un véhicule Citroën Saxo à un épaviste, pour un prix de 30 000 F. Ce véhicule, qui avait subi un grave accident le 13 mars 1997, avait alors été jugé économiquement irréparable. M B a entrepris de le réparer lui-même, avec l'intention de le mettre à la disposition de son amie Mlle D. Les travaux de réparation se révélant plus longs que prévu, celle-ci a cependant été dans l'obligation d'acheter un autre véhicule. Après avoir effectué la mutation de la carte grise à son nom le 31 mars 1998, elle a mis ce véhicule en vente par petite annonce, et M. Christian Marty est venu le voir le 3 avril. Il s'est mis d'accord dès le lendemain avec M. B pour l'achat de ce véhicule au prix de 54 000 F, sous réserve de quelques réparations complémentaires que devait effectuer M. B. L'acheteur a payé le prix et pris livraison du véhicule le 10 avril, mais, constatant très rapidement des anomalies, il a fait réaliser une expertise, et l'expert, dans son rapport daté du 17 avril 1998, note 39 points de non conformités plus ou moins graves, et rend compte de ses recherches, qui lui ont permis de retrouver l'accident du 13 mars 1997. Après plusieurs réclamations infructueuses auprès de son vendeur, M. Marty a déposé une réclamation pour tromperie auprès de l'administration de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, qui, après enquête, a transmis le dossier au Procureur de la République.

Condamnés une première fois par défaut le 14 février 2000, M. B et Mlle D ont fait opposition, et ont été condamnés, par jugement du Tribunal correctionnel de Toulouse en date du 14 septembre 2000, à 5 000 F d'amende chacun, avec dispense de l'inscription de la condamnation sur le bulletin n° 2 du casier judiciaire de Mlle D. M. Marty, qui s'était constitué partie civile, a obtenu 35 000 F de dommages intérêts.

Les prévenus ont relevé appel de cette décision le 14 septembre 2000, suivis le même jour du Procureur de la République.

L'avocat de M. Marty indique à la cour que son client a vendu le véhicule litigieux le 15 septembre 2000 pour une somme inférieure de 18 500 F au prix qu'il aurait pu retirer de la vente d'un véhicule en état, et demande, en application de l'article 515 alinéa 3 du Code de procédure pénale l'allocation de dommages-intérêts complémentaires à hauteur de ce montant, outre l'allocation d'une somme de 10 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

M. l'Avocat général requiert la confirmation de la décision déférée.

Le conseil des prévenus observe qu'il n'y a pas lieu de condamner Mlle D, qui n'est à aucun moment intervenue dans la vente. M.B maintient qu'il n'a pas caché à son acheteur que le véhicule n'était pas en état, et d'ailleurs celui-ci en était tellement conscient qu'il a demandé que soient effectuées des réparations complémentaires avant de venir prendre livraison du véhicule. Son conseil demande que la peine soit réduite, ainsi que les dommages intérêts, trop généreusement alloués en l'absence de toute justification de préjudice.

Sur quoi

Les appels ont été régularisés dans les forme et délai légaux, ils sont donc recevables en la forme.

Bien qu'il ait affirmé avoir informé son acheteur de l'accident subi par le véhicule en mars 1997, M. B n'en rapporte pas la preuve, et M. Marty dit le contraire. Les réparations effectuées entre le 3 et le 10 avril, qui portent sur des points de détail et des finitions (pare-boue, gicleur, enjoliveur de roue, ...) n'étaient pas de nature à susciter les craintes d'un non professionnel, et à lui faire imaginer que le véhicule avait pu subir un accident grave. Les photographies annexées au rapport d'expertise montrent un véhicule dont la carrosserie est indemne de trace de choc, et donc en bon état apparent. En tout état de cause, le prix demandé et accepté, proche de l'argus et tenant compte du faible kilométrage parcouru (7 800 km d'après le certificat de vente), montre que l'existence d'un accident n'est pas entrée en ligne de compte lors de la discussion. En passant sous silence un fait aussi déterminant qu'il n'ignorait évidemment pas lui-même, étant donné les circonstances de l'acquisition du véhicule, M. B a nécessairement eu l'intention de tromper l'acquéreur sur les qualités substantielles de l'automobile vendue. L'infraction est donc constituée en ce qui le concerne, et la déclaration de culpabilité sera confirmée.

Mlle D, elle, était absente tant lors de la négociation que lors de la remise du véhicule à M. Marty. Elle n'en a pas moins été informée de la transaction, puisqu'elle s'est mise en conformité avec la loi, plusieurs mois après l'achat et quelques jours avant la vente, en effectuant la mutation de la carte grise à son nom, facilitant ainsi la vente "de particulier à particulier", qu'elle a laissé le véhicule, dont elle connaissait l'historique, à disposition de son ami, ainsi investi d'un mandat de vente, et qu'elle a encaissé le prix elle a donc été complice du délit, dont elle a facilité en connaissance de cause la commission, et devra être déclarée coupable en application de l'article 121-7 du Code pénal.

S'agissant de la peine, l'amende infligée à M. B, dont le casier judiciaire porte trace de deux condamnations assez anciennes, apparaît justifiée et adaptée eu égard aux faits qui lui sont reprochés. Elle sera donc confirmée. Seule la complicité étant retenue à l'encontre de Mlle D, dont le casier judiciaire ne porte la trace d'aucune condamnation, la sanction la concernant sera assortie du sursis. Il n'est en revanche nullement justifié en l'état de lui accorder le bénéfice d'une dispense d'inscription au bulletin n° 2 de son casier judiciaire.

M. Marty, partie civile, demande une augmentation des dommages-intérêts alloués, eu égard au préjudice dont il a souffert postérieurement au jugement déféré. Or, il ressort de ses déclarations mêmes qu'il a revendu 27 000 F un véhicule acquis 54 000 F deux ans et demi auparavant : il a donc disposé pendant cette période d'un véhicule dont il a eu l'usage (l'expert missionné par ses soins ne dit pas que le véhicule est dangereux et ne peut être utilisé, il évoque simplement une perte vraisemblable à la revente). Ce véhicule a subi la dépréciation résultant normalement de son obsolescence, indépendamment de son état et de l'intensité de son utilisation. A cet égard. M. Marty déclare que le kilométrage au compteur à la date de revente était de 8 560 km, mais n'en justifie pas. Le prix argus (35 000 F) et le kilométrage de référence qu'il retient pour les besoins de sa démonstration ne sont d'ailleurs pas pertinents son véhicule a été mis en circulation le 10 janvier 1997, il appartenait donc à l'année modèle 1997 et non 1998, il était "âgé" de 44 mois et non de 33 M. Marty, après avoir accepté une indemnisation très inférieure à ses demandes, ne saurait d'ailleurs invoquer l'article 515 alinéa 3 du Code de procédure pénale pour solliciter l'indemnisation d'un préjudice prétendument complémentaire, mais dont il a provoqué lui-même la réalisation en procédant à la revente du véhicule litigieux. En l'état de ces observations et des éléments figurant au dossier, la cour dispose d'éléments permettant de ramener à 25 000 F l'indemnisation allouée à M. Marty.

Il apparaît cependant équitable d'allouer à la partie civile, qui a comparu à trois reprises devant les juridictions pénales et s'est fait assister devant la cour, une somme de 3 000 F par application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, En la forme, Reçoit les appels, Au fond, Sur l'action publique. Confirme le jugement déféré sur la culpabilité et sur la peine en ce qui concerne M. Laurent B, Le réformant pour le surplus, Déclare Mlle Jocelyne D coupable de complicité du délit de tromperie commis par M. Laurent B, La condamne à une peine d'amende de 5 000 F, Dit que cette peine sera intégralement assortie du sursis, Le Président n'a pu donner à D Jocelyne l'avertissement prévu par l'article 132-29 du Code pénal en raison de son absence à l'audience de lecture de l'arrêt. Rappelle que la présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F dont est redevable chaque condamné. Prononce la contrainte par corps, s'il y a lieu de l'exercer, conformément aux dispositions de l'article 750 du Code de procédure pénale. Le tout en vertu des textes susvisés; Sur l'action civile, Confirme le jugement en ce qu'il a déclaré recevable la constitution de partie civile de M. Christian Marty, Le réformant sur le montant des dommages intérêts alloués, Condamne solidairement M. Laurent B et Mlle Jocelyne D à payer à M. Christian Marty la somme de 25 000 F à titre de dommages-intérêts, Les condamne solidairement à lui payer une somme de 3 000 F au titre des frais irrépétibles exposés par lui dans le cadre de la procédure,