CA Grenoble, 1re ch. corr., 3 février 2000, n° 99-01310
GRENOBLE
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Fayol-Noireterre
Substitut général :
M. Rancoule
Conseillers :
Mme Robin, M. Vigny
Avocat :
Me Clement
Les appels :
Appel a été interjeté par M. le Procureur de la République, le 12 janvier 1999 contre Monsieur E Mimoun
LA COUR,
Statuant publiquement et contradictoirement,
Par jugement en date du 8 janvier 1999 le Tribunal correctionnel de Valence a relaxé Mimoun E des chefs de tromperie et de refus de présentation du registre des objets mobiliers, l'a déclaré coupable des contraventions de non affichage des prix et non identification du produit et l'a condamné à 5 amendes de 800 F chacune.
Il a été régulièrement formé appel de ce jugement par le Procureur de la République.
Monsieur l'Avocat général demande à la cour d'infirmer le jugement, de retenir le prévenu pour l'ensemble des faits reprochés et de le condamner à une amende substantielle pour les délits et à 14 amendes de 800 F pour les contraventions.
Mimoun E, qui ne conteste pas les contraventions demande à la cour de confirmer le jugement sur les relaxes.
Motifs de l'arrêt :
Mimoun E exploite un établissement de réparation et vente d'automobiles à l'enseigne X à Nyons.
A la suite d'une plainte, les services de la DGCCRF de la Drôme se rendaient, le 5 novembre 1997 dans cet établissement et y constataient diverses irrégularités.
C'est ainsi que Mimoun E était renvoyé devant le tribunal correctionnel sous les préventions suivantes :
1) d'avoir à Nyons, le 23 juin 1997, trompé Michel Martel sur les qualités substantielles d'un véhicule Nissan Patrol, en l'espèce sur son kilométrage.
Faits prévus et réprimés par les articles L. 213-1, L. 216-2 et L. 216-3 du Code de la consommation,
2) d'avoir à Nyons, le 5 novembre 1997, et 22 janvier 1998, exerçant l'activité professionnelle de vendeur d'objets mobiliers, refusé de présenter le registre permettant l'identification desdits objets,
Faits prévus et réprimés parles articles 321-8 al.2, 321-7 al. 1, R. 231-3, 321-9 du Code pénal,
3) d'avoir à Nyons, le 5 novembre 1997, exposé en vue de leur vente 7 véhicules sans afficher leur prix et sans aucune des mentions d'identification réglementaires, soit 7 contraventions de 5e classe et 7 contraventions de 3e classe,
Faits prévus et réprimés par les articles 4 de l'arrêté ministériel du 3 décembre 1987, 5 et 6 du décret 78-993 du 4 octobre 1978, R. 113-1, L. 214-1 et L. 214-2 du Code de la consommation.
I - Le délit de tromperie :
Il ressort du procès-verbal de la DGCCRF que M. Martel a acheté le 26 juin 1997 auprès de Mimoun E, un véhicule Nissan Patrol année 1989 pour une somme de 61 000 F et pour un kilométrage, certes non garanti, de 138 906 km.
Or, il s'avérait rapidement que le kilométrage réel était très supérieur à celui annoncé, En effet, Michel Martel qui s'était saisi du livret d'entretien que son vendeur tentait de faire disparaître, s'apercevait que lors d'un contrôle effectué par un garage allemand le 16 janvier 1993, le kilométrage était de 172 078 km.
Mimoun E soutient qu'il avait informé M. Martel du kilométrage réel du véhicule et qu'il s'est soumis aux obligations légales dans la mesure où selon lui, la Préfecture demande que figure le kilométrage inscrit au compteur du véhicule.
Les explications données par le prévenu sont peu convaincantes en regard des éléments figurant au dossier ou résultant des règlements.
En premier lieu, il n'est nullement obligatoire de faire figurer sur le certificat de cession le kilométrage indiqué sur le compteur. Il était donc loisible à Mimoun E d'inscrire sur le certificat de vente le dernier kilométrage inscrit sur le livret d'entretien (172 078 km).
En second lieu, il résulte des éléments du dossier, que Michel Martel a été contraint de prendre subrepticement le carnet d'entretien, profitant d'un moment d'inattention du vendeur, lequel avait tenté de le faire disparaître lorsque Michel Martel l'avait demandé.
Cette attitude démontre que Mimoun E avait parfaite connaissance du kilométrage largement supérieur parcouru puisque celui-ci ressortait du livret d'entretien.
Ce faisant, en taisant délibérément ce kilométrage nettement supérieur, de surcroît relevé plus de 4 ans avant la vente, Mimoun E a utilisé une manœuvre déterminante pour tromper son client, étant rappel que le kilométrage a toujours été considéré comme un élément déterminant dans l'appréciation des qualités et de la valeur marchande d'un véhicule automobile.
Le délit reproché est parfaitement constitué. Dès lors le jugement sera réformé sur ce point.
Il - Le refus de présentation du livre de police :
Il est constant que la présentation du registre mobilier sur lequel en application de l'article 321-7 du Code pénal doit être mentionné la description des objets acquis ou détenus en vue de la vente ou de l'échange et permettant l'identification de ces objets ainsi que des personnes qui les ont vendues ou apportées à l'échange, a été refusée aux contrôleurs de la DGCCRF lorsqu'ils en ont fait la demande lors du contrôle du 5 novembre 1997.
Il est donc aussi constant que sommé par les gendarmes de présenter ce registre, Mimoun E s'y est refusé (PV 182-98 de la BT de Nyons) de sorte que les gendarmes n'ont pu procéder aux vérifications qui leur étaient demandées par le Procureur de la République de Valence.
Mimoun E ne pouvait d'autant moins ignorer cette obligation légale, qu'il avait été condamné le 4 février 1997 par le TC de Valence pour non tenue de ce registre (condamnation confirmée par arrêt de la cour du 12 mars 1998).
Dès lors, ce délit est suffisamment caractérisé. Le jugement sera réformé sur ce point.
III - Les contraventions :
Lors du contrôle, les agents de la DGCCRF constataient que sept véhicules étaient exposés et destinés à la vente sans que les mentions réglementaires (prix de vente proposé ainsi que mentions d'identification précises et de kilométrage) n'étaient pas portées à la connaissance des acheteurs potentiels.
Mimoun E affirme que deux des véhicules (Peugeot 6455 TP 26 et Peugeot 505 9727 TB 26) appartenaient à des clients. Force est de constater qu'il procède par voie d'affirmation, ne fournissant aucun élément permettant d'établir la fausseté des indications portées sur le procès-verbal de constatation.
Dès lors il devra être retenu et condamné pour quatorze contraventions.
IV - La peine :
Eu égard à la gravité des faits ainsi qu'aux antécédents judiciaires du prévenu les délits seront sanctionnés par une amende de 10 000 F, les 7 contraventions de 5e classe par une amende de 800 F chacune et les 7 contraventions de 3e classe par une amende de 500 F chacune.
Par ces motifs, Recevant l'appel comme régulier en la forme, Infirmant le jugement et statuant de nouveau, Déclare Mimoun E coupable des faits qui lui sont reprochés, Le condamne à une amende délictuelle de 10 000 F, à 7 amendes de 800 F chacune pour les contraventions de 5e classe (non affichage des prix) et à 7 amendes de 500 F chacune pour les contraventions de 3e classe non identification du produit, Constate que le présent arrêt est assujetti au droit fixe de 800 F résultant de l'article 1018 A du Code général des impôts, et dit que la contrainte par corps s'exercera conformément aux dispositions des articles 749 à 751 du Code de procédure pénale, Le tout par application des dispositions des articles susvisés.