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Décisions

CA Toulouse, 3e ch. corr., 22 juin 2000, n° 00-00238

TOULOUSE

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Selmes

Substitut général :

M. Chazottes

Conseillers :

M. Lamant, Mme Baby

Avocats :

Mes Boguet, Pressecq

CA Toulouse n° 00-00238

22 juin 2000

Rappel de la procédure :

Le jugement :

Le Tribunal, par jugement en date du 27 janvier 2000, a déclaré Jacques B coupable de

* tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise, le 16 juillet 1999, à Le Sequestre, infraction prévue par l'article L. 213-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation

Et, en application de ces articles, l'a condamné à 10 000 F d'amende.

Sur l'action civile

* Association UDAF, 2 000 F à titre de dommages intérêts, 500 F au titre de l'article 475-1 du CPP

Les appels :

Appel a été interjeté par Monsieur B Jacques, le 4 février 2000 M. le Procureur de la République, le 4 février 2000 contre Monsieur B Jacques

Décision :

Le 16 juillet 1999, les services vétérinaires du Tarn ont effectué un contrôle dans le magasin "Leclerc" exploité par la SA X au Séquestre. Ce contrôle a mis en évidence la présence de viandes achetées en gros, déconditionnées, découpées et reconditionnées avant d'être proposées aux consommateurs. Alors que les étiquettes apposées sur le conditionnement initial portaient la date limite de consommation du 17 juillet ou même celle du 15 juillet, le produit final, accompagné d'un macaron "offre spéciale", portaient celle du 20 juillet.

M. B, directeur commercial du magasin, et M. Bernard Cavailles, responsable du rayon boucherie, ont été poursuivis pour tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise, et le Tribunal correctionnel d'Albi aux termes d'un jugement en date du 27 janvier 2000, a renvoyé M. Cavailles des fins de la poursuite, et condamné M.B à 10 000 F d'amende. L' UDAF du Tam, qui s'était constituée partie civile, a obtenu 2 000 F de dommages intérêts, ainsi que 500 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

M.B a relevé appel de cette décision le 4 février 2000, suivi le même jour du Procureur de la République, non appelant des dispositions pénales concernant M. Cavailles.

M. B se présente devant la cour assisté de son avocat, qui fait valoir que seul M. Cavailles pouvait être condamné pour des faits survenus dans son rayon et qu'il a d'ailleurs reconnus, dès lors qu'il était titulaire d'une délégation parfaitement régulière. Quant à M.B, son rôle d'animateur du magasin ne permet pas de lui imputer une infraction qui relève de la responsabilité d'un chef de rayon doté des moyens d'exercer effectivement sa délégation de pouvoirs.

L'Avocat général observe que le délit est constitué, et requiert la confirmation.

L'UDAF fait déposer des conclusions tendant à la confirmation des dispositions civiles du jugement, ainsi qu'à l'allocation d'une somme de 4 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Décision

Les appels ont été régularisés dans les forme et délai légaux, ils sont donc recevables en la forme.

Les dispositions du jugement relatives à M. Cavailles, non appelant et non visé par l'appel du Parquet, sont définitives.

La matérialité des faits à l'origine des poursuites résulte du procès-verbal dressé par les services en charge du contrôle vétérinaire, et n'a jamais été contestée ni par M. Cavailles, ni par M.B, non plus que le fait qu'il s'agissait d'une tromperie vis-à-vis des consommateurs clients du magasin.

Seule est réellement discutée la question de l'imputabilité de l'infraction à l'une ou l'autre des personnes mises en cause.

M. B produit à cet égard devant la cour le contrat de travail en date du 28 décembre 1998, aux termes duquel il est embauché en qualité de Directeur commercial, avec pour mission de diriger le magasin, en étant responsable de ses résultats économiques et humains", d'animer l'équipe d'encadrement, "de façon à optimiser les résultats, le fonctionnement et l'image de son établissement" M .B est enfin responsable "du dialogue social et de la qualité du management".

Ce document est signé, pour le compte de la SA X, par son Directeur administratif, de même que le contrat de travail en date des 21 février et 3 avril 1997 consenti à M. Cavailles. Ce dernier document confie à M. Cavailles "la responsabilité pleine et entière (du) rayon boucherie" et notamment "la gestion du personnel affecté au rayon boucherie, l'achat de la viande, l'organisation du travail du laboratoire, la gestion, l'organisation et l'approvisionnement du rayon boucherie, le service de vente auprès de la clientèle". Il est insisté plus loin sur "l'entière autonomie" dont il dispose "quant à l'organisation et la réalisation de (ses) tâches", et, en conséquence, sur le fait qu'il s'engage "à prendre toutes mesures et toutes décisions, sans aucune restriction, en vue d'appliquer et de faire appliquer strictement les lois et règlements en vigueur en matière d'hygiène et sécurité, ...de législation sociale, ... de législation commerciale ... applicable à la profession, à savoir, conformité des produits, ... des prix, ... de l'étiquetage,

Ces dispositions ont d'ailleurs trouvé application en l'espèce, puisque M. Cavailles a été licencié suite aux faits soumis à la cour.

Ainsi, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, M. Cavailles et B sont tous deux titulaires de délégations de pouvoirs et de responsabilités, émanant de la direction générale de l'entreprise, et s'appliquant à des domaines différents l'animation générale du magasin pour M.B et la gestion du rayon boucherie pour M. Cavailles.

Contrairement à ce qu'il a prétendu, M. Cavailles, dont les compétences n'ont jamais été mises en doute, était bien doté par son contrat de travail des moyens nécessaires et de l'autorité qui auraient dû lui permettre d'interdire effectivement au personnel placé sous ses ordres d'indiquer sur les étiquettes destinées aux consommateurs des dates postérieures à celles figurant sur le produit acheté en gros ; ses obligations contractuelles lui interdisaient a fortiori de donner des instructions en ce sens, au mépris des textes applicables à sa spécialité professionnelle, et qu'il a déclaré, dans son contrat, bien connaître. M. Cavailles a toujours reconnu enfin que personne ne lui avait demandé de procéder à ces changements de date, pas plus M.B que la direction générale de la société. Il apparaît donc que c'est à tort que le tribunal a cru pouvoir le renvoyer des fins de la poursuite.

A l'inverse, la précision même des termes de la délégation consentie à M. Cavailles s'oppose à ce que M.B, qui n'a pas de compétences particulières en matière de boucherie et dont la fonction à l'égard des différents chefs de rayon est essentiellement d'animation et de supervision, soit personnellement condamné alors que le responsable direct des faits litigieux bénéficie d'une décision de relaxe.

La cour infirmera donc le jugement en ce qui le concerne, et le renverra des fins de la poursuite.

Par voie de conséquence, la constitution de partie civile de l'UDAF sera déclarée irrecevable.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, En la forme, Reçoit les appels, Au fond, Infirmant les dispositions du jugement déféré en ce qu'elles ont déclaré M.B coupable du délit de tromperie, Le renvoie des fins de la poursuite sans peine ru dépens, Déclare irrecevable la constitution de partie civile de l'UDAF.