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Décisions

CA Angers, ch. corr., 2 mars 2000, n° 99-00471

ANGERS

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vermorelle

Substitut général :

M. Feron

Conseiller :

Mme Lourmet

Avocat :

Me Salaun

CA Angers n° 99-00471

2 mars 2000

Prévention

Le prévenu a été renvoyé devant le tribunal.

Pour avoir à La Seguinière (49), Moulins les Metz (57) et sur le territoire national le 19 février 1996 et depuis courant novembre 1995, trompé les magasins de vente au détail et la clientèle sur les risques inhérents à l'utilisation et les contrôles effectués sur les transats pour bébés A de marque Z en l'espèce, en apposant sur ces produits un marquage attestant de leur conformité et en omettant de respecter les articles 3 et 4 du décret 91-1292 du 20 décembre 1991 et ses annexes définissant les exigences de sécurité applicables aux articles de puériculture, et notamment la résistance des coutures, l'arrachage de la pression et les risques de chute du bébé à l'inclinaison.

Le jugement dont appel

Le Tribunal correctionnel d'Angers, par jugement contradictoire en date du 17 mai 1999, a condamné Dominique F à une amende de 10 000 F.

Le prévenu et le Ministère public ont régulièrement interjeté appel de ce jugement.

LA COUR,

Le prévenu sollicite sa relaxe. Le Ministère public requiert confirmation.

Motifs

La SA X, dont le siège social est à Cholet, a pour activité la production d'articles de puériculture répartie sur deux sites de fabrication installés à Cholet et à Abbeville. Le 12 novembre 1995, la société X, dont le Président directeur général est Dominique F, a racheté une société italienne, devenue la société Y, spécialisée notamment dans la fabrication de lits, chaises hautes ou transats. Avant ce rachat, la société Y commercialisait déjà ses produits en France par l'intermédiaire de la SARL B sous la marque Z. Lors du rachat, les transats de marque Z ont fait partie du stock repris à la SARL B.

La société C, installée à La Seguinière, dont le Président directeur général est également Dominique F, est une filiale d'X dont la fonction est le négoce et la distribution de produits de puériculture. Fin 1995 ou début 1996, elle a notamment livré au magasin D, installé à Moulin Les Metz, des transats de marque Z modèle A.

Le 19 février 1996, un contrôleur de la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes s'est présenté dans ce magasin où était mis on vente un transat A sur lequel figurait le marquage "conforme aux exigences de sécurité". Après un examen attentif du produit et quelques mesures prises à l'aide d'un dynamomètre, le contrôleur a relevé la présence de coutures apparemment peu résistantes au niveau de la ceinture justifiant le recours à des analyses plus conséquentes auprès du Laboratoire Interrégional de la Répression des Fraudes de Paris Massy a relevé le non respect d'un certain nombre de points des exigences du cahier des charges LNE "Transat", notamment :

- l'arrachement de l'une des deux pressions à 78 N laissant craindre un risque d'ingestion par les enfants

- après vingt chutes, la rupture de la poignée droit au niveau du point d'ancrage inférieur et l'amorce de rupture des trois autres points d'ancrage des poignées provoquant la chute de la charge;

- une rupture et une amorce de rupture des coutures de la ceinture côtés droit et gauche;

- un basculement du transat vers l'avant à partie de 20°.

Au vu de ces résultats, la DGCCRF a fait procéder à la saisie des deux transats demeurés dans la réserve du magasin D et le dossier a été transmis à la Direction départementale du Maine et Loire pour enquête, notamment auprès de la société C.

Cette dernière a présenté les certificats de conformité remis par la société B lors de la reprise de la société italienne, certificats consistants en deux rapports d'essais réalisés par les WW le 14 février 1994 à la demande de B et établis au regard du cahier des charges Transat de juin 1992. Ces premiers essais révélaient l'existence de deux points défaillants autres que ceux concernés, qui après modification et essais complémentaires allaient être conformes aux exigences du cahier des charges.

A l'occasion de la production de ces documents, les services des Fraudes ont exprimé le regret qu'il n'ait pu être justifié d'un contrôle interne depuis cette date, laissant penser qu'une dérive de fabrication s'était opérée au terme de laquelle des modifications même minimes apportées lors de la production ont donné lieu à un résultat ne satisfaisant plus aux exigences de sécurité.

Il est à noter qu'immédiatement informée de ces résultats, la société C a stoppé la commercialisation du produit, retiré les 1 236 unités détenues par les distributeurs, exigé leur retour au siège social de la société, pris les mesures nécessaires pour garantir sa conformité, sous contrôle des WW.

Il résulte par ailleurs du dossier et des débats que les résultats sont différents selon les laboratoires concernés, en raison de la différence des techniques employées pour tester le produit, et que ce ne sont pas les notions juridiques usuelles qui permettent de résoudre ces difficultés, sauf à dire qu'en matière pénale, l'incertitude bénéficie au prévenu.

Le seul point apparaissant comme certain est que sur l'exemplaire de transat A, la fixation des sangles de portage présentent une faiblesse ;qu'il a cependant été remédié rapidement à cet inconvénient lequel a donc disparu.

L'élément matériel de l'infraction apparaît donc relativement ténu.

En ce qui concerne l'élément intentionnel, même si la jurisprudence on matière de fraude le retient de manière assez large en reprochant aux prévenus des attitudes négatives ou des abstentions, il n'apparaît pas que celui-ci puisse être retenu on l'espèce dans la mesure où la prévention n'inclut pas une présomption de mauvaise foi dont le prévenu aurait à se dégager.

Il apparaît notamment que dès avant la reprise de la société W, X a fait effectuer une série de contrôle des produits, notamment en décembre 95, et a également soumis les produits de la gamme, dont le transat A au Laboratoire WW, ainsi qu'au laboratoire interne de la société ;que les certificats de conformité ont également été demandés aux fournisseurs, et à défaut des échantillons de produits.

Ainsi, compte tenu des caractéristiques particulières de l'espèce, donc sans remettre an cause la jurisprudence dominante en la matière, il apparaît que c'est en toute bonne foi que la société X a commercialisé le produit en cause, ce qui ne permet pas d'imputer une fraude à son dirigeant, M. F, et de le retenir dans les liens de la prévention.

Par ces motifs, Statuant publiquement et contradictoirement, Déclare les appels recevables en la forme, Infirmant le jugement déféré, Relaxe Dominique F des fins de la poursuite. Ainsi jugé et prononcé par application de l'article 470 du Code de procédure pénale.