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Décisions

CA Montpellier, 3e ch. corr., 7 décembre 2000, n° 00-01310

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Brossier

Conseillers :

M. Raynaud, Mme Salvan-Bayle

Avocat :

Me Pech de Laclause.

CA Montpellier n° 00-01310

7 décembre 2000

Rappel de la procédure

Le jugement rendu le 28 janvier 2000 par le Tribunal de grande instance de Narbonne a :

Sur l'action publique : renvoyé B Véronique des fins de la poursuite sans peine ni dépens ;

Elle était prévenue d'avoir :

- à Lézignan Corbières entre le 07/07/1997 et le 15/07/1997 fait souscrire à victime un engagement en l'espèce la réalisation puis le paiement de travaux de traitement des bois de charpente, au moyen de visite à domicile, transaction conclue dans une situation d'urgence alors que cette personne n'était pas en mesure d'apprécier la portée des engagements qu'elle prenait et de déceler les contraintes qu'elle subissait, abusant ainsi de sa faiblesse ou de son ignorance en raison de son âge et de sa vulnérabilité ;

Infraction prévue par les articles L. 122-8, L. 122-9 du Code de la consommation et réprimée par l'article L. 122-8 du Code de la consommation.

- à Lézignan Corbières, entre le 07/07/1997 et le 15/07/1997, trompé ou tenté de tromper Madame Falcou Gabrielle épouse Tapie, contractant, sur les qualités substantielles d'une prestation de service vendue, en l'espèce le traitement de charpentes de bois ;

Infraction prévue par les articles L. 213-1, L. 216-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-1, L. 216-3 du Code de la consommation.

Appels

L'appel a été interjeté par le Ministère public le 04/02/2000.

Demandes et moyens des parties

Le Ministère public, appelant, requiert la réformation du jugement, la déclaration de culpabilité de la prévenue, tant pour le délit de tromperie caractérisé par le rapport d'expertise et les pièces contractuelles figurant au dossier, que pour le délit d'abus de faiblesse se déduisant du démarchage préalable et de l'âge de la victime et en conséquence la condamnation de celle-ci à une peine d'amende de 30 000 F.

La prévenue, non appelante sollicite la confirmation du jugement qui l'a renvoyée des fins de la poursuite, faisant valoir : - que le délit d'abus de faiblesse n'est pas constitué, faute de démarchage à domicile, et d'élément intentionnel de sa part en sa qualité de gérante de la société n'ayant pas personnellement participé aux opérations incriminées et qu'enfin l'âge de la victime (73 ans) ne signifie pas qu'elle était incapable d'agir ; - que le délit de tromperie sur les qualités substantielles n'est pas non plus caractérisé dans la mesure où l'expertise réalisée par un concurrent direct n'est pas impartiale et n'est donc pas un élément de preuve valable ;

Motifs de la décision

LA COUR, après en avoir délibéré,

Sur la procédure

Les appels réguliers en la forme et dans les délais doivent être déclarés recevables.

La prévenue comparait ; il y a lieu de statuer par arrêt contradictoire à son égard ;

Sur l'action publique

Attendu qu'il résulte du dossier de la procédure et des débats les faits suivants Madame Gabrielle Tapie âgée de 73 ans déposait plainte auprès des services de police le 15/11/1997 en exposant qu'elle avait été abusée et surprise par la société X, spécialisée dans le traitement des charpentes en bois qui lui avait fait signer le 07/07/1997, à son domicile, un bon de commande et effectuer des travaux le 15/07/1997 sans respecter le délai de rétractation, alors qu'elle croyait, sur les conseils de son notaire que les représentants de cette entreprise qui s'étaient présentés à elle, allaient expertiser la charpente de la maison qu'elle se proposait de vendre ; elle ajoutait que les prestations fournies ne correspondaient pas à la réalité ;

Monsieur Ravier M, responsable technique déclarait que les travaux avaient été exécutés dans les sept jours de la commande et que le personnel était intervenu sur les chevrons et les solives qui n'avaient pas été traités ; à titre commercial, il avait réinjecté les grosses pièces qui avaient été traitées préalablement par l'entreprise Y.

Un rapport était établi le 30/11/1998 par Monsieur Gase, expert judiciaire, qui a considéré que l'entreprise X n'avait pas effectué le traitement des solives par injections et pulvérisation ainsi que la réinjection dans les poutres traitées par l'entreprise Y quelques années auparavant.

A l'audience devant le tribunal, Madame B, gérante de la SARL X a déclaré que Madame Tapie l'avait contactée pour faire un contrôle de charpente et un devis avait été fait et elle a contesté les opérations d'expertise auxquelles elle a estimé ne pas avoir à participer an raison d'un litige personnel avec l'expert requis.

Sur le délit d'abus de faiblesse

Attendu que par des motifs suffisants et pertinents qui méritent expressément approbation, les premiers juges ont effectué une exacte appréciation des circonstances de la cause et une bonne application de la loi en considérant que la condition de démarchage à domicile, posée par l'article L. 122-8 du Code de la consommation n'était pas remplie puisque la SARL X avait été préalablement contactée par Madame Tapie, et que d'autre part l'état de faiblesse ne pouvait résulter, faute d'autres éléments le caractérisant, du seul constat de l'âge avancé de Madame Tapie ; que le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a renvoyé la prévenue des fins de la poursuite de ce chef de prévention.

Sur le délit de tromperie sur les qualités substantielles d'une prestation de service :

Attendu qu'il résulte du bon de commande des travaux que l'entreprise avait pour mission de traiter les salives par injections et pulvérisations et de réinjecter dans les poutres déjà traitées auparavant les produits chimiques de traitement et d'assainissement des bois ;Or attendu qu'il ressort des analyses effectuées le 20/11/98 par le Centre Technique du Bois et de l'Ameublement, centre technique industriel institué par arrêté ministériel, qu'il a été appliqué par cette entreprise une dose de 9 grammes par mètres carrés de bois traités alors qu'une dose normale est de 50 grammes par mètres carrés ;que l'élément matériel du délit est donc établi et il résulte de la réalisation de travaux supposés être des travaux de traitements des bois et qui ne pouvaient l'être compte tenu de l'emploi à des doses considérablement réduites des produits curatifs.

Attendu qu'en sa qualité de gérante de la société ayant réalisé les travaux,disposant de l'autorité de la compétence et des moyens lui permettant de vérifier l'exécution par ses subordonnés de travaux conformes aux commandes de ses clients et ayant le pouvoir de direction lui conférant l'obligation de s'assurer de cette conformité et de fournir au client le prestation attendue, Véronique B ne pouvait ignorer la discordance évidente entre les travaux réalisés et ceux commandés et le prix acquitté ;qu'ainsi l'élément intentionnel du délit se trouve caractérisé ; que le jugement déféré sera donc réformé en ce qu'il a renvoyé la prévenue des fins de la poursuite de ce chef de délit.

Attendu qu'eu égard à la nature et à la gravité des faits et en l'absence d'antécédent judiciaire de la prévenue il y a lieu en répression de la condamner à une amende de 10 000 F.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire à l'égard de Véronique B, en matière correctionnelle, En la forme Reçoit les appels réguliers et dans les délais, Au fond sur l'action publique Confirme le jugement déféré en ce qu'il a renvoyé Véronique B des fins de la poursuite du chef d'abus de la faiblesse ou de l'ignorance d'une personne démarchée ; Le réforme en ce qu'il a renvoyé la prévenue des fins de la poursuite du chef de tromperie ; La déclare coupable d'avoir à Lézignan Corbières, entre le 7 juillet 1997 et le 15 juillet 1997, trompé ou tenté de tromper Mme Falcou Gabrielle épouse Tapie, contractant, sur les qualités substantielles d'une prestation de service vendue, en l'espèce le traitement des charpentes de bois ; Infraction prévue par les articles L. 213-1, articles L. 216-1 du Code de la consommation, et réprimée par les articles L. 213-1, et L. 216-3 du Code de la consommation ; En répression la condamne à une peine d'amende de dix mille francs (10 000 F) Fixe la durée de la contrainte par corps s'il y a lieu de l'exercer, conformément aux dispositions des articles 749 et suivants du Code de procédure pénale, Dit que la condamnée sera soumise au paiement du droit fixe de procédure d'un montant de 800 F prévu à l'article 1018A du Code général des impôts, Le tout par application des textes visés, des articles 512 et suivants du Code de procédure pénale.