CA Paris, 13e ch. A, 18 octobre 2000, n° 00-01489
PARIS
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Guilbaud
Avocat général :
M. Vuillemin
Conseillers :
MM. Ancel, Nivose
Avocat :
Me Gaillard.
Rappel de la procédure :
La prévention :
A Saut Franck est poursuivi par convocation notifiée, sur instructions du Procureur de la République près le tribunal, par un officier de police judiciaire, selon les dispositions de l'article 390-1 du Code de procédure pénale, remise par officier de police judiciaire parlant à l'intéressé, contre émargement, le 2 avril 1999, pour avoir, à Rosny-sous-Bois, courant 1998, en tout cas sur le territoire national et depuis temps n'emportant pas prescription :
- trompé ou tenté de tromper les clients et le consommateur final par quelque procédé ou moyen que ce soit, directement ou par l'intermédiaire de tiers, sur la nature, en l'espèce, l'origine, les qualités substantielles, la composition, la teneur en principes utiles, la quantité, l'identité, l'aptitude à l'emploi, les risques inhérents à l'utilisation, les contrôles effectués, Les modes d'emploi ou les précautions à prendre, en l'espèce en mettant sur le marché des merguez comportant des taux de nitrate excessifs et des colorants interdits avec cette circonstance que la tromperie a eu pour effet de rendre la marchandise dangereuse pour l'homme ou l'animal.
- falsifié des denrées servant à l'alimentation de l'homme ou des animaux, en l'espèce, en incorporant dans des merguez des additifs interdits et des taux de nitrates excessifs, et mis en vente ou vendu ces denrées falsifiées, avec cette circonstance que ces produits falsifiés étaient nuisibles à la santé de l'homme ou de l'animal.
O Esther épouse A est poursuivie par convocation notifiée, sur instructions du Procureur de la République près le tribunal, par un officier de police judiciaire, selon les dispositions de l'article 390-1 du Code de procédure pénale, remise par officier de police judiciaire parlant à l'intéressée, contre émargement, le 2 avril 1999, pour avoir, à Rosny-sous-Bois, courant 1998, en tout cas sur le territoire national et depuis temps n'emportant pas prescription - trompé ou tenté de tromper les clients et le consommateur final par quelque procédé ou moyen que ce soit, directement ou par l'intermédiaire de tiers, sur la nature, en l'espèce, l'origine, les qualités substantielles, la composition, la teneur en principes utiles, la quantité, l'identité, l'aptitude à l'emploi, les risques inhérents à l'utilisation, les contrôles effectués, les modes d'emploi ou les précautions à prendre, en l'espèce en mettant sur le marché des merguez comportant des taux de nitrate excessifs et des colorants interdits avec cette circonstance que la tromperie a eu pour effet de rendre la marchandise dangereuse pour l'homme ou l'animal.
- falsifié des denrées servant à l'alimentation de l'homme ou des animaux, en l'espèce, en incorporant dans des merguez des additifs interdits et des taux de nitrates excessifs, et mis en vente ou vendu ces denrées falsifiées, avec cette circonstance que ces produits falsifiés étaient nuisibles à la santé de l'homme ou de l'animal.
Le jugement :
Le tribunal, par jugement contradictoire à signifier, a déclaré :
A Saul Franck :
Coupable de tromperie sur une marchandise entraînant un danger pour la santé de l'homme ou de l'animal, faits commis courant 1998, à Rosny-sous-Bois,
Infraction prévue par les articles L. 213-2 1°, L. 213-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-2, L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3, L. 216-8 du Code de la consommation
Coupable de falsification de denrée alimentaire, boisson, substance médicamenteuse ou produit agricole,
Faits commis courant 1998, à Rosny-sous-Bois,
Infraction prévue par l'article L. 213-3 Al. 1 1° du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-3 Al. 1, L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation
O Esther épouse A :
Coupable de tromperie sur une marchandise entraînant un danger pour la santé de l'homme ou de l'animal,
Faits commis courant 1998, à Rosny-sous-Bois,
Infraction prévue par les articles L. 213-2 1°, L. 213-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-2, L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3, L. 216-8 du Code de la consommation
Coupable de falsification de denrée alimentaire, boisson, substance médicamenteuse ou produit agricole,
Faits commis courant 1998, à Rosny-sous-Bois,
Infraction prévue par l'article L. 213-3 Al. 1 1° du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-3 Al. 1, L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation
Et par application de ces articles,
Vu les articles 132-29 à 132-34 du Code pénal,
Condamné :
A Saul Franck à 2 mois d'emprisonnement avec sursis et 80 000 F d'amende,
O Esther épouse A à 4 mois d 'emprisonnement avec sursis et 80 000 F d'amende,
A dit que cette décision était assujettie au droit fixe de procédure de 600 F dont est redevable chaque condamné, vu l'article 473 du Code de procédure pénale,
Dit que la contrainte par corps s'exercerait, en cas de besoin, conformément aux articles 749 et suivants du Code de procédure pénale.
Les appels :
Appel a été interjeté par :
Monsieur A Saul Franck le 21 janvier 2000, sur les dispositions pénales;
Madame O Esther, le 21 janvier 2000, sur les dispositions pénales;
M. le Procureur de la République, le 21 janvier 2000, contre Monsieur A Saul Franck, Madame O Esther épouse A;
Décision :
Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant sur les appels relevés par les prévenus et le Ministère public A l'encontre du jugement précité auquel il est fait référence pour l'exposé des faits et de la prévention.
Par voie de conclusions conjointes Saul Franck A et Esther O épouse A demandent à la cour de :
- Mettre purement et simplement hors de cause Monsieur Saul Franck A qui n'occupe aucune fonction sociale étant salarié de la société X,
- Donner acte à Madame Esther A qu'elle ne conteste pas la matérialité des délits mais que l'élément intentionnel fait totalement défaut au regard des explications données,
- Faire en conséquence une application particulièrement bienveillante de la loi pénale.
Ils font valoir que Monsieur Saul Franck A, directeur salarié de la société, est certes porteur de parts minoritaire mais qu'il n'a aucune responsabilité sociale et ne peut de ce fait être pénalement recherché.
Ils affirment que lors de l'élaboration des produits incriminés il y a eu manifestement erreur de dosage mais que depuis le contrôle il n'est plus utilisé de nitrate mais des produits composés et dosés.
Ils exposent que le rouge de Cochenille A (E 124) n'est pas interdit notamment pour la coloration des boyaux qui enveloppent les merguez et que si la présence de ce colorant a été détectée dans la viande cela ne peut s'expliquer que par une saturation des boyaux qui ont du dégorger sur la chair ;
Ils soulignent que les mêmes explications sont valables pour la Tartrazine qui est un colorant de synthèse orange et que depuis lors il est utilisé un colorant naturel.
Ils soutiennent par ailleurs que l'élément intentionnel fait défaut et que la présence accidentelle des produits incriminés ne présentait aucun risque pour la santé puisque les mêmes colorants se trouvent utilisés en toutes légalité pour d'autres produits alimentaires (confiserie, sirop...).
Monsieur l'Avocat général requiert une aggravation des peines d'amendes infligées.
Rappel des faits
Le tribunal a exactement et complètement rapporté les faits de la cause dans un exposé auquel la Cour se réfère expressément.
Il suffit de rappeler que le 13 mars 1998 la Direction générale de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes procédait A un contrôle des produits élaborés et commercialisés par la SARL "X" de 93110 Rosny-sous-Bois.
Deux prélèvements étaient effectués, au hasard, parmi un lot de 300 kilogrammes de merguez destinées à la vente,
Le 24 avril 1998, un rapport d'analyses du laboratoire de Massy révélait la non conformité des deux lots de merguez au regard de la réglementation en raison :
- d'un taux de nitrate environ quatre fois supérieur à la dose résiduelle autorisée et la présence prohibée de rouge de cochenille, référencé A (E 124), dans la masse des produits concernant le premier prélèvement,
- d'un taux de nitrate presque sept fois supérieur à la dose autorisée et de la présence interdite de tartrazine et d'érythrosine dans la masse dés produits concernant le second prélèvement.
Saul Franck A précisait lots du contrôle qu'il était le maître d'œuvre du processus de fabrication et que l'entreprise ne procédait à aucune analyse physico-chimique des produits élaborés mais que de temps à autre il faisait réaliser des analyses microbiologiques.
Sur ce, LA COUR,
Considérant que les prévenus, qui n'ont pas sollicité d'expertise contradictoire, reconnaissent la matérialité des faits ;
Considérant que Saul Franck A qui s'est présenté lors du contrôle comme le responsable de la fabrication et qui tient manifestement un rôle dirigeant dans l'entreprise familiale "X" est mal fondé à faire plaider sa mise hors de cause;
Considérant que l'enquête a permis de meute en évidence que les merguez fabriquées par la société X n'étaient pas élaborées conformément aux dispositions du Code " réglementation et usages " de la charcuterie et des textes en vigueur ce qui est constitutif du délit de tromperie au sens de l'article L. 213-1 du Code de la Consommation;
Que par ailleurs l'utilisation de trois colorants non autorisés dans la masse des merguez et le dépassement très excessif des nitrates constituent des falsifications prévues et réprimées par l'article L. 213-3 du même Code ;
Considérant que l'addition dans les produits élaborés par la société X de nitrates à un taux nettement supérieur à celui autorisé est nuisible à la santé de l'homme;
Qu'en effet les nitrates utilisés peuvent se révéler nocifs à haute concentration en raison de leur réduction en nitrites qui réagissent avec les acides aminés présents dans les aliments et se transforment en nitrasaomines, agents carcinogènes puissants;
Considérant que le fait d'employer un conservateur tel que le nitrate et ce en doses excessives permet d'augmenter la vie des produits artificiellement ;
Que le fait d'employer du colorant rouge de cochenille, de la tartrazine, de l'érythrosine et non du colorant carmin de cochenille permet de valoriser l'aspect des produits, afin d'en faciliter la vente et de réaliser un important bénéfice sur les coûts de production;
Considérant qu'en leur qualité de responsables les époux A se devaient de vérifier la conformité des produits au regard de la réglementation, avant de les commercialiser, alors qu'ils n'ont procédé à aucun auto-contrôle physico-chimique;
Considérant que vainement les prévenus soutiennent l'absence de l'élément intentionnel
Considérant en effet qu'il ressort du procès-verbal de délit clos le 7 Décembre 1998 que Saul Franck A a volontairement cherché à induire les enquêteurs en erreur lors du contrôle
Que Esther O épouse A, gérante de la société et présente journellement sur le site a déjà été condamnée pour des faits similaires ;
Considérant que par ces motifs, et ceux pertinents des premiers juges qu'elle faits siens, la cour confirmera la décision critiquée sur les déclarations de culpabilité ainsi que sur les peines d'emprisonnement avec sursis et d'amende prononcées qui constituent une juste application de la loi pénale;
Par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges qu'elle fait siens, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Rejette les conclusions tendant à la mise hors de cause de Saul Franck A, Confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions. Rejette toutes conclusions plus amples ou contraires.