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Décisions

CA Rennes, 3e ch. corr., 17 février 2000, n° 99-00258

RENNES

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Premier président :

M. Aimot

Président de chambre :

M. Gayet

Substituts du Procureur général :

MM. Abrial, Mathieu

Conseiller :

M. Buckel

Avocat :

Me Lapalus

CA Rennes n° 99-00258

17 février 2000

Rappel de la procédure :

Le jugement :

Le Tribunal correctionnel de Nantes par jugement contradictoire en date du 3 décembre 1998, pour :

Tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise publicité mensongère ou de nature a induire en erreur a condamné L Patrice à 60 000 F d'amende; a ordonné l'affichage de la décision sur les portes du magasin Y de Rèze pendant un mois et la publication par extraits de la présente décision aux frais des condamnés dans le journal Ouest France et le journal Presse Océan sans que le coût de chaque insertion ne dépasse 3 000 F;

Tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise publicité mensongère ou de nature a induire en erreur a condamné L Rémy à 60 000 F d'amende; a ordonné l'affichage de la décision sur les portes du magasin Y de Rèze pendant un mois et la. publication par extraits de la présente décision aux frais des condamnés dans le journal Ouest France et le journal Presse Océan sans que le coût de chaque insertion ne dépasse 3 000 F;

Les appels :

Appel a été interjeté par Monsieur L Patrice, le 10 décembre 1998, sur les dispositions pénales; Monsieur L Rémy, le 10 décembre 1998, sur les dispositions pénales; M. le Procureur de la République, le 10 décembre 1998 à l'encontre de Monsieur L Rémy et de Monsieur L Patrice

La prévention :

Considérant qu'il est fait grief à :

L Rémy :

- d'avoir aux Sorinières, courant 1996, trompé sur les qualités substantielles de pulls présentés comme composés de 75 % de laine alors qu'ils ne comportent pas de cette matière.

Faits prévus et réprimés par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation.

- d'avoir aux Sorinières, courant 1996, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire eu erreur sur des pulls présentés comme comportant de la laine.

Faits prévus et réprimés par les articles L. 121.-1, L. 121-5, L. 121-6 al. 1, L. 121-6, L. 121-4, L. 213-1 du Code de la consommation.

L Patrice :

- d'avoir aux Sorinières courant 1996, trompé sur les qualités substantielles de pulls présentés comme composés de 75 % de laine alors qu'ils ne comportent pas de cette matière.

Faits prévus et réprimés par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation.

- d'avoir aux Sorinières, courant 1996, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur des pulls présentés comme comportant de la laine.

Faits prévus et réprimés par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 al.1, L. 121-6, L. 121-4, L. 213-1 du Code de la consommation.

En la forme :

Considérant que les appels sont réguliers et recevables en la forme

Au fond :

Considérant qu'il ressort du dossier et des débats les éléments suivants :

Le 29 décembre 1993, était immatriculée au Registre du Commerce et des sociétés tenu par le greffe du Tribunal de commerce de Nantes, une SARL dénommée X, sise <adresse>, ayant pour objet le commerce de gros d'articles d'habillement, de sport, de chaussures et de tous autres articles d'équipement de la personne.

Rémy L et Patrice L étaient co-gérants, avec d'autres personnes, de cette société.

Celle-ci constituait, en réalité, une centrale d'achats approvisionnant les magasins à l'enseigne Y.

Précisément, Rémy L et Patrice L se trouvaient être également co-gérants de la SARL Y, exploitant un magasin répondant à cette même dénomination, implantée <adresse>à Rèze.

Immatriculée le 2 septembre 1987 au Registre du Commerce et des sociétés tenu par le greffe du Tribunal de commerce de Nantes, elle avait pour objet le négoce d'articles d'habillement, de sports, de chaussures, d'articles de Paris, de jouets, de tous autres articles complémentaires ou connexes pour l'équipement de la personne, ainsi que la vente ambulante au détail de tous ces articles.

Courant janvier 1995, la SARL X commandait à la société Z, sise à Montale en Italie, 33 600 pulls pour femme à col montant et 33 600 pulls pour femme à col roulé. Sur la facture délivrée à X le 12 janvier 1995, ces articles étaient présentés comme composés à 80 % de Lambswool et à 20 % de nylon.

Début octobre 1996, la SARL Y faisait réaliser et diffuser un tract publicitaire, intitulé "MAXI-ECONOMIES", proposant à la vente, pendant la période comprise entre le 1er et le 20 octobre 1996, ces pulls, au prix unitaire de 39 F, au lieu de 69 F. Ce tract spécifiait que ces produits étaient composés :

* de laine à 75 % ;

* de polyamide à 20 % ;

* d'autres Libres à 5 %.

Le 5 octobre 1996, un consommateur se présentait au magasin sus-visé et faisait l'acquisition d'un des articles, objet de la publicité. S'apercevant que le pull qu'il avait acheté était en réalité composé d'un mélange de matières n'ayant rien à voir avec une qualité Lambswool, il saisissait, par lettre du 11 octobre 1996, la Direction départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes de Loire-Atlantique.

Le 18 octobre 1996, deux agents de ce service se présentaient dans les locaux du magasin Y à Rèze.

A l'extérieur du commerce, ils relevaient la présence d'une affiche de 4 mètres sur 3, reprenant les énonciations figurant sur le tract publicitaire diffusé.

A l'intérieur, ils remarquaient que des pulls de divers coloris étaient disposés dans des bacs ; que chacun d'entre eux comportait une étiquette de composition spécifiant :

80 % Lambswool; 20 % polyamide", mentions différant tant de celles contenues dans le tract que de celles figurant sur l'affiche.

Ils prélevaient, en trois échantillons, le pull Lambswool objet de la plainte, en présence de Mireille L, responsable du magasin Y et de Rémy L, co-gérant des SARL Y et X.

Ces échantillons comportaient chacun trois étiquettes, les deux premières mentionnant notamment : "LAMBSWOOL-THE BEST QUALITY" et la troisième spécifiant : "Made in Italy - 80 % Lambswool ; 20 % Polyamide".

L'un d'entre eux était transmis, pour analyse, au Laboratoire lnter-régional de la Répression des Fraudes à Paris-Massy, le rapport de ce service, en date du 25 novembre 1996, déterminait que cet article contenait :

* 26 % de fibres protéiniques;

* 30 % de polyamide ;

* 30 % d'acrylique;

* 13 % de polyester;

* 1 % d'autres fibres;

Qu'en conséquence, la composition annoncée ne correspondait pas à la réalité.

Procès-verbal du chef de tromperie sur la composition des marchandises vendues était, en conséquence, dressé le 10 décembre 1996 à l'endroit de Rémy L et de Patrice L lesquels, en leur qualité de co-gérants de la SARL X et, par conséquent, de premiers importateurs des vêtements qu'ils commercialisaient auprès des magasins à l'enseigne Y, se devaient de procéder, avant toute diffusion, à des auto-contrôles sur ces articles afin d'en vérifier la composition, conformément aux dispositions de l'article L. 212-1 du Code de la consommation.

Entendu par les gendarmes de la Brigade de Rèze le 11 février 1997, Rémy L se bornait à indiquer qu'au vu de l'enquête réalisée par la Direction départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes de Loire-Atlantique, la SARL X était elle-même fondée à déposer plainte avec constitution de partie civile contre la société italienne Z, pour tromperie.

Son frère, Patrice L, s'en rapportait aux déclarations faites par Rémy L.

Le Parquet de Nantes faisait, en définitive, diligenter contre eux des poursuites pénales non seulement pour tromperie, mais aussi du chef de publicité mensongère;

Devant les premiers juges, Rémy et Patrice L sollicitaient, à titre principal, leur renvoi pur et simple des fins de la poursuite, en invoquant leur bonne foi. Ils faisaient valoir :

* que la facture concernant les 67 200 pulls achetés à la société Z mentionnait que ces articles étaient composés à 80 % de Lambswool ;

* qu'ils n'avaient aucune raison de douter de la véracité de ces mentions, ayant des relations commerciales usuelles et franches avec cette société;

* que consécutivement aux résultats d'analyse, ils ont déposé plainte avec constitution de partie civile contre ladite société italienne. L'information judiciaire étant en cours ;

* qu'ils leur arrivaient d'acheter divers lots de pulls de qualités et de matières mélangées; qu'en présence de ces compositions multiples, ils ne mentionnaient alors que "la plus positive".

Ils admettaient toutefois qu'au moment du contrôle, ils avaient offert à la vente des pulls comportant une proportion de laine inférieure à celle mentionnée dans la publicité, voire pas de laine du tout.

Ils ajoutaient que devant le succès de cette opération promotionnelle, ils avaient été contraints de s'approvisionner auprès d'autres fournisseurs qui ne leur avaient pas vendu des marchandises de bonne qualité.

Ils déclaraient ainsi reconnaître les faits, précisant qu'ils auraient dû s'abstenir de mettre ces articles en vente.

A titre subsidiaire, les deux prévenus demandaient au tribunal de surseoir à statuer, dans l'attente de la clôture de l'information judiciaire en cours, relative à leur plainte.

Considérant que, dans leurs écritures en cause d'appel, les prévenus renouvellent leur demande tendant à ce qu'il soit sursis à statuer ;

Considérant, sur le fond, que Patrice et Rémy L font valoir :

* que la SARL X est constituée de 9 associés, tous co-gérants ; qu'eux seuls ont été poursuivis, à l'exclusion des 7 autres ; qu'aucun élément de l'enquête diligentée par les agents de la Direction départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes de Loire-Atlantique ne permettait de leur imputer personnellement les faits objet des poursuites; que par application des dispositions de l'article 121-1 du Code pénal, leur relaxe s'impose ;

* qu'au surplus, leur bonne foi est entière; que le responsable de la première mise sur le marché, au sens de l'article L. 212-1 du Code de la consommation, n'est pas la SARL X, mais la société italienne Z ; que c'est à celle-ci qu'il appartenait de procéder aux vérifications nécessaires quant à la conformité de ces articles aux prescriptions en vigueur concernant la loyauté des transactions commerciales et à la protection des consommateurs; qu'en tout état de cause, ils se sont fiés à la facture de la société Z, indiquant que les pulls étaient composés à 80 % de laine d'agneau et à 20 % de nylon ; qu'ils n'avaient aucune raison de ne pas faire confiance à ce fournisseur, avec lequel ils travaillaient de manière régulière et qui leur remettait habituellement des certificats relatifs à la composition des marchandises livrées ; qu'en conséquence, le délit de tromperie n'était pas caractérisé à leur charge ;

* que pour ce qui est de l'infraction de publicité mensongère, le procès-verbal de prélèvement d'échantillons indique que les pulls litigieux étaient vendus au prix de 39 F, tandis que l'administration a effectué, au profit de la SARL X un remboursement de 49,50 F ; que l'échantillon analysé par le Laboratoire de la Répression des Fraudes porte une étiquette "LAMBSWOOL-THE BEST QUALITY - MADE IN FRANCE", alors que les pulls objet de la publicité incriminée, étaient fabriqués en Italie; qu'ainsi l'échantillon prélevé ne correspond pas à la marchandise visée par la publicité ; que le délit de publicité mensongère n'est pas constitué ;

Considérant, en conséquence, qu'ils sollicitent la réformation du jugement déféré et leur renvoi pur et simple des fins des poursuites;

Sur ce

Considérant que c'est par des motifs pertinents, que la cour adopte, que les premiers juges n'out pas fait droit à la demande de sursis à statuer formulée par Patrick et Rémy L, en relevant qu'en achetant un article au magasin Y de Rèze, les consommateurs n'ont contracté qu'avec les responsables de ce commerce ; qu'ainsi la plainte déposée par la SARL X contre la société italienne Z ne concernait en rien ces consommateurs ; que le résultat de l'information judiciaire consécutive à cette plainte était donc sans effet sur les infractions reprochées aux prévenus, les seules victimes étant les acquéreurs du produit incriminé;

Considérant qu'en leur qualité d'associés co-gérants de la SARL X, ayant acheté les pulls litigieux auprès d'une société italienne, importé ces articles en France, puis mis ceux-ci à la disposition du magasin Y à Rèze, exploité par une SARL dont ils sont également co-gérants, Patrice et Rémy L ne sont pas fondés à invoquer les dispositions de l'article 121-1 du Code pénal, ceux-ci ayant personnellement commis les infractions qui leur sont imputées ;

Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 212-1 du Code de la consommation, l'importateur doit périodiquement contrôler que les marchandises importées sont conformes à la réglementation française ; qu'à l'évidence, l'importateur se trouve être le responsable de la première mise sur le marché national de tels produits ; qu'il appartenait, en conséquence, à Patrice et Rémy L, en leur qualité de co-gérants de La SARL X, de faire procéder à toutes vérifications utiles de nature a s assurer de la conformité des pulls qu'ils commercialisaient aux mentions relatives à leur composition; qu'ils se sont délibérément abstenus d'accomplir de telles démarches ;

Considérant que devant les premiers juges, les deux prévenus ont admis avoir été dépassés par le Succès de la vente promotionnelle qu'ils avaient organisée, au point de devoir faire appel à d'autres fournisseurs que ceux auxquels ils s'adressaient habituellement ; qu'ils reconnaissaient avoir mis en vente des pulls comportant une proportion de laine d'agneau inférieure à celle annoncée dans les documents publicitaires concernant l'opération commerciale précitée ; qu'ils avouaient que certains de ces articles ne renfermaient pas de laine du tout ; qu'ils ajoutaient que lorsqu'ils mettaient en vente des lots de pulls de qualités et de matières mélangées, ils ne faisaient figurer, dans la publicité concernant ces articles, que la "composition la plus positive" ;

Considérant que la valeur de 49,50 F se rapportant à l'échantillon appréhendé aux fins d'analyse par l'administration et figurant sur le procès-verbal de prélèvement correspond à celle qui a été déclarée par la responsable du magasin Y, laquelle a pu commettre une erreur portant sur le prix de vente de l'article considéré ; qu'en tout état de cause, le pull correspondant était bien un "LAMBSWOOL" ; que les documents publicitaires diffusés ne précisaient nulle part que la vente promotionnelle ne concernait que des produits fabriqués en Italie;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, ainsi que dus motifs non contraires des premiers juges, adoptés par la cour, que se trouvent être caractérisés, en tous leurs éléments, les délits de tromperie sur la composition de la marchandise vendue et de publicité mensongère reprochés à Patrice L et à Rémy L; qu'en conséquence, la décision déférée sera confirmée s'agissant de la qualification des faits et de la déclaration de culpabilité;

Considérant, en ce qui concerne les peines, que la cour trouve dans les documents du dossier et les débats des éléments lui permettant de faire aux prévenus une application différente de la loi pénale ; qu'en particulier, compte tenu de la teneur des articles de presse diffusés à l'occasion de la comparution de Patrice et de Rémy L devant les premiers juges, il n'y a pas lieu d'ordonner la publication du présent arrêt ;

Par ces motifs, LA COUR, Après en avoir délibéré conformément à la loi, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire à l'égard de L Patrice et de L Rémy, En la forme Reçoit les appels, Au fond Confirme le jugement sur la qualification des faits et la déclaration de culpabilité, Réforme sur l'application de la peine Condamne Patrice L et Rémy L à soixante mille francs (60 000 F) d'amende chacun; Prononce la contrainte par corps à l'égard des deux condamnés; Dit n'y avoir lieu à publication du présent arrêt; La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F dont est redevable chacun des condamnés, Le tout par application des articles susvisés, des articles 800-1, 749 et 750 du Code de procédure pénale.