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Décisions

CA Paris, 13e ch. A, 28 septembre 1999, n° 98-04649

PARIS

Arrêt

Infirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guilbaud

Avocat général :

M. Blanc

Conseillers :

MM. Seltensperger, Buisson

Avocat :

Me Jacquier.

TGI Paris, 31e ch., du 19 mai 1998

19 mai 1998

Rappel de la procédure:

La prévention:

L Yves est poursuivi pour avoir à Paris en 1995, trompé le consommateur sur les qualités substantielles, l'aptitude à l'emploi, les risques inhérents à l'utilisation et les précautions à prendre concernant le radiateur X en mettant à sa disposition un produit non conforme aux normes applicables et en ne mentionnant pas sur la notice d'accompagnement les avertissements et indications nécessaires à sa bonne utilisation

Le jugement:

Le tribunal, par jugement contradictoire, a déclaré L Yves

coupable de tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise, faits commis courant 1995, à Paris et sur le territoire national, infraction prévue par l'article L. 2 13-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation

et, en application de ces articles,

l'a condamné à 50 000 F d'amende

a ordonné la confiscation des marchandises saisies

a dit que cette décision est assujettie au droit fixe de procédure de 600 F dont est redevable le condamné.

Les appels:

Appel a été interjeté par:

- Monsieur L Yves, le 19 mai 1998

- M. le Procureur de la République, le 19 mai 1998 contre Monsieur L Yves

Décision:

Rendue contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur les appels relevés par le prévenu et le Ministère public à l'encontre du jugement précité auquel il convient de se référer pour l'exposé des faits et de la prévention;

Par voie de conclusions, Yves L demande à la cour de:

Vu la directive Basse Tension, le décret 95-1080 du 3 octobre 1995 et le décret 75-848 du 26 août 1975 modifié,

Vu l'article 8 du décret 75-848 du 26 août 1975,

Vu les articles 212-1 et 213-1 du Code de la consommation,

Vu le rapport établi par le LCIE (organisme désigné par arrêt du ministre chargé de l'Industrie pour se prononcer sur les problèmes de conformité), concluant à la conformité des appareils X aux règles de l'art et aux décrets de 1975 et 1995;

- dire et juger que le radiateur X est conforme aux règles de l'art et par conséquent aux "prescriptions en vigueur" telles qu'exigées par l'article L. 212-1 du Code de la consommation,

En conséquence,

- dire le délit non constitué faute d'élément matériel, Vu le certificat Cenelec délivré aux appareils X en 1991 et 1994, Vu les procédures de contrôle 150 9002 effectuées par Monsieur L,

- constater que Monsieur L a procédé aux vérifications de conformité exigées par l'article L. 212-1 du Code de la consommation,

En conséquence,

- dire et juger que les diligences et précautions mises en œuvre par Monsieur L excluent tout élément intentionnel, à défaut duquel le délit de tromperie n'est pas constitué,

- dire que le délit prévu aux articles L. 213-1, L. 216-2 et L. 216-3 du Code de la consommation n'est pas constitué,

En conséquence,

- déclarer Monsieur L bien fondé en son appel, Y faisant droit,

- réformer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

- prononcer la relaxe pure et simple de Monsieur L;

Monsieur l'Avocat général s'en rapporte à l'appréciation de la cour;

Considérant qu'il est reproché à M. Yves L, gérant de la SARL Y sise à Paris, d'avoir commis le délit de tromperie en commercialisant des radiateurs électriques non conformes aux normes de sécurité;

Qu'un contrôle effectué le 11 octobre 1995 au magasin à l'enseigne Monsieur Bricolage à Argenton-sur-Creuse a permis de constater la mise en vente de radiateurs soufflants mobiles de marque X-Y dont le fournisseur était la SARL Y à Paris;

Qu'afin de s'assurer de leur conformité aux normes de sécurité, un prélèvement en trois échantillons a été effectué pour analyse;

Que le 27 décembre 1995, le laboratoire interrégional de la Répression des Fraudes de Paris-Massy concluait à la non-conformité et à la dangerosité des appareils;

Considérant que le fabricant italien, contestant la norme utilisée comme référence par le laboratoire (NF EN 60 335-2-30) au motif que celle-ci n'était applicable qu'à compter d'octobre 1996, un nouveau rapport - remplaçant et annulant celui édité le 27 décembre 1995) était établi le 28 février 1998 par le même laboratoire sur la base de l'ancienne norme (NFC 73 630) qui confirmait la non-conformité et la dangerosité du produit;

Considérant que l'expertise contradictoire sollicitée par la défense et réalisée par Me Bernard Trouttet du laboratoire central des industries électriques (LCLE) concluait, le 12 juin 1997 à deux non-conformités à la norme NFC 73 630 ne devant toutefois pas être considérées comme de nature à faire courir un danger à l'utilisateur;

Considérant que reprenant successivement les points de non-conformité soulevés par la Direction de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, le LCIE indiquait:

- Point n° 1: défaut d'indications sur la notice d'instruction

"Bien que les avertissements demandés par le laboratoire de Massy soient indéniablement pertinents, ces non-conformités ne doivent pas être considérées comme de nature à faire courir un danger à l'utilisateur";

- Point n° 2: ligne de fuite et distance dans l'air

"La valeur de la distance à travers l'isolation est de 1,87 mm alors que la valeur prescrite est de 2,0 mm;

La non-conformité correspond donc à un écart de moins 6,5 % par rapport à cette valeur.

Compte-tenu des performances du matériau isolant (qui a été vérifié par des essais complémentaires pour ce qui concerne sa résistance aux chocs, sa tenue électrique et sa résistance à la chaleur), cet écart ne peut pas être considéré comme de nature à faire courir un danger à l'utilisateur.

Le jugement du laboratoire de Massy concluant au danger est excessif."

Considérant que par ailleurs, le laboratoire central des industries électriques précisait le 7 novembre 1997 (D 69. D 70)

"En prolongement de notre rapport, nous vous confirmons les points suivants:

Le décret n° 95-1080 du 3 octobre 1995 pris en application de la directive 73-23-CEE du 19 février 1973, modifiée par la directive 93-68-CEE du 22 juillet 1993, requiert que le radiateur en cause soit conforme "aux règles de l'art" (exigence essentielle de sécurité).

La conformité d'un produit aux "règles de l'art" n'implique pas que celui-ci soit nécessairement conforme à l'intégralité des prescriptions de la norme le concernant: en cas de non-respect de certaines prescriptions, ces non-conformités doivent être examinées au cas par cas afin de déterminer si elles sont ou non susceptibles d'induire un danger;

Dans le cas du radiateur en cause, le rapport d'expertise conclut que les deux non-conformités à la norme ne doivent pas être considérées comme de nature à faire courir un risque à l'utilisateur;

En conséquence, ce produit est conforme aux règles de l'art et satisfait donc aux exigences du décret n° 95-10 81";

Considérant que le texte fondamental en matière de sécurité des personnes est la "directive Basse Tension" dont le dernier état figure dans le décret 95-10-81 du 3 octobre 1995, lui-même précédé du décret 7 5-848 du 26 août 1975, en vigueur jusqu'au 1er janvier 1997;

Considérant que le décret 75-848 du 26 août 1975 précédant le décret 95-1081 et applicable en l'espèce précise:

"Article 2: les matériels visés doivent être conçus, conformément aux règles de l'art, en sorte qu'en cas d'installation et d'entretien non défectueux et d'utilisation conformes, ils ne compromettent pas la sécurité des personnes.

Article 6: sont réputés conformes aux règles de l'article 2 tous les matériels conformes aux normes harmonisées établies d'un commun accord par les organismes chargés de la normalisation dans les Etats membres de la Communauté Economique européenne, et publiés selon la procédure des normes françaises homologuées ou enregistrées";

Considérant qu'il résulte de ces dispositions:

- d'une part que pour être importés et vendus, tes appareils doivent être fabriqués conformément "aux règles de l'art" prévalant en matière de sécurité,

- d'autre part, que le respect des normes est une simple présomption de conformité aux règles de l'art,

Considérant que sur un plan hiérarchique, c'est la directive Basse Tension (directive CE n° 7323) qui prévaut sur la norme;

Que d'ailleurs, l'article 8 du décret 75 848 prévoit expressément la possibilité de vendre des appareils non conformes aux normes dès lors qu'ils répondent aux exigences de l'article 2, c'est-à-dire qu'ils sont conformes aux règles de l'art et donc, ne compromettent pas la sécurité des personnes;

Considérant en l'espèce que les travaux du LCIE démontrent que les matériels litigieux sont conformes aux règles de l'art et dépourvus de dangerosité;

Considérant que dans ces conditions, les éléments constitutifs du délit de tromperie n'étant pas réunis, la cour, infirmant le jugement entrepris, relaxera Yves L des fins de la poursuite;

Par ces motifs, LA COUR Statuant publiquement et contradictoirement, Infirme le jugement dont appel, Renvoie Yves L des fins de la poursuite.