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Décisions

CA Paris, 11e ch. A, 4 octobre 1999, n° 97-07316

PARIS

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Charvet

Conseillers :

MM. Valantin, Deletang

Avocat :

Me François.

Avocat général :

M. Bartoli

TGI Melun, 3e ch., du 27 mars 1998

27 mars 1998

Rappel de la procédure:

La prévention:

T Jean-Pierre est poursuivi par le Ministère public pour:

1°) avoir à Grisy Suisnes, entre octobre 1992 et avril 1993, exercé à but lucratif une activité de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services ou accompli un acte de commerce, en l'espèce, en exerçant l'activité d'entrepreneur de maçonnerie et menuiserie sans requérir son immatriculation au registre du commerce ou au répertoire des métiers alors qu'elle était obligatoire et sans procéder aux déclarations fiscales et sociales obligatoires,

infraction prévue par les articles L. 362-3, L. 324-9, L. 324-10, L. 324-11, L. 143-3, L. 143-5, L. 620-3 du Code du travail et réprimée par l'article L. 362-3 du Code du travail

2°) avoir à Paris, entre octobre 1992 et avril 1993, trompé ou tenté de tromper M. Marc Vincent et Mme Patricia Fontanillas, contractants, sur la nature, l'origine, les qualités substantielles d'une prestation de service vendue, en menuiserie, maçonnerie artisanale alors qu'il n'était pas inscrit en qualité d'artisan au répertoire des métiers ni en qualité de commerçant au registre du commerce,

infraction prévue par les articles L. 213-1, L. 216-1 du Code de la consommation et réprimée par l'article L. 213-1 du Code de la consommation;

Le jugement:

Le tribunal, par jugement contradictoire à signifier, a déclaré T Jean-Pierre coupable des faits qui lui sont reprochés,-et, en application des articles susvisés,

l'a condamné à 3 mois d'emprisonnement avec sursis;

Sur l'action civile

a dit recevables en la forme les constitutions de partie civile de Mlle Fontanillas Patricia et de M. Vincent Marc,

a condamné Jean-Pierre T à payer à Mile Fontanillas et M. Vincent Marc les sommes de 172 848 F à titre de dommages-intérêts et de 2 500 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;

Les appels:

Appel a été interjeté par:

Monsieur T Jean-Pierre, le 4 août 1997

M. le Procureur de la République, le 4 août 1997 contre Monsieur T Jean-Pierre

Arrêt de la cour d'appel:

Par arrêt de défaut à l'égard du prévenu, contradictoire à l'égard des parties civiles, en date du 7 septembre 1998, cette chambre de la cour a confirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions, étant précisé que les faits poursuivis constituent le délit de travail dissimulé tel qu'incriminé par l'article L. 324-10 du Code du travail dans sa rédaction issue de la loi du 11 mars 1997;

y ajoutant, a dit que la somme mise à la charge de M. T sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale sera portée à 5 000 F, soit 2 500 F pour chacune des victimes, pour tenir compte des frais non compris dans les dépens mais exposés par M. Vincent et Mile Fontanillas tant devant le tribunal que devant la cour,

Opposition:

Par courrier en date du 16 octobre 1998, M. Jean-Pierre T a déclaré former opposition à l'arrêt de défaut susvisé.

Décision:

Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,

M. Jean-Pierre T a, par lettre recommandée adressée le 17 octobre 1998 à M. le Procureur général qui l'a reçue le 20, formé opposition à un arrêt rendu par défaut par cette chambre de la cour, le 7 septembre 1998 et dont M. T a pris connaissance le 9 octobre 1998.

Par cet arrêt, la cour a confirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions, précisant que tes faits poursuivis constituaient désormais le délit de travail dissimulé et a porté la somme mise à la charge de M. T sur le fondement de l'article 475-1 du CPP à 5 000 F.

Du fait de l'opposition de M. T, la cour est à nouveau saisie des appels formés par M. Jean-Pierre T et par le Ministère public, le 4 août 1997, des dispositions du jugement rendu contradictoirement à l'égard de M. T par application de l'article 410 du CPP, par le tribunal correctionnel de Melun le 27 mars 1997 (mais non signifié).

Ce jugement a déclaré M. T coupable d'avoir à Grisy Suisnes, entre octobre 1992 et avril 1993, exercé à but lucratif une activité de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services, ou accompli un acte de commerce, à savoir entrepreneur en maçonnerie et menuiserie, sans requérir son immatriculation obligatoire au répertoire des métiers ou au registre du commerce et des sociétés, et sans procéder aux déclarations fiscales et sociales obligatoires et d'avoir trompé ou tenté de tromper M. Marc Vincent et Mme Patricia Fontanillas, sur la nature, l'origine, les qualités substantielles d'une prestation de service vendue, en l'espèce en effectuant des prestations de rénovation, menuiserie, maçonnerie artisanale alors qu'il n'était pas inscrit en qualité d'artisan au répertoire des métiers, ni en qualité de commerçant au répertoire du commerce et des sociétés.

Le tribunal l'a condamné à trois mois d'emprisonnement avec sursis et à payer à Mlle Fontanillas et à M. Vincent 172 848 F de dommages-intérêts et 2 500 F au titre de l'article 475-1 du CPP.

Devant la cour,

M. T a été régulièrement cité. Cependant, il ne résulte pas des pièces du dossier que M. T ait eu connaissance de la présente audience.

Dans ces conditions, il sera, de nouveau, jugé par défaut.

M. Vincent, partie civile, est représenté, tandis que Mme Fontanillas est présente et assistée.

Cet arrêt est, à l'égard de ces parties civiles, contradictoire.

Les faits poursuivis peuvent être ainsi résumés:

M. Vincent et Mlle Fontanillas ont déposé plainte à l'encontre de M. T, lui reprochant:

- diverses malfaçons dans la réalisation de travaux de rénovation sur leur propriété, travaux ayant donné lieu à un devis, en date du 12 octobre 1992, d'un montant de 59 386 F,

- la destruction de matériaux de récupération,

- l'abandon du chantier et la rétention des clés.

A l'occasion de leur litige, ils constataient que le numéro de registre du commerce mentionné sur le devis, à savoir 89 AC 40, correspondait au registre spécial des agents commerciaux, sur lequel M. T avait été inscrit puis radié, en novembre 1990.

M. T, entendu sur ces faits, reconnaissait avoir effectué des travaux de rénovation chez les plaignants, expliquant qu'il ne travaillait que le samedi et le dimanche et laissant entendre qu'il travaillait pour le compte de l'association "Maison Paysanne de France",

Cette association, dont le responsable a été entendu, a indiqué qu'elle avait pour vocation d'aider gratuitement ses membres à entretenir et restaurer leurs maisons anciennes; qu'elle avait intronisé, en 1991, M. T en tant que "délégué départemental" mais l'avait démis de ce rôle par lettre simple en date du 16 février 1993.

M. T ne s'est pas expliqué devant le tribunal. Dans sa lettre d'opposition il explique avoir été, à l'époque des faits, délégué régional bénévole de l'association "les maisons paysannes de France" et avoir commandé et monté des menuiseries PVC sur le pavillon de M. Vincent, celui-ci craignant de ne pas y parvenir.

Dans la lettre qu'il a adressé pour former opposition, M. T expose qu'il a procédé au montage des fenêtres pour rendre service à M. Vincent, et semble considérer qu'il était naturel de travailler, contre rémunération, pour M. Vincent sans être déclaré.

A l'audience, M. l'Avocat général a requis une peine qui ne soit pas inférieure à six mois d'emprisonnement ferme.

Le conseil de M. Vincent et de Mme Fontanillas a conclu à la confirmation, en toutes ses dispositions du jugement entrepris et à la condamnation de M. T au paiement d'une somme complémentaire de 5 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale pour les frais engagés devant la cour.

Sur ce

Considérant que M. T reconnaît avoir exercé l'activité d'entrepreneur en maçonnerie, sans requérir son immatriculation au registre du commerce ou au répertoire des métiers;

Qu'il est par ailleurs établi qu'il n'était même plus inscrit sur le registre des agents commerciaux;

Que le premier délit est donc bien établi;

Considérant que, en se présentant comme entrepreneur en maçonnerie et menuiserie auprès de M. Vincent et de sa compagne. Mme Fontanillas, M. T leur a laissé croire qu'il possédait la compétence nécessaire pour mener à bien les travaux qu'ils lui confiaient et que son activité était couverte par une assurance;

Qu'il a ainsi trompé ces derniers sur les qualités substantielles de la prestation de service qu'il avait accepté d'effectuer;

Que c'est donc à juste titre que le Tribunal correctionnel de Melun l'a déclaré coupable des infractions poursuivies;

Considérant que la peine infligée par les premiers juges tient parfaitement compte de la gravité des faits et de la personnalité du prévenu, qui a un casier judiciaire vierge;

Qu'elle sera donc confirmée;

Considérant, quant aux intérêts civils, que, en l'absence de la tromperie dont ils ont été victimes, M. Vincent et Mlle Fontanillas n'aurait pas accepté les services de M. T;

Qu'il ressort d'un avis de sachant et des photographies produites au dossier, que M. T, dont l'insuffisante compétence est manifeste, a posé les menuiseries du bâtiment appartenant à M. Vincent et Mlle Fontanillas sans prévoir de place, au niveau du linteau des ouvertures, pour le logement des volets roulants, de telle Sorte qu'il a été nécessaire de déposer les portes-fenêtres, les fenêtres et les linteaux, d'acquérir des coffrets pour accueillir les volets roulants, refaire des linteaux, fournir et poser de nouvelles fenêtres en remplacement, qu'il a enduit les murs extérieurs, sans préalablement passer une (manque texte.)

Qu'il a pourtant été réglé du montant des travaux tel qu'il l'évaluait lui-même;

Que le préjudice causé par les infractions qu'il a commises est donc égal au montant total des travaux qu'il sera nécessaire d'effectuer pour parvenir au résultat que M. Vincent et Mlle Fontanillas attendaient de M. T;

Qu'au vu des éléments dont disposait le tribunal et qui sont soumis à la cour, ce préjudice se monte à 172 848 F;

Que c'est donc à bon droit que le tribunal a évalué à ce montant les dommages-intérêts qu'il a mis à la charge de M. T;

Considérant que l'équité conduit la cour à porter à 7 000 F la somme que M. T devra verser, aux deux parties civiles (chacune pour moitié), pour leurs frais non compris dans les dépens engagés devant le tribunal et la cour;

Par ces motifs, Statuant, après en avoir délibéré conformément à la loi, publiquement, par défaut envers M. Jean-Pierre T et contradictoirement à l'égard des deux parties civiles, Reçoit l'opposition formée par M. T à l'arrêt de cette chambre de la cour en date du 7 septembre 1998, mettant à néant ledit arrêt et statuant à nouveau, Recevant les appels interjetés, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, Y ajoutant, dit que la somme mise à la charge de M. T sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale sera portée à 7 000 F, soit 3 500 F pour chacune des victimes, pour tenir compte des frais non compris dans les dépens mais exposés par M. Vincent et Mlle Fontanillas tant devant le tribunal que devant la cour; Compte tenu de l'absence du condamné au prononcé de la décision, le président n'a pu lui donner l'avertissement prévu par l'article 132-29 du Code pénal. La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F dont est redevable le condamné.