CA Paris, 13e ch. A, 14 avril 1999, n° 98-05878
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Guilbaud
Conseillers :
MM. Castel, Seltensperger
Avocat :
Me Brouard.
Avocat général :
M. Blanc
Rappel de la procédure :
La prévention :
C Maurice est poursuivi pour avoir, en octobre et novembre 1996, à Etampes, Saint-Vrain, Bouray sur Juine, en tout cas sur le territoire national et depuis temps n'emportant pas prescription, trompé ou tenté de tromper les consommateurs, même par l'intermédiaire d'un tiers, sur les qualités substantielles d'une marchandise, en l'espèce des conserves de cervelles de boeuf alors que la commercialisation de ce produit était interdite par l'arrêté ministériel du 10 septembre 1996.
Le jugement :
Le tribunal, par jugement contradictoire, a :
Déclaré C Maurice coupable de tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise,
Faits commis en octobre 1996 et novembre 1996, à Etampes, Saint-Vrain, Bouray sur Juine, sur le Territoire national,
Infraction prévue par l'article L. 213-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation
Et, en application de ces articles,
Vu les articles 132-29 à 132-34 du Code pénal,
L'a condamné à 2 mois d'emprisonnement avec sursis et 20 000 F d'amende,
Aussitôt le Président lui a donné l'avertissement prévu par l'article 132-29 du Code pénal,
Ordonné à titre de peine complémentaire la publication jugement, par extrait, dans "Le Parisien" et "Le Républicain" éditions de l'Essonne, aux frais du condamné,
A dit que cette décision était assujettie au droit fixe de procédure de 600 F dont est redevable le condamné,
Vu l'article 473 du Code de procédure pénale,
Dit que la contrainte par corps s'exercerait, en cas de besoin, conformément aux articles 749 et suivants du Code de procédure pénale.
Les appels :
Appel a été interjeté par :
Monsieur C Maurice, le 30 janvier 1998, sur les dispositions pénales et civiles
M. le Procureur de la République, le 3 février 1998 contre Monsieur C Maurice;
Décision :
Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant sur les appels relevés par le prévenu et le Ministère public à l'encontre du jugement précité, auquel il convient de se référer pour l'exposé des faits et de la prévention;
Maurice C, présent à l'audience, assisté de son conseil, sollicite sa relaxe, soutenant que le délit qui lui est reproché n'est constitué ni dans son élément matériel ni dans son élément moral;
Il expose en effet que s'il a vendu des boîtes de conserves contenant des cervelles de boeuf alors que leur commercialisation était interdite s'agissant des cervelles de bovins âgés de plus de six mois, il n'existe aucune certitude sur ce dernier point, et qu'il ignorait l'interdiction, pour n'en avoir été informé que postérieurement à la vente des dites boites ;
Rappel des faits
La société à responsabilité limitée X, grossiste et négociant en produits alimentaires, dont le prévenu était le gérant, fournit les boulangeries, pâtisserie, charcuteries et collectivités en produits alimentaires qu'elle achète, s'agissant de conserves de cervelles de boeuf notamment à la société Y et à la société Z;
Le 10 octobre 1996, Maurice C a acheté à la société Z douze boites de conserves de cervelles de boeuf qu'il a revendues, courant octobre 1996, à trois boulangers alors qu'un arrêté du 10 septembre 1996 avait interdit la commercialisation de ce produit;
Sur ce
Considérant qu'un arrêté du 10 septembre 1996 paru au journal officiel le 12 septembre, pris en application de l'article L. 221 du Code de la consommation a suspendu, au niveau de la filière bovine, la commercialisation et la mise à la consommation de certains tissus animaux, notamment l'encéphale des bovins de plus de six mois;
Considérant que le prévenu fait valoir que, si l'enquête n'a pas permis d'établir que les cervelles par lui acquises en octobre 1996 provenaient effectivement de bovins âgés de plus de six mois, il y a lieu de constater, d'une part, que la mention "cervelles de boeuf" a toujours figuré dans les documents commerciaux produits ainsi que sur l'étiquette des boites de conserves litigieuses, d'autre part' que, aux termes de leurs déclarations, le prévenu et le gérant de la société Z, comme d'ailleurs le directeur général adjoint de la société Y, fournisseur habituel de la société C, n'ont jamais soutenu avoir commercialisé des cervelles de veau;
Considérant que, si ce n'est qu'à la réception d'une lettre que lui a fait parvenir, le 15 novembre 1996, son fournisseur habituel, la société Y à Bressuire, qu'il a été informé par écrit que les conserves de cervelles de boeuf ne pouvaient pas être commercialisées, il y a lieu de relever que le prévenu a déclaré aux services de police qu'en septembre 1996, il avait demandé à cette société de lui vendre 15 boites de cervelles de boeuf et que celle-ci lui avait répondu que, compte tenu de la crise "de la vache folle", elle attendait une autorisation des services vétérinaires des Deux-Sèvres, de commercialiser ce produit de sorte que, pressé par ses clients, il s'était adressé à un autre de ses fournisseurs, la société Z, laquelle avait accepté de lui vendre, sans aucune réserve, douze boites le 9 octobre 1996;
Qu'ainsi, à supposer qu'il n'ait pas pris connaissance de l'arrêté du 10 septembre 1996, le prévenu qui, s'il n'est pas un professionnel de la viande, est un professionnel de l'alimentation, avait eu l'attention attirée sur les difficultés entraînées par la "crise de la vache folle";
Que son fournisseur habituel ayant refusé de satisfaire sa commande en lui déclarant attendre une autorisation des services vétérinaires de commercialiser les cervelles de boeuf, le prévenu, ainsi alerté, ne peut, pour contester l'existence de l'élément moral de l'infraction qui lui est reprochée, invoquer le fait que la société Z, son vendeur, ne l'avait elle-même informé ni d'un quelconque risque inhérent à ce produit ni de l'interdiction de sa commercialisation;
Considérant que le prévenu a également déclaré qu'il a revendu ces boites sans se faire de souci, pensant que cela ne créait pas de danger dans la mesure où les bêtes abattues étaient françaises, mais que l'arrêté du 10 septembre ne fait aucune distinction entre tes bovins français et ceux qui ne le sont pas ;
Considérant en conséquence qu'il y a lieu de confirmer le jugement déféré sur la déclaration de culpabilité;
Que, toutefois, il y a lieu de faire au prévenu, qui n'a jamais été condamné, une application moins sévère de la loi pénale pour mieux tenir compte de sa personnalité
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement Confirme le jugement déféré sur la déclaration de culpabilité, L'infirme en répression, Condamne Maurice C à la peine de 10 000 F d'amende avec sursis.