CA Aix-en-Provence, 5e ch. corr., 22 avril 1999, n° 99-282
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lapeyrere
Substitut général :
M. Hubac
Conseillers :
MM. Rajbaut, Malatrasi
Décision :
Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,
M. Peter R a été renvoyé par ordonnance du juge d'instruction en date du 23 février 1996 devant le Tribunal correctionnel de Grasse pour avoir à Mougins et sur le territoire national, entre le 1re janvier 1989 et le 13 novembre 1989 et en tout cas depuis temps non couvert par la prescription :
Par la production de factures mensongères, trompé ou tenté de tromper ses cocontractants sur la nature, l'espèce, l'origine, les qualités substantielles de caviar, en l'espèce en vendant 495, 210 kg de caviar Beluga russe et 110, 406 kg de caviar Beluga iranien alors qu'il s'agissait de caviar d'Osciètre iranien, 17, 005 kg de caviar d'Osciètre russe alors qu'il s'agissait de caviar d'Osciètre iranien et 172, 258 kg de caviar Sévruga russe alors qu'il s'agissait de caviar d'Osciètre iranien,
Faits prévus et réprimés par les articles L. 213-1, L. 216-2 et L. 216-3 du Code de la consommation.
Diffusé une publicité comportant des allégations ou indications fausses sur la nature, la composition, les qualités substantielles, l'espèce, l'origine ou la qualité de caviar,
Faits prévus et réprimés par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 al. 1, L. 213-1 et L. 121-4 du Code de la consommation.
Par jugement contradictoire du 18 juin 1997 le tribunal a déclaré le prévenu coupable des faits qui lui sont reprochés et, en répression, l'a condamné à la peine de 50 000 F d'amende et a ordonné la publication par extrait du jugement aux frais du prévenu dans un journal de diffusion régionale et nationale sans que les frais de publication ne dépassent 30 000 F.
M. Peter R a régulièrement interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions par déclaration au Greffe en date du 23 juin 1997.
Le Ministère public a régulièrement interjeté appel incident le 24 juin 1997.
M. Peter R, régulièrement cité à domicile élu le 15 janvier 1999 en la personne de son avocat (accusé de réception signé le 19 janvier 1999 par son avocat) est absent. Le Ministère public a requis une peine de 100 000 F d'amende et la publication de la décision dans un journal régional et un journal national.
Sur ce :
Attendu qu'il sera statué par défaut à l'encontre de M. Peter R dont il n'est pas établi qu'il a eu personnellement connaissance de la citation.
Attendu que les appels sont réguliers pour avoir été interjetés dans les formes et délais légaux.
Attendu qu'il résulte des éléments du dossier et des débats que l'EURL X, sise à Mougins et dont M. Marcel Valluet est le gérant, conditionne et commercialise du caviar en provenance de Russie et d'Iran, que cette société fait partie du groupe X Holding SA dont le président est M. Peter R.
Attendu que la dénomination " caviar " ne s'applique qu'aux oeufs d'esturgeons, l'Iran et la Russie étant les deux principaux pays producteurs de caviar dont on distingue trois sortes en fonction de l'espèce d'esturgeon Béluga, Osciètre et Sévruga.
Attendu que la différence entre ces trois sortes de caviar réside en leur saveur, leur couleur et la grosseur des oeufs, le Béluga étant le plus renommé et le plus cher et le Sévruga le plus courant et le moins cher, que le caviar d'origine russe est généralement plus réputé que celui d'origine iranienne.
Attendu qu'à Mougins se trouve un atelier de conditionnement du caviar qui arrive de ses lieux de pêche en boîtes d'environ 1,650 kg avec indication de l'espèce de poisson et de son origine, que le personnel de la société X procède à un tri du produit et à un reconditionnement en boites métalliques ou en verre, le caviar étant conditionné sous vide ou pasteurisé.
Attendu que les agents de l'administration ont consulté les documents commerciaux et comptables de la société pour reconstituer la quantité exacte de marchandise sortie entre le 1re janvier et le 13 novembre 1989 en tenant compte des ventes, des retours de marchandises et des destructions et en distinguant chaque qualité et origine de caviar.
Attendu qu'il a ainsi été constaté des dépassements sur les ventes en ce qui concerne les caviars d'origine russe et le Béluga d'Iran tandis que des manquants existent pour l'Osciètre et le Sévruga d'iran.
Attendu en outre que certains caviar sont vendus par l'EURL X à la filiale du holding X à Londres, que ces produits étaient expédiés dans des boîtes démunies de tout étiquetage, les étiquettes étant envoyées séparément par la voie postale.
Attendu que les investigations de l'administration ont établi que le caviar ainsi vendu comme Béluga russe et iranien ou comme Osciètre russe était en fait de l'Osciètre iranien et que celui vendu comme Sévruga russe était du Sévruga iranien.
Attendu que les explications de M. Peter R selon lequel ces caviars étaient destinés à l'Arabie Saoudite où il serait impossible, pour des raisons politiques, de commercialiser du caviar d'origine iranienne, ne sont pas recevables dans la mesure où elles ne sauraient justifier que du caviar Osciètre soit présenté comme du Béluga, qu'en outre il est établi que du caviar Béluga iranien a bien été vendu sous cette indication d'origine.
Attendu que le caractère frauduleux de l'opération résulte également du mode opératoire choisi consistant en l'envoi distinct de boîtes non étiquetées et des étiquettes et en l'utilisation d'un système de double facturation, les factures détenues en comptabilité portant des mentions différentes de celles figurant sur les factures originales destinées aux clients et sur les bons de livraison.
Attendu que ces opérations effectuées à partir de l'EURL X de Mougins s'inscrivent dans une stratégie dictée et mise au point par le holding X présidé par M. Peter R, mettant en jeu plusieurs filiales du groupe.
Attendu qu'en mettant en vente du caviar Osciètre iranien sous la dénomination de caviar Béluga russe et iranien et de caviar Osciètre russe et en mettant en vente du caviar Sévruga iranien sous la dénomination de caviar Sévruga russe le prévenu s'est bien rendu coupable de tromperie sur les qualités substantielles et sur l'origine du produit, que les mentions ainsi fausses sur la qualité et l'origine de ces caviar constituent également le délit de publicité mensongère, des mentions écrites sur un bon de commande, une étiquette ou une facture présentant un caractère publicitaire.
Attendu dès lors qu'il convient de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a déclaré M. Peter R coupable des faits qui lui sont reprochés.
Attendu que les premiers juges ont prononcé une peine d'amende proportionnée à la nature essentiellement financière des infractions et à la personne du prévenu, que le jugement sera donc également confirmé de ce chef.
Attendu en revanche que ce jugement sera réformé sur la mesure accessoire de publication de la décision, qu'il convient en effet de préciser que le présent arrêt sera publié par extrait dans les journaux Nice Matin et Le Figaro aux frais exclusifs du condamné.
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, par arrêt de défaut, en matière correctionnelle. en la forme Reçoit les appels au fond Confirme le jugement attaqué en ce qu'il a déclaré M. Peter R coupable des faits qui lui sont reprochés et en ce qu'il l'a condamné à la peine de cinquante mille francs (50 000 F) d'amende. Le réforme partiellement pour le surplus et, statuant à nouveau, Ordonne la publication par extrait de l'arrêt dans les journaux Nice Matin et Le Figaro aux frais exclusifs du condamné. Le tout conformément aux articles visés au jugement, au présent arrêt, et aux articles 512 et suivants du Code de procédure pénale.