CA Angers, ch. corr., 29 octobre 1998, n° 98-00378
ANGERS
Arrêt
Infirmation partielle
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chesneau
Substitut général :
M. Féron
Conseillers :
MM. Jegouic, Midy
LA COUR,
Le Ministère public a régulièrement interjeté appel d'un jugement du Tribunal correctionnel de Nantes en date du 4 juillet 1995 qui, du chef de tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise, a relaxé Guy S.
Guy S ne comparaît pas bien que régulièrement cité à sa personne.
Le Ministère public a requis la condamnation du prévenu en considérant que les substances incriminées constituaient bien des additifs et à ce titre devaient être indiquées au consommateur, l'omission volontaire de cette information constitue la tromperie visée à la prévention.
Le prévenu est poursuivi pour avoir à Compiègne le 19 octobre 1992 et le 1er octobre 1992, trompé les consommateurs sur la composition des biscuits en ne mentionnant pas sur les emballages l'usage d'additifs alimentaires en l'espèce du carbonate d'ammonium dans la gamme "goûters fourrés" et du L. Cystéine dans la gamme "casse-croûtes".
Les 19 octobre et 1er décembre 1992, les agents des services de la Concurrence et de la Consommation se présentaient dans les locaux d'un établissement de la société X à Compiègne dont Guy S est Président du conseil d'administration. Cette entreprise fabrique des biscuits appelés "goûters fourrés" et "casse-croûtes". Interrogé sur l'odeur ammoniaquée dégagée par la cuisson, un responsable de la fabrication indiquait l'emploi du bicarbonate d'ammonium en tant qu'agent levant. Les contrôleurs faisaient remarquer l'absence d'indication de cet additif sur l'emballage.
Les enquêteurs remarquaient également sur les fiches de fabrication l'emploi de L. Cystéine dans la fabrication des "casse-croûtes" non indiqué sur l'emballage de commercialisation.
Dans le cadre de l'instruction de ce dossier, la société en cause contestait la classification en additif des produits utilisés par l'administration chargée du contrôle en invoquant la position de la profession. Elle demandait également la saisine des autorités européennes.
Au plan technique le prévenu souligne que l'emploi de la L. Cystéine est réalisé pour pallier l'absence d'autorisation en France du métabisulfite de sodium utilisé dans les autres états membres de la Communauté européenne. Cette substance se décompose et reste à l'état de traces dans le produit fini.
Le bicarbonate d'ammonium également utilisé en qualité d'auxiliaire de fabrication se décompose entièrement au moment de la cuisson.
Les responsables de la société anonyme X refusaient d'indiquer ces deux substances sur les emballages des produits concernés.
Or le décret du 7 décembre 1984 relatif à l'information du consommateur impose l'indication des ingrédients utilisés dans les denrées alimentaires préemballées. Ce même texte, en son article 11, impose l'énumération de tous les ingrédients. L'article 9 définit comme ingrédients tous les additifs utilisés dans la fabrication ou la préparation d'une denrée alimentaire et qui est encore présente dans le produit fini. Toutefois l'article 10 du décret stipule que ne sont pas considérés comme ingrédients notamment les auxiliaires de technologie.
Il résulte en outre du décret 89-674 du 18 septembre 1989 relatif aux additifs pouvant être employés dans l'alimentation humaine que sont ainsi considérées les substances habituellement non consommées comme aliments en soi et non utilisée comme ingrédient caractéristique dans l'alimentation, dont l'adjonction intentionnelle, dans un but technologique au stade de la fabrication, transformation, préparation, traitement, conditionnement, transport ou entreposage a pour effet, ou peut avoir raisonnablement pour effet, de devenir elle-même ou ses dérivés, directement ou indirectement un composant de ses denrées alimentaires.
L'incorporation du bicarbonate d'ammonium et de la L. Cystéine est prévue par l'annexe III de l'arrêté du 14 octobre 1991;
La classification souhaitée par les appelants de ces substances dans la catégorie des auxiliaires technologiques qui échapperaient à l'obligation d'information du consommateur, ne peut être retenue. Ces derniers se distinguent par les effets recherchés. Les additifs ont des effets permanents alors que les auxiliaires technologiques ont des effets transitoires.
De surcroît, le bicarbonate d'ammonium utilisé par la société des X comme agent levant basique pour alvéoler la texture de la pâte, n'est pas utilisé sous une forme chimiquement pure mais sous une forme comportant des résidus non volatils ainsi que des contaminants, en quantité inférieure aux tolérances légales.
Enfin, la réglementation (décret du 15 avril 1912), prévoit qu'un auxiliaire de fabrication ne peut être employé que s'il est autorisé, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
La L. Cysteine employée par la société X en remplacement du métabisulfite de sodium interdite par la réglementation, utilisée pour diminuer la force protéique de certaines farines est présente sous forme de traces dans le produit fini.
Ainsi la dispense d'indication des auxiliaires technologiques ne peut pas concerner le bicarbonate d'ammonium et la L. Cystéine, faute d'être autorisée en cette qualité.
Il convient de rechercher pour caractériser l'infraction si ces substances se retrouvent directement ou indirectement dans le produit fini.
S'il est admis que la L. Cystéine se retrouve dans le produit fini, au moins à l'état de traces, il n'est pas établi, en revanche que cet état de fait existe pour le bicarbonate d'ammonium pour lequel l'appelant justifie d'une étude relative à sa décomposition chimique pendant la cuisson. Une relaxe de ce chef sera donc prononcée.
La volonté de tromper sur la composition d'un produit résulte du fait da ne pas aviser le consommateur de l'utilisation de la L. Cystéine et ainsi de commercialiser un produit pouvant apparaître plus naturel que la concurrence en violation de l'obligation légale d'information du consommateur des ingrédients utilisés dans la fabrication d'une denrée alimentaire.
Par ces motifs, Statuant publiquement et par arrêt contradictoire à signifier; Infirme partiellement le jugement entrepris; Confirme la relaxe en ce qui concerne le bicarbonate d'ammonium; Condamne Guy S pour l'absence d'indication dans les ingrédients utilisés de la L. Cystéine; Ainsi jugé et prononcé par application de l'article 213-1 du Code de la consommation; En répression, le condamne à une amende de 20 000 F.