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Décisions

CA Paris, 12e ch. A, 25 avril 1994, n° 94-00345

PARIS

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bigay

Avocat général :

M. Romanetti

Conseillers :

M. Jacquinot, Mme Morat

Avocats :

Mes Mondaud, Remy.

TGI Paris, 31e ch., du 25 nov. 1993

25 novembre 1993

Rappel de la procédure:

Le jugement:

Le tribunal, par jugement contradictoire, a déclaré T Aïda:

Coupable d'infraction aux règles sur la publicité pharmaceutique ou médicale, de juin 1989 à octobre 1991, à Paris, infraction prévue par les articles L. 551, L. 552, L. 556 du Code de la santé publique et réprimée par l'article L. 556 du Code de la santé publique

Coupable de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, de juin 1989 à octobre 1991, à Paris, infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 al.1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6, L. 213-1 du Code de la consommation

Coupable d'escroquerie par emploi de manœuvres frauduleuses et usage de faux nom ou de fausse qualité, de juin 1989 à octobre 1991, à Paris, infraction prévue et réprimée par l'article 405 al. 1 du Code pénal et, en application de ces articles, l'a condamnée à 30 mois, mandat de dépôt, 200 000 F, publication.

Les appels:

Appel a été interjeté par:

Mademoiselle T Aïda, le 29 novembre 1993

M. le Procureur de la République, le 30 novembre 1993 contre Mademoiselle T Aïda

Décision:

Rendue contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

Devant la cour, Aïda T reconnaît avoir créé quatre sociétés pour la vente par correspondance de produits amincissants. A la suite de plusieurs plaintes adressées au Service de la répression des fraudes fiscales, il est apparu que ces sociétés étaient fictives, les produits commandés n'étant pas adressés aux personnes qui avaient envoyé des chèques de l'ordre de 600 à 800 F.

La première société dénommée X a été créée par la prévenue le 6 juin 1988. Elle devait commercialiser les produits d'amaigrissement W et Y. Les produits commandés n'ayant pas été livrés les premières plaintes en petit nombre ont été déposées. Le 15 mars 1990, la société a été mise en liquidation judiciaire avec un passif de 4 millions de F.

Par ailleurs, Aïda T créait une autre société dénommée X1 ayant le même objet et le même siège social <adresse>et destinée, d'après ses dires, à la vente des mêmes produits dans un "espace minceur" à créer avec les magasins "Euromarché" -

En juin 1990, dès la liquidation des deux sociétés précédentes, Aïda T créait la société X2 dont la gérante était Marguerite G. Cette société était spécialisée dans la vente des produits A et B.

Ces quatre sociétés ayant le même objet, la société dénommée Z, était créée par Aïda T le 26 juin 1991. Cette entreprise devait vendre le produit C.

En ce qui concerne le premier chef d'inculpation, le défaut de visa de publicité, un rapport du Directeur de la Pharmacie en date du 5 décembre 1991 souligne que les produits précités W, Y, A et B répondaient à la définition de médicaments et devaient faire l'objet d'une autorisation sur le marché. Les produits proposés étaient présentés comme pouvant favoriser une modification sur l'état physique ou psychologique ne pouvaient faire l'objet de publicité sans l'autorisation préalable d'un visa du ministère de la Santé.

La prévenue a reconnu ne pas avoir sollicité le visé en déclarant que les charges entraînées par cette procédure étaient trop lourdes pour lesdites sociétés.Il n'en résulte pas moins que les produits propres à la vente ont fait l'objet d'une ample publicité et que les chèques adressés ont été reçus et, pour la plupart, encaissés laissant supposer l'existence de sociétés structurées.

Le délit de publicité mensongère est, par ailleurs, établi. En se référant à la publicité effectuée dans la presse (Télé 7 Jours, Femme Actuelle, Télé Magazine etc...) il résulte que les produits proposés laissaient espérer la "perte de kilos sans effort", "des résultats spectaculaires en déployant un minimum d'effort sans régime spécial". Certains documents publicitaires promettaient la "perte d'un kilo par jour, de 3 à 5 kilos en 7 jours, 10 kilos par semaine."

L'analyse des produits proposés a fait apparaître qu'en aucun cas ils ne pouvaient être présentés comme ayant les vertus spectaculaire annoncées.

La prévenue a tenté de minimiser sa responsabilité en prétendant que les produits proposés à la vente n'étaient pas des produits miracles. Devant la cour Aïda T a déclaré qu'elle n'avait pas eu l'intention de nuire en proposant ces produits amaigrissants, mais elle a dû admettre que lesdits produits n'avaient d'effet que s'ils étaient complémentaires d'un régime alimentaire strict, ce que la publicité omettait volontairement.

Le délit d'escroquerie est parfaitement établi et reconnu. Durant plus de trois années Aïda T a encaissé de nombreux chèques en créant, en liaison avec son amie Marguerite G, quatre entreprises successives qui sont devenues toutes les quatre des sociétés fictives. Aïda T a continué à gérer ces sociétés, à développer toute une publicité alors qu'elle était en état de cessation de paiements. La prévenue n'a pas sérieusement contesté les faits qui lui sont reprochés. Elle a déclaré que le montant de ses escroqueries ne se chiffrait pas à 900 000 F mais à une somme d'environ 450 000 F.

Il est établi que Aïda T n'a pu honorer les commandes de ses clients. Malgré l'absence de stock et dans l'impossibilité de livrer la marchandise elle a continué à envoyer ses dépliants publicitaires lui permettant de recevoir et d'encaisser rapidement des chèques de l'ordre d'environ 800 F.

C'est à bon droit que les premiers juges ont retenu la culpabilité de la prévenue;le jugement dont appel sera confirmé sur ce point.

En ce qui concerne les peines, pour mieux tenir compte de la personnalité de la prévenue, la cour réduira la durée de la peine d'emprisonnement ainsi que le montant de l'amende.

Une peine d'emprisonnement ferme est toutefois nécessaire en raison de la multiplicité des délits reprochés à la prévenue et de la continuité de ses agissements délictueux pendant plus de trois années.

Cette peine d'emprisonnement, indispensable, compte tenu du trouble causé à l'ordre public, trouble qui subsiste, sera pour partie assortie d'un sursis avec mise à l'épreuve avec pour obligation d'indemniser les victimes.

La cour ordonnera la publication de l'arrêt dans deux magazines.

Le maintien en détention de la prévenue, déjà condamnée, est nécessaire pour prévenir le renouvellement des infractions.

Par ces motifs, et ceux non contraires des premiers juges, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en second ressort, - Confirme le jugement frappé d'appel sur la culpabilité de Aïda T. Infirmant sur la peine, La condamne à 20 mois d'emprisonnement dont 5 mois avec sursis et mise à l'épreuve pendant 3 ans avec l'obligation d'indemniser les victimes. Ordonne son maintien en détention. La condamne, en outre, à 50 000 F d'amende. Ordonne la publication du présent arrêt, par extrait, aux frais de Aïda T dans les journaux Télé 7 Jours et Femme Actuelle, sans que le montant d'insertion dépasse la somme de 10 000 F. Sitôt le prononcé de la peine, M. le Président a donné à la condamnée l'avertissement prévu par l'article 132-40 du NCP.