CE, 1re et 2e sous-sect. réunies, 15 février 2002, n° 226462
CONSEIL D'ÉTAT
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Body Well France (Sté)
Défendeur :
Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Rapporteur :
M. Eoche-Duval.
LE CONSEIL D'ETAT: - Vu l'ordonnance en date du 12 octobre 2000, enregistrée le 24 octobre 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président du Tribunal administratif d'Amiens a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 81 du Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, alors applicable, la demande présentée à ce tribunal par la société Body Well France; - Vu la demande, enregistrée le 24 mai 2000 au greffe du Tribunal administratif d'Amiens, présentée par la société Body Well France, à l'enseigne "Editions Christian Godefroy", dont le siège est rue du Moulin à Tan à La Ferrière-sur-Risle (27760), et tendant: 1°) à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 23 février 2000 par laquelle le directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé a interdit toute publicité reprenant certains extraits du contenu de l'ouvrage intitulé "Le guide des 601 médicaments: ce qu'ils font, leurs effets secondaires et leurs alternatives naturelles"; 2°) à ce que l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé soit condamnée à lui verser la somme de 5 980 F (911,65 euros) au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens; - Vu les autres pièces du dossier; - Vu le Code de la santé publique; - Vu le Code de justice administrative; Après avoir entendu en séance publique: - le rapport de M. Eoche-Duval, Maître des Requêtes, - les conclusions de Mme Boissard, Commissaire du gouvernement;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 552, devenu l'article L. 5122-15, du Code de la santé publique: "La publicité ou la propagande, sous quelque forme que ce soit, relative aux objets, appareils et méthodes, présentés comme favorisant le diagnostic, la prévention ou le traitement des maladies, des affections relevant de la pathologie chirurgicale et des dérèglements physiologiques, le diagnostic ou la modification de l'état physique ou physiologique, la restauration, la correction ou la modification des fonctions organiques, peut être interdite par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé lorsqu'il n'est pas établi que lesdits objets, appareils et méthodes possèdent les propriétés annoncées. L'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé peut aussi, après avis de la commission prévue à l'alinéa 2 du présent article, soumettre cette publicité ou propagande à l'obligation de mentionner les avertissements et précautions d'emplois nécessaires à l'information du consommateur. L'interdiction est prononcée après avis d'une commission et après que le fabricant, importateur ou distributeur desdits objets et appareils ou le promoteur desdites méthodes aura été appelé à présenter ses observations. Elle prend effet trois semaines après sa publication au Journal officiel. Elle est alors opposable au fabricant, importateur, distributeur ou promoteur, ainsi qu'aux personnes qui sollicitent ou font solliciter la publicité ou la propagande interdite et aux agents de publicité ou de diffusion";
Considérant que, par la décision du 23 février 2000, le directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé a interdit à la société Body Well France qui exploite les Editions Christian Godefroy, sur le fondement des dispositions de l'article L. 552 du Code de la santé publique alors applicable, toute publicité reprenant certains extraits du contenu de l'ouvrage intitulé "Le guide des 601 médicaments: ce qu'ils font, leurs effets secondaires et leurs alternatives naturelles";
Considérant que la société Body Well France a diffusé, par la voie du publipostage, un document ayant la forme d'un magazine de santé et reproduisant des extraits du contenu de l'ouvrage susmentionné, qui traite des dangers des effets secondaires des médicaments et des moyens de s'en prémunir en recourant à des méthodes de soins naturelles;que ce document invitait le destinataire à demander que ledit ouvrage lui soit envoyé, accompagné de cadeaux, pour une consultation gratuite;qu'en estimant, d'une part, que le document en cause avait le caractère d'une publicité, d'autre part, que cette publicité était relative à une méthode, au sens des dispositions précitées de l'article L. 552 du Code de la santé publique, l'auteur de la décision attaquée n'a pas fait une inexacte application de ces dispositions;
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 552 précité qu'il incombait à la société requérante de fournir des preuves à caractère scientifique à l'appui des énonciations contenues dans la publicité en cause;qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en estimant que ces preuves n'avaient pas été fournies, le directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé ait commis une erreur manifeste d'appréciation;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Body Well France n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé du 23 février 2000;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative:
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à payer à la société Body Well France la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens;
DECIDE:
Article 1er: La requête de la société Body Well France est rejetée.
Article 2: La présente décision sera notifiée à la société Body Well France, à l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé et au ministre de l'Emploi et de la Solidarité.