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Décisions

CA Poitiers, ch. corr., 20 octobre 1988, n° 827-86

POITIERS

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gay

Substitut :

général: M. Veber

Conseillers :

MM. Calvet, Waechter

Avocat :

Me Boerner.

TGI Bordeaux, ch. corr., du 13 juin 1984

13 juin 1984

Décision dont appel:

Le jugement a:

- acquitté B Pierre du chef de la contravention au décret du 15 mai 1981.

- déclare B Pierre coupable des délits d'exercice illégal de la phamarcie avant déclaration auprès de l'autorité administrative d'un établissement fabriquant des produits cosmétiques d'hygiène corporelle, défaut de constitution pour chaque produit, cosmétique ou d'hygiène corporelle d'un dossier technique, défaut de leur commission de leur formule au centre anti-poison, publicité en faveur de produits présentés comme ayant un effet bénéfique pour la santé sans visa ministériel préalable,

- condamné B Pierre à 40 000 F d'amende,

- ordonné la confiscation des matériels et produits saisis chez B,

Sur l'action civile:

- reçu l'Ordre des Pharmaciens intervenant comme partie civile,

- condamné B Pierre à lui payer la somme de 10 000 F à titre de dommages-intérêts,

- ordonné la publication du jugement dans le journal Sud-Ouest Edition Générale, sans que le coût puisse dépasser la somme de 5 000F,

- ordonné la publication du jugement dans le journal Le Figaro, Edition Générale, sans que le coût puisse dépasser la somme de 7 000F,

Appels:

Les appels on été interjetés par le prévenu B Pierre et le Ministère public par actes en date du 18 juin 1984.

Rappel de la procédure:

L'arrêt rendu par la Chambre correctionnelle de la Cour d'appel de Bordeaux le 8 octobre 1985 a:

- déclaré B Pierre coupable de défaut de déclaration d'un établissement fabriquant, conditionnant ou important des produits cosmétiques ou d'hygiène corporelle, de mise sur le marché de produits cosmétiques et d'hygiène corporelle sans avoir constitué les dossiers techniques et sans avoir communiqué la formule intégrale aux centres de traitements de défaut de visa ministériel de la publicité faite pour la Royalvie et pour infraction aux articles 2, 5 et 9 du décret du 15 mai 1981.

- déclaré B Pierre non coupable d'exercice illégal de la pharmacie et de défaut de visa ministériel pour des médicaments,

- condamné B Pierre à 3 000 F d'amende pour les délits et deux fois 200 F pour les contraventions,

- donné main-levée de la saisie pratiquée au préjudice de B le 17 décembre 1982 et ordonné la restitution à son profit des objets placés sous scellés.

- condamné B Pierre aux dépens.

Sur l'action civile:

- condamné B à payer à l'Ordre des Pharmaciens, la somme de 1 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 1 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

- déclaré l'Ordre des Pharmaciens irrecevable ou mal fondé en ses demandes plus amples ou contraires.

- condamné B Pierre aux dépens de l'action civile.

Par arrêt en date du 26 janvier 1988, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt susvisé de la Cour d'appel de Bordeaux en date du 8 octobre 1985 en ses dispositions pénales et civiles relatives à la relaxe de B Pierre des chefs d'exercice illégal de la pharmacie et de publicité sans visa ministériel, toutes autres dispositions étant expressément maintenues, et pour qu'il soit statué à nouveau conformément à la loi dans la limite de la cassation ainsi prononcée; renvoyé la cause et les parties devant la Cour d'appel de Poitiers, à ce désignée par délibération spéciale prise en Chambre du Conseil.

Décision:

LA COUR, vidant son délibéré,

Vu les appels interjetés par le prévenu B Pierre et par le Ministère public, du jugement en date du 13 juin 1984 du Tribunal correctionnel de Bordeaux, dont le dispositif est ci-dessus rappelé,

Vu l'arrêt de la Cour d'appel de Bordeaux en date du 9 octobre 1985,

Vu l'arrêt de la Cour de cassation en date du 26 janvier 1988 qui a cassé l'arrêt précité en ses dispositions pénales et civiles relatives à la relaxe de B des chefs d'exercice illégal de la pharmacie et de publicité sans visa ministériel, toutes autres dispositions étant expressément maintenues et qui a renvoyé la cause et les parties devant la Cour d'appel de Poitiers,

Vu les conclusions déposées par le prévenu Pierre B et par le Conseil national de l'Ordre des Pharmaciens, partie civile, conclusions auxquelles la cour renvoie expressément pour plus ample exposé des demandes et moyens des parties,

Vu les réquisitions du Ministère public,

Attendu qu'en l'état actuel de la procédure la cour de céans doit statuer à l'égard de Pierre B sur deux chefs de prévention,

1°) de s'être, sur le territoire national depuis temps non prescrit, livré sciemment à des opérations réservées aux pharmaciens, sans réunir les conditions exigées pour l'exercice de la pharmacie, en commercialisant des substances ou compositions présentées comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines, et des produits pouvant être administrés à l'homme en vue de restaurer, corriger ou modifier les fonctions organiques,

2°) d'avoir, sur le territoire national depuis temps non prescrit, effectué des publicités concernant des produits présentés comme favorisant la prévention ou le traitement de maladies des affections relevant des dérèglements psysiologiques, ou la modification de l'état physique ou psysiologique, la restauration, la correction ou la modification des fonctions organiques, sans avoir obtenu de visa du ministre de la Santé,

Faits prévus et réprimés par les articles L. 511, 517, 519, 551, 556, et R. 5045 à 5054 du Code de la santé publique.

I - Sur l'exercice illégal de la pharmacie:

Attendu que la X, dont B est le PDG commercialise par l'intermédiaire de différents établissements des essences végétales qui sont en vente libre;

Attendu que d'autre part la firme Y que dirige B édite un livre de cent pages, signé Pierre LP, intitulé "la nature au service de la vie", consacré à 72 plantes dont sont précisées les propriétés médicales, les indications thérapeutiques, le mode d'emploi et les contre-indications;

Attendu que le prévenu tire argument du fait qu'il vendait séparément, d'une part les produits non accompagnés d'une notice d'emploi et d'autre part le livre "la nature au service de la vie" pour contester l'infraction et pour soutenir que dans la mesure où la notice n'était pas jointe aux produits ceux-ci ne pouvaient être considérés comme médicaments par présentation de propriétés curatives ou préventives;

Mais attendu que Jean-Claude B revendeur des produits et de la brochure expédiait à ses clients deux colis comprenant chacun des essences de plantes et le livre explicatif (D. 6 p. 3); que par ailleurs les perquisitions effectuées dans les locaux de la X (D. 13 à D. 21), l'examen des livrets (D. 3-1 et D. 5-6) et des feuillets "Xx" (D 5-11) démontrent que Pierre B commercialisait en même temps les essences et la brochure qu'il édite;

Attendu qu'il convient donc de confirmer le jugement du Tribunal correctionnel de Bordeaux et de retenir à l'encontre du prévenu le délit d'exercice illégal de la pharmacie;

II - Sur la publicité des médicaments

Attendu que s'il est exact que dans le conditionnement des produits il n'y a pas de publicité, pas plus qu'il n'y a d'indications thérapeutiques sur les flacons eux-mêmes, il n'en demeure pas moins que l'opuscule "la nature au service de la vie" qui expose les propriétés curatives des plantes et à la dernière page duquel la marque "Xx" est mentionnée constitue une publicité détournée dans la mesure où il associe la marque aux plantes, où il est livré avec les flacons incriminés et où son achat est presque obligatoire pour le client puisque les flacons ne comportent aucune indication;

Attendu qu'il convient donc, sur ce deuxième chef de prévention, de confirmer également le jugement entrepris et d'entrer en voie de condamnation;

III - Sur la peine:

Attendu que la cour a tous éléments pour sanctionner les faits par une amende de 30 000 F;

IV - Sur l'action civile:

Attendu que la somme de 10 000 F allouée en première instance et les publications ordonnées réparent intégralement le préjudice subi par le Conseil national de l'Ordre des Pharmaciens, sans qu'il soit équitable d'allouer à la partie civile une indemnisation supplémentaire au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;

Par ces motifs, et ceux non contraires des premiers juges, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, sur appel en matière correctionnelle, sur renvoi de cassation et en dernier ressort. Vu le jugement du Tribunal correctionnel de Bordeaux en date du 13 juin 1984, Vu l'arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 26 janvier 1988, Dit réguliers et recevables en la forme les appels formés par le prévenu B Pierre et par le Ministère public. Sur l'action publique: Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré Pierre B coupable des délits d'exercice illégal de la pharmacie et de publicité de médicaments sans obtention préalable du visa du ministère de la Santé publique. La réforme sur la peine, Condamne Pierre B à la peine de trente mille francs (30 000 F) d'amende. Sur l'action civile: Confirme dans toutes des dispositions le jugement du Tribunal correctionnel de Bordeaux. Rejette la demande d'indemnisation présentée par le Conseil national de l'Ordre des Pharmaciens, sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale. Condamne Pierre B aux dépens d'appel liquidés à la somme de 1 220,23 F, ainsi qu'aux frais de l'action civile. Le tout par application des articles L. 511, 517, 519, 551, 556, R. 5045 à 5054 du Code de la santé publique et 473 du Code de procédure pénale.