Cass. crim., 11 juin 1985, n° 84-92.180
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bruneau
Rapporteur :
M. Leydet
Avocat général :
M. Dontenwille
Avocat :
Me Baraduc-Benabent
LA COUR : - Statuant sur un pourvoi formé par M Jacques, contre un arrêt de la Cour d'appel de Lyon, 4e chambre, en date du 7 mars 1984 qui pour infraction à la loi du 27 décembre 1973, l'a condamné à 15 000 francs d'amende, et s'est prononcé sur les réparations civiles ; - Vu le mémoire produit ; - Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 44 de la loi du 27 décembre 1973 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale,
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M coupable du délit de refus de communication des éléments justificatifs d'une publicité prévu par l'article 44 II alinéa 9 de la loi du 27 décembre 1973,
"aux motifs que M, interrogé dès le 17 mars 1982 sur les justifications de certains tarifs préférentiels proposés dans le catalogue de vols aériens de l'agence de voyages X, n'avait fourni les explications jugées satisfaisantes que lors de son audition par les services de police judiciaire le 29 décembre suivant, après en avoir laissé sans réponse plusieurs lettres de réclamations; que lesdites explications apparaissaient ainsi tardives même si la loi n'avait précisé aucun délai pour leur fourniture; qu'en effet "toute publicité a un impact temporaire, qui dépend du support utilisé et de la nature du produit qui en est l'objet; que les pouvoirs de contrôle dévolus aux agents habilités à verbaliser n'ont de sens que s'ils peuvent s'exercer immédiatement et en tout cas avant que le produit qui est l'objet de la publicité ait cessé d'être offert à la clientèle; Que le délai imparti à l'annonceur pour fournir les éléments de justification demandés ne peut donc être enfermé dans des règles fixes; qu'il variera nécessairement de quelques heures dans le cas d'une annonce relative à un spectacle ayant lieu le jour même ou le lendemain de l'annonce à quelques mois dans le cas d'une publicité concernant un programme de construction immobilière; Que dans le cas de tarifs de voyages proposés à la clientèle pour une saison et susceptibles de variations en fonction des hausses du prix des carburants, des fluctuations monétaires, des décisions des compagnies de transport ou des pouvoirs publics, il était nécessaire que les justificatifs fussent fournis sous quelques jours ou au maximum quelques semaines, afin que put s'exercer éventuellement le pouvoir dévolu au juge d'instruction ou au tribunal correctionnel par l'article 44 paragraphe II alinéa 3 de la loi du 27 décembre 1973 d'ordonner la cessation de la publicité incriminée"; (arrêt p. 5 alinéa 3);
"alors qu'en l'absence de tout délai précisé par l'article 44 II alinéa 9 susvisé, le principe de l'interprétation stricte des lois répressives ne permet de retenir le délit qu'en présence d'un refus absolu; Que tel n'est pas le cas lorsque l'agent fournit les indications demandées après un certain délai, sans cependant qu'aucune date impérative ne lui ait été impartie et sans qu'il ait été poursuivi pour publicité mensongère;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que M a diffusé une brochure relative aux différents voyages par avion organisés par la société dont il est gérant et comportant en particulier des tarifs pour des vols réguliers qui étaient présentés comme "préférentiels"; qu'en vue de vérifier si cette publicité ne contenait pas des éléments de nature à induire en erreur, les services de la Direction de la Consommation et de la Répression des Fraudes, ont invité le prévenu à fournir des justifications concernant lesdits tarifs; qu'ils ont, dans ce but, adressé à ce dernier cinq lettres dont certaines sont demeurées sans réponse, M se bornant à deux reprises à promettre de fournir les renseignements demandés sans cependant tenir ses engagements dans les conditions qu'il avait lui-même proposées; qu'à la suite d'un procès-verbal dressé par les agents dudit service, près de huit mois après la première demande et d'une enquête ouverte par le Procureur de la République, M a présenté aux officiers de police qui procéderaient à son audition les explications nécessaires, mais qu'il a été poursuivi en vertu de l'article 44-II premier et dernier alinéas de la loi du 27 décembre 1973, pour avoir refusé de communiquer aux agents du service de la répression des fraudes, les éléments de justifications des publicités diffusées;
Attendu que pour déclarer le prévenu coupable de ce délit les juges d'appel, après avoir analysé le contenu des lettres adressées par l'Administration et les réponses de l'intéressé, énoncent "qu'en l'espèce en présence d'une demande d'éléments de justification incontestablement conforme aux dispositions de l'article 44 II alinéa 1er susvisé, il lui incombait de répondre d'une manière ou d'une autre, et non de se réfugier sous divers prétextes dans l'expectative, attitude qui avait pour résultat d'élucider totalement les prescriptions légales", qu'ils ajoutent "que ces diverses circonstances démontrent son intention de ne pas satisfaire aux demandes de justifications qui lui étaient adressées", et en concluent que "le défaut de réponse de M aux demandes réitérées et motivées... adressées par les fonctionnaires du service de la Répression des Fraudes, équivaut à un refus de communication, et entre dans les prévisions" du texte de loi sur lequel est fondée la poursuite;
Attendu qu'en l'état de ces motifs d'où il résulte que le prévenu s'était abstenu volontairement de communiquer aux autorités compétentes les renseignements qui devaient leur permettre d'exercer leurs missions de contrôle, la cour d'appel a justifié sa décisions sans encourir les griefs allégués au moyen lequel dès lors ne peut être accueilli;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme;
Rejette le pourvoi.