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Décisions

CA Rennes, 1re ch. A, 27 octobre 1992, n° 674-92

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Automobiles Citroën

Défendeur :

Comité national contre le tabagisme, Mitsubishi France (SA), Mitsubishi Shoji Kaisa (Sté), Mitsubishi Motors Corporation (Sté), Sonauto (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Sene

Conseillers :

MM. Dabosville, Le Guillanton

Avoués :

Mes Bourges, Leroyer-Gauvain-Demidoff, Chaudet-Brebion, Gautier, Castres-Colleu, Bazille

Avocats :

Mes Combeau, Caballero, Ollu, Soulez-Larivière, Brajeux, Durand

CA Rennes n° 674-92

27 octobre 1992

Le litige

Par ordonnance du 18 septembre 1992, M. le Président du Tribunal de grande instance de Quimper, statuant en référé, à la demande du Comité national contre le tabagisme, a constaté que l'apposition des logos, marques et emblèmes de Camel sur les véhicules et vêtements des personnels de la société des automobiles Citroën, participant au rallye Paris Moscou Pékin, et l'apposition des logos, marques et emblèmes de Rothmans sur les véhicules et vêtements des personnels de la société Mitsubishi France, participant au même rallye, constituaient un trouble manifestement illicite. En conséquence, ce juge des référés a fait défense aux sociétés Citroën et Mitsubishi France de faire courir les véhicules et participants du rallye recouverts ou porteurs des logos, marques et emblèmes de Camel et de Rothmans, sous astreinte de 1 000 000 F par jour à compter du 20 septembre 1992.

Les sociétés des Automobiles Citroën et Mitsubishi France ont relevé appel de cette ordonnance.

Autorisée à procéder à jour fixe, la société des automobiles Citroën a conclu à l'infirmation de l'ordonnance déférée.

Elle a soulevé au principal l'incompétence territoriale du juge des référés du Tribunal de grande instance de Quimper, motifs pris de ce que:

- elle avait elle-même son siège dans un autre ressort

- la parution dans la presse écrite du ressort de ce tribunal de grande instance, de photographies représentant des véhicules ou des coureurs de ce rallye et la diffusion par la télévision dans ce même ressort, d'images du rallye, n'étaient pas le fait de l'appelante et ne pouvaient en aucun cas constituer à son encontre des faits de publicité illicite

- à défaut de justifier de l'existence d'un préjudice spécifique dans le ressort du Tribunal de grande instance de Quimper, cette juridiction n'était pas celle dans laquelle le dommage avait été subi.

Demandant à la cour de retenir cette exception, la société Citroën l'a sollicitée de renvoyer le Comité national contre le tabagisme à se pourvoir, s'il le jugeait utile, devant M. le Président du Tribunal de grande instance de Nanterre.

A titre subsidiaire, la société Citroën a fait valoir que le premier juge avait contrevenu aux dispositions d'ordre public de l'article 503 du nouveau Code de procédure civile, en fixant le point de départ de l'astreinte qu'il avait prononcée au 20 septembre 1992.

Elle a soutenu par ailleurs que, n'ayant effectué aucune opération de parrainage et n'ayant pas la qualité d'organisateur, sa participation au rallye automobile Paris Moscou Pékin était licite, aucun de ses agissements n'étant susceptible d'être réprimé par la loi du 9 juillet 1976 relative à la publicité en faveur du tabac.

Elle a ajouté qu'en tout état de cause, cette loi assortie de sanctions pénales, ne pouvait avoir d'effet en dehors du territoire national et il n'était pas en son pouvoir d'interdire la diffusion en France d'images notamment télévisées, représentant ses véhicules et leurs équipages, dans des émissions et reportage dont elle n'était pas l'auteur.

A titre encore plus subsidiaire, la société appelant a demandé à la cour de réduire le montant de l'astreinte prononcé et de retenir sa compétence pour liquider l'astreinte.

La société appelante a réclamé en toute occurrence le paiement d'une somme de 20 000 F, sur le fondement de l'article 70 du nouveau Code de procédure civile.

La société Mitsubishi France, autorisée elle aussi procéder à jour fixe, a conclu à l'infirmation de l'ordonnance déférée.

Elle a contesté au premier chef la compétence territoriale du juge des référés du Tribunal de grande instance de Quimper, pour les mêmes motifs que ceux exposés par la société Citroën, estimant en outre que l'action exercée par le Comité national contre le tabagisme, en ce qu'elle ne tendait pas obtenir la réparation d'un dommage, n'était pas de nature délictuelle. Elle a précisé par ailleurs que l'existence d'un lie de rattachement objectif entre le dommage allégué et la juridiction saisie faisait totalement défaut. Elle a sollicité en conséquence la cour de renvoyer le Comité national de tabagisme à se pourvoi devant M. le Président du Tribunal de grande instance de Paris ressort dans lequel se trouvait le siège social de la défenderesse appelante.

En second lieu, la société Mitsubishi France a fait observer que le Comité national contre le tabagisme, même s'i était légalement autorisé à exercer les droits reconnus à la parti civile, en cas d'infractions pénale à la législation contre le tabagisme, n'avait aucune qualité pour agir en référé pour la défense des intérêts collectifs de ses membres à l'encontre d'un partie totalement étrangère à une infraction à la loi de 1976.

En troisième lieu, la société Mitsubishi France conclu encore à l'irrecevabilité de l'action exercée à 80 encontre, aux motifs qu'elle n'avait aucun intérêt à défendre contre les prétentions de la partie adverse, alors qu'elle ne participait pas au rallye Paris-Moscou-Pékin, qu'elle n'était pas propriétaire de véhicule engagé dans ce rallye ou responsable d'u équipage et qu'elle n'avait conclu, directement ou indirectement aucune convention de parrainage avec des fabricants de tabac. La société Mitsubishi France a donc fait grief au premier juge de ne pas l'avoir mise hors de cause, alors qu'elle avait justifié de son objet social et d'une attestation de non participation au rallye délivrée par la Fédération Française de sport automobile.

En quatrième lieu, la société Mitsubishi France a estimé que l'ordonnance déférée était nulle comme contraire aux énonciations de l'article 503 du nouveau Code de procédure civile, le juge des référés ayant fixé le point de départ de l'astreinte prononcée à une date déterminée, sans préciser que l'astreinte ne prendrait effet qu'à compter de la notification de l'ordonnance.

Faisant valoir que l'action exercée avait un caractère abusif, aggravé par la publicité qui lui avait été donnée, la société Mitsubishi France a réclamé le paiement d'une somme de 1 000 000 F à titre de dommages-intérêts, outre celle de 100 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Le Comité national contre le tabagisme, pour sa part, a demandé à la cour de confirmer l'ordonnance entreprise, sauf avoir porter le montant de l'astreinte à 2 000 000 F par jour. Additant à ses demandes, il a sollicité la cour de prononcer la liquidation de l'astreinte à la somme de 16 000 000 F et subsidiairement, au cas où la juridiction ne disposerait pas des éléments de calcul suffisants pour liquider cette astreinte, d'ordonner la production des contrats passés d'une part entre la société Citroën et les sociétés propriétaires de la marque Camel, d'autre part entre l'une des sociétés du groupe Mitsubishi et les sociétés propriétaires de la marque Rothmans.

Le Comité national contre le tabagisme a réclamé en outre le versement tant par la société Citroën qu'in solidum, par les sociétés du groupe Mitsubishi, certaines appelées en intervention, comme il le sera indiqué ci-après, d'une somme de 30 000 F, sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Répliquant à l'exception d'incompétence territoriale qui lui avait été opposée, le Comité national contre le tabagisme a indiqué qu'il avait saisi, en application de l'article 46-3e alinéa du nouveau Code de procédure civile, le juge des référés du lieu où le dommage avait été subi, à savoir l'un des ressorts (Quimper) dans lesquels s'étaient produits des parutions et diffusions d'images illicites, au préjudice d'une association de lutte contre le tabagisme à vocation nationale.

L'intimé a contesté les allégations de la société Citroën, selon lesquelles celle-ci avait prétendu n'avoir nullement contrevenu aux dispositions de la loi du 9 juillet 1976, relative à la lutte contre le tabagisme. Le Comité national contre le tabagisme a estimé tout au contraire qu'en apposant le nom d'une marque de cigarettes sur les véhicules engagés et les combinaisons ou vêtements légers de ses équipages, alors qu'elle savait que les images du rallye seraient diffusées en France, la société Citroën avait délibérément violé les dispositions de la loi du 9 juillet 1976.

Répondant par ailleurs à l'argumentation présentée par la société Mitsubishi France, le Comité national contre le tabagisme, faisant état d'un préjudice personnel et direct, a affirmé que son action était recevable tant au regard de la spécificité de sa mission qu'au regard des violations de la réglementation relative à la publicité et au parrainage en faveur du tabac.

Le Comité national contre le tabagisme a souligné par ailleurs que même si la société Mitsubishi France ne participait pas au rallye automobile, en tant que propriétaire de la marque Mitsubishi, elle avait la possibilité d'interdire l'utilisation de cette marque sur les véhicules engagés, dès lors qu'elle étau associée avec Rothmans et risquait d'apparaître en France par le canal de la presse écrite ou celui de la télévision. Il a ajouté que la société Mitsubishi France s'était rendue complice d'une opération de parrainage associant notamment la société Mitsubishi Motors Corporation à Rothmans.

Le Comité national contre le tabagisme a appelé en intervention forcée, par assignation du 22 septembre 1992, la société Mitsubishi Shoji Kaisa Limites ou Mitsubishi Corporation par nouvel acte du 7 octobre 1992, cette même société et la société Mitsubishi Motors Corporation et par assignation du 8 octobre 1992, la société Sonauto. Elle a exposé que la société Mitsubishi France s'étant prévalue au cours des débats de 1re instance de l'absence de toute licence pour engager des véhicules dans des épreuves automobiles, elle se trouvait contrainte, en raison de l'évolution du litige, d'appeler à la cause des sociétés du groupe Mitsubishi.

La société Mitsubishi Shoji Kaisa Limited ou Mitsubishi Corporation qui sera ci-après dénommée Mitsubishi Corporation a conclu à la nullité de l'assignation qui lui avait été délivrée, à l'incompétence territoriale de la juridiction de référés saisie et à l'irrecevabilité, pour défaut d'intérêt, de l'action exercée par le Comité national contre le tabagisme.

S'agissant de la nullité de l'assignation, la société Mitsubishi Corporation a fait observer que l'appel en intervention dirigée à son encontre était irrecevable, dès lors qu'il n'était pas justifié d'un élément nouveau né de l'ordonnance attaquée ou apparu postérieurement. Elle a indiqué aussi que le Comité national contre le tabagisme n'avait pas été autorisé à l'assigner à jour fixe et qu'il n'avait pas respecté les délais de comparution prévu par le nouveau Code de procédure civile, lorsque la personne assignée est domiciliée dans un pays étranger.

Sur l'exception d'incompétence territoriale, la société intervenante a précisé que le juge des référés compétent pour ordonner les mesures prévues à l'article 809 du nouveau Code de procédure civile était celui "du lieu où les mesures" devaient "être prises" qui n'était pas celui du Tribunal de grande instance de Quimper ni d'ailleurs celui d'un autre ressort de la Cour d'appel de Rennes.

Sur le défaut d'intérêt, la société Mitsubishi Corporation a déclaré expressément se référer aux écritures de la société Mitsubishi France.

A titre subsidiaire, la société Mitsubishi Corporation a fait valoir que les mesures sollicitées et ordonnées par le premier juge n'avaient plus d'objet, le rallye Paris-Moscou-Pékin ayant pris fin et la cour devant apprécier la situation à la date où elle statue.

Plus subsidiairement encore, la société Mitsubishi Corporation a conclu au rejet des demandes dirigées à son encontre, motifs près de ce que son activité n'avait aucun rapport avec l'automobile ni avec les sociétés Mitsubishi Motors Corporation et Sonauto, de ce que n'étant pas tituLaire de la marque, elle n'avait aucun contrôle sur l'utilisation de la dénomination "Mitsubishi", de ce qu'elle n'avait engagé aucun véhicule dans le rallye dont s'agit, de ce qu'elle n'avait passé aucun contrat de publicité avec Rothmans ou un autre producteur ou vendeur de tabac et de ce qu'elle aurait été dans l'incapacité de faire cesser le trouble.

Estimant que l'action engagée à son encontre était pour le moins téméraire, la société Mitsubishi Corporation a demandé le paiement d'une somme de 1 000 000 F à titre de dommages-intérêts, outre celle de 80 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société Sonauto, importateur exclusif des voitures Mitsubishi pour la France, a soutenu pour sa part aussi qu'en l'absence d'évolution du litige, au sens de l'article 555 du nouveau Code de procédure civile, compte tenu de la notoriété de sa qualité d'importateur exclusif des voitures Mitsubishi en France, la demande en intervention forcée était entachée de nullité.

Elle a conclu à l'irrecevabilité des demandes présentées à son encontre, le rallye automobile Paris-Moscou-Pékin ayant pris fin à la date à laquelle l'assignation en intervention forcée lui avait été délivrée et le Comité national contre le tabagisme étant dépourvu de qualité pour agir.

Elle a fait par ailleurs état de ce que la procédure à jour fixe n'avait pas été autorisée à son encontre ni respectée et de ce que les délais de délivrance de l'assignation dans la procédure ordinaire n'avaient pas été suivis, en violation des droits de la défense et des règles du débat contradictoire. Elle a ajouté qu'elle n'avait pas pu prendre connaissance en temps utile des pièces adverses.

Pour le cas où la cour estimerait l'appel en intervention recevable, la société Sonauto a demandé à bénéficier d'un délai suffisant pour préparer sa défense et à voir étendre à son profit l'exception d'incompétence territoriale soulevée par tous autres appelants ou intimés, sollicitant le renvoi devant la juridiction des référés de Pontoise.

Enfin, la société Sonauto a estimé qu'aucune preuve d'une quelconque faute n'était démontrée à son encontre et a réclamé le versement d'une somme de 100 000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, outre celle de 20 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société Mitsubishi Motors Corporation, constructeur des voitures automobiles Mitsubishi, autre partie appelée en intervention, a sollicité la cour:

- de constater l'irrégularité de la procédure engagé à son encontre et la nullité de l'assignation qui lui avait été délivrée, l'appel en intervention pour la première fois en cause d'appel étant irrecevable, à défaut d'évolution du litige e l'autorisation de procéder à jour fixe n'ayant pas été sollicitée

- subsidiairement, de déclarer le juge des référés du Tribunal de grande instance de Quimper territorialement incompétent au profit du juge des référés du Tribunal de grande instance de Paris

- plus subsidiairement encore, de constater qu'il n'avait plus lieu à référé, le rallye Paris-Moscou-Pékin étant achevé.

En tout état de cause, la société Mitsubishi Motors Corporation a demandé à la cour de condamner le Comité national contre le tabagisme à lui payer une somme de 200 000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, outre celle de 50 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Le Comité national contre le tabagisme a répliqué que le litige avait évolué depuis la décision de première instance étant observé d'ailleurs que la société Mitsubishi Corporation, administrateur de la société Mitsubishi France, était représenté en première instance.

Dans ses dernières écritures, la société Mitsubishi-France a déclaré maintenir son exception d'incompétence territoriale, soulignant que l'action exercée n'avait pas de fondement délictuel et que le préjudice invoqué par le Comité national contre le tabagisme distinct des atteintes portées aux intérêts collectif qu'il représente, n'avait pu être subi qu'au lieu de son siège social.

La société des automobiles Citroën a indiqué postérieurement à l'audience de plaidoirie du 28 septembre qu'avant celle-ci, de nombreuses pièces produites par le Comité national contre le tabagisme ne lui avaient pas été régulièrement communiquées. Elle a donc demandé leur rejet des débats, rejet auquel a déclaré s'opposer le Comité national contre le tabagisme en l'absence de toutes protestations à cet égard, au cours de débats, de la société des automobiles Citroën.

Pour plus ample exposé des faits, des prétentions, moyens des parties, la cour se réfère expressément à la décision déférée et aux écritures des parties.

Motifs de la décision

- Sur la jonction des appels et des interventions forcées

Considérant que les sociétés Citroën et Mitsubishi France sont toutes deux appelantes d'une même ordonnance de référé; que les appels en intervention forcée dirigés par le Comité national contre le tabagisme, intimé, contre les sociétés Mitsubishi Corporation, Mitsubishi Motors Corporation et Sonauto, tendent aux mêmes fins que celles ayant donné lieu à l'ordonnance déférée;

Considérant qu'il existe une réelle connexité entre ces différentes procédures; qu'il convient en conséquence d'en ordonner d'office la jonction et de statuer par un seul et même arrêt;

- Sur le rejet des débats des pièces communiquées à la société Citroën

Considérant qu'autorisée à procéder à jour fixe, la société des automobiles Citroën a, par acte du 21 septembre 1992, fait assigner le Comité national contre le tabagisme pour l'audience du 28 septembre 1992;

Considérant qu'à l'audience du 28 septembre 1992, alors que le Comité national contre le tabagisme n'avait bénéficié que d'un très court laps de temps, justifié par l'extrême urgence, pour préparer ses moyens de défense, la société des automobiles Citroën, devant laquelle le Comité avait fait état de nombreuses pièces, s'est abstenue de solliciter le renvoi à une date ultérieure pour prendre une meilleure connaissance de ces documents; qu'il ne saurait désormais, postérieurement à la clôture des débats, réclamer le rejet de ces productions comme tardives; qu'en effet d'une part et surtout, la société des automobiles Citroën n'a pas soutenu que ces pièces étaient nouvelles et n'avaient pas été produites en première instance; que d'autre part, la fixation de cette affaire par priorité était destinée à préserver ses droits et à l'évidence, le court délai laissé à l'intimé pour assurer la défense de ses intérêts exposait l'autre partie à des communications de nouveaux documents immédiatement avant l'ouverture des débats;

Considérant qu'il y a lieu en conséquence de rejeter de ce chef la demande présentée par la société des automobiles Citroën;

- Sur la nullité des appels en intervention

Considérant que préalablement au moyen d'irrecevabilité des appels en intervention forcée dirigés contre des sociétés qui n'avaient été ni parties ni représentées en première instance, il convient de rechercher si comme celles-ci le soutiennent l'assignation qui leur a été délivrée était régulière;

Considérant qu'il apparaît que le Comité national contre le tabagisme, lui-même intimé selon la procédure à jour fixe, n'a pas été expressément autorisé à procéder selon les formes prévues aux articles 917 et suivants du Code de procédure civile et n'a d'ailleurs sollicité aucune autorisation à cet effet pour appeler en intervention forcée des tiers à la procédure de première instance;

Mais considérant que les assignations qu'il a fait délivrer aux sociétés intervenantes, dont certaines étaient de surcroît domiciliées à l'étranger, assignations dont les dates ont été précisées dans l'exposé liminaire de procédure, ne respecter nullement les délais de comparution prévus pour la procédure ordinaire;

Considérant que l'inobservation de ces délais port incontestablement atteinte aux droits de la défense, les société intervenantes ne pouvant pas disposer d'un temps suffisant pour s'expliquer, préparer leurs moyens et se trouvant contraint d'agir avec la plus grande précipitation; que la société Mitsubishi Corporation a d'ailleurs déclaré comparaître sans renoncer expressément au délai de comparution prévu par les texte; que la société Sonauto a sollicité subsidiairement le renvoi l'affaire;

Considérant qu'il y a lieu en conséquence de constater la nullité des appels en intervention dirigés contre les sociétés Mitsubishi Corporation, Mitsubishi Motors Corporation Sonauto et de les déclarer sans effet;

Considérant que si la société Mitsubishi Corporation est l'un des administrateurs de la société Mitsubishi France, et n'était pas pour autant représentée en première instance par la seconde société, avec laquelle il n'est pas établi qu'elle confonde; qu'elle doit donc être considérée comme un tiers à la procédure diligentée en première instance;

- Sur l'exception d'incompétence territoriale

Considérant que pour la saisine de la juridiction compétente, l'article 46 du nouveau Code de procédure civile don en son troisième alinéa en matière délictuelle, une option au demandeur à l'action entre la juridiction du lieu où demeure défendeur, celle du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi;

Considérant que dès lors que l'action exercée trouve sa source dans un délit ou quasi délit, elle apparaît de nature délictuelle, peu important à cet égard que la demande tende à la réparation d'un dommage ou à la mise en œuvre de mesures supposées propres à le faire cesser ou à en éviter le renouvellement;

Considérant que tel est le cas en l'espèce, le Comité national contre le tabagisme se prévalant de manquements à la loi du 9 juillet 1976 réprimant des faits de publicité en faveur tabac; qu'imputant la responsabilité d'agissements délictueux à la société des automobiles Citroën et à la société Mitsubishi France, il était fondé à saisir la juridiction des référés dans le ressort de laquelle le dommage a été subi;

Considérant que s'il est vrai que sur le fondement l'article 809 du nouveau Code de procédure civile, le demandeur pouvait saisir en outre le juge des référés du lieu où des mesures devaient être prises, cette possibilité s'ajoute dans ce cas aux autres options prévues par l'article 46, 3e alinéa du nouveau Code de procédure civile et ne présente aucun caractère exclusif ou obligatoire pour le demandeur en référé;

Considérant que le dommage imputé à la société Citroën et à la société Mitsubishi France, en tant que coauteurs et complices, tient à la parution dans la presse écrite et à la diffusion par la télévision d'images prétendues illicites de véhicules Citroën ou Mitsubishi participant au rallye Paris-Moscou-Pékin et de combinaisons des pilotes de ces firmes ou de leurs équipiers, portant des logos et dénominations des marques de cigarettes "Camel" et "Rothmans";

Considérant qu'il n'a pas été contesté et résulte des documents produits aux débats que les images prétendues illicites ont paru et ont été diffusées par voie télévisée dans le ressort du Tribunal de grande instance de Quimper, comme d'ailleurs dans d'autres ressorts; qu'il suit de là que le Comité national contre le tabagisme, dont l'objet social et la vocation de lutte contre le tabagisme se trouvaient contrariés par cette diffusion, était en droit de saisir le juge des référés du Tribunal de grande instance de Quimper, juridiction du lieu où le dommage avait été subi; qu'il importe peu que ce faisant, il ait exercé un choix entre des juridictions du territoire national où le dommage avait été également subi, le texte de l'article 46 précité n'imposant l'observation d'aucune règle particulière, lorsque le dommage a été subi dans plusieurs ressorts et n'exigeant notamment pas la justification d'un dommage à caractère spécifique dans un ressort déterminé;

- Sur les défauts de qualité et d'intérêt du Comité national contre le tabagisme pour agir

Considérant que le Comité national contre le tabagisme, association reconnue d'utilité publique, poursuit aux termes de ses statuts, un but de prévention et de lutte contre les méfaits du tabagisme; que pour la réalisation de ses objectifs, il entre dans sa mission d'obtenir "toutes mesures de nature à réduire le tabagisme";

Considérant qu'il est soutenu en l'espèce qu'il a été contrevenu, par des agissements pénalement répréhensibles, aux dispositions de la loi du 9 juillet 1976 relative à la publicité en faveur du tabac;

Considérant que de tels agissements sont incontestablement de nature à contrarier la mission spécifique du Comité national contre le tabagisme; que celui-ci a subi de ce fait, partout où les agissements incriminés ont été constatés et pas seulement au lieu de son siège social, un préjudice direct et personnel l'autorisant à agir en justice;

Considérant qu'il suit de là que l'action exercée en référé est recevable;

- Sur l'existence et l'imputation d'un trouble manifestement illicite

Considérant qu'en des énonciations que la cour fait siennes, le premier juge a relevé que la presse écrite et la télévision avaient fait paraître des images de véhicules automobiles de marque Citroën et de Mitsubishi et de leurs équipages participant au rallye Paris-Moscou-Pékin, porteurs de logos et des marques Camel et Rothmans;

Considérant que ces faits sont manifestement contraires aux dispositions des articles 2 et 10 de la loi du 9 juillet 1976, lesquels interdisent notamment la publicité en faveur du tabac par des émissions de télévision ainsi que l'apposition, au cours d'une manifestation sportive, (sauf dérogation non invoquée en l'espèce) du nom, de la marque ou de l'emblème publicitaire d'un produit du tabac; que l'article 8 de la même loi réglemente par ailleurs très strictement la publicité en faveur du tabac dans la presse écrite;

Considérant qu'incontestablement, la matérialité de l'infraction a été réalisée en France, au moins en l'un de ses éléments, ne serait-ce que du fait de la réception en France des images litigieuses sur les écrans de télévision;que le juge des référés doit donc constater des violations à la loi du 9 juillet 1976 et par-là même l'existence d'un trouble manifestement illicite; que ce trouble étant susceptible de persister ou de s reproduire même si le rallye a pris fin, la décision de la cour ne manque pas d'objet;

Considérant que la société des automobiles Citroën a participé au rallye Paris-Moscou-Pékin où elle avait engagé se voitures et leurs équipages;qu'elle n'a, pu ignorer l'importante couverture médiatique dont bénéficierait cet évènement et dont elle attendait elle-même des effets substantiels;

Considérant qu'en apposant, en toute connaissance de cause, sur ses voitures et sur les combinaisons ou vêtements léger de ses pilotes et de leurs équipiers la marque Camel, la société Citroën a participé, certes de façon non exclusive, à la réalisation d'un trouble manifestement illicite; que ce trouble ne se serait pas produit si la société Citroën s'était abstenue de faire figurer sur ses voitures et sur les vêtements portés par son personnel la dénomination Camel;

Considérant qu'au vu des documents, de la cause (statuts, extraits du registre du commerce et de revues spécialisée organigramme, attestation de la fédération française du sport automobile) il est avéré par contre que la société Mitsubishi France n'est pas propriétaire de la marque Mitsubishi sur le territoire français, qu'elle ne construit ni ne commercialise en France des véhicules automobiles de marque Mitsubishi et qu'elle n'a obtenu aucune licence lui permettant d'engager des voiture dans des épreuves automobiles du type Paris-Moscou-Pékin;

Considérant que ne sauraient suffire en l'absence l'autres éléments, pour caractériser la participation de la société Mitsubishi France à la réalisation du trouble, les seules allégations du Comité national contre le tabagisme selon lesquelles la société Mitsubishi France avait la possibilité de s'opposer à l'utilisation illicite de la marque Mitsubishi associée à la marque Rothmans et aurait participé à une vaste opération de parrainage conclue entre les sociétés du groupe Mitsubishi et la société titulaire de la marque de cigarettes; qu'il appartient en effet au Comité national contre le tabagisme de rapporter la preuve des faits qu'il invoque; que la seule circonstance que la société Mitsubishi Corporation ait la qualité d'administrateur de la société Mitsubishi France n'est pas suffisante pour établir la réalité des liens existants dans une convention de parrainage et les pouvoirs exercés par la société Mitsubishi France dans le contrôle des véhicules et personnels engagés dans le rallye;

Considérant qu'il convient en conséquence, réformant de ce chef la décision entreprise, de rejeter toutes les demandes présentées en ce qu'elles sont dirigées contre la société Mitsubishi France;

- Sur la fixation d'astreinte

Considérant qu'il est fait grief au premier juge d'avoir méconnu les dispositions de l'article 503 du nouveau Code de procédure civile, en fixant le point de départ de l'astreinte qu'il a prononcée au 20 septembre 1992;

Considérant que l'astreinte s'analyse en une mesure de contrainte distincte de dommages-intérêts; que tendant à assurer l'exécution d'une décision de justice, elle ne peut prendre effet avant la notification de cette décision, en application de l'article 503 du nouveau Code de procédure civile; que ce principe s'applique à toute décision de justice qu'elle soit ou non exécutoire de droit; qu'il suit de là que la juridiction des référés ne peut fixer la date de départ de l'astreinte à une date qu'elle détermine, sans référence aucune à la notification de la décision dont la date lui est inconnue au jour où elle statue;

Considérant que l'arrêt n'étant pas confirmatif sur ce point, la cour ne peut assortir la condamnation prononcée d'une astreinte dont le point de départ serait antérieur à la notification du présent arrêt; que toute astreinte est désormais sans objet alors que la mesure prise visait les voitures et participants du rallye Paris-Moscou-Pékin qui a désormais pris fin, et qu'aucune nouvelle mesure n'a été demandée; que par voie de conséquence les demandes d'aggravation et de liquidation de l'astreinte ne sauraient être accueillies;

- Sur les autres demandes des parties

Considérant que le Comité national contre le tabagisme s'est mépris sur la participation de la société Mitsubishi France au trouble dont il a été victime; qu'en agissant contre cette société dont la dénomination a pu l'induire en erreur et en la maintenant à la procédure, il n'est pas démontré que le Comité national contre le tabagisme ait fait dégénérer en abus son droit d'ester en justice;

Considérant que de même l'articulation des société du groupe Mitsubishi n'étant pas évidente, il ne peut être imputé à faute au Comité national contre le tabagisme de les avoir appelées en intervention forcée devant la cour; que s'il n'a pas procédé dans les formes du jour fixe, cette circonstance n'est pas de nature en elle-même à caractériser un abus de procédure;

Considérant que sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, il apparaît équitable d'allouer au Comité national contre le tabagisme partie des frais non répétibles qu'il a dû engager en cause d'appel, alors que la société des automobiles Citroën, est à l'origine d'un trouble manifestement illicite;

Considérant que pour le surplus, il n'y a pas lieu en équité d'accorder de somme à aucune autre partie sur le fondement précité;

Considérant que la société Citroën doit supporter la charge des dépens, à l'exception de ceux afférents à la société Mitsubishi France et à l'appel en intervention de sociétés tierces qui incomberont au Comité national contre le tabagisme;

Par ces motifs, Joint comme connexes les instances enrôlées sous les numéros 674, 675, 676, 730 et 731 du rôle de 1992; Et statuant par un seul et même arrêt, Dit n'y avoir lieu de rejeter des débats les pièces communiquées en cause d'appel à la société des automobiles Citroën; Constate la nullité des appels en intervention des sociétés Mitsubishi Corporation, Mitsubishi Motors Corporation Sonauto et les déclare en conséquence sans effet; Confirme l'ordonnance déférée en ce que le premier juge s'est reconnu territorialement compétent, a constaté l'existence d'un trouble manifestement illicite imputable à la société Citroën et a fait défense à cette société de faire courir dans le rallye Paris-Moscou-Pékin ses véhicules et leurs équipages recouverts ou porteurs des logos, marques et emblèmes de Camel; Réformant pour le surplus, constate que toute astreinte est désormais sans objet; Rejette toutes les demandes présentées par le Comité national contre le tabagisme en ce qu'elles sont dirigées contre la société Mitsubishi France; Déboute la société Mitsubishi France, la société Mitsubishi Corporation, la société Sonauto, la société Mitsubishi Motors Corporation de leurs demandes de dommages-intérêts pour procédures abusives; Et additant : Condamne la société des automobiles Citroën à payer au Comité national contre le tabagisme une somme de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires, notamment celles fondées sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Condamne la société Citroën aux dépens de première instance et d'appel à l'exception des frais afférents à la société Mitsubishi France et aux appels en intervention des sociétés Mitsubishi Corporation, Mitsubishi Motors Corporation et Sonauto qui resteront à la charge du Comité national contre le tabagisme; Dit que les dépens seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.