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Décisions

Ministre de l’Économie, 26 décembre 2003, n° ECOC0400077Y

MINISTRE DE L’ÉCONOMIE

Lettre

PARTIES

Demandeur :

MINISTRE DE L'ECONOMIE

Défendeur :

Directeur juridique France du groupe Carrefour

Ministre de l’Économie n° ECOC0400077Y

26 décembre 2003

MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE

Monsieur le directeur,

Par dépôt d'un dossier déclaré complet le 21 novembre 2003, vous avez notifié l'acquisition de société Sogrin par la société Champion Supermarchés France (ci-après " CSF "), filiale du groupe Carrefour. Ces deux acquisitions ont été formalisées par une promesse de cession d'actions et par une promesse de cession de parts en date du 28 octobre 2003.

I. - Les parties et l'opération

La société Sogrin est une société contrôlée par les membres de la famille Grindler, qui détiennent 60 % des actions composant son capital. La société Sogrin est propriétaire d'un fonds de commerce de supermarché d'une surface de 1 200 mètres carrés, situé à Mougins (06), qu'elle exploite sous l'enseigne Champion en application d'un contrat de franchise. La société Sogrin détient 100 % des parts composant le capital de la société Le Relais de Carimaï, qui exploite une station-service (1) à proximité immédiate du supermarché. Le chiffre d'affaires réalisé, entièrement en France, au cours de l'exercice 2002 par les deux sociétés s'est élevé respectivement à 15,3 et à 2,9 millions d'euros.

CSF est une filiale à 100 % du groupe de distribution Carrefour. Elle a pour objet la prise de participations dans les sociétés franchisées exploitant des supermarchés sous enseigne du groupe et le développement de celles-ci sur le territoire national. Le groupe Carrefour a réalisé en 2002 un chiffre d'affaires mondial consolidé de 68,7 milliards d'euros, dont 35,1 milliards d'euros en France et 23,6 milliards d'euros dans les autres pays de l'Union européenne.

L'opération consiste en l'acquisition par la société CSF de 100 % des actions moins une de la société Sogrin. La reprise par une filiale du groupe Carrefour d'une société exploitant un magasin franchisé à une des enseignes du groupe s'analyse comme une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce. En effet, comme l'estime la Commission (2), les dispositions " typiques " d'un accord de franchise ne sont pas de nature à conférer une influence déterminante du franchiseur sur son franchisé, dans la mesure où ce dernier continue de supporter les risques commerciaux inhérents à son activité.

Compte tenu des chiffres d'affaires précités, cette opération n'est pas de dimension communautaire et est soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatives à la concentration économique.

II. - La définition des marchés

La jurisprudence tant communautaire que nationale en matière de distribution distingue deux catégories de marchés : ceux qui mettent en présence les entreprises du commerce de détail et les consommateurs pour la vente des biens de consommation et ceux de l'approvisionnement en ces mêmes biens.

Le marché " aval " sur lequel sera analysée l'opération comprend les supermarchés et formes de commerce équivalentes situés dans la même zone de chalandise que le supermarché de la société Sogrin et la station-service de la société Le Relais de Carimaï, objets de l'opération, ainsi que les hypermarchés proches. Il n'est pas nécessaire de trancher la question de savoir si la zone de chalandise regroupe les clients pouvant accéder au magasin en voiture en 15 minutes au plus, ou une zone englobant l'hypermarché Carrefour le plus proche, dans la mesure où l'analyse concurrentielle demeure inchangée.

III. - Analyse concurrentielle

Le groupe Carrefour a considéré que le magasin de la société Sogrin rayonne sur une zone englobant les communes de Mougins et du Canet et la partie nord de la ville de Cannes. Il existe dans cette zone cinq magasins appartenant à des groupes concurrents du groupe Carrefour : Lidl, Aldi, Leclerc (2 magasins dont 1 hyper) et Casino. Il existe aussi dans cette zone un autre magasin du groupe Carrefour à l'enseigne Champion.

Le supermarché de la société Sogrin, objet de l'acquisition, d'une superficie de 1 200 mètres carrés, représente 11 % des surfaces de vente au détail des biens de consommation courante en supermarchés et dans des formes de commerce équivalentes de la zone de chalandise. L'autre magasin Champion, d'une superficie de 1 230 mètres carrés, représente 11 % des surfaces de vente définies ci-dessus. Les deux magasins réunis dans le groupe Carrefour représenteraient donc 22 % des mêmes surfaces de vente de la zone. A titre de comparaison, les deux magasins Leclerc représentent 53 % des surfaces de vente de la zone ainsi définies.

Si l'on élargit la zone de chalandise à 15 à 20 minutes, on constate la présence de plusieurs hypermarchés susceptibles de concurrencer le supermarché de la société Sogrin, objet de l'opération. Il s'agit de magasins Casino à Mouans-Sartoux, Auchan et Leclerc à Grasse, Leclerc à Cannes-La Bocca et Géant à Mandelieu et à Villeneuve-Loubet. Cependant, il existe aussi un hypermarché Carrefour à Antibes. Sur un total de surfaces commerciales de 52 720 mètres carrés sur le périmètre englobant la zone de chalandise et le " hors zone-hyper ", l'opération porterait la part des magasins du groupe Carrefour de 27 % à 29 %, les principaux groupes concurrents étant Casino, sous enseigne Géant, avec 30 % du total des surfaces commerciales et Leclerc avec 23 %.

Il résulte de ces éléments que, si l'acquisition du supermarché de la société Sogrin par le groupe Carrefour se traduit par une augmentation de la part de marché du groupe, il existe cependant, sur la zone de chalandise et à proximité en ce qui concerne les hypermarchés, des offres alternatives laissant un choix suffisamment large aux consommateurs.

Sur les marchés amont de la distribution, les entreprises concernées par l'opération sont affiliées à la centrale d'achat de Carrefour. Le poids des achats du supermarché de la société Sogrin est négligeable au plan national ; de plus, ce supermarché franchisé du groupe Carrefour était déjà affilié à sa centrale d'achat, si bien que l'opération notifiée est sans effet sur le marché de l'approvisionnement des biens de consommation courante à dominante alimentaire.

En conclusion, l'opération notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les différents marchés concernés. Je vous informe donc que j'autorise cette opération.

Je vous prie d'agréer, Monsieur le directeur, l'expression de mes sentiments les meilleurs.

(1) 6 pompes au total.

(2) Décision M 940 UBS/Mister Minit du 9 juillet 1997.