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Décisions

CA Paris, 13e ch. A, 8 septembre 1999, n° 97-06691

PARIS

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guilbaud

Avocat général :

M. Blanc

Conseillers :

MM. Castel, Seltensperger

TGI Bobigny, 15e ch., du 15 mai 1997

15 mai 1997

Rappel de la procédure:

La prévention:

B Alain est poursuivi pour avoir, à Aubervilliers, le 10 mai 1995, en tout cas sur le territoire national et depuis temps n'emportant pas prescription, trompé ou tenté de tromper le contractant par quelque moyen ou procédé que ce soit, même par l'intermédiaire d'un tiers, sur tes qualités substantielles, en l'espèce en mettant à la vente des disques de variétés réputés contenir exclusivement des titres célèbres en version originale mais en réalité, pour certains, n'être que des enregistrements effectués hors la composition musicale d'origine.

Le jugement:

Le tribunal, par jugement contradictoire à signifier, a

déclaré B Alain coupable de tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise,

faits commis le 10 mai 1995, à Aubervilliers,

infraction prévue et réprimée par l'article L. 213-1 Code de la consommation

et, en application de cet article,

l'a condamné à 20 000 F d'amende,

dit que la décision était assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 600 F dont est redevable chaque condamné.

vu l'article 473 du Code de procédure pénale,

dit que la contrainte par corps s'exercerait, en cas de besoin, conformément aux articles 749 et suivants du Code de procédure pénale.

Les appels:

Appel a été interjeté par:

Monsieur B Alain, le 6 août 1997, sur les dispositions pénales;

Décision:

Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur l'appel relevé par le seul prévenu à l'encontre du jugement précité auquel il convient de se référer pour l'exposé de la prévention;

Par voie de conclusions Alain B demande à la cour de:

- recevoir Monsieur B en son appel;

- l'y déclarer bien fondé et en conséquence,

à titre principal,

- réformer le jugement en toutes ses dispositions;

- relaxer Monsieur B des chefs de prévention visés faute de caractérisation de l'élément matériel et de l'élément moral;

à titre subsidiaire,

Si la cour estimait devoir entrer en voie de condamnation:

- vu les articles 132-59 du Code pénal, prononcer une dispense de peine et une dispense d'inscription au casier judiciaire B2;

à titre infiniment subsidiaire,

- réduire sensiblement la peine d'amende prononcée par le tribunal, compte tenu de la bonne foi et de l'absence d'antécédent judiciaire de M. B;

Il fait valoir que le fait que certains des titres aient été réenregistrés et qu'ils puissent, le cas échéant, dans la mesure où cela se révélerait impossible, ne pas avoir été interprétés par tous les membres d'un groupe, ne constitue pas un critère déterminant de l'acquisition d'un album, surtout lorsqu'il est offert à la vente pour 25 F;

Il soutient que la loi n'incrimine que le responsable de la première mise sur le marché des produits litigieux et qu'il n'est pas démontré qu'en sa qualité de gérant de la société X, il ait été le premier ni le seul importateur des albums de la société Y en France;

Il affirme par ailleurs qu'il a commercialisé les CD litigieux en toute bonne foi et qu'aucune intention de tromper le consommateur ne peut être relevée à son encontre;

Il souligne à cet égard que la législation sur l'emploi de la langue française n'a fait l'objet d'un décret d'application qu'en mars 1995, soit à une date très proche des faits incriminés;

Il expose enfin, que le préjudice éventuellement subi par les consommateurs a été réparé et que le trouble résultant de l'infraction a cessé;

Monsieur l'Avocat général requiert pour sa part la confirmation pure et simple de la décision entreprise;

Considérant que le 10 mai 1995 des agents de la Direction Générale de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes se présentaient au siège social de la SARL X à Aubervilliers où ils constataient que sur la majeure partie des disques compacts exposés à la vente (1 539 disques - 76 albums différents) figurait l'avertissement suivant rédigé en anglais:

"this album contains same tracks that are Re-recorded. Ail single artist tracks are performed by the original artist. Tracks feanturing groups were recorded using as many of the original group members as possible";

Considérant que la traduction en français de cet avertissement est la suivante: "cet album contient quelques titres réenregistrés. Tous les titres interprétés par un artiste unique sont exécutés par l'artiste original. Les titres interprétés par des groupes sont enregistrés par autant de membres du groupe d'origine que possible";

Considérant qu'aucune traduction en français de la mention rédigée en langue anglaise n'était apposée sur les produits ni affichée dans le local;

Qu'à titre de pièce à conviction était prélevé un exemplaire du disque "the Platters Gratest Hites" revêtu de l'avertissement en anglais précité;

Considérant que la cour ne saurait suivre le prévenu en son argumentation;

Que le disque des Platters prélevé lors des contrôles de l'administration permet de caractériser pleinement les faits reprochés;

Que ce disque compact est revêtu d'une photographie en noir et blanc du célèbre groupe, ce qui confère déjà à cet enregistrement une touche d'authenticité importante, et parfaitement recherchée, alors que la mention - fort restrictive - en langue anglaise ci-dessus rappelée "... les titres interprétés par des groupes sont enregistrés par autant de membres du groupe d'origine que passible" n'apparaît, au verso, qu'en caractères minuscules et ne peut à l'évidence être comprise que par un nombre très limité de consommateurs;

Qu'en réalité la commercialisation des disques ainsi présentés constitue une complète duperie pour le consommateur qui a l'illusion d'acheter une œuvre originale alors qu'il n'acquiert en réalité qu'un vulgaire ersatz;

Considérant que peu importe que Alain B ait été, ou non, le premier ou la seul importateur en France des produits litigieux;

Qu'en effet les produits mis sur le marché doivent répondre - à tous les stades de la commercialisation - aux prescriptions en vigueur relatives à la loyauté des transactions commerciales et à la protection des consommateurs;

Qu'il appartenait à Alain B, en sa qualité de gérant de la SARL X, de s'assurer personnellement que les produits mis en vente par sa société étaient exempts de tout élément susceptible de tromper le consommateur ce qu'il s'est, manifestement abstenu de faire engageant ainsi sa responsabilité pénale;

Considérant que les faits de tromperie visés à la prévention sont établis malgré les dénégations du prévenu;

Considérant que la cour confirmera le jugement attaqué sur la déclaration de culpabilité;

Considérant qu'en dépit des affirmations de Alain B les conditions d'une dispense de peine ne sont aucunement réunies en l'espèce;

Que la cour confirmera la décision critiquée sur la peine d'amende prononcée qui constitue une juste application de la loi pénale;

Que par ailleurs la cour n'estime pas devoir faire droit à la demande présentée par le prévenu tendant à l'exclusion de la mention de la condamnation à intervenir au bulletin n° 2 de son casier judiciaire;

Par ces motifs LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement Rejette les conclusions de relaxe de Alain B, Confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions, Rejette la demande du prévenu tendant à l'exclusion de la présente condamnation au bulletin n° 2, de son casier judiciaire, Rejette toutes conclusions plus amples ou contraires.