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Décisions

Ministre de l’Économie, 16 juillet 2003, n° ECOC0400042Y

MINISTRE DE L’ÉCONOMIE

Lettre

PARTIES

Demandeur :

MINISTRE DE L'ECONOMIE

Défendeur :

Conseils de la société Quatrem Assurances collectives

Ministre de l’Économie n° ECOC0400042Y

16 juillet 2003

MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE

Maîtres,

Par dossier déclaré complet le 11 juin 2003, le projet de cession par les sociétés Aviva Vie et Aviva Courtage, appartenant au groupe Aviva, de portefeuilles de contrats dans le secteur de l'assurance collective à la société Quatrem Assurances collectives (ci-après " Quatrem ") a été notifié.

I. - Les parties et l'opération

La société Quatrem est une société anonyme de droit français régie par le Code des assurances. Le capital social de Quatrem est détenu par la société Mederic Assurances à hauteur de 50 %, La Mutuelle du Mans Assurances Vie à hauteur de 27,5 % et La Mutuelle du Mans Assurances IARD à hauteur de 22,5%.

La société Mederic Assurances est également une société anonyme de droit français régie par le Code des assurances. Son activité consiste à gérer les participations dans les sociétés d'assurances du groupe Mederic. Le groupe Mederic est lui-même composé d'une variété d'organismes dont une institution de prévoyance régie par le Code de la sécurité sociale (Mederic Prévoyance, qui détient 80 % du capital de Mederic Assurances), une mutuelle régie par le Code de la mutualité, des sociétés régies par le Code des assurances et des sociétés d'épargne salariale. Le groupe exerce son activité dans le domaine de la protection sociale en France et offre à ses clients, entreprises et particuliers, des produits de prévoyance, de santé, d'épargne et de retraite. Le chiffre d'affaires total du groupe s'est élevé en 2002 à plus d'un milliard d'euros, entièrement réalisé en France.

Les sociétés La Mutuelle du Mans Assurances Vie et La Mutuelle du Mans Assurances IARD sont des sociétés d'assurance mutuelle sans capital social. Bien que non unies par des liens capitalistiques, ces deux sociétés, ainsi que La Défense automobile et sportive et Le Finistère, font partie du groupe MMA en raison des liens étroits qui les unissent et qui résultent d'une direction commune, de services opérationnels communs, de filiales communes et d'accords de coassurance et de réassurance. Le chiffre d'affaires combiné du groupe MMA s'est élevé à 4,2 milliards d'euros en 2002, dont plus des deux tiers a été réalisé en France.

En 2000, les groupes Mederic et MMA ont signé un accord de partenariat dont découle la création de la société Quatrem. Les dispositions du pacte conclu entre ses actionnaires confirment leur intention de contrôler conjointement Quatrem. Cette dernière a pour vocation d'exercer son activité exclusivement dans le secteur de l'assurance collective des personnes et constitue une entreprise commune de plein exercice. Elle a réalisé un chiffre d'affaires de 597,2 millions d'euros au titre de l'exercice 2002.

La présente opération consiste en la cession à Quatrem par le groupe Aviva des portefeuilles de contrats dans le secteur de l'assurance collective. Ces portefeuilles sont composés de contrats d'assurance, de coassurance et de réassurance de risque dans les domaines de la prévoyance et de la santé entreprise. Ils ont généré, en 2002, un chiffre d'affaires de [>15] millions d'euros, en totalité sur le territoire français.

La présente opération aura pour effet de placer sous le contrôle conjoint des groupes Mederic et MMA une activité auparavant contrôlée par le groupe Aviva. A ce titre, elle constitue une opération de concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce. Compte tenu des chiffres d'affaires précités et de leur répartition géographique, cette opération n'est pas de dimension communautaire mais relève du contrôle national des concentrations et est soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du même Code.

Il convient en outre de noter que Quatrem doit par ailleurs acquérir d'autres portefeuilles de contrats d'assurance collective auprès du groupe MMA. Ce projet d'acquisition a également été notifié au ministre le 11 juin 2003 et devra être pris en compte dans l'analyse concurrentielle des effets de la présente opération.

II. - Les marchés concernés

L'activité objet de la présente opération entre dans le même champ d'activité que celui de la société Quatrem, à savoir le secteur de l'assurance.

En matière d'assurance, la pratique décisionnelle de la Commission considère généralement qu'il existe " une différence fondamentale entre les activités de réassurance, d'assurance-vie et d'assurance dommages. En outre, la Commission a constaté que l'assurance-vie et l'assurance dommages pouvaient être divisées en autant de marchés de produits pertinents distincts qu'il existe d'assurances couvrant les différents types de risques " (1).

Par ailleurs, le Conseil de la concurrence a relevé, dans son avis 98-A-03 du 24 février 1998 relatif au secteur de l'assurance, que la profession établit traditionnellement une distinction entre les assurances de personnes et les assurances de dommages. Les assurances de personnes recouvrent les assurances en cas de vie, les assurances en cas de décès, les assurances mixtes (offrant à la fois et de façon alternative une garantie en cas de vie et une garantie en cas de décès), les bons de capitalisation et les assurances de dommages corporels (regroupant le remboursement de frais de soin en complément des régimes obligatoires d'assurance maladie ainsi que le versement d'un capital en cas de décès par accident ou d'indemnités en cas d'incapacité de travail ou d'invalidité). En revanche, les assurances de dommages recouvrent les assurances de biens (garantie d'un risque relatif à un élément d'actif patrimonial) et les assurances de responsabilité (couvrant les dettes liées à l'obligation de réparer les dommages causés à autrui).

En l'espèce, les contrats objets de la présente opération ne concernent pas l'activité d'assurance de dommages. Par ailleurs, le chiffre d'affaires réalisé par la partie de ces contrats relative à l'activité de réassurance demeure très faible par rapport au chiffre d'affaires réalisé par l'ensemble des contrats cédés. En conséquence, l'analyse de la présente opération portera sur les marchés des assurances de personnes.

Dans l'avis précité, le Conseil a relevé en outre que " les assurances de personnes peuvent donner lieu à des contrats d'assurance de groupe, souscrits par des chefs d'entreprises, des associations ou des établissements de crédit au profit de personnes qui viendront ultérieurement adhérer à la convention (art. L. 140-1 du Code des assurances) ".

De même, dans sa décision du 7 avril 2003 relative à la création d'une entreprise commune entre les groupes AG2R et La Mondiale (2), le ministre a considéré que l'assurance collective se distinguait des assurances individuellement contractées par le bénéficiaire dans la mesure où elle fonctionne sur le fondement d'un contrat conclu entre un assureur et un souscripteur distinct des bénéficiaires ultimes du contrat.

En outre, le ministre a estimé que plusieurs marchés pertinents pouvaient être distingués au sein de l'assurance collective en fonction de la nature des risques couverts. Il est ainsi possible de considérer comme marchés pertinents distincts les marchés de l'assurance prévoyance collective (couverture contre une perte de revenu liée à la survenance de certains risques), de l'assurance santé collective (couverture complémentaire des frais de santé), des contrats collectifs d'épargne retraite (forme de retraite complémentaire par capitalisation) et, enfin, des contrats collectifs d'épargne salariale (produits permettant aux salariés d'une entreprise de se constituer une épargne défiscalisée).

En l'espèce, la partie notifiante a repris cette segmentation et considère que les portefeuilles de contrats objets de la présente opération concernent les deux premiers marchés, à savoir l'assurance prévoyance collective et l'assurance santé collective. Seuls ces deux marchés sont donc concernés par la présente opération.

Pour ce qui est du marché de l'assurance prévoyance collective, la partie notifiante précise que ce dernier comprend les contrats signés par des entreprises ou des collectivités territoriales au bénéfice de leurs salariés ou agents, ainsi que les contrats conclus avec des organismes bancaires au bénéfice des personnes ayant souscrit un emprunt bancaire auprès d'eux (ci-après " contrats emprunteurs "). Elle se fonde sur le fait que le niveau d'expertise technique ainsi que la méthode de tarification seraient identiques à ce qui est de mise pour les contrats conclus avec les entreprises ou les collectivités territoriales. Cependant, la question de savoir si les contrats emprunteurs relèvent d'un marché pertinent distinct du reste du marché de l'assurance prévoyance collective peut être posée. Toutefois, au cas d'espèce, cette question peut être laissée ouverte dans la mesure où, quelle que soit la dimension du ou des marchés retenue, les conclusions de l'analyse demeureront inchangées.

Du point de vue géographique, il ressort de la décision ministérielle précitée que les marchés en cause sont de dimension nationale, ce que confirment les parties à la présente opération.

III. - L'analyse concurrentielle

Pour apprécier les effets de la présente opération, il convient de prendre en considération l'addition de parts de marché due à l'apport des contrats cédés par le groupe Aviva, d'une part, mais aussi celle due à l'apport des contrats cédés par le groupe MMA dans la seconde opération notifiée le même jour, d'autre part. De plus, il est nécessaire de tenir compte du fait que le groupe Mederic demeure actif dans le domaine de l'assurance collective, indépendamment de l'activité de Quatrem.

En matière d'assurance prévoyance collective, si l'on considère que le marché comprend les contrats emprunteurs, la partie notifiante estime que la part de marché de Quatrem s'élève à [0-10] % du marché, celle des contrats cédés par MMA à [0-10] % et celle des contrats cédés par Aviva à [0-10] %. La part de Quatrem à l'issue des deux opérations atteindra environ [0-10] % du marché de l'assurance prévoyance collective comprenant les contrats emprunteurs. Le groupe Mederic, par ailleurs toujours présent sur ce marché, détient une part de marché de [0-10] %.

Même si l'on considère que le marché de la prévoyance collective se limite aux contrats souscrits par les entreprises et les collectivités territoriales au bénéfice de leurs employés et agents, la part de marché de Quatrem devrait passer de [0-10] % à [0-10] % à l'issue des deux opérations. La part de Mederic s'élève pour sa part à environ [0-10] % du marché de la prévoyance collective hors contrats emprunteurs.

De même, si l'on considère que les contrats de prévoyance destinés aux emprunteurs constituent à eux seuls un marché pertinent, la part de marché de Quatrem devrait passer de [0-10] % à [0-10] % tandis que celle de Mederic atteint environ [0-10] % de ce marché.

En tout état de cause, quelle que soit la dimension du ou des marchés retenus, il ressort de ces éléments que l'opération envisagée n'entraîne aucun risque de modifier de manière significative la structure du ou des marchés de la prévoyance collective en faveur de Quatrem ou du groupe Mederic. La même conclusion prévaut si l'on tient compte de l'acquisition des portefeuilles de contrats auprès du groupe MMA. Il convient en outre de souligner que Quatrem et Mederic demeurent soumis à la forte concurrence que constituent les grands groupes d'assurance tels que AXA (environ [0-10] % du marché de la prévoyance collective au sens large), CNP ([0-10] %), AGF ([0-10] %).

Pour ce qui est du marché de l'assurance santé collective, la part de marché de Quatrem représente environ [0-10] % du marché, celle des contrats cédés par MMA environ [0-10] % et celle des contrats cédés par Aviva à peine plus de [0-10] %. La part du nouvel ensemble à l'issue des deux opérations ne devrait pas dépasser [0-10] % à [0-10] % du marché de l'assurance santé collective. La part de Mederic s'élève quant à elle à [0-10] %. On relèvera également la forte présence du groupe d'assurance AXA ([10-20] % du marché), des AGF ([0-10] %) et du groupe AG2R ([0-10] %). L'opération envisagée n'entraîne pas non plus de modifications significatives sur le marché de l'assurance santé collective au profit de Quatrem ou du groupe Mederic. La même conclusion prévaut également si l'on tient compte de l'acquisition des portefeuilles de contrats auprès du groupe MMA.

Il apparaît en conséquence que l'opération envisagée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence. Je vous informe donc que j'autorise cette concentration.

Je vous prie d'agréer, Maîtres, l'expression de mes sentiments les meilleurs.

Nota. - A la demande des parties notifiantes, des informations relatives au secret des affaires ont été occultées et la part de marché exacte remplacée par une fourchette plus générale.

Ces informations relèvent du " secret des affaires ", en application de l'article 8 du Décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.

(1) Notamment : décision M. 344, Codan/Hafnia du 28 mai 1993 ; M. 384, UAP/Vinci du 1er décembre 1993 ; M. 403, AGF/La Union y El Fenix du 25 avril 1994 ; M. 862, AXA/UAP du 20 décembre 1996 ; M 1193, AXA/Royale belge du 12 juin 1998.

(2) Décision en instance de publication au BGCCRF.