Ministre de l’Économie, 23 mai 2003, n° ECOC0400053Y
MINISTRE DE L’ÉCONOMIE
Lettre
PARTIES
Demandeur :
MINISTRE DE L'ECONOMIE
Défendeur :
Conseil de la société Daimler Chrysler France
MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE
Maître,
Par dépôt d'un dossier déclaré complet le 18 avril 2003, vous avez notifié deux transactions :
- d'une part, le projet d'acquisition par la société Daimler Chrysler France des titres de la société Philippe Auto service, filiale de la société GGBA, et des parts de la société civile immobilière Chemin national ; ce projet d'acquisition a fait l'objet d'une promesse de cession d'actions signée le 26 mars 2003 ;
- d'autre part, l'acquisition par la société Micro Compact Car Smart Distribution, filiale du groupe Daimler Chrysler AG, d'un fonds de commerce de garage automobile détenu par la société SDAS, filiale de la société GGBA ; cette opération a été réalisée en novembre 2002.
I. - Les parties et l'opération
Le projet d'acquisition
La société Daimler Chrysler France est acquéreur de la société Philippe Auto Service (1). La société Daimler Chrysler France est importateur exclusif en France des véhicules neufs des marques commercialisées par le groupe de droit allemand Daimler Chrysler AG (ci-après " DC "), à savoir : Mercedes-Benz, Smart, Chrysler, Jeep et Maybach pour les véhicules particuliers (ci-après " VP "), Mercedes-Benz, Setra et Mitsubishi Canter pour les véhicules commerciaux. Le réseau de distribution du groupe DC pour la marque Mercedes-Benz VP est organisé en France autour d'un réseau de 119 concessionnaires (dont 5 filiales du groupe DC), bénéficiant d'une exclusivité de vente sur un territoire concédé par contrat, auxquels s'ajoutent trois succursales.
Le groupe DC a réalisé en 2001 un chiffre d'affaires global de 152,8 milliards d'euros, dont 45,6 milliards d'euros dans les pays de l'Union européenne, et la société DC France un chiffre d'affaires de 3,5 milliards d'euros. Il convient d'ajouter à ces chiffres d'affaires le chiffre d'affaires de la société Comptoir industriel & commercial de l'automobile (2) (ci-après " CICA "), acquise en mars 2003 (3).
La société Philippe Auto services est une filiale à 99,68 % de la société GGBA, détentrice de nombreuses concessions automobiles représentant sept marques différentes majoritairement situées dans la région Nord-Pas-de-Calais. La société Philippe Auto, dont le siège est à Seclin (59), a pour activité la vente et la réparation de véhicules automobiles dans le cadre d'une concession Mercedes-Benz. La société a réalisé en 2001 un chiffre d'affaires global de 15,3 millions d'euros, exclusivement en France.
L'opération réalisée en 2002
La société Smart Distribution SAS, anciennement Micro Compact Car Smart Distribution, est une filiale à 100 % de la société Daimler Chrysler France, elle-même contrôlée par le groupe DC. Elle distribue en France des véhicules de marque Smart par l'intermédiaire d'un réseau de distributeurs (*). Elle a acquis en novembre 2002 un fonds de commerce de garage automobile " Smart Center " dédié à la marque Smart, situé dans le département du Nord. Ce fonds de commerce avait réalisé en 2001 un chiffre d'affaires hors taxes de 1,1 million d'euros. Cette opération n'entrait donc pas dans le champ des dispositions des articles du Code de commerce relatives à la concentration économique.
(*) Erreur matérielle ; lire : " succursales " au lieu de : " distributeurs ".
En application de l'article 2 du Décret n° 2002-689 du 30 avril 2002, renvoyant à l'article 5-2 du règlement communautaire n° 4064-89, les deux transactions notifiées ayant lieu dans un intervalle de moins de deux ans entre les mêmes entreprises sont à considérer comme une seule opération intervenant à la date de la dernière transaction. Cette opération constitue une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce. Elle ne revêt pas une dimension communautaire au sens du règlement (CE) n° 4064-89 modifié du 21 décembre 1989. Compte tenu des chiffres d'affaires précités, elle est soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce, relatives à la concentration économique.
II. - La définition des marchés et l'analyse concurrentielle
Il convient d'apprécier l'impact de la présente opération sur la concurrence à la lumière des analyses menées lors d'opérations similaires récemment autorisées dans les mêmes secteurs d'activités (4). A l'occasion de l'examen de ces opérations de concentration, les principaux éléments de définition des marchés concernés ont été précisés. Ces éléments demeurent applicables à la présente opération.
Compte tenu de l'activité exercée par les parties, la concentration concerne pour l'essentiel la vente au détail de véhicules neufs destinés à une clientèle de particuliers (VP) dans la région Nord-Pas-de-Calais, ainsi que les services d'entretien et de réparation de véhicules automobiles.
L'application au cas d'espèce des principes d'analyse dégagés lors de l'instruction d'opérations précédentes (5) conduit à considérer que l'opération n'est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence intermarque, élément moteur du jeu de la concurrence dans ce secteur, y compris au plan local. En effet, en ce qui concerne le marché de la vente au détail de VP neufs, l'opération de rachat par le groupe DC d'une concession de son réseau ne se traduit pas par une augmentation de sa part de marché relativement aux groupes concurrents de construction de véhicules automobiles.
En ce qui concerne la concurrence intramarque entre revendeurs de véhicules Mercedes-Benz, elle se trouverait a priori affaiblie par l'opération du fait de l'intégration d'une entreprise indépendante de distribution dans le groupe de son fournisseur. Les filiales et succursales du groupe DC en France, y compris CICA, ont réalisé en 2002 [30-40] % des ventes de VP neufs de marque Mercedes dans la région Nord-Pas-de-Calais, l'acquisition de la société Philippe Auto Services par le groupe DC porterait ce taux à [40-50] % des ventes ; les concessionnaires indépendants et les importateurs ne représenteraient donc plus qu'un peu plus de [50-60] % des ventes de VP neufs de marque Mercedes-Benz dans cette région.
Néanmoins, il convient de souligner que la concurrence intramarque joue actuellement un rôle plus faible dans le jeu concurrentiel en matière de distribution automobile que la concurrence intermarque, véritable élément moteur de la concurrence. En effet, compte tenu du système actuel de distribution exclusive qui octroie des territoires exclusifs aux revendeurs de VP, la pression concurrentielle qu'exercent entre eux les différents revendeurs d'une même marque est relativement faible. Il convient toutefois de noter que les filiales et succursales des constructeurs automobiles consentent généralement des remises supérieures à celles consenties par leurs concessionnaires indépendants (6), ce qui tend à favoriser la concurrence intramarque. Le nouveau règlement d'exemption relatif au secteur de l'automobile (7) permet aux constructeurs de mettre fin aux exclusivités territoriales des revendeurs de véhicules automobiles ; ceux-ci pourront à partir d'octobre 2003 prospecter librement la clientèle et à partir d'octobre 2005 ouvrir des points de vente ou de livraison dans toute l'Europe. Cette situation devrait donc encourager la concurrence entre revendeurs d'une même marque. Elle devrait notamment, pour une région frontalière telle que le Nord-Pas-de-Calais, favoriser le commerce transfrontalier et stimuler la concurrence entre revendeurs belges et français.
Compte tenu de ces éléments, tout risque d'atteinte à la concurrence sur un marché régional de la vente au détail de VP neufs aux particuliers dans la région Nord-Pas-de-Calais peut donc être exclu.
Il en va de même a fortiori sur les marchés des services de réparation et d'entretien.
En conclusion, il ressort de l'instruction du dossier que la concentration notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence, notamment par création ou renforcement de position dominante. Je vous informe donc que j'autorise cette opération.
Je vous prie d'agréer, Maître, l'expression de mes sentiments les meilleurs.
Nota. - A la demande des parties notifiantes, des informations relatives au secret des affaires ont été occultées et la part de marché exacte remplacée par une fourchette plus générale.
Ces informations relèvent du " secret des affaires ", en application de l'article 8 du Décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.
(1) Cependant, les actes de cession prévoient qu'elle peut substituer une personne morale de son choix, ce qu'elle entend faire au profit de CICA, entreprise concessionnaire de distribution de véhicules automobiles de marque Mercedes-Benz, acquise en mars 2003.
(2) CICA, dont le siège est à Marcq-en-Baroul (59), a réalisé en 2001 un chiffre d'affaires total de 39,6 millions d'euros, dont 33,7 millions d'euros en France.
(3) Cette opération a été autorisée par le ministre par lettre en date du 28 février 2003 (en instance de publication au BOCCRF).
(4) Cf. les opérations Gueudet/Degand, et RFA Nord/VRALE, autorisées respectivement les 17 octobre et 8 novembre 2002, en instance de publication au BOCCRF, et l'opération GGBA/SNAT, autorisée par lettre du 25 octobre 2002, publiée au BOCCRF du 31 décembre 2002.
(5) Cf. les opérations RFA Nord/VRALE, autorisée par lettre du ministre du 8 novembre 2002, publiée au BOCCRF n° 4 du 31 mars 2003, PSA/Ortelli, autorisée par lettre du ministre du 12 décembre 2002, publiée au BOCCRF n° 4 du 31 mars 2003.
(6) On constate à cet égard que le taux de remises moyen par rapport aux prix catalogue des succursales et filiales du groupe DC France est de [...] % en moyenne au plan national alors que le taux moyen de remises pratiqué par les concessionnaires est de [...] %.
(7) Règlement (CE) n° 1400-2002 du 31 juillet 2002 concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées dans le secteur automobile.