Ministre de l’Économie, 17 mars 2003, n° ECOC0400084Y
MINISTRE DE L’ÉCONOMIE
Lettre
PARTIES
Demandeur :
MINISTRE DE L'ECONOMIE
Défendeur :
Président de la société Soprema
MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE
Monsieur le président,
Par dépôt d'un dossier dont il a été accusé réception le 19 février 2003, vous avez notifié le projet d'acquisition de la totalité des actions et droits de vote de la société anonyme société nouvelle Deschamps SA (ci-après " Deschamps ") par la société anonyme Soprema SA (ci-après " Soprema "). Ce projet a été formalisé par un protocole d'accord signé entre les parties en date du 11 décembre 2002.
I. - Les parties et l'opération
Deschamps, la cible, exerce des activités de travaux d'étanchéité à titre principal ([60-70] % de son chiffre d'affaires en 2001) et des activités dans les métiers de la couverture ([20-30] % du chiffre d'affaires) ainsi que de la plomberie ([10-20] %). Ses prestations de travaux d'étanchéité et de couverture s'inscrivent dans la réalisation de chantiers, alors que sa prestation en matière de plomberie correspond à du service et du dépannage.
Sur l'exercice 2001, Deschamps a réalisé un chiffre d'affaires de 20,7 millions d'euros, exclusivement en France.
Soprema, l'acquéreur, est une holding familiale. La société et ses filiales exercent d'une part une activité industrielle, à savoir la fabrication de matériaux d'étanchéité et, d'autre part, une activité de travaux, à savoir la pose de revêtements d'étanchéité et de bardage. Soprema dispose de trois usines en France et de cinq usines réparties en Suisse, en Belgique, au Canada (2 usines) et aux Etats-Unis. Les ventes de produits sont réalisées en France, par le biais de ses treize succursales, et à l'export. Les produits sont également distribués au travers de négociants en France et à l'étranger. L'activité de travaux est réalisée principalement en France où Soprema dispose de 25 agences de travaux. En dehors du territoire national, l'activité de travaux de Soprema se concentre en Suisse où elle réalise par le biais d'une filiale spécialisée des travaux de pose de revêtements d'étanchéité.
Soprema a réalisé en 2001 un chiffre d'affaires mondial de 476,3 millions d'euros, dont 348,4 millions d'euros dans l'Union européenne, et 331,7 millions d'euros en France.
En vertu de l'accord précité, le contrôle de Deschamps est transféré au profit exclusif de Soprema. L'opération constitue ainsi une opération de concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce. Au regard des chiffres d'affaires des entreprises concernées, il apparaît que les seuils communautaires ne sont pas franchis, mais qu'en revanche les seuils de chiffres d'affaires tels qu'énoncés à l'article L. 430-2 du Code de commerce sont quant à eux franchis. L'opération projetée entre donc dans le champ d'application des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce.
II. - Les marchés concernés
A. - La délimitation des marchés concernés
1. La prestation de travaux d'étanchéité
Les parties sont des entreprises du secteur du bâtiment et travaux publics qui interviennent dans le domaine de la construction pour des travaux de second œuvre lors de la réalisation de la couverture des bâtiments. La couverture d'une construction, ultime étape de la réalisation d'un toit, peut se définir comme l'ensemble des matériaux étanches supportés par la charpente afin que le bâtiment soit protégé des intempéries. Il s'agit de matériaux de couverture (tuile, ardoise, chaume, bois, zinc, tôles d'acier...) et de revêtements d'étanchéité (asphalte, étanchéité bitumeuse, mousse de polyuréthane, systèmes d'étanchéité liquide...).
Les activités de travaux de couverture et de travaux d'étanchéité sont proches ; les deux prestations sont d'ailleurs souvent l'objet d'un seul et même lot dans le cadre des procédures d'appel d'offres en matière de marchés publics. Malgré la spécificité des savoir-faire, certaines entreprises, et notamment la cible, sont actives dans les deux métiers.
Toutefois, il apparaît que les entreprises exclusivement actives dans la prestation de travaux d'étanchéité s'imposent plus fermement sur leur propre secteur ; elles réalisent en 2001 81 % des travaux d'étanchéité contre 71 % en 1993. Autrement dit, la part des travaux d'étanchéité réalisée par les corps de métiers concurrents s'est fortement réduite. De plus, nombre de maîtres d'œuvre publics, qui représentent un tiers de la demande de travaux d'étanchéité, englobent travaux de couverture et travaux d'étanchéité sous un même lot ; cette pratique ne fait pas obstacle à la soumission d'une offre en partenariat entre des entreprises spécialisées dans l'une et l'autre de ces activités. Aussi les parties admettent-elles qu'il y a lieu de distinguer l'activité de travaux d'étanchéité de celle de travaux de couverture.
Les parties réalisent toutes deux des travaux d'étanchéité. L'étanchéité est une technique destinée à protéger les ouvrages contre les intempéries. La fonction principale d'un système d'étanchéité est donc d'assurer une bonne imperméabilité à l'eau. Dans certains cas, les concepteurs exigent en outre que l'ouvrage réponde à d'autres contraintes comme l'isolation thermique ou acoustique. A ces exigences correspondent différentes technologies plus ou moins substituables entre elles et faisant chacune appel à des matériaux variés et parfois complémentaires. Dès lors, il est légitime de s'interroger sur le point de savoir s'il convient de segmenter l'activité de travaux d'étanchéité selon les différentes technologies utilisées.
A l'instar de toute entreprise du bâtiment en France (1), les entreprises actives dans le secteur de l'étanchéité doivent être qualifiées et certifiées. Cette tâche revient à un organisme créé en 1949 à l'initiative du ministre de la Construction et d'organisations professionnelles d'entrepreneurs, d'architectes et de maîtres d'ouvrage : Qualibat (2). A chaque technique d'étanchéité, Qualibat associe une qualification : étanchéité en matériaux bitumeux en feuilles (codée " 321 "), étanchéité en matériaux de synthèse en feuille (" 322 "), étanchéité en asphaltes coulés (" 323 ") et étanchéité liquide coulée in situ (" 324 "). Les entreprises qualifiées pour l'une ou l'autre de ces techniques sont classifiées entre plusieurs niveaux de technicité (courant, confirmé, supérieur ou exceptionnel). Chaque qualification est attribuée aux seules entreprises pouvant attester qu'elles disposent des moyens et des savoir-faire relatifs à la mise en œuvre de la technique d'étanchéité considérée, ceci à l'exclusion des autres procédés qui font l'objet de qualifications différentes. Ainsi, il apparaît que toutes les entreprises spécialisées dans la prestation de travaux d'étanchéité ne sont pas qualifiées pour l'ensemble des techniques d'étanchéité existantes.
Par ailleurs, la substituabilité imparfaite des différentes techniques aux yeux de certains maîtres d'ouvrage conduit fréquemment ces derniers à imposer telle ou telle technique dans les documents contractuels remis par les entreprises lors de la passation de marchés de travaux. Pour l'exemple, ce comportement limite l'accès d'un marché de travaux d'étanchéité, que le prescripteur souhaite suivant une technique d'étanchéité en asphaltes coulés, aux seules entreprises d'étanchéité titulaires de cette qualification. De surcroît, en matière de marchés publics, la classification au sein d'une même qualification peut in facto écarter les entreprises " technicité confirmée " à l'avantage des entreprises " technicité supérieure ".
Néanmoins, il apparaît qu'une grande partie des opérateurs de travaux d'étanchéité de taille significative sont qualifiés pour chacune des techniques d'étanchéité existantes. La qualification s'effectue uniquement sur demande de l'entreprise qui souhaite que la régularité de sa situation administrative, ses compétences techniques et son envergure financière soient vérifiées et reconnues. Ces trois champs d'évaluation constituent la base de l'attribution d'une qualification. Si la procédure d'attribution et de renouvellement d'une qualification est rigoureuse, elle ne peut être rédhibitoire pour une entreprise de taille significative qui souhaite être qualifiée pour l'une quelconque de ces techniques.
En outre, l'instruction a révélé que si les prescripteurs imposent fréquemment telle ou telle technique d'étanchéité lors de la passation de marchés publics ou privés, les règlements des consultations laissent cependant parfois les entrepreneurs présenter une ou plusieurs variantes.
Au cas d'espèce, il n'apparaît pas pour autant nécessaire de définir plus précisément le secteur des travaux d'étanchéité dans la mesure où, quelle que soit la délimitation retenue, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeureront inchangées. La question de savoir si la prestation de travaux d'étanchéité comprend un ou plusieurs marchés de services pertinents peut donc être laissée ouverte.
Toutefois, s'il devait être distingué plusieurs marchés de travaux d'étanchéité selon les techniques utilisées, il conviendrait alors de préciser que si Soprema est qualifiée pour les prestations de travaux d'étanchéité en matériaux bitumineux en feuilles, en matériaux de synthèse en feuilles et en travaux d'étanchéité liquide coulée in situ, Deschamps n'est quant à elle qualifiée que pour la seule prestation de travaux d'étanchéité en matériaux bitumineux en feuilles.
2. L'approvisionnement en matériaux d'étanchéité
Pour l'exercice de leur activité de travaux d'étanchéité Soprema et Deschamps s'approvisionnent en matériaux d'étanchéité soit directement auprès de fabricants, soit auprès de négociants. A chaque technique d'étanchéité susmentionnée correspond une famille de matériaux spécifique.
Conformément à la pratique décisionnelle de la Commission et du ministre, il est possible de distinguer, en matière d'approvisionnement, autant de marchés qu'il existe de familles de produits (3). En effet, la structure de l'offre, l'évolution des prix, la nature et l'intensité des barrières à l'entrée ou des contraintes de fabrication peuvent sensiblement varier d'une famille de produits à l'autre.
Les revêtements d'étanchéité, qui constituent une même famille de produits au sens de la pratique décisionnelle, se répartissent en cinq types de matériaux : l'asphalte, le bitume, le polyuréthane, les revêtements en résines et les revêtements en feuilles synthétiques.
La roche d'asphalte est une roche sédimentaire poreuse (le plus souvent calcaire) imprégnée de bitume. Le transport de l'asphalte de la centrale jusqu'au chantier est effectué dans des malaxeurs chauffés sur camion ; le mélange doit être maintenu à une température constante comprise entre 200 et 260°C. Les entreprises individuelles qui produisent de l'asphalte sont très peu nombreuses, en raison des investissements très lourds que sa fabrication nécessite. Le coût de transport constitue un handicap supplémentaire pour ce matériau.
Le bitume est obtenu par distillation de pétrole brut. Il constitue la matière de base des étanchéités multicouches. Il est soit utilisé directement pour l'imprégnation des armatures en carton feutre ou toile de jute, soit transformé en bitume oxydé, en bitume modifié ou en élastomère. Selon sa transformation, le bitume est conditionné par masse d'enrobage de feutres, chapes ou feuilles de revêtement, et transporté ainsi jusqu'au chantier.
Le polyuréthanne est un mélange polyol-isocyanate. Il est projeté sur la toiture, dans des conditions rigoureuses, où il polymérise en s'expansant.
Les revêtements en résines utilisent de très nombreuses familles chimiques (acryliques, polyuréthannes, époxydes, polyesters...). La résine est projetée ou appliquée à la brosse et polymérisée en film mince.
Enfin, les revêtements en feuilles synthétiques sont des membranes constituées de feuilles préfabriquées souples, réalisées à base de résines de " hauts polymères " de synthèse, auxquelles sont rajoutés des adjuvants (plastifiants, stabilisants, pigments...). Les principales membranes utilisées sont les thermoplastiques (PVC, PVC-ECA, ECB...) et les élastomériques (PIB, EPDM).
Soprema est actif dans la fabrication de matériaux bitumineux en feuilles, notamment d'élastomères, et dans la fabrication de revêtements en résine. Compte tenu du fait que Deschamps n'est qualifié, en matière d'étanchéité, que pour l'activité de travaux d'étanchéité en matériaux bitumineux en feuilles, il y a lieu de considérer que, parmi les différents types de matériaux d'étanchéité, l'approvisionnement en matériaux bitumineux en feuilles est principalement concerné par la présente opération.
Il est donc légitime de s'interroger sur la pertinence d'une segmentation de l'approvisionnement en matériaux d'étanchéité selon le type de matériau. Pour autant, cette question peut être laissée ouverte dans la mesure où, que soit considéré comme concerné par la présente opération l'approvisionnement en matériaux d'étanchéité en tant que famille de produits ou, au plus étroit, l'approvisionnement en matériaux bitumineux en feuilles, les conclusions de l'analyse demeureront inchangées.
B. - La dimension géographique des marchés
1. La prestation de travaux d'étanchéité
Selon les parties, la prestation de travaux d'étanchéité doit s'entendre à une échelle nationale. A l'appui de cette dimension géographique, elles se fondent sur l'origine géographique du chiffre d'affaires généré par la prestation de travaux d'étanchéité pour chacune d'elles ; Deschamps réalise l'intégralité de son chiffre d'affaires en France, Soprema réalise 94 % de son chiffre d'affaires généré par l'activité travaux d'étanchéité en France. Les parties arguent également, au soutien d'une délimitation nationale du ou des marchés de travaux d'étanchéité, de l'existence d'une réglementation nationale applicable à cette prestation de travaux.
Cependant, il apparaît qu'une délimitation locale peut être envisagée s'agissant du ou des marchés de travaux d'étanchéité. Il convient en effet de souligner que les PME de moins de 20 salariés forment 88 % du tissu et 63 % de la production totale du secteur (4). Une très large majorité des acteurs ne disposent donc que d'un site d'activité.
Si le personnel n'est généralement pas mobile au-delà d'un niveau régional, le recours à la sous-traitance locale de main d'œuvre est certes une pratique courante dans ce secteur. Pour autant, les parties conviennent que l'encadrement et la supervision des chantiers ne s'exercent qu'exceptionnellement au-delà d'un rayon de 300 kilomètres depuis le site d'implantation de l'agence, et encore ce rayon maximum est-il fonction de la multiplicité des chantiers et de leur localisation géographique. Elles conviennent également que le métier exige une grande réactivité et rapidité d'intervention, et que de ce fait une relative proximité du client et du lieu de chantier est nécessaire. Ces éléments sont corroborés par le constat qu'une très large majorité d'opérateurs du secteur voit son rayon d'action limité à leur région, ce qui est notamment le cas de Deschamps.
Deschamps ne dispose que d'une agence de travaux, sise à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis). Elle est essentiellement active en Ile-de-France, mais est également amenée à réaliser des chantiers dans des départements limitrophes, tels que l'Oise et l'Eure. Le groupe Soprema dispose quant à lui de 25 agences de travaux d'étanchéité et quatre filiales n'exploitant chacune qu'un seul site actif dans le secteur. Ces agences et filiales sont réparties de manière homogène sur l'ensemble du territoire national. Une seule d'entre elles est située en Ile-de-France. Elle réalise [70-80] % de son chiffre d'affaires sur cette région, et [10-20] % de ce dernier dans les départements limitrophes (5). Aussi, s'il peut être acquis que la dimension géographique du ou des marchés de travaux d'étanchéité est locale, au cas d'espèce, il y a lieu de considérer que la dimension locale concernée par la présente opération recouvre la région parisienne élargie aux départements limitrophes.
2. L'approvisionnement en matériaux d'étanchéité
En matière d'approvisionnement en matériaux de construction, la dimension géographique est généralement considérée comme étant au moins nationale, voire européenne (6).
S'agissant de l'approvisionnement en matériaux d'étanchéité, il convient de souligner que si lesdits matériaux doivent répondre à certaines normes nationales issues des exigences du " document technique unifié " (7), l'adaptation à différentes normes nationales de fabrication de ces matériaux ne constitue pas un obstacle. En revanche, les coûts de transport de ces produits demeurent relativement élevés en raison de leurs poids et volume. Aussi peut-on considérer que le marché est au moins de dimension nationale, voire régionale au sens où il pourrait couvrir un Etat membre et les Etats voisins.
Au cas d'espèce, il n'apparaît cependant pas nécessaire de définir précisément le marché géographique de l'approvisionnement en matériaux d'étanchéité ou de l'approvisionnement en matériaux bitumineux en feuilles dans la mesure où, quelle que soit la délimitation retenue, les conclusions de l'analyse demeureront inchangées. Pour les besoins de la présente opération, l'examen portera sur le secteur de l'approvisionnement en matériaux bitumineux en feuilles à l'échelle nationale.
III. - L'analyse concurrentielle
1. Sur la prestation de travaux d'étanchéité
Le chiffre d'affaires du secteur des travaux d'étanchéité en France pour l'année 2001 est estimé par les parties à 1 500 millions d'euros ou 2 240 millions d'euros selon le postulat conduisant la méthode de calcul. La première estimation est fondée sur l'addition des chiffres d'affaires disponibles pour l'exercice 2001 de la plupart des opérateurs. Cette estimation tend cependant à une sous-estimation du secteur dans la mesure où elle ne prend pas en compte le chiffre d'affaires d'une partie des entreprises actives dans le secteur considéré. La seconde estimation est issue de la relation entre la consommation de produits d'étanchéité et la production de travaux réalisés dans ce domaine. Les analyses de gestion de Soprema, à la fois fabricant de matériaux d'étanchéité et prestataire de travaux d'étanchéité, indiquent que la part des matériaux d'étanchéité consommés s'élève à [10-15] % en moyenne de la production nette de travaux. Par l'application de ce ratio à l'estimation du chiffre d'affaires généré par les ventes de matériaux d'étanchéité en France, soit [...] (*) millions d'euros en 2001, on aboutit à une estimation du chiffre d'affaires du secteur de 2 240 millions d'euros. Enfin, selon l'étude Xerfi précitée, le chiffre d'affaires du secteur des travaux d'étanchéité en France est évalué à 1 845 millions d'euros sur l'exercice 2001.
(*) De l'ordre de 300 millions d'euros.
Soprema est l'un des leaders de l'activité considérée globalement. Avec un chiffre d'affaires de 201,2 millions d'euros généré par la seule activité de travaux d'étanchéité en 2001, le groupe représente en valeur, selon l'estimation du secteur sur laquelle on se fonde (cf. supra), [10-20] %, [0-10] % ou [10-20] % de l'activité considérée. L'opération projetée conforte cette position sans pour autant la modifier de façon significative, la nouvelle entité générant alors [10-20] %, [0-10] % ou [10-20] % du chiffre d'affaires global du secteur.
Sur la zone géographique considérée, à savoir la région parisienne élargie aux départements limitrophes, le chiffre d'affaires généré par l'activité de prestation de travaux d'étanchéité ne fait l'objet d'aucune statistique. Il est cependant possible d'évaluer ce secteur d'activité en valeur sur une zone plus étroite recouvrant la seule Ile-de-France sur la base d'un retraitement des données relatives à l'ensemble du secteur de la construction communiquées par le service économique et statistique du ministère de l'Equipement. Si l'on rapporte le chiffre d'affaires du secteur d'activité de la construction dans son ensemble en Ile-de-France au chiffre d'affaires de la construction en France sur l'année 2000 (8), il apparaît que la Région Ile-de-France représente 24 % en valeur des travaux de construction en France. En supposant ce coefficient homogène, selon les différentes activités de construction d'une part, et dans le temps d'une autre part, et en la rapportant aux différentes évaluations du chiffre d'affaires du secteur d'activité de travaux d'étanchéité en France en 2001, le chiffre d'affaires généré par l'activité de travaux d'étanchéité en Ile-de-France en 2001 est évalué à 360, 540, ou 443 millions d'euros. Soprema (9) et Deschamps représentent alors respectivement [0-10] % et [0-10] %, [0-10] % et [0-10] %, ou [0-10] % et [0-10] % du chiffre d'affaires généré par l'activité de travaux d'étanchéité en Ile-de-France en 2001. Compte tenu de la faible part que représentent les travaux opérés dans les départements limitrophes de la région parisienne dans le chiffre d'affaires généré par l'activité de travaux d'étanchéité de l'agence francilienne de Soprema, et plus encore dans le chiffre d'affaires de Deschamps, la représentativité du nouvel ensemble sur une région parisienne élargie ne saurait excéder sa représentativité en Ile-de-France.
S'il devait être considéré que l'opération projetée concerne l'activité de travaux d'étanchéité par matériaux bitumineux en feuilles sur la région parisienne élargie à ses départements limitrophes, la représentativité des parties, et donc celle du nouvel ensemble, ne diffèreraient pas sensiblement de celles mises en exergue pour l'activité globale de travaux d'étanchéité sur cette même zone géographique. En effet, le secteur des travaux d'étanchéité est largement dominé par l'usage de matériaux bitumineux en feuilles qui représentent en 2001 76 % des matériaux utilisés (10). Si toutes les entreprises ne sont pas qualifiées par Qualibat pour la mise en œuvre de l'ensemble des techniques de travaux d'étanchéité, la quasi-totalité d'entre elles le sont, en Ile-de-France comme sur l'ensemble du territoire national, pour l'activité de travaux d'étanchéité en matériaux bitumineux en feuilles.
Il résulte de ces éléments que l'opération projetée ne porte pas atteinte à la concurrence, même en considérant l'activité de travaux d'étanchéité concernée dans son acception la plus étroite.
2. Sur l'approvisionnement en matériaux d'étanchéité
Les ventes de matériaux d'étanchéité en France ont généré un chiffre d'affaires estimé à 280 millions d'euros. 21,4 % de ces ventes ont été réalisées, sur la période considérée, par Soprema, lui conférant ainsi la position de troisième opérateur, derrière les sociétés Siplast (33,5 % des ventes) et Axter (26,1 %).
Soprema est également un acteur majeur de la fabrication et de l'approvisionnement en matériaux bitumineux en feuilles, avec environ 27 % des ventes réalisées en France en 2001, mais demeure confronté sur ces produits à la concurrence des deux leaders précités.
Le montant des achats de Deschamps en matériaux d'étanchéité, exclusivement des matériaux bitumineux en feuilles, se sont élevés en 2001 à [...] millions d'euros, soit [< 1] % des ventes de ce type de matériaux en France. Selon les parties, Deschamps s'est approvisionné en matériaux bitumineux en feuilles sur la période considérée auprès de trois fournisseurs : Soprema (à hauteur de 50 % des achats), Siplast (40 %) et Axter (10 %).
Dès lors, il apparaît que l'opération projetée n'a pas d'impact significatif sur le ou les marchés de l'approvisionnement en matériaux d'étanchéité.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il convient de conclure que l'opération envisagée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence à raison de ses effets horizontaux et verticaux. Je vous informe donc que j'autorise cette concentration.
Je vous prie d'agréer, Monsieur le président, l'expression de mes sentiments les meilleurs.
Nota. - A la demande des parties notifiantes, des informations relatives au secret des affaires ont été occultées et la part de marché exacte remplacée par une fourchette plus générale.
Ces informations relèvent du " secret des affaires ", en application de l'article 8 du Décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.
(1) A l'exclusion des entreprises d'électricité.
(2) A l'origine Organisme professionnel de qualification et de classification du bâtiment (OPQCB) qui devient Qualibat en 1993. Qualibat est un organisme de droit privé placé sous le contrôle de l'Etat.
(3) Décision de la Commission dans l'affaire M. 1221 Rewe/Meinl, du 3 février 1999.
Décision de la Commission dans l'affaire M. 1684 Carefour/Promodès, du 25 janvier 2000.
Lettre du ministre du 29 août 2002 relative à l'acquisition de la société Tabur par la société Mr. Bricolage, publié au BOCCRF du 31 décembre 2002.
Lettre du ministre du 6 septembre 2002 relative à l'acquisition de la société Carmat par la société Pinault Bois & Matériaux, en instance de publication.
Lettre du ministre du 7 novembre 2002 relative à l'acquisition de la société CMM par la société Point P SA, en instance de publication.
(4) D'après une étude Xerfi d'avril 2002.
(5) [< 5] % du chiffre d'affaires de l'agence francilienne de Soprema est réalisé par ailleurs dans des départements proches de la région parisienne mais non limitrophes à celle-ci.
(6) Décision de la Commission dans l'affaire M. 735, BPB/Isover, du 3 juillet 1996.
Décision de la Commission dans l'affaire M. 764, Saint-Gobain/Poliet, du 4 juillet 1996.
(7) Les différentes professions du bâtiment sont soumises aux documents techniques unifiés (DTU).
(8) Dernières statistiques disponibles.
(9) Dont le chiffre d'affaires réalisé par son agence implantée sur la zone considérée est, pour les besoins de l'évaluation, épuré de la part provenant de chantiers hors Ile-de-France.
(10) Source : CSNE 2001, in Sycodès Informations de septembre/octobre 2001.