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Décisions

CA Rennes, 3e ch. corr., 2 décembre 1999, n° 98-01693

RENNES

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gayet

Avocat général :

M. Mathieu

Conseillers :

M. Buckel, Mme Jeannesson

Avocat :

Me Courtet.

CA Rennes n° 98-01693

2 décembre 1999

Rappel de la procédure :

Le jugement :

Le Tribunal correctionnel de Brest par jugement contradictoire à signifier en date du 23 juin 1998, signifié le 5 novembre 1998 à Mairie (AR signé le 9 novembre 1998) , pour :

Tromperie sur une marchandise entraînant un danger pour la santé de l'homme ou de l'animal détention pour vente, vente ou offre,de denrée alimentaire après la date limite de consommation

A condamné H Ronan à 3 000 F d'amende ; 1 000 F d'amende pour la contravention connexe.

Les appels :

Appel a été interjeté par Monsieur H Ronan, le 16 novembre 1998 M. le Procureur de la République, le 16 novembre 1998, à titre incident;

La prevention :

Considérant qu'il est fait grief au prévenu :

D'avoir à Brest, le 12 novembre 1997, trompé ou tenté de tromper la clientèle du magasin, contractante, sur les qualités substantielles d'une marchandise vendue, en l'espèce en marquant l'étiquette initiale de 6 barquettes d'abats de boucherie par une nouvelle étiquette comportant une nouvelle date d'emballage et prorogeant la date limite de consommation, avec cette circonstance que la tromperie a eu pour effet de rendre la marchandise dangereuse pour l'homme, en l'espèce la date limite de consommation des produits ayant été artificiellement prolongée;

Infraction prévue et réprimée par les articles 213-1, 213-2, 216-1, 216-2 et 216-3 du Code de la consommation.

D'avoir à Brest, le 12 novembre 1997, détenu eu vue de la vente, exposé à la vente ou vendu des produits altérables, en l'espèce un pâté de campagne dont le préemballage comportait la mention d'une date limite de consommation dépassée;

Infraction prévue et réprimée par les articles L. 214-2 al.1 du Code de la consommation, 18 al.1 du décret 84-1147 du 07/12/1984 et R. 112-25 du Code de la consommation.

En la forme :

Considérant que les appels sont réguliers et recevables en la forme,

Au fond :

Le 12 novembre 1997, à 14 h 30, deux fonctionnaires de la Direction départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes du Finistère se présentaient dans les locaux de la SA X, exploitant un magasin à l'enseigne Y, <adresse>Brest.

Au rayon boucherie en libre-service, ils constataient la présence, dans la vitrine réfrigérée, de 6 barquettes contenant du foie de veau frais pour 3 d'entre elles, du coeur de veau pour 2 autres et de rate pour la dernière, dont l'étiquetage présentait des anomalies. Ils remarquaient, en effet, qu'une première étiquette avait été apposée sur ces barquettes, indiquant comme date d'emballage le 8 novembre 1997 et, comme date limite de consommation celle du 13 novembre 1997, puis qu'une seconde étiquette recouvrait la première, mentionnant cette fois-ci le 12 novembre 1997 comme date d'emballage et le 17 novembre 1997 comme date limite de consommation, ils indiquaient que l'établissement effectuant de la découpe de viande dans son laboratoire, la mise en barquette et l'étiquetage étaient réalisés dans ce magasin.

Ils soulignaient que les viandes et abats réfrigérés et conditionnés constituaient des denrées microbiologiquement très périssables, susceptibles de présenter, après une courte période, un danger immédiat pour la santé humaine, raison pour laquelle elles comportaient une date limite de consommation; que celle-ci n'était pas seulement une information poux le consommateur, mais aussi une indication permettant le contrôle des produits à risque, ceux-ci n'étant plus reconnus propres à la consommation au-delà de cette date.

Ils précisaient que la date limite de consommation, établie sous la responsabilité du conditionneur, ne pouvait en aucun cas être prolongée, eu l'absence de vérifications de nature à établir le bon état microbiologique de ces denrées à la fin de la date de limite de consommation prolongée. Ils estimaient que faute d'avoir fait procéder à de tels contrôles, le délit de tromperie était caractérisé à la charge de :

* Georges P, Directeur général de la SA X;

* Rouan H, Directeur du magasin Y;

* François A, chef-boucher au sein de cet établissement.

Les agents verbalisateurs relevaient également, au rayon charcuterie en libre-service, l'exposition à la vente d'un pâté de campagne préemballé dont la date limite de consommation, fixée au 11 novembre 1997, était dépassée.

Ils retenaient cette contravention à la charge des trois personnes susmentionnées.

Parmi les documents recueillis par ces fonctionnaires, le contrat de travail conclu le 1er août 1997 entre la SA X et Ronan H établissait que celui-ci avait été embauché comme cadre, chef de magasin, au coefficient 300, et spécifiait que l'intéressé devait, sur le plan technique, veiller au respect total de la législation économique et fiscale, plus particulièrement en ce qui concerne la législation sur les prix et celle relative à la qualité des produits. Il était chargé de faire en sorte que ces dispositions soient respectées par le personnel, le contrat stipulant que, dans l'exercice de ses responsabilités, Ronan H était investi de toute l'autorité nécessaire sur le personnel travaillant sous ses ordres, y compris du pouvoir d'infliger les sanctions disciplinaires qu'il estimait nécessaires à la bonne marche de l'établissement.

Un avenant à ce contrat était ultérieurement établi, constituant une délégation de pouvoir consentie par Georges P à Ronan H, incluant le respect des dispositions législatives et réglementaires relatives au droit de la Consommation et de la Répression des Fraudes, spécialement celles concernant la tromperie sur les marchandises. Ce document précisait à nouveau que l'intéressé disposait de toute l'autorité nécessaire sur le personnel et devait appliquer les sanctions prévues par le règlement intérieur de l'entreprise eu cas d'infraction caractérisée aux règles régissant les matières précitées, pouvant aller jusqu'à proposer, le cas échéant, toute mesure de rupture de contrat de travail,

Aux termes de cet avenant, Ronan H prenait note que sa responsabilité pénale personnelle serait engagée en cas d'infractions aux prescriptions susvisées, qu'elles soient commises par lui-même ou le personnel dont il avait la charge.

Pour ce qui est de François A, son contrat de travail mentionnait qu'il était chargé, sous le contrôle de la direction, de veiller à la réglementation des fraudes et de l'hygiène.

Entendu sur les faits le 8 avril 1998, Ronan H indiquait qu'il était absent le jour du contrôle et qu'il n'avait jamais été vraiment mis au courant des infractions relevées, le Directeur général de la SA X s'étant personnellement occupé de cette affaire.

François A précisait que les 6 barquettes litigieuses contenaient en réalité des aliments destinés aux animaux ; que le sur-étiquetage était l'œuvre d'un de ses subordonnés, ce dernier y ayant procédé de sa seule initiative; qu'en sa qualité de chef du rayon boucherie, il admettait sa responsabilité.

Poursuivi devant le Tribunal, les premiers juges relaxaient François A au bénéfice du doute. Ils retenaient, en revanche, Ronan H dans les liens de la prévention, celui-ci n'ayant pas comparu à l'audience.

Considérant que dans ses écritures en cause d'appel, Ronan H sollicite son renvoi pur et simple des fins de la poursuite, au motif qu'en application de l'article 121-1 du Code pénal, nul n'est responsable pénalement que de son propre fait ; qu'en l'espèce, il ne pouvait être tenu personnellement responsable des infractions qui lui sont reprochées, dès lors que, nonobstant la délégation de responsabilité dont il était investi, il ne se trouvait pas présent dans l'entreprise le jour où l'infraction a été commise ; qu'en conséquence, ladite délégation était inopérante

Considérant que Ronan H ne conteste pas qu'il bénéficiait de la part de son employeur d'une délégation de pouvoirs régulière et qu'il était pourvu de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires à sa mise ou œuvre effective ;

Considérant que, contrairement à ce que soutient le prévenu, aucune délégation de cotte nature n'avait été consentie à François A ; que le contrat de travail liant ce dernier à la SA X prévoyait qu'il exerçait ses attributions "sous le contrôle de la direction qu'une telle mention, de même que le statut d'agent de maîtrise de l'intéressé, sont exclusifs de la dévolution de l'autorité et des moyens nécessaires permettant l'exercice réel d'une telle délégation ;

Considérant que peu importe la présence effective de Ronan H dans les locaux de l'entreprise le jour où l'infraction a été commise, l'avenant à son contrat de travail, qu'il a approuvé le 1er avril 1998, lui imposant de veiller personnellement au respect des dispositions légales et réglementaires applicables notamment on matière de droit de la Consommation et de la Répression des Fraudes, de s'assurer de l'application effective des dispositions précitées par le personnel placé sous son autorité, de prendre toutes les mesures nécessaires à cette fin ; sa responsabilité pénale personnelle étant engagée on cas d'infractions aux prescriptions susvisées, qu'elles soient commises par lui-même ou par le personnel dont il a la charge;

Considérant ainsi que les faits visés à la prévention sont établis par les éléments du dossier et les débats ; qu'ils ont été exactement analysés par les premiers juges, qui ont infligé des sanctions adéquates ;

Par ces motifs, LA COUR, Après on avoir délibéré conformément à la loi, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire à l'égard de H Ronan, en la forme Reçoit les appels, au fond Confirme le jugement on toutes ses dispositions. Prononce la contrainte par corps, La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F dont est redevable le condamné, Le tout par application des articles susvisés, des articles 800-1, 749 et 750 du Code de procédure pénale.