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Décisions

CA Toulouse, 3e ch., 18 février 1999, n° 98-00851

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Schiex

Avocat général :

M. Baxerre

Conseillers :

Mmes Girot, Fourniel

Avocats :

Mes Amigues, Terracol.

TGI Toulouse, 3e ch., du 22 juin 1998

22 juin 1998

Rappel de la procédure:

Le jugement:

Le tribunal, par jugement en date du 22 juin 1998, a renvoyé B Bernard des fins de la poursuite du chef de tromperie sur la nature, la qualité ou l'origine d'une prestation de services, le 5 août 1993, à Toulouse, infraction prévue par les articles L. 213-1, L. 216-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-1, L.216-3 du Code de la consommation

et a débouté Filser Frank, de ses demandes.

Les appels:

Appel a été interjeté par:

M. Filser Franck, le 30 juin 1998 contre M. B Bernard

M. le Procureur de la République, le 3 juillet 1998 contre M. B Bernard

Décision:

Filser Franck, qui s'était constitué partie civile contre B Bernard, a interjeté appel le 30 juin d'un jugement rendu le 22 juin 1998 par le Tribunal correctionnel de Toulouse, lequel avait renvoyé B Bernard des fins de la poursuite sans peine ni dépens et déclaré en conséquence la constitution de partie civile irrecevable, le ministère public a interjeté appel à sa suite fin juillet: ces appels, réguliers en la forme et interjetés dans le délai légal, sont recevables en la forme

Les faits qui sont à l'origine de la poursuite sont les suivants:

Filser Franck a vendu un véhicule Alfa Romeo mis en circulation le 29 mars 1985 pour un prix de 17 000 F à M. D le 13 août 1993. Il avait préalablement soumis ce véhicule à un contrôle technique du 5 août 1993, puis à la suite de celui-ci, exigeant une contre-visite, celle- ci avait eu lieu le 7 août 1993.

C'est B Bernard qui avait procédé à ces deux visites.

Insatisfait de son véhicule, M. D a fait procéder à un nouveau contrôle technique à Villefranche de Lauragais le 1er octobre 1993, lequel a révélé des défauts à corriger que n'avait pas relevé le premier contrôleur, et en particulier une fissure cassure des longerons avant droit et gauche, une fissure cassure de la coque avant. Ces constatations ont conduit M. D. à consulter M. Jean Mailhe, expert, lequel, dans son rapport du 12 novembre 1993, a constaté des défectuosités, et en particulier une fissuration des passages de roues avant droit et gauche, une cassure des longerons avant droit et avant gauche.

Il a finalement retenu que les vices cachés concernant la fissuration des passages de roues et les cassures des longerons rendaient le véhicule impropre à son usage et dangereux pour la circulation.

Selon lui, il ne faisait aucun doute que ces vices cachés existaient au jour de la transaction ainsi que lors du contrôle technique du 5 août 1993.

Avant de statuer, le tribunal a commis M. Boisselet en qualité d'expert, lequel a déposé son rapport le 12 février 1996. Il y indique avoir constaté la présence de fissures des longerons très visibles sur le véhicule et ne pouvant échapper à l'attention du contrôleur au cours de l'examen de soubassement lors d'un contrôle auto-bilan.

Cependant, il déclare que si les fentes existaient au moment du contrôle effectué le 5 août 1993 elles étaient certainement beaucoup moins visibles, il précise même qu'il est possible qu'elles n'aient pas été visibles et qu'elles se soient développées par suite des efforts demandés de façon soutenue ou par roulage rapide sur des mauvaises chaussées;

Entre le contrôle effectué le 5 août 1993 et le 1e octobre 1993 date depuis laquelle le véhicule ne circule plus, il a été parcouru 5 282 km. L'expert signale que ce type de voiture présente assez fréquemment ce genre de défaut.

M. Filser fait plaider par réformation du jugement dont appel et considère que M. B n'a pas pu ne pas se rendre compte de la présence des anomalies sur le véhicule alors qu'il s'agit d'un professionnel, et que dès lors sa mauvaise foi est entière car son contrôle technique a été très sommaire, totalement insuffisant et incomplet, sachant que celui-ci devait être remis au futur acquéreur et que ces mentions constituaient un facteur déterminant de la vente.

Il se fonde sur le rapport de M. C, expert désigné par le tribunal d'instance dans le cadre d'une action en résolution de la vente de F à D pour vices cachés, lequel expert indique que la fissure sur les longerons et l'état des biellettes de guidage de l'essieu arrière devaient être décelés par le centre de contrôle CSCA pour lequel travaillait M. B, lors de l'examen habituel sous le véhicule pour vérifier l'état des organes de suspension de direction de freinage et la qualité du soubassement de la voiture.

M. F précise qu'il subit un préjudice direct du fait des agissements de M. B puisque D l'a fait assigner pour voir prononcer la résiliation de la vente et que le tribunal d'instance l'a condamné à payer à M. D une somme de 18 040 F, soit 17 000 F pour le prix du véhicule et 1 040 F pour la carte grise; il demande également l'indemnisation des frais connexes subis pour faire face à cette procédure, soit 3 015 F plus une somme de 5 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

M. B maintient ses déclarations aux services de police puis devant le tribunal aux termes desquelles l'examen auquel on doit se livrer dans le cadre d'un contrôle technique est un examen visuel, et que dès lors que les fissures avaient, ainsi que l'ont précisé les différents experts, été dissimulées, mastiquées, meulées, repeintes, il n'a pu s'en rendre compte. Il n'avait aucune raison de chercher à tromper autrui puisque lui-même, à l'époque des faits, voulait créer sa propre société et que cela exigeait l'agrément préfectoral. Il précise qu'il y est finalement parvenu et qu'il est actuellement gérant d'une société ayant le même objet, pour lequel l'agrément lui a été donné sans difficultés. Il précise que le contrôle auquel il s'est livré n'a pas été sommaire et qu'il a strictement respecté les dispositions de l'arrêté du 18 juin 1991 relatif à la mise en place du contrôle technique.

Il conclut en conséquence par confirmation du jugement dont appel.

Le Ministère public s'en rapporte à justice.

Sur quoi, Attendu qu'il résulte de l'exposé des faits et des expertises auxquelles il a été procédé que le véhicule litigieux a été soumis à un contrôle technique auquel a procédé B le 5 août 1993; que l'examen des éléments de ce contrôle technique et de celui auquel il a été procédé deux jours plus tard à titre de contre-visite révèle que ce contrôle n'a pas été sommaire puisque de nombreux points faisant défaut ont été relevés par le contrôleur technique et qu'il a exigé le passage d'une contre~visite à raison des défauts de freinage.

Attendu que si M. C, désigné par le tribunal d'instance dans le cadre d'une procédure, indique que la fissuration des longerons devait être visible lors du premier contrôle technique effectué le 5 août, il mentionne également que cette fissuration avait été soigneusement dissimulée par un masticage, un meulage et une peinture, et que ce travail avait dû être effectué par une personne compétente.

Attendu qu'il n'est pas sans intérêt de noter par ailleurs qu'entre le contrôle technique du 5 août 1993 et celui du 1er octobre de la même année l'utilisateur a parcouru plus de 5 000 km, ce qui correspond à un usage intensif;

Attendu, surtout, que l'expert B a indiqué que si une amorce de rupture devait exister lors du contrôle technique du 5 août 1993, cette amorce de rupture pouvait n'être pas visible.

Attendu qu'aucune relation particulière entre M. F, M. D et M. B n'a jamais été alléguée.

Attendu qu'en l'état de ces constatations il n'est pas établi que M. B, même en sa qualité de professionnel de l'automobile, ait eu une intention coupable quelconque de tromper autrui sur les qualités substantielles du contrôle technique auquel il s'est livré.

Qu'il n'est pas établi que ce contrôle ait été particulièrement sommaire ni manifestement incomplet.

Attendu que M. F n'a même pas prétendu avoir indiqué à M. B qu'il entendait vendre ce véhicule.

Attendu que la simple erreur technique, même démontrée, ne démontre à elle seule l'intention coupable d'un professionnel dès lors que lui-même a pu être trompé par le camouflage d'un vice réalisé par un spécialiste.

Attendu qu'il existe à tout le moins un doute qui doit bénéficier au prévenu.

Attendu qu'il convient, appliquant les dispositions de l'article 470 du Code de procédure pénale, de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a renvoyé B Bernard des fins de la poursuite sans peine ni dépens, et par voie de conséquence a déclaré Filser Franck irrecevable en sa constitution de partie civile

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Reçoit Filser Franck et le Ministère public en leur appel d'un jugement rendu le 22 juin 1998 par le Tribunal correctionnel de Toulouse; Confirme cette décision tant dans ses dispositions pénales (relaxe) qu'en ses dispositions civiles (partie civile irrecevable).