Livv
Décisions

CA Paris, 13e ch. B, 10 mai 2001, n° 00-06447

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Barbarin

Avocat général :

M. Laudet

Conseillers :

Mmes Marie, Fouquet

Avocat :

Me Dubois.

TGI Paris, 31e ch., du 13 sept. 2000

13 septembre 2000

Rappel de la procédure:

La prévention:

X Albert est poursuivi pour publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, de octobre 1998 à novembre 1998, à Paris, infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 al. 1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6, L. 121-4, L. 213-1 du Code de la consommation,

Le jugement:

Le tribunal, par jugement contradictoire, a déclaré X Albert coupable de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, de octobre 1998 à novembre 1998, à Paris, infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 al. 1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6, L. 121-4, L. 213-1 du Code de la consommation

et, en application de ces articles, l'a condamné à 2 mois d'emprisonnement avec sursis, 50 000 F d'amende, ordonné la publication du jugement dans Le Figaro.

Les appels:

Appel a été interjeté par:

Monsieur X Albert, le 14 septembre 2000

M. le Procureur de la République, le 14 septembre 2000, contre Monsieur X Albert,

Décision:

Rendue contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur les appels régulièrement interjetés par le prévenu et le Ministère public à l'encontre du jugement déféré;

Albert X comparaît, assisté de son avocat.

Rappel des faits et demandes

Le Ministère public requiert la confirmation du jugement déféré.

Albert X demande à la cour, par voie de conclusions, de réformer le jugement entrepris sur la déclaration de culpabilité et de le relaxer des fins de la poursuite, à titre très subsidiaire de faire une application plus bienveillante de la loi pénale et de ne prononcer à son encontre qu'une simple peine d'amende.

Il soutient qu'il a bien produit les factures d'achat des 15 tapis ayant fait l'objet du contrôle de l'agent de la DGCCRF mais que ce dernier a seulement estimé opportun de comparer les coefficients multiplicateurs calculés d'après le prix de vente annoncé et le prix de vente après rabais, et sans tenir compte du prix de vente réellement consenti, avec les coefficients multiplicateurs constatés lors des deux exercices précédents, alors qu'en matière de tapis de luxe de fabrication étrangère, les prix affichés n'étaient jamais les prix de vente réellement consentis, mais faisaient l'objet d'une négociation entre acheteur et vendeur, aboutissant à un prix réel très inférieur, qu'il justifiait du prix auquel avaient été effectivement cédés cinq des tapis retenus par l'agent de l'Administration, dans le cadre de son contrôle, et démontrait de ce fait que le coefficient multiplicateur variait alors entre 1,37 et 1,95, donc très inférieur au coefficient multiplicateur retenu pour les années 1996 et 1997; qu'aucune réglementation ne limitant les prix de vente de cette marchandise, il ne pouvait être soutenu que les prix barrés affichés au cours de cette opération de liquidation, autorisée régulièrement par la Préfecture, auraient été exorbitants. Très subsidiairement, Albert X conteste l'état de récidive retenu par la prévention dans la mesure où la précédente condamnation sanctionnait une vente sans autorisation et une publicité portant sur une vente au déballage non autorisée alors que, dans cette affaire, il avait obtenu les autorisations nécessaires. Il demande enfin que ne soit pas ordonnée à son encontre la publication dans un quotidien de la décision à intervenir, peine complémentaire qui lui serait hautement préjudiciable, eu égard à la réputation de son commerce et disproportionnée avec les faits qui lui sont reprochés.

Sur ce

Sur l'action publique

Considérant qu'autorisé par arrêté préfectoral en date du 7 octobre 1998, Albert X a procédé dans un magasin, <adresse>à Paris, à une vente à prix de liquidation, annoncée par des prospectus distribués dans les boîtes aux lettres et des calicots affichés sur la vitrine; que la plupart des pièces exposées en vitrine comportaient l'indication d'un prix de vente barré et du prix liquidé, prix repris sur les prospectus; que pour assurer son contrôle, un agent de la DGCCRF a relevé lors d'un contrôle effectué le 12 novembre 1998 le prix de 15 tapis exposés, dont 8 figuraient sur les prospectus; qu'Albert X n'ayant pu justifier que les prix référencés n'excédaient pas les prix les plus bas effectivement pratiqués pour des articles similaires au cours des trente derniers jours précédant le début de l'opération de liquidation, en application des dispositions de l'article 3 de l'arrêté du 2 septembre 1997 relatif à la publicité des prix, l'Administration a calculé les coefficients multiplicateurs à partir des factures d'achat des tapis en question, ainsi que les comptes des résultats des exercices précédents; que si ces coefficients étaient pour les exercices 1996 et 1997 en moyenne de 2,84 et de 2,47, il résulte de la comparaison entre le prix d'achat hors taxe et le prix de vente TTC d'une part, le prix de référence barré et le prix de vente après rabais d'autre part, pour les 15 tapis retenus, que ce coefficient était alors de 5 à 8,16 pour le prix de référence et de 2,41 à 4,08 sur les prix de vente net après remise; que l'Administration en a déduit que les prix de référence affichés barrés étaient manifestement surévalués pour les besoins de la cause.

Considérant qu'Albert X ne peut soutenir qu'il ne pouvait justifier des prix réellement pratiqués dans les mois précédant l'opération de liquidation, dans la mesure où chaque tapis étant une pièce unique, toute comparaison serait impossible alors qu'il résulte des documents qu'il produit que la valeur marchande de chaque tapis, en fonction de son origine et de sa taille correspond à un ordre de grandeur constant;

Considérant que si Albert X a justifié du prix, auquel avaient été effectivement cédés 5 des tapis retenus par l'agent de l'Administration, dans le cadre de son contrôle, et ce avec un coefficient multiplicateur entre 1,37 et 1,95, il n'en résulte pas moins que le coefficient multiplicateur obtenu par comparaison entre les prix affichés à titre de prix de référence avant liquidation, tant sur les prospectus que sur les tapis proposés à la vente, et les prix d'achat de ces tapis, était de 6,49 en moyenne, coefficients nettement supérieurs à ceux habituellement pratiqués tant par le marché que l'entreprise elle-même; que les prix nets de vente après rabais faisaient apparaître un coefficient de 2,41 à 4,08 soit une moyenne de 3,07 nettement supérieure à la moyenne des coefficients résultant des comptes de résultats de la société au cours des deux exercices précédents et qui avaient cependant dégagé un bénéfice d'exploitation;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 121-1 du Code de la consommation est interdite toute publicité comportant, sous quelque forme que ce soit, des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur, lorsque celles-ci portent sur un ou plusieurs des éléments ci-après, prix et conditions de vente de biens qui font l'objet de la publicité.

Considérant que s'il est d'usage qu'en matière de tapis de luxe, de fabrication étrangère, le prix fasse l'objet d'une négociation entre l'acheteur et le vendeur aboutissant à un prix réel inférieur au prix affiché, cet usage ne peut permettre à Albert X de s'exonérer des obligations mises à sa charge par l'article L. 121-1 du Code de la consommation.

Considérant qu'en affichant des prix barrés qui, selon les propres déclarations du prévenu ne correspondaient pas à la réalité des prix habituellement pratiqués et des prix proposés, eux-mêmes susceptibles d'amodiation, à supposer même que la clientèle de cette entreprise soit habituée à négocier, Albert X a bien publié des indications fausses; que le consommateur qui ne pouvait connaître ni le prix réel de l'objet proposé à la vente au sens du marché, ni le prix auquel était effectivement vendu cet objet, était dès lors induit en erreur sur les conditions de liquidation; que l'importance du rabais annoncé, qui ne correspondait pas en toute hypothèse à la réalité et le fait que cette vente ait été autorisée par décision préfectorale rendait le consommateur encore plus vulnérable;

Considérant que l'infraction est dès lors, caractérisée en tous ses éléments et qu'il convient de confirmer le jugement déféré sur la déclaration de culpabilité d'Albert X;

Considérant qu'Albert X a déjà été condamné par le Tribunal correctionnel de Paris le 21 novembre 1997 pour publicité mensongère vente en liquidation de marchandises neuves sauf autorisation municipale préalable, publicité portant sur une vente au déballage non autorisée.

Qu'il y a lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il a prononcé une peine d'emprisonnement avec sursis mais de le confirmer sur la peine d'amende, qui constitue une juste application de la loi pénale; que, pour mieux prendre en compte la personnalité du prévenu, et la nature de l'infraction, il convient de faire droit à sa demande et de ne pas prononcer la peine complémentaire de publication.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit les appels du prévenu et du Ministère public Confirme le jugement déféré sur la déclaration de culpabilité et sur la peine d'amende, L'infirme pour le surplus, Dit n'y avoir lieu à publication.