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Décisions

CA Paris, 9e ch. B, 19 novembre 1999, n° 99-04160

PARIS

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Thin

Avocat général :

M. Millet

Conseillers :

MM. Barrau, Remenieras

Avocats :

Mes Rachez, De La Morinerie, Leger.

CA Paris n° 99-04160

19 novembre 1999

Rappel de la procédure :

La prévention :

B Alain a été renvoyé devant le tribunal correctionnel par ordonnance en date du 17 février 1999 de l'un des juges d'instruction du Tribunal de grande instance de Paris pour :

- avoir à Paris et Lyon, en tout cas sur le territoire national, entre le mois d'avril 1995 et le mois de mai 1997, été complice du délit d'escroquerie commis par son beau-frère, Monsieur N Hussein,

- avoir à Paris et Lyon, entre le mois d'avril 1995 et le mois de mai 1997, trompé M. Malod, gérant de la société REG, sur les qualités substantielles, l'identité, l'aptitude à l'emploi du matériel informatique qu'il avait installé dans l'entreprise en indiquant notamment sur les factures la livraison d'écrans informatiques de 15 alors qu'il s'agissait d'écrans de 14 et en indiquant également qu'il s'agissait d'appareils Intel, alors qu'ils étaient équipés de processeur Cyria ; en faisant croire à leur comptabilité entre eux alors qu'elle n'existait pas, en omettant de remettre les fiches sur le montage, la provenance et les caractéristiques des appareils fournis;

Le jugement :

Le tribunal, par jugement contradictoire,

- a déclaré B Alain coupable :

- de complicité d'escroquerie, de avril 1995 à mai 1997, à Paris, Lyon, infraction prévue par l'article 313-1 al. 1, 2 du Code pénal, 121-6, 121-7 du Code pénal et réprimée par les articles 313-1 al. 2, 313-7, 313-8 du Code pénal,

- de tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise, de avril 1995 à mai 1997, à Paris, Lyon, infraction prévue et punie par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation,

et, en application de ces articles,

- l'a condamné aux peines de 1 an d'emprisonnement dont 6 mois avec sursis et mise à l'épreuve pendant 3 ans sous les obligations de l'article 132-45 1°, 2°, 5° et 6° du Code pénal et 20 000 F d'amende,

- a rejeté la demande de non inscription au bulletin n° 2,

- a reçu les sociétés Roto Euro Graph et Etica Bail en leur constitution de partie civile et a condamné solidairement MM. B et N à leur payer : à la société Roto Euro Graph, la somme de 100 000 F à titre de dommages-intérêts, toutes causes de préjudice confondues et chacun d'eux la somme de 2 500 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, à la société Etica Bail, la somme de un franc à titre de dommages-intérêts et chacun d'eux la somme le 500 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Les appels :

Appel a été interjeté par :

M. B Alain, le 26 mai 1999, sur les dispositions pénales et civiles.

M. le Procureur de la République, le 26 mai 1999, contre M. B Alain.

Décision :

Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,

En la forme :

Considérant, en se référant aux mentions qui précèdent et aux pièces de la procédure, que le prévenu et le Ministère public, ont régulièrement interjeté appel du jugement susvisé du Tribunal de grande instance de Paris du 20 mai 1999 et qu'il y a lieu, par suite, de déclarer lesdits appels recevables;

Au fond :

Les premiers juges, après rappel de la prévention, ayant exactement et précisément relaté les faits et circonstances de la cause, il convient, à cet égard, de se référer aux énonciations du jugement entrepris ;

Il suffit de rappeler que Alain B qui avait été engagé le 13 avril 1995 par la société REG en qualité de directeur administratif et financier avait reçu, notamment, pour mission d'opérer le renouvellement d'une partie du parc informatique de la société afin de mettre en service un nouveau logiciel. Alain. B était, à cet effet, chargé de rechercher les fournisseurs, de sélectionner les prix et de passer les commandes.

L'information permettait d'établir que le matériel informatique acquis à son initiative par la société avait fait l'objet de factures établies par une librairie dirigée par son beau-frère Hussein N. L'un et l'autre avaient perçu de substantielles commissions à l'occasion de cette opération.

La société REG signalait, dans sa plainte avec constitution de partie civile, outre le caractère anormal du prix du matériel facturé, sa non conformité au matériel livré ainsi que l'existence de dysfonctionnements.

Alain B sollicite l'indulgence de la cour en ce qui concerne la poursuite pour complicité d'escroquerie et fait plaider l'ajournement du prononcé de la peine ;

Il conteste, en revanche, s'être rendu coupable du délit de tromperie et met en avant, à cet égard, les conclusions d'une société d'ingénierie informatique.

Les parties civiles sollicitent la confirmation du jugement entrepris et, pour ce qui concerne la société Etica-Bail, l'allocation d'une indemnité sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

Sur ce, LA COUR :

- Sur l'action publique :

1°) En ce qui concerne le délit de complicité d'escroquerie :

Considérant que l'aide et l'assistance consenties par Alain B à Hussein N dans l'accomplissement des manœuvres frauduleuses qui ont consisté à établir des factures au nom de la librairie de celui-ci pour déterminer la société REG à lui régler le montant d'achats majorés d'une commission, sont établies, constantes et reconnues par le prévenu qui se borne à solliciter l'indulgence de la cour;

Considérant que la cour, dès lors, confirmera le jugement entrepris en ce qu'il l'a déclaré coupable de complicité d'escroquerie;

2°) Sur le délit de tromperie :

Considérant que le document daté du 24 juin 1997, émanant de Guy Benady et intitulé "rapport concernant l'équipement informatique de REG", ainsi que le rapport d'intervention ("examen du hardware micro-ordinateur") de la société Aleph en date du 19 juillet 1997 révèlent qu'une grande partie du matériel informatique livré et installé par N et B ne correspondait pas à celui qui figurait sur les cinq factures acquittées par la société REG ; qu'ainsi des écrans avaient une dimension inférieure à celle annoncée, que plusieurs processeurs ne comportaient pas les spécifications annoncées et qu'étaient décelées des incompatibilités entre les mémoires;

Considérant que contrairement à ce que soutient le prévenu les conclusions du rapport du 18 février 1997 de la société Serenis ne contredisent pas ces constatations matérielles; qu'en effet, cette société, chargée d'un audit général "matériel et réseau" sur le fonctionnement global du système informatique n'était pas appelée à apprécier plus particulièrement, comme les autres intervenants, l'absence de concordance entre le matériel facturé et celui qui a été livré;

Considérant qu'il apparaît ainsi établi qu'Alain B a bien, comme Hussein N, et ainsi que le dénonce la prévention, également trompé la société REG sur l'identité des choses livrées par la livraison de marchandises autres que celles qui ont été convenues et facturées;

Considérant, dès lors, que la cour confirmera également le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré Alain B coupable de tromperie;

- Sur la peine :

Considérant qu'à l'appui de sa demande d'ajournement de la peine Alain B fait plaider qu'il est prêt à indemniser les parties civiles ;

Considérant que dans ces conditions, compte tenu de ces circonstances, la cour ajournera le prononcé de la peine dans les termes précisés au dispositif;

- Sur l'action civile :

Considérant que la cour ne trouve pas motif à modifier la décision critiquée qui a fait une équitable appréciation du préjudice subi par chaque partie civile et résultant des faits visés à la prévention ;

Que, dès lors, le jugement sera confirmé sur les intérêts civils ;

Qu'y ajoutant, la cour fera droit dans les conditions précisées au dispositif à la demande formée par la société Etica-Bail, par application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en second ressort; En la forme : Reçoit les appels du prévenu et du Ministère public ; Confirme le jugement dont appel sur les déclarations de culpabilité ; Ajourne le prononcé de la peine au 22 septembre 2000 ; Confirme en toutes ses dispositions civiles le jugement entrepris; Y ajoutant, condamne Alain B à payer à la société Etica-Bail la somme de 1 000 F au titre de ses frais irrépétibles d'appel.