CA Colmar, ch. corr., 15 décembre 1999, n° 1279-99
COLMAR
Arrêt
Infirmation partielle
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lieder (faisant fonction)
Avocat général :
M. Lorentz
Conseillers :
M.Schilli, Mme Drodard
Avocat :
Me Achillas.
Vu le jugement rendu le 24 mai 1996 par le Tribunal correctionnel de Sarreguemines qui, sur l'action publique, a déclaré le prévenu coupable d'avoir, à Montbronn/57, depuis 1991, trompé les co-contractants, en l'occurrence Mesdames et Messieurs Gouget, Golstein, Huguenard, Angot, Pouget, Souillot, Gehl, même par l'intermédiaire de tiers sur la nature, l'espèce, l'origine, les qualités substantielles ou la composition des marchandises, en l'occurrence en offrant à la vente des objets en cristal supportant un étiquetage de nature à laisser croire en leur prétendue origine "d'Artisanat de Lorraine" ainsi qu'en leur qualité de produit "taillé main", alors que lesdites marchandises provenaient de divers pays d'importation et avaient été façonnées mécaniquement,
Faits prévus et réprimés par les articles 1er, 6 et 7 de la loi du 1er août 1905, en vigueur au moment des faits et désormais prévus et réprimés par les articles L. 213-1 al. 1 et 1/1°, L. 216-2 et L. 216-3 du Code de la consommation,
Qui, en répression, l'a condamné à une amende de 50 000 F,
- a ordonné, aux frais du condamné, la publication de la présente décision dans le journal Le Figaro,
- a dit que le coût de cette publication ne devra pas dépasser la somme de 15 000 F,
- a ordonné l'affichage, pendant 7 jours, de la présente décision sur les portes extérieures de l'entreprise sise <adresse>, aux formats et typographies délivrés par le secrétariat-greffe,
Et qui, sur l'action civile :
- a reçu l'association "UFC Que Choisir" en sa constitution de partie civile,
- a déclaré Marcel F seul et entièrement responsable du préjudice subi par l'association "UFC Que Choisir",
- a condamné Marcel F à payer à l'association "UFC Que Choisir" la somme de 10 000 F, portant intérêts au taux légal à compter du jour du jugement,
- a condamné Marcel F à payer à l'association "UFC Que Choisir" un montant de 3 500 F par application des dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,
- a reçu M. Souillot Armand en sa constitution de partie civile,
- a déclaré Marcel F seul et entièrement responsable du préjudice subi par M. Souillot Armand.
- a condamné Marcel F à payer à M. Souillot Armand la somme de 4 000 F, portant intérêts au taux légal à compter du jour du jugement,
- a reçu M. Angot Claude en sa constitution de partie civile,
- a déclaré Marcel F Marcel seul et entièrement responsable du préjudice subi par M. Angot Claude,
- a condamné Marcel F à payer à M. Angot Claude la somme de 6 000 F, portant intérêts au taux légal à compter du jour du jugement,
- a reçu Mme Gehl Nathalie en sa constitution de partie civile,
- a déclaré Marcel F seul et entièrement responsable du préjudice subi par Mme Gehl Nathalie,
- a condamné Marcel F à payer à Mme Gehl Nathalie la somme de 5 000 F, portant intérêts au taux légal à compter du jour du jugement,
- a reçu les époux Pouget Marcel en sa constitution de partie civile,
- a déclaré Marcel F seul et entièrement responsable du préjudice subi par les époux Pouget Marcel,
- a condamné Marcel F à payer aux époux Pouget Marcel la somme de 6 000 F, portant intérêts au taux légal à compter du jour du jugement,
- a constaté que M. Paul Feller ne soutient plus sa constitution de partie civile et lui a donné acte de son désistement d'instance,
- a constaté que la SARL "Cristallerie de Montbronn" ne soutient plus sa demande et lui en a donné acte de son désistement d'instance,
- a déclaré la présence de Me Pougeoise, avocat de la partie civile "UFC Que Choisir" utile et effective aux débats,
- a condamné Marcel F aux entiers frais et dépens de l'action civile sauf en ce qui concerne M. Feller Paul et la SARL "Cristallerie de Montbronn",
Vu les appels, réguliers et recevables, interjetés contre ce jugement le 28 mai 1996 par le prévenu et par le Ministère public;
Vu l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Metz le 23 juillet 1997 qui a infirmé le jugement susvisé en déclarant M. F non coupable;
Vu l'arrêt rendu le 23 mars 1999 par la chambre criminelle de la Cour de cassation qui a cassé les dispositions pénales de l'arrêt du 23 juillet 1997 et qui a renvoyé l'affaire devant cette cour :
Observation préliminaire :
Marcel F reprend devant la cour de renvoi la même argumentation que celle développée devant la Cour d'appel de Metz; il conclut à sa non-culpabilité l'infraction n'étant constituée ni dans son élément matériel, ni dans son élément intentionnel, en ce sens que la clientèle de sa société n'est trompée ni sur l'origine, ni sur les qualités substantielles des produits.
Il ajoute que les objets importés par ses soins sont retravaillés dans ses ateliers, que les finitions sont l'œuvre des artisans verriers qu'il emploie et qu'enfin, les mentions litigieuses qui lui sont reprochées ne sont ni réglementées ni protégées.
Sur la preuve des faits et leur qualification pénale :
C'est sans insuffisance ni contrariété de motifs et par une juste appréciation des faits et des circonstances de la cause tels qu'ils ont été relatés dans le jugement déféré en un exposé que la cour adopte, que les premiers juges ont déclaré fondée la prévention à l'encontre de Marcel F.
Il ressort de l'enquête, de l'information et des débats, plus spécialement des constatations faites par les enquêteurs de la DGCCRF (D 60) rappelées dans le réquisitoire définitif de renvoi (D 196) auquel la cour se réfère, que le prévenu exploite à Montbronn une société "X" qui importe la totalité des objets en cristal qu'il revend après avoir procédé pour 90 % d'entre eux à des travaux de finition et de décoration.
Il est constant et non sérieusement contesté que plusieurs séries de verres, de seaux et de vases sont mises sur le marché avec les mention " Taillé Main " et "Artisanat de Lorraine",or ce sont ces qualifications qui sont reprises dans la prévention comme étant des qualités substantielles sur lesquelles porte la tromperie.
La cour devra rechercher en quoi ces mentions constituent des qualités substantielles et se prononcer sur la mauvaise foi du prévenu, la limité du débat résultat des termes de l'arrêt de la chambre criminelle. Les constatations faites par les enquêteurs, rappelées dans leur procès-verbal et les pièces annexées prouvant d'une part que Marcel F ne produit aucun bien,qu'il n'a qu'une activité de finisseur et de commerçant,d'autre part, que les mentions " Taillé Main " et " Artisanat de Lorraine ", sont des arguments de vente puissants et qui justifient de l'aveu même de l'intéressé une augmentation du prix; ils constituent indéniablement pour le consommateur moyen une qualité substantielle dans la mesure où il est persuadé d'acheter un produit fabriqué en Lorraine, berceau de la cristallerie française.
Le prévenu pour discuter la prévention se place sur le terrain de la définition des mentions litigieuses qui ne seraient pas protégées or la loi a entendu protéger le client.
Même s'il peut être admis que Marcel F emploie des tailleurs et que la main de l'homme entre pour une certaine part dans le processus de fabrication des objets, le dossier démontre que cette activité n'est qu'accessoire, le constat d'huissier produit faisant apparaître le rôle essentiel de la machine.
Par ailleurs, il n'est pas inutile de souligner que le prévenu a rédigé une attestation (D 37) où il précise que les verres sont entièrement taillés à la main ce qui est manifestement erroné et que les documents publicitaires présentent un souffleur de verre ce qui est pareillement faux.
En conclusion, il apparaît que Marcel F professionnel avisé a profité de l'absence d'une définition précise de la notion "Taillé Main" et de la localisation de son entreprise pour développer ses affaires alors que les objets en cristal mie en vente ne répondent pas au critère de l'objet artisanal qui dans l'esprit du consommateur se distingue du produit industriel de série. C'est donc à bon droit que les premiers juges ont retenu Marcel F dans les liens de la prévention.
Sur l'application de la peine :
La peine infligée par les premiers juges constitue une sanction proportionnée à la gravité des faits, adaptée à la personnalité du prévenu, et conforme aux exigences de la défense de l'ordre public.
Le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions pénales à l'exclusion cependant des mesures de publication et d'affichage qui, compte tenu de l'ancienneté des faits, ne s'imposent pas.
Par ces motifs, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, sur renvoi de la chambre criminelle de la Cour de cassation ; Confirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré Marcel F coupable des faits énoncés à la prévention ; Le confirme sur la peine d'amende de 50 000 F ; L'infirme pour le surplus : Dit n'y avoir lieu à ordonner la publication et l'affichage du présent arrêt Le tout par application des articles visés dans le corps de l'arrêt. Ainsi jugé et statué par la chambre des appels correctionnels de la Cour d'appel de Colmar.