CA Rouen, ch. corr., 18 novembre 1999, n° 99-00349
ROUEN
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Catenoix
Conseillers :
MM. Massu, Bisot
Avocat :
Me Lhomme.
Rappel de la procédure
Prévention
Carlos D a été poursuivi devant le Tribunal correctionnel du Havre à la requête du Ministère public suivant acte d'huissier on date du 10 novembre 1998 sous la prévention d'avoir :
- à Gonfreville l'Orcher, du 21 au 25 juillet 1997, trompé ou tenté de tromper sa clientèle sur les qualités substantielles d'une marchandise vendue, en l'espèce deux lots de boudins,
Faits constitutifs de l'infraction prévue et réprimée par les articles L. 213-4 alinéa 1° 2°, L. 213-4 alinéa 1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation.
Jugement
Par décision contradictoire en date du 1er février 1999 qui fait l'objet du présent appel le tribunal l'a déclaré coupable des faits qui lui étaient reprochés et condamné à une peine d'amende de 10 000 F.
Appels
- Par déclarations au greffe du tribunal, le prévenu le 10 février 1999, le Ministère public, le même jour, ont interjeté appel de cette décision.
Décision
Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi.
En la forme
Au vu des énonciations qui précèdent et des pièces de la procédure, les appels interjetés par le prévenu et le Ministère public dans les formes et délais des articles 498 et suivants du Code de procédure pénale sont réguliers ; ils sont donc recevables.
Carlos D, cité devant la cour suivant acte d'huissier délivré à son domicile le 28 juillet 1999, comparaît volontairement à l'audience. Il sera statué contradictoirement à son égard.
Au fond
Il résulte des pièces de la procédure que :
Carlos D a fait l'objet de poursuites pénales sous la prévention sus-énoncée dans les circonstances suivantes :
A l'occasion d'un contrôle effectué au sein de l'établissement X exploité sous forme de SARL dont le prévenu est le gérant, les agents de la Direction Régionale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes de Haute Normandie (DRCCRF) constataient le 25 juillet 1997 dans un réfrigérateur de la cuisine la présence de plusieurs lots de boudins noirs (94 boudins au total) dont la date limite de consommation mentionnée sur l'étiquetage de l'emballage était dépassée :
- de 6 jours pour 5 paquets non entamés (soit 50 boudins).
- de 4 jours pour 4 paquets dont l'un était entamé à moitié (soit 35 boudins)
- de 18 jours pour 1 paquet entamé (soit 9 boudins) qui présentait des signes de corruption.
L'examen de la carte des menus, confirmé par les déclarations du chef de cuisine, révélait que le boudin était exclusivement destiné à être incorporé dans les choucroutes dites " strasbourgeoise " et "royale" dont les coûts respectifs étaient de 55 F et 75 F.
L'état des ventes de la veille, soit le 24 juillet, mentionnait la vente de 3 choucroutes strasbourgeoises et 3 choucroutes royales.
La confrontation de ces éléments avec les renseignements recueillis auprès du fournisseur de l'établissement permettaient de mettre en évidence que les 6 choucroutes servies et consommées le 24 juillet 1997 avaient été garnies de boudins dont la date limite de consommation était dépassée, dans le "meilleur" des cas, de 3 jours, et que des choucroutes servies le 22 ou 23 juillet n'auraient pu être garnies que de boudins dont la date limite de consommation était dépassée.
Selon le prévenu ces faits résulteraient d'une erreur d'un jeune apprenti chargé de ranger les aliments dans le réfrigérateur et qui n'aurait pas fait attention à la date limite de consommation.
Devant la cour, il précise que depuis lors, du fait qu'il exploite 5 brasseries et ne peut donc tout vérifier, il a consenti des délégations écrites de pouvoir à cet effet, que les faits reprochés se sont produits de manière exceptionnelle par suite de circonstances particulières en l'absence du titulaire chargé de faire l'inventaire des réfrigérateurs et par suite de l'erreur de l'apprenti, et que les contrôles récents effectués par la DRCCRF n'ont rien révélé d'anormal.
Il fait plaider que s'il y a eu un défaut de surveillance il n'y avait pas d'intention de fraude et sollicite le bénéfice du sursis voire une dispense de peine.
Ceci étant expose,
La matérialité de l'infraction n'est pas contestée.
S'agissant de son caractère intentionnel il suffit d'observer qu'il appartient au responsable de l'établissement de tout mettre en œuvre pour assurer la qualité sanitaire des produits qu'il incorpore dans les plats servis à ses clients, que ce soit en veillant personnellement au respect des dates limites de consommation ou, si cela lui est impossible, en mettant en place des procédures de vérification efficace. L'appelant ne rapporte pas la preuve qu'il ait satisfait à ces obligations.
Dès lors, l'intention coupable résultant suffisamment du caractère volontaire des négligences commises par le prévenu et qui sont à l'origine de la tromperie, le délit de tromperie est ainsi caractérisé en tous ses éléments tant matériel qu'intentionnel et le jugement déféré sera donc confirmé sur la culpabilité.
Sur la peine, les circonstances de la cause et le caractère isolé des infractions constatées conduisent la cour, eu égard aux renseignements recueillis sur la situation professionnelle et la personnalité du prévenu, à confirmer celle qui a été prononcée en première instance, adaptée au degré de gravité de l'infraction commise.
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, En la forme Déclare les appels recevables, Au fond Confirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré Carlos D coupable du délit de tromperie sur les qualités substantielles d'une marchandise vendue, prévu et réprimé par l'article L. 213-19 du Code de la consommation et l'a condamné à la peine de 10 000 F d'amende. La présente procédure est assujettie à un droit fixe de huit cents francs (800 F) dont est redevable Carlos D.