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Décisions

CCE, 18 janvier 2000, n° M.1630

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Air liquide/BOC

CCE n° M.1630

18 janvier 2000

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Vu le traité instituant la Communauté européenne, vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 57, paragraphe 2, point a), vu le règlement (CEE) n° 4064-89 du Conseil du 21 décembre 1989 relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (1), tel que modifié par le règlement (CE) n° 1310-97 (2), et notamment son article 8, paragraphe 2, vu la décision de la Commission du 16 septembre 1999 d'ouvrir la procédure dans cette affaire, après avoir mis les entreprises intéressées en mesure de répondre aux griefs formulés par la Commission, après consultation du comité consultatif en matière de concentrations (3), considérant ce qui suit:

(1) Le 16 août 1999, la Commission a reçu, conformément à l'article 4 du règlement (CEE) n° 4064-89 du Conseil (règlement sur les concentrations), notification d'un projet de concentration aux termes duquel la société Air Liquide SA (Air Liquide) acquiert le contrôle, au sens de l'article 3, paragraphe 1, point b), du règlement sur les concentrations, de certaines activités de BOC Group plc (BOC), par le biais d'une offre publique d'achat conjointe avec la société Air Products and Chemicals Inc. (Air Products), avec répartition ultérieure des entreprises et des actifs de BOC entre les deux sociétés.

(2) Le 16 septembre 1999, la Commission a décidé d'engager la procédure dans cette affaire, conformément à l'article 6, paragraphe 1, point c), du règlement sur les concentrations et à l'article 57 de l'accord EEE.

(3) Le comité consultatif a examiné le présent projet de décision le 5 janvier 2000.

I. LES PARTIES

(4) Air Liquide est un groupe international présent dans le domaine des gaz industriels et des activités connexes, de la cogénération d'électricité et de vapeur, de l'ingénierie, des équipements et des produits consommables de soudage et de découpe, des équipements de plongée et médicaux ainsi que des services liés à ces produits. Cette société fournit des gaz industriels à diverses industries telles que la sidérurgie, le raffinage, la chimie, le verre, l'électronique, la pâte à papier, la métallurgie, l'agroalimentaire, la santé et le domaine spatial. En termes de chiffre d'affaires, Air Liquide est le premier producteur et distributeur mondial de gaz industriels.

(5) BOC est active dans la production et la distribution de gaz industriels et d'équipements connexes, les services de distribution et les technologies du vide. L'entreprise produit et commercialise les principaux gaz de l'air (azote, oxygène et argon), l'hydrogène, le dioxyde de carbone, l'hélium, l'acétylène, le gaz de pétrole liquéfié et des gaz spéciaux. En termes de chiffre d'affaires, BOC est le second producteur et distributeur mondial de gaz industriels.

II. L'OPÉRATION ET LA CONCENTRATION

A. L'ACQUISITION NOTIFIÉE DE CERTAINES ACTIVITÉS DE BOC

(6) Le 13 juillet 1999, Air Liquide et Air Products ont annoncé une offre publique d'achat conditionnelle sur toutes les actions de BOC, sur la base de la règle 2-5 du Code britannique régissant les offres publiques d'achat, par l'intermédiaire de Bidco, une société créée aux fins de l'acquisition. Si elles obtiennent l'autorisation des autorités de concurrence compétentes, notamment celle de la Commission européenne, les sociétés seront tenues de communiquer une offre aux actionnaires.

(7) Air Liquide et Air Products ont convenu de se partager les activités et actifs de BOC après l'achèvement de la procédure de rachat (accord du 2 juillet 1999, modifié le 7 juillet 1999) (l'accord). Conformément au plan de répartition convenu, Air Liquide prendra le contrôle des activités de BOC dans l'Espace économique européen (EEE) (au Royaume-Uni et en Irlande) ainsi que de certaines activités extérieures à l'EEE. Air Products prendra le contrôle des activités restantes de BOC. En ce qui concerne la propriété intellectuelle de BOC, qui comprend des technologies brevetées et non brevetées, notamment des logiciels, Air Liquide et Air Products envisagent de conclure des arrangements afin de garantir que les deux entreprises auront accès à cette propriété intellectuelle sur un pied d'égalité (partie 9 de l'accord).

(8) La présente notification ne concerne que les activités et les actifs de BOC qu'Air Liquide se propose d'acquérir, en particulier au Royaume-Uni et en Irlande.

B. ACQUISITIONS PRÉCÉDENTES

(9) En janvier 1999, Air Liquide a acquis le secteur "gaz industriels" de BOC en France, en Belgique, aux Pays-Bas et en Allemagne. Ces acquisitions ont été notifiées au Bundeskartellamt (autorité allemande de la concurrence) (4), et au Conseil de la concurrence (autorité belge de la concurrence) (5), qui ont tous deux autorisé l'opération. L'acquisition avait également été notifiée au Mededingsautoriteit néerlandais (autorité néerlandaise de la concurrence) (6) qui s'est déclaré incompétent.

(10) Étant donné que la totalité des opérations visées au point 9 se sont produites au cours d'une période de deux ans et ont impliqué les mêmes entreprises, elles seront considérées comme une seule et même opération de concentration dans le cadre de la présente procédure, conformément à l'article 5, paragraphe 2, second alinéa, du règlement sur les concentrations.

III. DIMENSION COMMUNAUTAIRE

(11) Air Liquide et BOC réalisent un chiffre d'affaires total sur le plan mondial de plus de 5 milliards d'euros (7) [6,146 milliards pour Air Liquide (8) en 1998 et environ 1,949 milliard pour BOC (9) en 1998]. Le chiffre d'affaires total réalisé dans la Communauté par chacune des parties est supérieur à 250 millions d'euros [[...]* millions d'euros pour Air Liquide (10) en 1998 et [...]* (*) millions d'euros pour BOC en 1998] et aucune des entreprises concernées ne réalise plus des deux tiers de son chiffre d'affaires total dans la Communauté à l'intérieur d'un seul et même État membre. L'opération notifiée est donc de dimension communautaire.

IV. APPRÉCIATION CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 2 DU RÈGLEMENT SUR LES CONCENTRATIONS

A. MARCHÉS DE PRODUITS EN CAUSE

1. GAZ INDUSTRIELS

(12) Les activités d'Air Liquide et de BOC se chevauchent principalement en ce qui concerne la production et la distribution de gaz industriels. Les gaz industriels sont constitués par l'ensemble des gaz utilisés dans les processus de fabrication, la recherche, la santé et les applications connexes. Les parties produisent et distribuent des gaz de l'air et des gaz chimiques (produits à partir d'autres sources que l'air).

(13) Les gaz de l'air sont l'azote (78 % environ de l'air), l'oxygène (quelque 21 % de l'air) et l'argon (0,9 % environ de l'air). Les gaz rares, le krypton, le néon, le xénon, représentent au total environ un millième de l'air. Les gaz de l'air sont essentiellement produits à partir de techniques de séparation de l'air par cryogénie, qui font appel à un processus relativement complexe comprenant de nombreuses étapes. L'air est liquéfié à très basses températures, pour séparer les divers composants, qui sont extraits à différents niveaux des colonnes de distillation. D'autres procédés de séparation de l'air comprennent l'adsorption modulée en pression (AMP) et l'adsorption par alternance de pression et de vide (VPSA). Les deux procédés produisent soit de l'oxygène, soit de l'azote. La séparation membranaire est principalement utilisée pour fabriquer de l'azote.

(14) L'hydrogène se trouve en grandes quantités dans les hydrocarbures (pétrole et dérivés) et est surtout produit par reformage de gaz naturel ou de naphta à la vapeur ou par d'autres procédés chimiques (généralement l'hydrocraquage). L'hydrogène est également fabriqué par des sociétés pétrolières et chimiques. Le dioxyde de carbone provient surtout de sources naturelles ou de la combustion d'hydrocarbures. Ainsi, les entreprises de gaz industriels achètent souvent du dioxyde de carbone aux sociétés du secteur chimique et pétrochimique. L'acétylène est un hydrocarbure gazeux généralement produit par l'action de l'eau sur le carbure de calcium ou extrait de sources chimiques.

(15) L'hélium est obtenu à partir de gaz naturel ayant une teneur en hélium de 0,3 % ou plus (gaz naturel riche en hélium). Le procédé de production comprend l'extraction de l'hélium brut (qui contient environ 65 % d'hélium et 35 % d'azote) et la purification (raffinage), destinée à produire de l'hélium pur (pureté égale ou supérieure à 99,995 %). La partie notifiante estime qu'il existe un marché distinct pour la vente en gros de l'hélium. L'enquête de la Commission a confirmé qu'il existe un marché de gros pour la fourniture d'hélium purifié aux distributeurs aux fins de revente.

(16) Les parties à l'opération de concentration vendent également des gaz dits spéciaux, qui comprennent essentiellement les gaz réfrigérants, les gaz électroniques et les gaz d'éclairage. Les gaz spéciaux contiennent diverses molécules chimiques dont l'industrie électronique a besoin pour fabriquer des semi-conducteurs et qui sont utilisées à différents stades du procédé de fabrication (gaz spéciaux destinés à l'industrie électronique): par exemple, le silane (SiH4) sert à déposer une couche de silicium pur sur la surface de la tranche, l'arsine (ASH3) et la phosphine (PH3) sont utilisés pour le dopage (ajout de dopants sur la surface de la tranche en vue de modifier les propriétés du semi-conducteur), le trifluorure d'azote (NF3), l'hexafluoroéthane (C2F6) et le tétrafluorure de carbone (CF4) pour le corrodage (afin d'enlever les matériaux de la surface de la tranche pour créer le circuit intégré), l'hexafluorure de tungstène (WF6) pour le dépôt de métal et l'hexafluoroéthane et le trifluorure d'azote comme agents nettoyants.

(17) Les principales utilisations des gaz industriels sont exposées au tableau n° 1

EMPLACEMENT TABLEAU

(18) Les entreprises considèrent généralement que chaque gaz constitue un marché de produit distinct. Certains gaz peuvent en principe se substituer à d'autres pour des usages spécifiques, par exemple le dioxyde de carbone et l'argon dans le soudage. Cependant, les clients ne considèrent généralement pas cette substitution comme une option réaliste. Les réponses au questionnaire de la Commission montrent que, dans la majorité des utilisations, les écarts de prix et le degré d'intégration d'un gaz donné dans les processus d'utilisation spécifiques du client excluent globalement la substitution des gaz dans la pratique.

(19) Par conséquent, dans la présente affaire, la Commission considère que l'oxygène, l'azote, l'argon, l'hydrogène, le dioxyde de carbone, l'acétylène, l'hélium vendu en gros et les gaz spéciaux destinés à l'industrie électronique constituent des marchés de produits distincts.

2. MODES D'APPROVISIONNEMENT

(20) Les gaz industriels sont fournis sous diverses formes (gazeuse ou liquide) et par différents circuits de distribution ("grande masse", vrac et bouteilles).

(21) Les ventes en "grande masse" ont lieu lorsque la demande de gaz de l'air comprend d'importantes quantités d'oxygène et d'azote. Les clients sont principalement des utilisateurs industriels (secteurs de la pétrochimie, de la chimie, de la métallurgie, du raffinage et du verre, par exemple).

(22) L'approvisionnement se fait par le biais d'unités de production spécialisées situées sur le site du client (unités de séparation de l'air "sur site") ou au moyen de canalisations. Dans le premier cas, les unités de séparation de l'air sont construites sur le site du client ou à proximité de celui-ci et couvrent les besoins de ce client précis (11). Les produits sont livrés directement sous forme gazeuse par une canalisation reliant l'unité d'approvisionnement au site industriel du client. Le fournisseur est propriétaire des générateurs sur site et les exploite sur la base d'un contrat à long terme (jusqu'à quinze ans). Il assure une maintenance et une assistance permanentes. Un réseau de canalisations pourra être construit dans des régions géographiques où, du fait de la densité des clients, il est économiquement rentable de relier entre elles les unités de séparation de l'air (par exemple, dans le nord de la France, en Belgique et au Pays-Bas). Chaque gaz (oxygène ou azote) est livré par le biais d'une canalisation propre. D'après la partie notifiante, lorsque les volumes concernés s'élèvent à 100 tonnes par jour, ou 3 000 m3/heure, et à plus de 2 000 tonnes par jour (tpj), ou 60 000 m3/h, il n'y a pas d'autre solution possible que ces modes d'approvisionnement.

(23) Les unités de séparation de l'air sur site (la plupart sans cryogénie, certaines avec) sont également utilisées pour satisfaire des demandes d'oxygène ou d'azote comprises entre 20 et 100 tpj, soit une quantité qui pourrait également être fournie en vrac. Souvent, les petites unités sur site produisent soit de l'azote, soit de l'oxygène, alors que les grosses fabriquent les deux.

(24) Les quantités de gaz susceptibles d'être livrées en vrac sont moins importantes que dans le cas de l'activité "grande masse". À l'exception de l'hydrogène, produit et transporté sous forme gazeuse essentiellement, les gaz fournis en vrac se présentent généralement sous une forme liquide. Les installations de liquéfaction peuvent également être construites sur le même site que les unités de production "grande masse", ce qui permet de faire l'économie d'une canalisation entre les deux. Les gaz liquides sont ensuite transportés en citerne, par route ou chemin de fer, de l'installation du fournisseur au site du client, où ils sont stockés avant d'être utilisés tels quels ou transformés sous forme gazeuse. Le transport et le stockage des gaz requièrent pour chacun un équipement spécial (les gaz de l'air, notamment, doivent être transportés dans des citernes cryogéniques).

(25) Le gaz est livré en bouteilles lorsque les quantités demandées par les clients sont faibles, c'est-à-dire comprises entre 1 m3/mois et 1 000 m3/mois (au-dessus, la livraison en vrac sera mieux adaptée à la demande du client). Tous les gaz sont produits et mis en bouteille sous forme gazeuse, sauf le dioxyde de carbone, qui est fourni sous forme liquide. Les bouteilles peuvent être remplies dans l'usine de production du fournisseur et distribuées depuis celle-ci; une autre solution consiste à transporter les gaz liquides dans des citernes vers les centres d'embouteillage où ils seront transformés en gaz comprimé. De là, les bouteilles de tailles diverses contenant du gaz sous pression sont acheminées soit directement chez le client, soit vers des dépôts à partir desquels elles seront livrées aux clients. Généralement, l'entreprise de gaz industriels approvisionnera directement ses gros clients, tandis que les plus petits seront livrés par l'intermédiaire du dépôt. Même si, en volume, l'importance du gaz en bouteilles est faible, au niveau des recettes, elle est considérable, car les prix de vente de ce type de gaz et les frais connexes sont sensiblement plus élevés.

(26) L'industrie considère généralement que ces trois méthodes de distribution constituent des marchés de produits distincts et la Commission s'est ralliée à cet avis dans des affaires antérieures. Les prix des gaz, le coût du transport et de la location, les frais éventuels liés à la sécurité ou autres, varient en fonction du type de livraison utilisé.

(27) La Commission estime par conséquent que la fourniture d'oxygène et d'azote en "grande masse", en vrac ou en bouteilles, la fourniture en vrac et en bouteilles d'argon (y compris des mélanges contenant de l'argon), d'hydrogène, de dioxyde de carbone et d'acétylène, le marché de gros de l'hélium et la fourniture de gaz spéciaux destinés à l'industrie électronique constituent les marchés de produits en cause. Il convient de souligner toutefois qu'il peut néanmoins exister des liens entre ces marchés. En particulier, une position forte sur le marché "grande masse" apportera souvent des avantages concurrentiels sur le marché de la vente en vrac, et réciproquement.

B. MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES EN CAUSE

1. MARCHÉ "GRANDE MASSE"

(28) La partie notifiante fait valoir que la définition du marché en cause devrait être mondiale. La Commission relève que la position de la partie notifiante est en contradiction avec ses affirmations faites tout au long de la procédure, ainsi qu'avec sa propre appréciation interne. Au cours de la procédure, la partie notifiante a souligné que, parmi les activités et exploitations de BOC qu'elle envisage d'acquérir aux États-Unis d'Amérique et dans d'autres parties du monde, aucune n'a d'incidence sur la concurrence au sein de l'EEE. Ces déclarations vont de toute évidence à l'encontre de l'idée d'un marché mondial. En outre, la Commission a examiné un document interne dans lequel la partie notifiante procédait à l'analyse de l'acquisition envisagée sous ses aspects liés au droit de la concurrence. D'après ce document, l'opération prévue produirait des effets dans une zone de référence se limitant à l'Europe. Il n'est fait mention d'aucune région plus large, d'un marché mondial par exemple (12). La Commission en conclut que la position adoptée par la partie notifiante lors de l'audience est en contradiction avec son appréciation habituelle du marché géographique en cause.

(29) À l'audience, la partie notifiante a déclaré que les entreprises de gaz industriels sont techniquement capables de construire des usines de séparation sur site n'importe où dans le monde, et elle conclut que la définition du marché devrait être mondiale. Toutefois, le simple fait qu'un fournisseur soit techniquement apte à proposer certaines marchandises dans le monde entier n'est pas en soi suffisant pour établir le bien-fondé de cette conclusion. Dans un marché où les contrats d'approvisionnement à long terme font l'objet d'appels d'offres, l'analyse devrait plutôt s'attacher à vérifier si les fournisseurs sont réellement mis en concurrence pour l'obtention de ces marché au sein de la même zone géographique, et s'ils sont placés dans des conditions de concurrence homogènes dans différentes régions géographiques.

(30) L'enquête de la Commission a confirmé qu'un groupe déterminé de sociétés de gaz industriels établies dans l'EEE entre régulièrement en concurrence pour des contrats de fourniture "grande masse" dans l'EEE, à savoir AGA, Air Liquide, Air Products, BOC, Linde, Messer, Praxair et, dans une moindre mesure, des sociétés moins importantes comme SIAD et SOL. En revanche, un certain nombre de sociétés établies dans d'autres régions du monde ne sont pas présentes dans l'EEE. Premièrement, la partie notifiante a déclaré que les entreprises suivantes étaient capables (parce qu'elles disposent de la technique et du savoir-faire nécessaires) de construire des unités de séparation de l'air: Hitachi, Kobe Steel, PSI, Cryogenmash, Kaifeng, Sechuan Air Sep, Hang Yang, Cosmodyne. La Commission n'a pas trouvé d'éléments indiquant que les clients "grande masse" au sein de l'EEE avaient sollicité des offres de ces entreprises ou étaient approvisionnés par celles-ci. Deuxièmement, certains gros fournisseurs de gaz industriels, tels que Nippon Sanso et Airgas ne livrent pas une concurrence active pour l'obtention de contrats "grande masse" dans l'EEE. On ne saurait prétendre qu'en théorie les obstacles technologiques et réglementaires n'empêchent pas les entreprises non européennes de prendre pied en Europe. Néanmoins, une bonne implantation et les préférences déjà existantes des clients constituent un avantage qui rend cette éventualité très improbable.

(31) C'est également à tort que la partie notifiante affirme que la soumission d'offres relatives aux contrats "grande masse" s'effectue à l'échelle mondiale. Les entreprises de gaz industriels se disputent ces contrats sur la base d'une présence bien établie dans l'EEE. Généralement, elles créent ou acquièrent une filiale locale ou une entreprise commune dans la région où elles envisagent d'exercer des activités. Ces filiales locales sont alors chargées de pénétrer sur un marché régional, de rédiger et de soumettre les offres et, une fois le marché obtenu, d'assurer sur une base permanente le service après-vente et l'assistance technique. Plusieurs entreprises de gaz industriels ont confirmé qu'elles ne soumettaient une offre pour les marchés de "grande masse" dans une région donnée que si elles y étaient implantées localement. AGA a indiqué qu'elle ne présentait pas d'offres en dehors des régions où elle était solidement implantée (Europe, Midwest des États-Unis et Brésil); l'entreprise n'envisage pas d'activités autonomes. Linde a signalé qu'elle ne pouvait concourir pour l'obtention de contrats sur site à long terme sans être présente localement par l'intermédiaire d'une filiale. Messer a confirmé qu'elle investissait habituellement sur des projets sur site par l'intermédiaire d'une filiale ou d'une entreprise commune locales.

(32) Praxair et Air Products, les seules entreprises de gaz industriels non européennes opérant en Europe, y ont implanté des bureaux à partir desquels elles mènent l'essentiel de leur activité "grande masse" en Europe. Praxair a indiqué qu'elle dispose d'une équipe locale d'ingénieurs dans l'EEE (située à Oevel, en Belgique), chargée de décrocher les contrats sur site, de concevoir les projets et d'en assurer la réalisation. Généralement, la conception d'une usine est adaptée au marché de l'EEE, afin de prendre en compte le plus grand nombre possible de composantes locales. Cette représentation européenne prend en charge l'entretien de l'usine, les grosses réparations en cas de panne et sa modernisation pendant la durée du contrat. Il est rare que des membres du personnel non européens participent à la négociation des contrats et soient chargés des relations permanentes avec la clientèle. Air Products a confirmé qu'elle exerçait son activité "grande masse" en Europe de la même manière.

(33) Les clients ont, eux aussi, confirmé cette appréciation. Aucun des clients contactés par la Commission n'a passé de contrat "grande masse" avec une entreprise de gaz industriels autre que celles implantées en Europe. Seul un client a signalé qu'il contactait aussi d'autres entreprises, outre celles mentionnées ci-dessus, lorsqu'il attribuait un contrat "grande masse". La Commission en conclut que, du point de vue des clients européens "grande masse", seuls les fournisseurs solidement établis dans l'EEE peuvent obtenir des contrats.

(34) En outre, l'enquête de la Commission a démontré que, si les conditions de la concurrence sont homogènes au sein de l'EEE sur le marché "grande masse", elles diffèrent sensiblement dans d'autres parties du monde. L'EEE doit par conséquent être dissocié des autres régions du monde.

(35) Premièrement, la concurrence par les prix en matière de contrats de livraison "grande masse" est déterminée par des facteurs objectifs qui varient selon les régions du monde. Ce type de contrats crée entre un fournisseur et son client des relations de fourniture à long terme, pouvant durer jusqu'à quinze ans. L'investissement en capital que doit consentir le fournisseur pour chaque contrat de livraison "grande masse" est élevé, et dépasse parfois 200 millions d'euros. La rentabilité escomptée des capitaux investis est déterminante pour la manière dont une entreprise de gaz industriels peut exercer une concurrence par les prix dans une région donnée. Chaque fournisseur fixera ce niveau de rentabilité prévu en fonction de la perception du risque qu'il a dans telle ou telle région. Étant donné le caractère à long terme des contrats et l'importance des investissements concernés, les risque de change, mais aussi, d'une manière plus générale, le contexte économique et politique dans une région ou un pays donné jouent à cet égard un rôle particulièrement crucial. Les entreprises de gaz industriel établissent des seuils de retour minimal escompté sur investissement. Ces seuils diffèrent selon les régions géographiques où les entreprises de gaz rivalisent pour obtenir des contrats de livraison "grande masse". Dans les régions ou les pays où le risque subjectif est plus élevé, les entreprises majoreront généralement la rentabilité minimale escomptée. En outre, les entreprises de petite taille doivent souvent souscrire des emprunts au niveau local, par l'intermédiaire de leurs filiales, pour financer l'investissement initial. Dans ce cas, le prix qu'elles peuvent proposer dépend aussi des conditions de financement, qui diffèrent d'une région et d'un pays à l'autre. La conjugaison de l'ensemble de ces éléments entraîne des différences régionales dans la fixation des prix. La partie notifiante a souligné que "l'Europe constitue une zone intéressante, qui ne présente aucun risque", tout en reconnaissant que les mêmes risques diffèrent énormément dans d'autres parties du monde. La variation des risques de change est une évidence. Les concurrents ont également confirmé cette appréciation.

(36) Deuxièmement, les entreprises font habituellement une distinction entre les marchés en développement et les marchés parvenus à maturité. En ce qui concerne le marché "grande masse", la partie notifiante a déclaré dans sa notification qu'"il faut distinguer les marchés parvenus à maturité, très industrialisés et structurés, tels que l'Union européenne, des marchés en développement, où l'industrie et les utilisations et applications des gaz industriels sont encore en phase d'expansion, par exemple en Asie du Sud-Est". La Commission a également relevé cette distinction dans les documents internes des parties qu'elle a examinés. Lors de l'audience, BOC a affirmé qu'elle était capable de dégager une rentabilité sensiblement plus élevée sur les marchés en développement. De plus, la structure de la demande n'est pas non plus la même selon les régions du monde. La partie notifiante a affirmé à cette occasion que le taux d'autoproduction était de 11 % aux États-Unis, de 21 % en Europe et de 78 % en Asie.

(37) Enfin, la Commission n'a pas, à ce jour, qualifié un marché présentant des caractéristiques analogues à celles du marché "grande masse" de marché mondial. Lors de précédentes décisions, la Commission a établi que les marchés de certaines matières premières, négociées principalement sur des places boursières, étaient de taille mondiale (13). Toutefois, les gaz industriels en question sont livrés d'une manière différente, à savoir par l'intermédiaire d'usines sur site spécialement adaptées, dans des conditions qui varient et en tenant compte des exigences propres au client. Une définition mondiale des marchés a également été acceptée pour des produits d'équipement de grande taille ou de haute technologie qui sont, ou peuvent être, acheminés aux clients dans le monde entier (14). Cependant, en l'espèce, le marché de produits ne concerne pas la fourniture de ces équipements. Il convient de traiter de manière distincte la vente en "grande masse" de gaz industriels dans le cadre de contrats à long terme et celle d'usines de séparation de l'air. Dans ce dernier cas, il s'agit de projets d'ingénierie ponctuels, pour lesquels la relation avec le client est différente.

(38) La Commission estime, pour ces raisons, que, en ce qui concerne la fourniture "grande masse" de gaz industriels, le marché géographique de référence est l'EEE.

2. GAZ EN VRAC ET EN BOUTEILLES

(39) Les enquêtes menées dans la présente affaire et dans l'affaire parallèle COMP/M.1641 - Linde/AGA ont confirmé que les gaz industriels, à l'exception de certains gaz présentant une pureté totale et des propriétés exceptionnelles (comprenant l'hélium et les gaz spéciaux destinés à l'industrie électronique) et, dans une moindre mesure, du dioxyde de carbone, ne peuvent normalement pas être vendus et distribués à des clients situés à plus de 200 km environ des installations de production. Pour une installation de production individuelle, la zone d'approvisionnement se définit donc par un cercle de ce rayon au centre duquel se trouve l'installation. Toutefois, dans les grands États membres, ces zones d'approvisionnement sont normalement reliées de manière à se chevaucher et à couvrir sans faille la totalité de l'État membre en question. De plus, les fournisseurs concluent souvent entre eux des accords de crédits croisés, afin de diminuer les coûts de transport. La partie notifiante a présenté des listes attestant qu'elle a passé ce type d'accords pour les gaz distribués en vrac et en bouteilles dans tous les pays de l'EEE où elle est active. La concurrence entre, tout au moins, les gros fournisseurs sur les marchés de la distribution en vrac et en bouteilles, n'est de ce fait pas limitée à une région, mais s'exerce à l'échelle nationale. Les marchés géographiques des gaz en vrac et en bouteilles sont circonscrits aux États membres pris isolément. Les systèmes de distribution diffèrent d'un État membre à l'autre.La structure du marché d'États membres voisins est tout à fait autre. Par exemple, en France, Air Liquide détient des parts de marché de l'ordre de [...]* à [...]* sur les divers marchés de la distribution de gaz en vrac et en bouteilles, alors qu'en Allemagne elles sont généralement d'environ [...]* de parts de marché. En outre, les données communiquées par la partie notifiante font apparaître des écarts de prix importants entre les différents États membres. Cette situation a été confirmée par les informations transmises par des tiers. La Commission en conclut que les marchés de la distribution en vrac et en bouteilles ne dépassent généralement pas le niveau national (excepté pour certains gaz présentant une pureté totale et des propriétés exceptionnelles).

3. HÉLIUM

(40) L'hélium est extrait du gaz naturel, purifié puis liquéfié dans un nombre limité de sites qui se trouvent aux États-Unis (Kansas, Oklahoma, Texas et Wyoming), en Algérie (Bethouia), en Pologne (Odolanov) et en Russie occidentale (Orenbourg). L'hélium purifié est acheminé depuis les sites de production vers les revendeurs et les clients avec un équipement de transport spécial (conteneurs cryogéniques). Les principaux fournisseurs d'hélium de l'EEE sont situés en Europe (Pologne) ou à proximité (Algérie, Russie occidentale).

(41) La totalité des sources susmentionnées approvisionnent l'EEE en hélium, mais les sources proches de l'Europe (Algérie, Pologne, Russie) n'approvisionnent d'autres régions du monde que dans une mesure très limitée. La Commission estime que 75 % environ de la demande d'hélium dans l'EEE sont actuellement couverts par les sources situées à proximité de l'Europe. Les importations en provenance des États-Unis varient dans le temps, car elles portent parfois sur d'importants contrats uniques de vente en gros. Si, comme l'affirme la partie notifiante, une deuxième source d'hélium purifié est exploitée à moyen terme en Algérie, les importations en provenance des États-Unis pourraient considérablement diminuer. Les États-Unis ne reçoivent pas d'hélium d'Algérie, de Pologne ni de Russie.

(42) S'il est possible, techniquement, de transporter l'hélium liquide sur de longues distances, un certain nombre de facteurs y font obstacle (outre les frais de transport eux-mêmes, le fret et les frais de transit, les coûts d'importation/ exportation et de location de conteneurs). L'hélium est un produit très volatile. Pour que le gaz reste liquide, il faut maintenir pendant toute la durée du transport des températures très basses (inférieures à - 269°C). Plus le temps d'expédition est long, plus l'hélium liquide chauffe et produit de l'hélium gazeux. Inévitablement, les pertes de produits s'accroissent au fur et à mesure que les distances de transport s'allongent. D'après une étude interne présentée par une entreprise de gaz industriels, un conteneur provenant d'Algérie ou de Pologne peut, du fait du temps de transport plus court, acheminer jusqu'à 40 % d'hélium liquide en plus par rapport à un conteneur qui vient des États-Unis. Outre les coûts dus à la perte de produit, il faut réduire au maximum les fuites de chaleur qui augmentent avec la distance du transport, ce qui occasionne des frais de refroidissement supplémentaires. Ces coûts concernent notamment l'azote ou l'hélium liquide utilisé pour remplir de liquide le blindage des conteneurs afin de conserver le produit froid. En outre, si un long temps de transport a entraîné un réchauffement des conteneurs, ceux-ci devront être refroidis avant d'être réutilisés (si les conteneurs sont loués, ceci entraîne des frais de refroidissement).

(43) Le facteur coût le plus important pour le transport de l'hélium est le nombre de conteneurs cryogéniques nécessaires et l'investissement correspondant. La partie notifiante a indiqué que la rotation d'un conteneur d'hélium durait quarante jours au départ des États-Unis vers l'Europe, seize jours s'il vient d'Algérie et dix-huit jours s'il vient d'Europe de l'Est. Plus la durée du voyage augmente, plus le nombre de rotations pour lesquelles un conteneur est utilisé diminue. En se fondant sur ces chiffres, le taux d'utilisation d'un conteneur utilisé pour les importations en provenance des États-Unis est [...]* fois moins élevé que pour l'Algérie et [...]* fois moins élevé que pour l'Europe de l'Est. Par conséquent, il faut davantage de conteneurs pour acheminer le produit des États-Unis et les frais fixes augmentent considérablement par rapport à la valeur du produit transporté.

(44) Du côté de la demande, les clients sur le marché de gros (notamment les petites entreprises de gaz industriels) considèrent qu'il est déterminant de pouvoir disposer d'hélium liquide en provenance de sources proches du marché (c'est-à-dire de la zone où se trouve la demande). Mis à part les inconvénients liés au transport sur longue distance, les entreprises doivent également prendre en considération la nécessité de garantir au maximum la sécurité de l'approvisionnement et de minimiser le risque d'interruption des livraisons. L'hélium est un produit clé que les entreprises de gaz industriels, y compris de petite taille, considèrent comme un élément indispensable de leur portefeuille. Du côté de l'offre, même les fournisseurs qui ont accès à de l'hélium purifié aux États-Unis tiennent, dans toute la mesure du possible, à approvisionner les clients européens en hélium provenant d'Algérie, de Pologne et de Russie, quand bien même ils doivent l'acheter à des concurrents. Ils n'importent de l'hélium produit sur place aux États-Unis que dans la mesure où ils ne peuvent satisfaire la demande à partir de sources plus proches. De plus, si les grossistes étaient capables de concourir dans des conditions homogènes à travers le monde, l'hélium des États-Unis, qui représente plus de 80 % de la capacité mondiale, couvrirait l'essentiel de la demande dans l'EEE. Or, tel n'est pas le cas.

(45) L'enquête n'a rien révélé qui laisserait supposer que les prix du marché de l'hélium purifié sont fixés au niveau mondial. Il n'existe pas, en particulier, de flux commerciaux d'Algérie, de Pologne ou de Russie vers les États-Unis (qui absorbe environ 60 % de la consommation mondiale d'hélium) et les flux provenant d'Algérie à destination d'autres parties du monde sont limités. En conséquence, à l'extérieur de l'Europe, l'hélium provenant de ces sources ne fait pas concurrence (ou seulement dans une mesure limitée) à l'hélium des États-Unis. D'après les données communiquées par les principaux grossistes, les prix de vente en gros de l'hélium dans l'EEE ont dépassé en moyenne de plus 12 % la moyenne mondiale pour la période 1996/1999.

(46) La présente affaire ne présente pas certaines des caractéristiques qui, dans des affaires précédentes, ont conduit la Commission à accepter la définition de marchés mondiaux. Généralement, l'existence de marchés mondiaux des matières premières, notamment pour certains métaux et minerais, a été admise lorsque les prix sont fixés dans les bourses des matières premières ou des métaux ou sont liés au négoce sur ces places boursières (15). Comme il a été indiqué, il n'existe pas de mécanisme similaire de définition des prix pour l'hélium purifié. Les prix de l'hélium sont négociés dans le cadre de contrats de gros indépendants et non en tant que prix du marché mondial.

(47) S'il est vrai que ces éléments plaident en faveur d'un marché de référence englobant la vente en gros d'hélium purifié à l'EEE, la définition du marché peut être laissée ouverte étant donné que, même dans l'hypothèse de l'existence d'un marché mondial du commerce de gros, l'opération notifiée poserait des problèmes de concurrence.

4. GAZ SPÉCIAUX DESTINÉS À L'INDUSTRIE ÉLECTRONIQUE

(48) La partie notifiante affirme que le marché géographique en cause pour les gaz spéciaux fournis en bouteilles à l'industrie électronique comprend au moins l'EEE, voire s'étend au monde entier. Ces gaz sont produits par des entreprises chimiques (et dans certains cas également par des entreprises de gaz industriels), puis achetés, transformés et conditionnés par des entreprises de gaz industriels, avant d'être finalement vendus aux clients de l'industrie électronique. La partie notifiante soutient que ses activités dans ce secteur, notamment le "transvasement " des gaz spéciaux destinés à l'industrie électronique et la fourniture de ces produits aux clients finals, ne sont que celles d'un distributeur.

(49) D'après l'enquête de la Commission, il convient de distinguer la fourniture, par les producteurs, de gaz de base aux entreprises de gaz industriels de la fourniture, par ces entreprises de gaz industriels, de gaz épurés, de services connexes et de produits associés aux clients finals. Les principales entreprises de gaz industriels, telles que Air Products, Praxair, Air Liquide et BOC, disposent d'un "centre de transvasement" dans l'EEE, à partir duquel elles desservent leurs clients dans l'EEE. Normalement, les clients ne sont pas approvisionnés depuis des centres situés en dehors de l'EEE. Le "transvasement" désigne la production (c'est-à-dire la purification, le mélange et l'embouteillage) de gaz spéciaux destinés à l'industrie électronique, conformément aux instructions précises du client, dans le cadre de procédés extrêmement spécialisés. Les spécifications de chaque gaz sont soumises à un processus de certification qui peut durer jusqu'à deux ans. Les certifications concernent le site de production précis (centre de transvasement) d'où provient le mélange gazeux final. En outre, les gaz spéciaux destinés à l'industrie électronique doivent être livrés et manipulés dans des conteneurs spécialisés (afin, par exemple, de maintenir les niveaux de pureté et de manipuler des gaz toxiques). L'examen des brochures commerciales d'Air Liquide et de BOC confirme que ce conditionnement spécialisé fait partie intégrante de leurs offres de produits. Ce service est également assuré par les centres de "transvasement" au niveau de l'EEE. Par conséquent, la production et la distribution de gaz spéciaux destinés à l'industrie électronique génèrent de la valeur ajoutée au niveau de l'EEE, où les entreprises de gaz exercent leurs activités de "transvasement".

(50) Le fait que Nippon Sanso, un important fournisseur de gaz spéciaux destinés à l'industrie électronique implanté aux États-Unis, n'exerçait, il y a peu de temps encore, quasiment aucune activité dans l'EEE, démontre l'importance qu'il y a à être présent dans cette région, en créant et en exploitant des capacités de production en Europe. L'entreprise n'a pu prendre pied sur le marché européen que récemment grâce à la constitution d'une entreprise commune avec Messer.

(51) Bien que la capacité à négocier avec une entreprise de semi-conducteurs au niveau mondial puisse représenter un avantage, il ressort de l'enquête menée par la Commission que les clients finals prennent encore actuellement leurs décisions en matière d'achat à un niveau plus local.La partie notifiante déclare que même si la question des approvisionnements de l'industrie des semi-conducteurs en gaz électroniques est souvent discutée au niveau de l'entreprise cliente, les commandes de gaz spéciaux destinés à l'industrie électronique sont décidées, gérées et établies sur le site local, en prenant en compte des facteurs spécifiques.

(52) La Commission conclut donc que le marché des gaz spéciaux destinés à l'industrie électronique s'étend à l'EEE.

C. APPRÉCIATION AU REGARD DES RÈGLES DE CONCURRENCE

1. MARCHÉS "GRANDE MASSE" DES GAZ DE L'AIR

a) Structure du marché

Air Liquide/BOC posséderait, de loin, la part de marché la plus importante sur le marché européen de la fourniture "grande masse" de gaz de l'air

(53) Le tableau n° 2 présente les parts de marché des parties et de leurs concurrents sur le marché "grande masse" européen (16):

EMPLACEMENT TABLEAU

(54) L'opération de concentration envisagée créerait de loin le plus gros fournisseur "grande masse" de gaz de l'air standard en Europe.La nouvelle entité détiendrait près [...]* de la moitié du marché "grande masse" de l'oxygène et de l'azote. Les autres opérateurs occupent en outre tous une position nettement moins favorable. Sur le marché de l'oxygène, le deuxième fournisseur, Linde, n'atteint pas [...]* des ventes d'Air Liquide/BOC. En ce qui concerne le marché de l'azote, l'offre résiduelle est encore plus dispersée, puisqu'aucun concurrent n'atteint [...]* des ventes d'Air Liquide/BOC.

(55) La puissance cumulée d'Air Liquide/BOC apparaît encore plus nettement si l'on prend le nombre de contrats de livraison sur site obtenus comme critère pour déterminer la part de marché (17), comme exposé au tableau n° 3:

EMPLACEMENT TABLEAU

(56) Il convient de noter que les pourcentages du tableau n° 3 ne comprennent que les contrats de livraison de gaz sur site. Les contrats d'approvisionnement par canalisation n'ont pas été systématiquement pris en compte. Air Liquide étant de loin le plus gros fournisseur européen de gaz par canalisation, le tableau 3 sous-estime probablement le nombre de contrats remportés.

(57) Air Liquide affirme dans sa notification qu'"il est absolument sans intérêt" d'analyser la structure du marché à partir de la "part des ventes "grande masse" détenue par un producteur", car elle estime que ce marché est un marché d'appels d'offres ("bidding market"). La partie notifiante est d'avis qu'il faut plutôt se fonder sur le nombre d'acteurs pour apprécier la concurrence. Dans le contexte de la présente affaire, les considérations suivantes sont suffisantes. Premièrement, à moins que des éléments particuliers ne prouvent que l'exemple du passé ne vaut plus pour la situation présente, on peut raisonnablement supposer que la part de marché d'un fournisseur constitue une indication de sa puissance. Deuxièmement, le nombre de marchés attribués confirme l'analyse fondée sur la part de marché.

En tant que fournisseur déjà installé détenant, de loin, le plus grand nombre de contrats de livraison, la nouvelle entité aurait sur le marché une position bien établie et posséderait une nette avance sur ses concurrents

(58) Au cours de la procédure, la partie notifiante a souligné que le fait que le marché "grande masse" soit très disputé garantissait l'exercice d'une concurrence. Toutefois, on ne saurait accepter l'idée que pour chaque contrat "grande masse", la compétition démarre "à zéro" et que, même les fournisseurs qui ne réalisent aucune vente, puissent rivaliser sur un pied d'égalité. L'enquête a montré que, en matière de contrats "grande masse", la dynamique de la concurrence est telle que le fournisseur en place est le mieux placé pour obtenir un nouveau contrat. Une position bien établie sur le marché reflète donc la puissance de marché d'un fournisseur. La Commission relève que si le calcul de la position cumulée d'Air Liquide et de BOC prend pour base le nombre de contrats remportés récemment (afin d'apprécier dans quelle mesure il s'agit de fournisseurs "historiques"), leur position conjointe est encore plus forte qu'en termes de chiffre d'affaires (voir tableau n° 3). Si l'on en juge par le nombre de contrats obtenus, aucun concurrent ne bénéficie d'une position le moins du monde similaire.

(59) L'avantage qu'il y a à être le détenteur du contrat antérieur lors de l'attribution d'un marché s'appuie sur les éléments suivants.

(60) La fourniture de gaz "grande masse" implique en règle générale une relation de travail étroite entre le client et son fournisseur actuel. Ce dernier connaît la date d'expiration de l'actuel contrat de fourniture et est par conséquent le mieux placé pour proposer sa reconduction suffisamment tôt. Grâce à ses relations constantes avec son client, le fournisseur en place sera généralement aussi le premier informé de l'intention de ce client de proroger ou de modifier un contrat d'approvisionnement. Lorsqu'ils envisagent de conclure un nouveau contrat ou de modifier un contrat existant, les clients sollicitent, dans la plupart des cas, l'avis de leur fournisseur actuel pour définir les nouvelles modalités d'approvisionnement (par exemple, une nouvelle usine sur site, une extension de la capacité, etc.). Les fournisseurs en place participent donc souvent à la phase de planification du projet et figurent de ce fait presque toujours parmi les entreprises de gaz industriels qui seront invitées à soumettre une offre. La connaissance détaillée qu'ils ont du client leur confère un avantage pour répondre à cette demande ainsi que pour les négociations qui suivront. La conclusion qui s'impose au vu de l'ensemble de ces éléments est qu'un client ne changera de fournisseur que pour autant qu'un concurrent présente une offre avantageuse et pas simplement équivalente.

(61) S'il apparaît qu'un contrat sur site va être reconduit, le fournisseur en place pourra généralement offrir des conditions financières plus avantageuses (remises, etc.) pour le contrat suivant, car, dans la plupart des cas, l'investissement initial dans l'usine sur site aura été totalement amorti. Même si ce n'est pas le cas, le fournisseur historique est normalement en mesure de proposer de meilleures conditions en réutilisant le matériel qui équipe déjà son installation existante (18). De même, le fournisseur en titre est aussi le mieux placé pour soumettre l'offre la plus économique au cas où, en raison de l'évolution de la demande du client, le contrat sur site doit être modifié avant l'expiration de la durée du contrat. Par exemple, si le client a besoin d'une capacité supplémentaire, le fournisseur en place peut proposer soit d'accroître celle de l'usine existante, soit, selon le cas, de construire une seule nouvelle usine couvrant la totalité de la capacité. Tout autre concurrent pourrait seulement offrir de bâtir une deuxième usine supplémentaire sur le même site, une solution de toute évidence moins économique. Même dans le cas où les besoins du client sont tels qu'ils nécessitent la construction d'une deuxième usine sur le même site, celui-ci préférera, en règle générale, faire appel à son fournisseur en place afin de diminuer ses frais administratifs et d'exploiter les deux usines d'une manière coordonnée et, partant, plus économique.

(62) Les clients contactés par la Commission ont pour la plupart confirmé que le fournisseur déjà en place bénéficie d'un avantage. Les concurrents ont également attesté qu'ils avaient plus de chances d'obtenir une prorogation ou une reconduction de contrat de la part de clients existants. Les historiques des appels d'offres communiqués par les entreprises de gaz industriels permettent d'aboutir à la même conclusion. Par exemple, la liste des renouvellements/prorogations de contrats existants remportés par BOC met en lumière l'importance de la relation entre le fournisseur en place et ses clients.

(63) Enfin, un document de BOC comportant une évaluation de la position des systèmes fonctionnels de BOC sur le marché sur site confirme cette analyse. Ce document (19) contient les déclarations suivantes: "dans les cas où les fournisseurs en place sont puissants, il peut s'avérer difficile de s'emparer de bastions parvenus à maturité en utilisant des méthodes commerciales traditionnelles. ... BOC sera en grande partie exclue de la croissance potentielle dans les pays développés, car elle aura du mal à s'imposer face aux fournisseurs en place ... Le poids des clients existants générera une croissance "naturelle".

L'opération de concentration envisagée aurait pour effet d'éliminer un concurrent important

(64) L'acquisition de BOC par Air Liquide ferait disparaître le troisième concurrent en termes de chiffre d'affaires du marché "grande masse" de l'EEE. L'élimination de BOC du champ de la concurrence aurait pour effet d'altérer sensiblement la structure du marché.

(65) Il ressort des données de BOC elle-même que l'entreprise est entrée activement en concurrence pour obtenir des contrats de livraison "grande masse" dans l'ensemble de l'EEE, c'est-à-dire non seulement au Royaume-Uni, mais aussi dans d'autres régions industrielles clés en Belgique, aux Pays-Bas, en Italie, en France, en Allemagne et en Espagne. Il convient de noter que, dans le passé, BOC a surtout présenté des offres pour des usines sur site de très grande taille (dont le débit prévu pouvait, dans certains cas, atteindre 120 000 m3/h). Or, le nombre de concurrents capables de concevoir et de mener à bien des projets aussi importants est particulièrement limité. L'opération de concentration envisagée aurait pour effet d'éliminer un de ces rares concurrents.

(66) En écartant un des plus gros fournisseurs sur site, le projet en question aurait pour conséquence de réduire la concurrence potentielle sur le marché "grande masse" européen. La présence de concurrents crédibles est particulièrement importante sur un marché caractérisé par l'attribution de très gros projets, où les contrats sont conclus pour de longues périodes, où le nombre des fournisseurs remplissant les conditions requises est déjà limité et où les clients s'appuient sur les procédures de passation des marchés pour garantir des conditions relativement concurrentielles. BOC figure parmi les premiers fournisseurs "grande masse" aux niveaux mondial et européen et possède des points forts dans tous les secteurs en cause. On considère que BOC est compétitive en matière de technologie des procédés (séparation de l'air par cryogénie ainsi qu'adsorption modulée par alternance de pression et de vide) et qu'elle est leader pour certaines technologies (par exemple la technologie des unités de production d'oxygène de petite et moyenne dimensions, c'est-à-dire les générateurs ICO). Étant donné que la fourniture sur site peut nécessiter des capitaux extrêmement élevés, BOC fait partie de ces fournisseurs peu nombreux capables de financer l'investissement associé à de gros projets. Les analystes de ce secteur estiment que BOC dispose de ressources considérables quant à l'exécution d'importants projets relatifs à des usines sur site (20). En résumé, BOC peut être considérée comme une des sociétés de gaz industriels dont le potentiel concurrentiel est important. Sa disparition, sur un marché déjà concentré, réduirait encore le choix du consommateur.

L'opération envisagée associerait une position très solide au Royaume-Uni et en France à de fortes positions dans d'autres régions clés en Europe

(67) Selon les chiffres communiqués par la partie notifiante, qui ont été confirmés par les enquêtes de la Commission, BOC fournit [...]* de l'oxygène et de l'azote "grande masse" au Royaume-Uni (21).

(68) Selon ses propres estimations, Air Liquide fournirait actuellement de loin la plus grande partie des gaz "grande masse" en France ([...]* de l'oxygène et [...]* de l'azote). La situation est similaire en Belgique. En ce qui concerne les autres pays, sa présence est moins forte, mais néanmoins importante, en particulier en Italie et en Espagne.

b) Atouts spécifiques

(69) La Commission admet que, outre la part de marché, d'autres paramètres peuvent être pris en compte pour apprécier la puissance de marché d'un fournisseur "grande masse". L'enquête a montré que, au regard de chacun de ces aspects complémentaires, l'entité issue de l'opération de concentration serait le fournisseur le plus important. Certains des atouts de cette nouvelle entité découleraient de la position, déjà forte, d'Air Liquide, et se trouveraient renforcés par l'addition de la position de BOC. D'autres points forts résulteront de la combinaison de puissants fournisseurs "grande masse" en Europe, qui créera un fournisseur plus important que n'importe quel autre opérateur. Si l'on tient compte simultanément de tous ces éléments, l'opération notifiée conférerait au marché une structure dans laquelle le plus gros fournisseur, qui cumulerait les parts de marché respectives des parties à la concentration, serait aussi le plus important par rapport à d'autres paramètres clés de la concurrence. Face à la puissance globale de l'entité issue de l'opération de concentration, les autres fournisseurs de gaz industriels seraient nettement désavantagés dans la concurrence que se livrent les opérateurs pour décrocher les contrats de livraison "grande masse".

Air Liquide/BOC disposerait d'une puissante infrastructure dans l'ensemble de l'EEE

(70) Air Liquide et BOC disposent dans leurs pays d'origine respectifs (France et Royaume-Uni/Irlande) d'installations de production de gaz industriels et d'infrastructures complètes pour la distribution de ces gaz en vrac et en bouteilles (voir points 165 et 177). Ces réseaux confèrent une supériorité aux deux entreprises au niveau de leurs capacités de production et de leur accès aux clients en ce qui concerne les livraisons en vrac et en bouteilles. L'opération envisagée aurait pour effet d'associer ces réseaux.

(71) Air Liquide possède également des infrastructures de production et de distribution dans un certain nombre d'autres pays européens (Benelux, Danemark, Allemagne, Grèce, Italie, Portugal, Espagne et Suède). Cette infrastructure paneuropéenne comprend des usines de production autonomes (usines de gaz liquides), des usines spécialisées (destinées à fournir un ou plusieurs clients) dotées de capacité de production excédentaire pour les marchés du vrac ou des bouteilles, des unités de production sur site de petite taille et des centres d'embouteillage. Le tableau n° 4 décrit le réseau de production et de distribution européen d'Air Liquide dans des pays autres que la France (22). À la seule exception de la Finlande, où elle ne possède que des usines spécialisées, Air Liquide a implanté des centres d'embouteillage correspondant à la taille du marché concerné dans chacun des pays énumérés au tableau n° 4. Dans la majorité des pays, le réseau des centres d'embouteillage couvre la gamme complète des gaz, et comprend notamment un certain nombre d'installations capables de conditionner des gaz présentant des propriétés exceptionnelles (argon, mélanges contenant de l'argon et d'autres gaz, y compris des gaz spéciaux).

(72) Il est certain que le fait de posséder des infrastructures locales de production et de distribution confère des avantages concurrentiels. Une capacité de production locale de gaz liquides facilite la fourniture de gaz d'appoint pour les usines "grande masse" de petite et moyenne dimension. Lorsque ces gaz d'appoint peuvent être fournis à partir d'une production réservée, le fournisseur n'est pas obligé de conclure des accords pour l'achat de gaz liquides sur le marché libre ou de garantir le paiement d'astreintes au client. Chacune de ces autres solutions entraînerait obligatoirement un coût supplémentaire, infligeant au fournisseur "grande masse" un désavantage dans la concurrence. Une infrastructure locale de distribution permet à ce dernier de créer une usine sur site spécialisée nécessaire pour un contrat "grande masse", dont la capacité dépasse la demande du client "grande masse". La capacité excédentaire (production "piggy back") est alors liquéfiée et vendue en vrac ou en bouteilles. L'avantage en termes de coûts pour la fourniture "grande masse" provient des économies d'échelle au niveau de l'investissement (ainsi que des recettes complémentaires dégagées par les ventes en vrac et en bouteilles). Ces avantages ne peuvent être obtenus que si le propre réseau de distribution de l'entreprise garantit un accès au marché. Enfin, une infrastructure locale facilite la maintenance et l'assistance dans les usines sur site, ainsi que le fonctionnement d'autres aspects du service clientèle.

(73) Dans sa réponse à la communication des griefs, la partie notifiante conteste l'importance d'une infrastructure de production et de distribution locale pour la production de secours et les ventes de gaz liquides excédentaires. Toutefois, au début de la procédure, la partie notifiante a souligné qu'il était important, pour asseoir une activité grande masse, de disposer d'une infrastructure locale, permettant de produire des gaz liquides (production de secours et excédents). Elle a déclaré dans une étude présentée ultérieurement au cours de la procédure que les livraisons de secours de gaz liquides ne concernaient que les clients dont les besoins s'élèvent à 200-500 tpj ou moins. Dans sa réponse à la communication des griefs, la partie notifiante semble considérer que même pour des clients consommant plus de 200 tpj, les livraisons de secours en vrac peuvent ne pas être adaptées à la situation. La Commission estime que cette affirmation n'est pas crédible.

(74) La Commission soutient que la présence d'un réseau dense d'installations de production de gaz liquides facilite la fourniture d'appoint aux usines sur site. Lorsque les usines de gaz liquides sont situées à proximité des usines sur site, il faut moins de remorques-citernes pour livrer une quantité donnée de gaz. Des livraisons de secours sont de ce fait plus faciles à réaliser, même pour de grandes quantités, et moins coûteuses. La partie notifiante a de toute façon reconnu dans sa notification qu'une infrastructure de secours et de service est importante pour les usines sur site de petite dimension. La fourniture assurée par ces unités de production est une activité très rentable qui connaît une croissance rapide.

(75) Il est admis que la production simultanée de gaz liquides dans l'usine sur site et leur stockage dans une citerne constitue un autre moyen de compléter les fournitures de gaz, qui est accessible à n'importe quel concurrent. Dans sa réponse à la communication des griefs, la partie notifiante a toutefois présenté une autre solution permettant de garantir les livraisons de secours, qui est avantageuse pour un fournisseur bien implanté sur le marché. Parfois, lorsque l'entreprise procède à des augmentations de capacité ou remplace les anciennes usines, il est possible de conserver ces dernières ou des parties d'entre elles pour fournir une capacité complémentaire. Cette méthode convient pour la livraison de grandes quantités. Ainsi, l'usine de production "grande masse" d'Air Liquide d'Anvers, dont la capacité s'élève à [...]* tpj, reçoit l'appui d'une ancienne usine dont la capacité de [...]* tpj est gardée en réserve. Cette méthode favorise les gros fournisseurs bien établis, comme la nouvelle entité, qui dispose d'un grand nombre d'usines de production "grande masse" déjà en place.

(76) Selon la partie notifiante, la Commission surestime également l'importance de la production simultanée ("piggy back") de gaz liquides destinés à être vendus sur le marché en vrac. Elle a notamment indiqué que le nombre de contrats "grande masse" comprenant cette production simultanée avait diminué. La grande capacité de production en vrac dont dispose déjà Air Liquide au sein d'une infrastructure étendue peut expliquer cette évolution. Les concurrents (AGA, Linde, Praxair) accordent davantage d'importance à la production simultanée dans les usines "grande masse" que la partie notifiante. S'il est possible que, dans les conditions actuelles du marché, l'intérêt de la production simultanée de gaz liquides diminue, la production conjointe de gaz "grande masse" et de gaz liquides offre toujours un avantage non négligeable sur le plan des coûts. Selon la partie notifiante, le coût d'exploitation d'une usine combinée "grande masse" et gaz liquides est inférieur de [...]* à celui d'une usine "grande masse autonome" à laquelle est associé un liquéfacteur autonome.

(77) L'opération de concentration envisagée, en donnant naissance à un seul fournisseur, dont l'infrastructure de production et de distribution serait supérieure à celle de ses concurrents, conférerait à Air Liquide/BOC un avantage structurel pour obtenir des contrats "grande masse". Sur la base des données fournies par les autres concurrents, on constate qu'aucune de leurs infrastructures de production et de distribution n'aurait une couverture géographique analogue. Aucun des concurrents d'Air Liquide/BOC ne bénéficierait donc du même avantage.

L'entité issue de l'opération de concentration pourrait devenir le premier exploitant européen de canalisations

(78) Les entreprises de gaz industriels mènent, à des degrés divers, une stratégie visant à relier, par le biais de canalisations, leurs propres sites de production à ceux de leurs clients. C'est le cas notamment dans des régions (appelées "bassins industriels") où se trouvent concentrés d'importants consommateurs de gaz industriels tels que, entre autres, des producteurs sidérurgiques, des entreprises chimiques, des fabricants de papier et de verre. Les canalisations peuvent être réparties en deux catégories, les "canalisations de distribution locales" et les "canalisations d'interconnexion". Les canalisations de distribution locales constituent la structure principale. Elles relient l'usine ou les usines de séparation de l'air d'une entreprise de gaz industriels aux sites des consommateurs (clients) de gaz situés dans un "bassin industriel". Leur capacité de transfert est généralement élevée et suffit pour satisfaire la demande de plusieurs clients (23). Leur longueur totale est limitée par la dimension géographique de la région industrielle concernée. Les canalisations d'interconnexion constituent une structure secondaire. Elles relient les réseaux de canalisations locales de différentes régions industrielles, parfois sur de longues distances, pour créer un réseau régional plus important. Il peut arriver (ce n'est toutefois pas toujours le cas) que les canalisations d'interconnexion aient une capacité de transfert inférieure à celle des canalisations de distribution locales (24).

(79) Le tableau n° 5 fait le point sur les réseaux de canalisations européens des principales entreprises de gaz industriels:

EMPLACEMENT TABLEAU

(80) En Europe continentale, Air Liquide contrôle un réseau étendu de canalisations de distribution locales dans d'importants "bassins industriels": régions d'Anvers, de Liège, de Mons-Charleroi (toutes situées en Belgique/Pays-Bas), régions de Dunkerque, de Fos-sur-Mer, de Metz, du Havre (toutes situées en France), régions de Limito et de Padoue (deux régions italiennes). Aucune autre entreprise de gaz industriels n'a accès à des canalisations dans plus d'une ou deux régions limitées (Air Products - Gent/Terneuzen; Messer - Ruhr; Linde - Leuna/Buna et Ruhr; Praxair - Espagne). Les réseaux de certains concurrents sont négligeables par rapport à ceux d'Air Liquide. En outre, cette dernière est la seule entreprise à contrôler des canalisations d'interconnexion de grande envergure (nord de la France/Belgique). Au Royaume-Uni, BOC exploite des réseaux de canalisations dans d'importantes régions industrielles (Sheffield, Scunthorpe, Teeside, Grangemouth, Margham et Southampton). Aucun concurrent n'a accès à des réseaux de canalisations analogues à ceux d'Air Liquide.

(81) Le propriétaire d'un réseau de canalisations retire de sa situation des avantages structurels qui font défaut à ses concurrents. Premièrement, il peut réaliser des économies d'échelle en construisant, pour alimenter un réseau de canalisations régional, des unités de séparation de l'air plus grandes qu'il ne pourrait le faire s'il devait construire des usines séparées pour chaque client.De fait, Air Liquide et BOC ont pu alimenter leurs réseaux de canalisations depuis de très grandes unités de séparation de l'air, dont les capacités de production d'oxygène dépassent parfois [...]* tpj, voire atteignent [...]* tpj dans le cas d'Air Liquide. Le retour sur investissement, ainsi que les coûts de production et d'exploitation sont donc plus avantageux. Deuxièmement, le fait de pouvoir construire des usines plus grandes permet de développer une capacité de production importante dans une région donnée. Ceci améliore également l'assiette des coûts pour la production de gaz (liquides) en vrac qui représente une source complémentaire de recettes. Troisièmement, l'investissement supplémentaire en capital qu'entraîne la connexion d'un nouveau client à une canalisation existante est limité par rapport à la construction d'une usine spécialisée sur le site du client (la seule solution dont disposent les concurrents). La présence de canalisations dans une région industrielle où sont installés de nombreux utilisateurs de gaz constitue donc un grand avantage pour gagner de nouveaux clients potentiels. Quatrièmement, le contrôle des canalisations d'interconnexion permet d'assurer partiellement une production d'appoint en cas de panne de l'usine, même si la capacité des canalisations d'interconnexion est insuffisante pour approvisionner totalement un groupe local de clients. Étant donné le coût de cet appoint en gaz liquides, cet avantage peut être considérable. Les canalisations d'interconnexion permettent également d'équilibrer la production des diverses usines qui alimentent un système de canalisations, facilitant ainsi une répartition plus égale de la capacité.

(82) Dans sa réponse à la communication des griefs, la partie notifiante déclare que la Commission a mal apprécié le rôle des canalisations sur le marché "grande masse". Elle affirme que l'élément fondamental de l'activité "grande masse" est la capacité de production, pas la longueur des canalisations. Toutefois, comme indiqué au considérant 81, le point fort d'un exploitant de canalisations réside précisément dans le fait qu'il peut constituer une capacité supérieure à partir d'un réseau de canalisations. La position que détient Airl Liquide dans le triangle industriel Rotterdam-Mons/Charleroi-Liège prouve l'existence de cet avantage. Les unités de séparation de l'air d'Air Liquide, reliées entre elles par son système de canalisations régional, représentent [...]* de la totalité de la capacité industrielle de cette région (cette capacité est portée à [...]* si l'on y ajoute l'unité d'Air Liquide située à Dunkerque, également connectée au système de canalisations). La capacité d'Air Liquide dépasse celle de tous ses concurrents réunis, même si Air Products, Praxair et Linde ont procédé à d'importants investissements dans cette région. La partie notifiante fait également valoir que les canalisations de gaz industriels ne sont pas des canalisations de distribution. Toutefois, les canalisations de distribution locales, qui constituent la structure primaire, sont précisément utilisées pour distribuer des gaz industriels aux clients.

(83) L'analyse interne de BOC contredit également les déclarations de la partie notifiante. Un document de BOC qui analyse la position de BOC Process Systems sur le marché sur site mentionne Air Liquide comme étant la seule société de gaz industriels dont la "densité du réseau de canalisation" est "très élevée" (25). Ce document déclare également que les opérateurs de canalisations "tentent de verrouiller le secteur grâce à des réseaux de canalisations " et que "les réseaux de canalisations influent fortement, à la hausse, sur les profits".

(84) Un réseau de canalisations peut présenter des avantages pour le client, en permettant notamment de répondre aux pointes dans la demande et d'assurer plus facilement des fournitures d'appoint. Si une concurrence s'exerce sur le marché, la réduction des coûts de l'opérateur de canalisations devrait, en théorie être répercutée sur les clients, et provoquer une baisse des prix. Toutefois, la mise en place d'un contrôle fort et exclusif sur les réseaux de canalisations risque, à long terme, d'aboutir à une situation dans laquelle les concurrents ne pourront, et ne voudront plus se faire concurrence pour gagner de nouveaux clients. Ce sont donc en fin de compte les clients qui seront désavantagés, dans la mesure où l'opérateur de canalisations en place ne sera plus contraint par la concurrence à répercuter ses baisses de coûts.

(85) Tout d'abord, les avantages structurels considérables dont bénéficiera Air Liquide/BOC du fait qu'elle contrôlera un vaste réseau de canalisations pourront être utilisés pour éliminer les concurrents, en les empêchant d'obtenir des contrats "grande masse" dans les régions concernées (verrouillage du marché). Tout concurrent qui n'aurait pas accès à un réseau de canalisations devrait proposer au client une nouvelle usine sur site. Or, parce qu'un réseau de canalisations implique des investissements et des coûts beaucoup plus faibles, l'opérateur de canalisations en place pourra faire des offres qui seront toujours inférieures à celles d'un concurrent proposant une installation sur site. L'opérateur en place aura d'ailleurs économiquement tout intérêt à agir de la sorte pour empêcher un autre fournisseur de s'implanter dans la région qu'il contrôle. En outre, on aboutira alors à une situation dans laquelle l'opérateur de canalisations ne sera plus contraint par la concurrence de répercuter une grande partie de ses gains d'efficience sur ses clients. Seules les offres sur site, considérablement plus chères, pourront peser sur lui, et il ne répercutera alors plus que les baisses de coûts dans la mesure où cela sera nécessaire pour contrer ces offres.

(86) Ensuite, une fois que les clients se seront décidés en faveur d'un contrat de fourniture par canalisations, ils risquent de se retrouver piégés. La position de force détenue par un opérateur de canalisations en place limitera considérablement les possibilités de choix pour les clients souhaitant un renouvellement de contrat ou une augmentation des capacités. Si, en théorie, chaque client pouvait demander des offres à d'autres fournisseurs, ces mêmes clients ont indiqué que, en réalité, leurs possibilités de choix étaient limitées. Pour de brèves périodes ou de faibles augmentations de capacité, les autres fournisseurs peuvent simplement considérer que leurs chances de succès sont trop limitées pour qu'il vaille la peine de présenter une offre. Le client n'a donc souvent d'autre choix que de s'adresser à son fournisseur actuel. La capacité de négociation est en outre également affaiblie par la faible transparence des coûts dans ce secteur. Un client individuel n'est plus en mesure de contrôler une usine spécialisée sur site, parce que celle-ci est fournie conjointement avec d'autres sociétés, dans le cadre d'un système complexe (26).

(87) La Commission en conclut que l'entité issue de la concentration pourrait s'appuyer sur la couverture géographique très étendue du réseau de canalisations d'Air Liquide pour affirmer sa puissance de marché. Elle occuperait en effet dans ce domaine une position beaucoup plus forte que celle de ses concurrents, puisqu'elle contrôlerait un réseau de canalisations [...]* fois plus long que l'ensemble des réseaux concurrents. Cette position reposerait essentiellement sur le réseau actuel d'Air Liquide, bien que l'opération permette d'y ajouter des réseaux de canalisations dans des régions industrielles du Royaume-Uni.L'avantage structurel dont bénéficierait Air Liquide/BOC dans les régions couvertes par ses canalisations, lui permettrait de se concentrer sur d'autres régions. Aucun autre fournisseur ne serait à même de concourir dans des conditions similaires.

L'entité issue de la concentration pourrait exploiter à son profit ses positions dominantes sur les marchés français, britannique et irlandais du vrac

(88) Pour la description des positions dominantes d'Air Liquide et de BOC sur les marchés du vrac et des bouteilles de gaz en France et au Royaume-Uni/Irlande, on se reportera aux points 152 à 183. La façon dont les entreprises concernées pourraient exploiter ces positions dominantes pour obtenir des clients "grande masse" est décrite aux points 89 à 91 qui suivent.

(89) En principe, le fournisseur de gaz industriels qui se charge régulièrement de l'approvisionnement en vrac d'un client est le mieux placé pour juger de la demande de ce client. À la limite entre les marchés "grande masse" et du vrac, la demande peut être satisfaite par la fourniture sur site et sous forme liquide. De plus en plus, les parties approvisionnent les clients ayant une demande de 20 à 100 t/j par de petites installations sur site (pour l'azote, Air Liquide a près de [...]* contrats de ce type en France et BOC plus de [...]* au Royaume-Uni; pour l'oxygène, il est également possible de construire des installations PSA, VPSA et même cryogéniques pour des tonnages de l'ordre de 100 t/j ou moins). Si c'est le cas ou si la demande d'un client augmente, le fournisseur en place peut se servir de son contrat de vrac pour influer sur le client afin d'obtenir un contrat "grande masse". Lorsqu'il est prévisible que la demande d'un client va justifier un approvisionnement "grande masse" à l'expiration du contrat de vrac en cours, le fournisseur en place est presque toujours le premier à pouvoir proposer une solution "grande masse", en raison de sa connaissance des besoins du client. Lorsqu'il établit et négocie sa proposition, il peut tirer parti de ses rapports réguliers avec ce client. Si la demande d'un client évolue vers l'approvisionnement "grande masse" en cours d'exécution d'un contrat de vrac, le fournisseur en place est, par définition, le seul capable de proposer ce mode d'approvisionnement.

(90) La possibilité de faire passer certains clients de vrac à l'approvisionnement "grande masse" donne au fournisseur en place une souplesse logistique qui constitue un avantage global en termes de coûts. Ainsi, lorsqu'il obtient un nouveau client "grande masse", le fournisseur en place peut être à même de construire une plus grande installation sur site afin de se doter d'une capacité excédentaire pour le marché du vrac. En raccordant un nouveau client à une canalisation, il peut accroître l'utilisation de la capacité du réseau de canalisations en question. D'un autre côté, s'il a une capacité de production de gaz limitée dans une région donnée, par exemple sur un marché en expansion, le fait de faire passer un client de vrac à la "grande masse" peut lui permettre de remédier à la situation.

(91) En principe, d'autres entreprises de gaz industriels pourraient, elles aussi, être à même de s'appuyer sur des contrats de fourniture de vrac existants afin d'obtenir des commandes "grande masse". Mais dans la mesure où Air Liquide et BOC occupent des positions (dominantes) très fortes comme fournisseurs de vrac sur leurs marchés nationaux respectifs, ces deux entreprises sont particulièrement bien placées pour se servir de leurs rapports avec leurs clients de vrac pour influer sur ceux-ci en vue d'obtenir des contrats "grande masse". Sur un marché plus équilibré, de nombreux clients, et notamment les grandes entreprises, peuvent avoir plusieurs fournisseurs de vrac ou en changer plus souvent. Mais pour bien des clients, il est probable qu'ils n'aient d'autre choix que l'entreprise qui domine le marché national du vrac. En conjuguant des positions fortes sur plusieurs marchés importants de vrac, l'opération notifiée conjuguerait également les avantages dont bénéficient Air Liquide et BOC en raison de leur domination.

L'opération envisagée associerait deux concurrents dotés d'une technologie de pointe et d'une importante capacité de réalisation de projets

(92) Les acteurs de ce marché s'accordent à dire que la technologie est un facteur important qui permet à un fournisseur de se démarquer de ses concurrents. Dans le secteur "grande masse", la technique de production (procédé) est un paramètre concurrentiel déterminant. La fourniture de gaz industriels à l'aide de grandes installations sur site étant un procédé à forte intensité capitalistique, un procédé de pointe peut conférer à un fournisseur un avantage sur le plan des coûts, par exemple en termes de puissance consommée, de réduction des émissions et de dépenses d'équipement. Dans sa réponse à la communication des griefs, la partie notifiante a confirmé l'importance du procédé.

(93) Le fort potentiel de recherche et développement d'Air Liquide et de BOC est illustré par leur budget et leurs installations de recherche et développement (R & D). En 1998, Air Liquide a eu un budget total de R & D de [...]* millions d'euros, employé [...]* chercheurs dans [...]* centres de recherche, fait [...]* inventions et déposé [...]* demandes de brevet. L'entreprise a conclu [...]* accords de partenariat industriel et [...]* accords de coopération internationale avec des universités. Sa division "ingénierie" ([...]* salariés dans le monde) crée et construit des usines pour différents gaz. En 1998, BOC a consacré un budget total de [...]* millions d'euros à la recherche et au développement. L'entreprise emploie plus de [...]* chercheurs dans [...]* grands centres de recherche et un certain nombre de centres plus petits qui couvrent les procédés ainsi que des secteurs importants comme l'électronique (BOC Edwards). Elle a également passé de nombreux accords de coopération en R & D avec des tiers. BOC concentre sa capacité mondiale d'étude d'installations sur les procédés.

(94) Air Liquide et BOC possèdent une technologie complète ultramoderne de construction d'usines, mais aussi et surtout un savoir-faire dans le domaine de l'ingénierie. Les deux entreprises sont leaders, par exemple, de la production de gaz très purs destinés à l'industrie électronique. Air Products a confirmé que BOC était très compétitive pour les petites installations de la plage de 150 à 350 t/j. Même si la technique de production cryogénique utilisée pour les grandes installations sur site n'est pas appelée à évoluer radicalement dans un proche avenir, il n'en demeure pas moins que la capacité de créer et d'appliquer des améliorations constantes est un atout important. Air Liquide obtiendrait un accès illimité à l'ensemble de la technologie des procédés de BOC et à son savoir-faire en matière d'étude d'installations. La Commission suppose qu'Air Liquide obtiendrait également le centre de R & D connexe de BOC qui est implanté aux États-Unis (en sus du centre de recherche Edwards que BOC possède en Grande-Bretagne).

(95) La capacité à étudier, gérer et réaliser de grands projets sur site est au moins aussi importante que la possession d'une vaste palette de technologies. Air Liquide et BOC font partie du groupe des quatre entreprises de gaz industriels que les analystes du secteur considèrent comme les plus importantes à cet égard. Ainsi, [...]* des plus grandes usines d'oxygène du monde (capacité supérieure à [...]* t/j) ont été construites par Air Liquide.

(96) Les deux entreprises possèdent aussi une technique de production non cryogénique de pointe, notamment dans la technologie des générateurs VPSA. Air Liquide est le premier fournisseur mondial de petits générateurs à membrane qui sont capables de produire de l'azote avec un degré de pureté de 99,9 %. Ces techniques permettent d'étendre l'activité sur site au secteur des utilisateurs de petits volumes (moins de 100 t/j), une stratégie qu'Air Liquide a appliquée avec succès dans le passé (près de [...]* petits contrats sur site).

(97) L'entité issue de la concentration serait leader dans d'autres domaines, comme la cogénération de gaz, d'électricité et de vapeur ("offre élargie"). Elle serait également la mieux placée parmi ses concurrents pour desservir les clients de secteurs clés, comme l'électronique, où il est possible d'obtenir des contrats portant sur de gros volumes. Air Liquide a axé [...]* % de sa recherche sur ce secteur, où elle caracole en tête avec son offre de service de "gestion globale des gaz et produits chimiques" comportant la logistique, la détection, la surveillance, le recyclage et l'intégration du procédé du client. Pour sa part, BOC a une présence considérable dans le secteur de l'électronique par sa filiale BOC Edwards. Les deux entreprises proposent à l'industrie électronique une gamme de produits exhaustive qui couvre la production sur site de gaz standard très purs, de gaz spéciaux et d'équipements pour les procédés des clients.

La forte présence mondiale conjuguée d'Air Liquide/BOC apporterait des avantages supplémentaires au niveau des clients multinationaux

(98) Air Liquide applique une stratégie d'accompagnement de ses gros clients "grande masse" (entreprises industrielles de pointe) pour la fourniture de gaz dans le monde entier. Le rapport annuel 1998 d'Air Liquide expose cette stratégie: "Air Liquide poursuit son expansion mondiale de façon à accompagner et servir ses clients dans le monde entier". C'est la "présence mondiale d'Air Liquide qui permet" ces partenariats. Avec des activités dans plus de cinquante pays, BOC est généralement considérée comme ayant la couverture internationale la plus complète de toutes les entreprises de gaz industriels. Sa vocation mondiale a entraîné la réorganisation récente de ses activités en quatre "secteurs d'activité" mondiaux.

(99) Les réponses des clients montrent qu'une présence mondiale n'est pas la condition sine qua non pour obtenir des contrats de fourniture "grande masse", car la plupart des clients recherchent la meilleure solution d'approvisionnement sur un marché régional donné. En revanche, la présence mondiale peut donner à une entreprise de gaz industriels un avantage concurrentiel avec la clientèle multinationale. En effet, si cette entreprise a établi des relations d'affaires avec un client et a fourni la preuve de sa fiabilité dans une région, elle disposera d'une référence lorsqu'elle cherchera à obtenir un contrat "grande masse" dans une autre région. De plus, l'entreprise de gaz qui a une présence mondiale est mieux placée pour proposer à un client des concessions (remises, etc.) dans un pays en échange d'un nouveau contrat dans un autre. Ainsi, d'après certains acteurs du marché, la possibilité d'opérer à l'échelle mondiale constitue un avantage dans les rapports avec les clients de l'industrie électronique. Les entreprises de gaz industriels qui ont une présence mondiale limitée, comme Linde, Messer et AGA, sont désavantagées dans la lutte pour obtenir ce genre de clients.

c) Position des concurrents

La puissance de l'entité issue de la concentration risque de décourager toute action vigoureuse de la part des concurrents restant en lice

(100) Air Liquide/BOC serait le plus puissant fournisseur "grande masse" sur tous les plans concernés. Si certains de ses atouts sont d'ordre général (technologie, capacité d'exécution de projets et infrastructure internationale), la nouvelle entité disposera en outre d'atouts régionaux particuliers (positions fortes sur l'offre régionale, contrôle de réseaux de canalisations et position dominante sur les marchés nationaux du vrac).

(101) Aucun des concurrents restant en lice ne possède les atouts généraux d'Air Liquide/BOC. Étant à la traîne dans ces domaines généraux, ils ne seraient guère motivés pour tenter d'ouvrir des brèches substantielles dans les forteresses régionales d'Air Liquide/BOC où ils se heurteraient à une résistance particulièrement farouche. C'est pourquoi le regroupement d'atouts régionaux et généraux au sein d'une seule et même entité pourrait déboucher sur la division de fait du marché de l'EEE en une seule grande région d'Europe occidentale entièrement contrôlée par Air Liquide/BOC, d'un côté, et le reste de l'EEE, de l'autre.

(102) Les contacts entre Air Liquide/BOC et ses concurrents sur des marchés multiples ne font que décourager un peu plus la concurrence. En effet, les concurrents restants se battent chacun contre Air Liquide/BOC sur des marchés nationaux du vrac et/ou des bouteilles où cette entité est très présente elle aussi (voir, par exemple, tableau n° 9) et ils pourraient donc être tentés de différer toute action agressive pour éviter de s'exposer à la contre-offensive d'Air Liquide/BOC.

Les acteurs du marché considèrent la plupart des fournisseurs "grande masse" restant en lice comme des concurrents de "second rang"

(103) Pour une appréciation globale de la force concurrentielle des fournisseurs "grande masse" restants, il n'est pas inutile d'examiner le point de vue des entreprises de gaz industriels elles-mêmes. Dans une étude interne réalisée par Air Products, qui ne concerne pas seulement le marché "grande masse" (27), une distinction est établie entre les producteurs de gaz industriels de "premier rang" et de "second rang", Air Liquide, BOC, Air Products et Praxair appartenant à la première catégorie, et Linde, AGA et Messer à la deuxième. Il faut noter que, dans cette étude, Linde, AGA et Messer sont à la traîne en ce qui concerne "les possibilités d'exécution de grands projets sur site", entre autres choses. Les analystes du secteur partagent cette appréciation (28).

(104) Aucun des concurrents restants ne possède au même degré les atouts spécifiques d'Air Liquide/BOC sur le marché "grande masse" (infrastructure européenne, maîtrise d'un vaste réseau de canalisations, fortes positions régionales et forte position sur les marchés nationaux du vrac).

Les liens créés entre Air Liquide et Air Products par l'acquisition conjointe et le partage de BOC démotiveraient un peu plus les concurrents

(105) Air Products détient une part de marché limitée en Europe (5 à 10 % pour l'oxygène et 10 à 15 % pour l'azote), même si elle peut être considérée comme l'une des principales entreprises en termes de technique de production et de réalisation de projets d'installation sur site (29).

(106) En raison des liens qui seraient créés entre Air Liquide et Air Products par l'acquisition conjointe et la division de BOC, il est probable qu'Air Products ne se lancerait pas dans une concurrence agressive contre Air Liquide/ BOC (voir points 223 à 243).

La fusion entre Linde et AGA, si elle est menée à terme, ne réduirait pas les effets anticoncurrentiels de la concentration envisagée

(107) En termes de part de marché, Linde est le deuxième grand concurrent (15 à 20 % pour l'oxygène et 15 à 20 % pour l'azote). Si cette entreprise rachète AGA, sa part de marché va passer à 25-30 % pour l'oxygène et 15-20 % pour l'azote. Toutefois, le fossé entre sa part de marché et celle d'Air Liquide/BOC - [...]* % pour l'oxygène et [...]* % pour l'azote - restera considérable.

(108) Linde est généralement considérée comme l'un des leaders de la technologie de production (procédés) pour les unités de séparation de l'air par voie cryogénique. Si le bureau d'études de Linde est très performant, l'entreprise manque cependant de technologie dans certains domaines. Ainsi, elle ne possède aucune technologie compétitive de séparation par membrane pour la production d'azote, un secteur rentable en pleine expansion. La fusion avec AGA n'apportera rien à la compétence technologique de Linde, car AGA ne possède pas de véritable compétence en matière d'étude d'installations. En fait, AGA utilise actuellement la technologie Linde sous licence.

(109) Dans sa réponse à la communication des griefs, la partie notifiante a insisté sur la capacité de construction d'usines de Linde et ses activités de vente d'installations, notamment en ce qui concerne les grandes unités de séparation de l'air par voie cryogénique. Linde AG est une société diversifiée qui comprend quatre divisions ("Werksgruppen"), dont l'activité des gaz industriels. Les unités de séparation d'air sur site ne sont pas construites par la division des gaz industriels de Linde ("Werksgruppe Technische Gase"), laquelle est une filiale à part entière de Linde AG depuis le mois de novembre 1999, mais par la division des études et construction ("Werksgruppe Anlagenbau"). Cette dernière réalise également des projets d'ingénierie dans un certain nombre de secteurs qui n'ont rien à voir avec les gaz techniques. Dans le passé, elle a fourni des unités de séparation de l'air par voie cryogénique à la division Werksgruppe Technische Gase ainsi qu'à d'autres sociétés de gaz industriels. Sur ce plan, la division Werksgruppe Anlagenbau de Linde fournit des prestations d'ingénierie classiques. Lors de l'audition, Linde a déclaré qu'elle ne voyait pas pourquoi ses activités de vente d'installations devraient renforcer ses activités de fourniture de gaz.

(110) Il semble donc que, avec ses activités de construction et vente d'installations, Linde se contente d'assurer que sa technologie cryogénique soit globalement à la disposition des autres sociétés de gaz industriels. En étant fournisseur d'équipements pour les autres entreprises de gaz industriels, Linde n'accroît pas ses chances d'obtenir directement des contrats d'approvisionnement "grande masse". En effet, la fourniture d'équipements dans le cadre de contrats d'ingénierie et la fourniture de gaz dans le cadre d'un approvisionnement de longue durée font partie de deux marchés de produits différents qui, sur le plan de la compétitivité, nécessitent des atouts différents. Ainsi, Linde n'a accès à aucun grand réseau de canalisations, ce qui limite ses chances d'obtenir de nouveaux clients "grande masse" dans des régions industrielles importantes où d'autres concurrents ont ce type de réseau et constitue un désavantage stratégique.

(111) Dans la lutte pour obtenir des contrats de fourniture "grande masse", la capacité à étudier, réaliser et gérer de grands projets sur site est au moins aussi importante que la compétence technologique. Les analystes du secteur considèrent que, sur ce plan, Linde s'est laissé distancer par les sociétés de gaz industriels de "premier rang" (30). Cette appréciation semble corroborée par le fait que Linde a obtenu et réalisé un nombre relativement restreint de grands contrats sur site au cours des cinq dernières années (voir tableau n° 3) (31), ayant préféré concéder des licences pour sa technologie à d'autres sociétés de gaz industriels ou construire des installations en qualité de sous-traitant pour d'autres entreprises. Cela semble indiquer que, en matière de réalisation directe de projets, Linde a adopté une politique placée sous le signe de la prudence.

(112) En évaluant la force concurrentielle qu'exercerait Linde/ AGA, il faut tenir compte du fait que cette entité disposerait de certains atouts régionaux. À l'instar d'Air Liquide/BOC, encore que sur une plus petite échelle, Linde/AGA occuperait une position forte sur certains territoires "d'origine" (Autriche, pays nordiques et certaines régions d'Allemagne). Il y a un risque de voir Linde/ AGA se polariser sur ces régions où elle jouit d'avantages concurrentiels spécifiques et où son risque est moindre, réduisant ainsi le niveau général de concurrence.

Il est peu probable que Messer et Praxair opposent une concurrence effective

(113) Ni Messer ni Praxair ne possèdent les atouts d'Air Liquide/BOC au même degré.

(114) La société Messer est nettement distancée en termes de part de marché (10 à 15 % pour l'oxygène et 5 à 10 % pour l'azote) et de nombre de contrats obtenus (voir tableau n° 3). Bien qu'elle ait une compétence certaine en matière de construction d'installations, Messer se heurte à des handicaps stratégiques par rapport à Air Liquide/BOC. Le fait qu'elle est beaucoup plus petite que les leaders du secteur, Air Liquide et BOC, mais aussi d'autres grands acteurs (Air Products...), constitue un handicap supplémentaire, et notamment dans la compétition sur de grands projets qui nécessitent de gros investissements financiers. Son niveau d'endettement ayant fortement augmenté ces dernières années, Messer pourrait ne pas avoir la surface financière requise pour investir ultérieurement dans des projets de fourniture sur site d'une certaine importance. De surcroît, Messer n'a pas de présence mondiale.

(115) En Europe, Praxair occupe une position restreinte (part de marché inférieure à 5 % pour l'oxygène et à 5-10 % pour l'azote). Ses atouts se situent essentiellement sur les marchés américains.

(116) Pour apprécier la concurrence que Praxair peut exercer ultérieurement sur le marché "grande masse" de l'EEE, il faut se pencher sur les raisons économiques qui pourraient inciter cette entreprise à se battre avec vigueur. Lors de l'audition, Praxair a déclaré que, malgré ses possibilités technologiques, elle n'avait pas réussi à obtenir une part de marché significative en Europe et elle considère que ses chances de remporter des contrats sont minces face à la concurrence des grands fournisseurs en place. Elle a déclaré qu'il était peu probable qu'elle fasse de gros investissements pour accroître sa présence en Europe dans les années à venir. Apparemment, bien que possédant des capacités technologiques, Praxair juge plus rationnel sur le plan économique d'investir prioritairement dans d'autres régions du globe où elle estime avoir un plus grand potentiel d'expansion. Il est donc peu probable que Praxair remette en cause la position conjointe des parties sur le marché "grande masse" de l'EEE au point de détrôner celles-ci.

d) Position des clients et attribution des contrats

Une offre très concentrée face à une demande beaucoup moins concentrée

(117) Sur le marché européen "grande masse", les clients doivent d'ores et déjà faire face à une structure extrêmement concentrée de l'offre. Les fournisseurs de gaz "grande masse" actuellement présents sur le marché ne sont pas plus de sept, et leur nombre pourrait être ramené à cinq. Parmi eux, certains sont nettement moins qualifiés que d'autres.

(118) La concentration envisagée réduirait encore un peu plus le choix des clients. L'élimination de la force concurrentielle indépendante qu'est BOC ne ferait que rétrécir davantage la structure de l'offre, non seulement en raison de la réduction du nombre de concurrents, mais aussi et surtout de l'élimination de l'un des rares gros fournisseurs "grande masse". En effet, BOC est l'une des rares sociétés de gaz industriels de "premier rang" dotées d'une technologie de pointe, d'une forte capacité d'investissement et d'une grande compétence en matière de réalisation de projets.

(119) En revanche, la demande présente une structure moins concentrée. Toute une série d'industries ont besoin d'oxygène et d'azote sous forme "grande masse": sidérurgie, métallurgie (métaux ferreux et non ferreux), chimie, pétrochimie, raffinage, électronique et verre, pour ne citer que celles-là. Chacune de ces industries compte un nombre important de clients (potentiels). Ces dernières années, plus d'une centaine de clients différents ont demandé des propositions pour de grandes installations sur site (capacité supérieure à 100 t/j) en Europe. Si l'on y ajoutait la demande d'installations sur site plus petites (mais tout de même significatives) à la limite entre vrac et "grande masse" (capacité de 20 à 100 t/j), le nombre des clients serait plus élevé encore.

(120) Dans la sidérurgie et l'industrie chimique et pétrochimique, il existe de très gros clients. La partie notifiante affirme que certaines de ces entreprises clientes ont une taille supérieure à celle d'Air Liquide. Or, on ne voit pas très bien comment la taille d'un client peut accroître son pouvoir de négociation. En effet, la puissance d'achat n'est pas fonction de la taille d'une entreprise, mais des degrés respectifs de concentration de l'offre et de la demande. Dans l'EEE, aucun client ne représente à lui seul une part importante de la fourniture "grande masse" et le degré de concentration du côté des acheteurs est nettement moins grand que du côté des fournisseurs.

Tous les clients n'ont pas un service achats centralisé et tous ne se servent pas des volumes achetés pour peser sur la négociation

(121) Dans sa notification, Air Liquide déclare qu'une poignée de grandes entreprises d'envergure mondiale (sidérurgie, chimie et raffinage) constituent l'essentiel de la clientèle "grande masse" et sont généralement dotées d'un service achats centralisé. Air Liquide déclare également que leurs besoins en gaz représentent de gros volumes et que ces clients sont donc en mesure d'exercer un pouvoir de négociation très fort vis-à-vis des fournisseurs de gaz.

(122) Toutefois, les enquêtes de la Commission n'ont pas confirmé que la clientèle "grande masse" se limitait à une poignée de grandes entreprises multinationales. Qui plus est, certaines entreprises possédant un service achats centralisé ont même indiqué qu'elles peinaient à contrer le pouvoir de leurs fournisseurs de gaz.

(123) Dans certains secteurs, le coût des gaz industriels représente une proportion des coûts de production des clients plus forte que dans d'autres. Ainsi, la quantité d'oxygène et d'argon fournie à une aciérie est très importante et représente une part significative des coûts variables de l'usine. En revanche, la quantité d'oxygène et d'azote fournie à une usine de produits chimiques peut être tout aussi importante en valeur absolue, mais elle ne représente qu'une part relativement faible des coûts du client. D'après la partie notifiante, l'oxygène et l'azote représentent généralement quelque 3 % du coût des matières nécessaires à la production. Dans la plupart des cas, les activités des clients sont tributaires de la fourniture d'une quantité fixe de gaz et la moindre interruption de cette fourniture peut coûter très cher au client. Ces éléments montrent l'inélasticité de la demande par rapport aux prix. On voit donc que le simple fait d'acheter de grandes quantités ne signifie pas que les clients soient à même de peser dans la négociation avec les fournisseurs de gaz.

(124) L'introduction de la notion d'"offre élargie" ou d'"îlot de services généraux", qui implique principalement la cogénération d'électricité et de vapeur, se traduit par une baisse des coûts pour le fournisseur de gaz industriels et pour le client, mais aussi par une diminution du pouvoir de négociation du client. Lorsqu'elle complète la fourniture de gaz par la cogénération d'électricité et de vapeur, la société de gaz industriels peut satisfaire ses propres besoins en électricité (pour le fonctionnement de l'installation sur site), ainsi que les besoins du client en vapeur (usines chimiques, par exemple). C'est Air Liquide qui a lancé cette méthode et, jusqu'ici, elle l'a appliquée avec le plus grand succès. La nature de cette fourniture complète de services généraux est plus proche de l'entreprise commune que du contrat d'approvisionnement classique. Si l'achat de ces services à un tiers peut être rentable pour le client, celui-ci aura cependant plus de mal à "couper le cordon" avec le producteur de gaz industriels à l'expiration du contrat et son pouvoir de négociation s'en trouvera rogné.

Les procédures actuelles d'attribution des contrats sont insuffisantes pour limiter la position de force des parties

(125) Dans sa notification, Air Liquide indique que le marché "grande masse" est un "marché d'appels d'offres" et que la présence du moindre co-soumissionnaire (même un seul) suffit donc à assurer une issue concurrentielle. Toutefois, sa définition du "marché d'appels d'offres" n'est pas claire. Si cette expression doit désigner une procédure officielle d'adjudication, il est clair que la méthode habituelle d'attribution des contrats sur le marché "grande masse" est bien éloignée de cette procédure. En effet, pour une adjudication normale, par exemple dans le domaine des marchés publics, les appels d'offres sont publiés de telle sorte que tous les concurrents soient informés. Ceux-ci peuvent alors remettre leurs offres sur la base des mêmes renseignements et dans les mêmes conditions, et la décision d'attribution du marché est prise à l'issue de l'évaluation de ces offres.

(126) L'enquête de la Commission montre que le mode d'attribution des gros marchés sur site est quelque peu différent. En fait, il n'existe aucune procédure normalisée. Les éléments indiqués aux considérants 127, 128 et 129 ont été présentés par certains clients et concurrents comme étant monnaie courante.

(127) Étude d'une installation sur site et cahier des charges. Air Liquide elle-même a déclaré que les entreprises de gaz industriels (les fournisseurs potentiels) étaient souvent engagées dans un dialogue avec leurs clients (potentiels) au stade de l'étude d'un projet. Il n'est pas rare, en effet, qu'une entreprise qui envisage une solution "grande masse" demande leurs avis aux entreprises de gaz industriels. C'est souvent le cas lorsque le client a besoin d'une grande installation sur site répondant à ses critères, compte tenu de la complexité de ce type de projet sur le plan technologique, mais aussi de l'étude et de la gestion du projet. (32). Dans ces cas-là, la plupart des clients se fient à l'avis d'une entreprise de gaz industriels compétente pour définir et préciser la meilleure solution technique pour la capacité, la pureté et le débit nécessaires, les solutions de rechange et les paramètres de conception de l'installation, les solutions de secours appropriées, les considérations de protection de l'environnement, etc. Ce dialogue initial peut s'étendre sur une période prolongée - qui peut atteindre dix-huit mois - durant laquelle des réunions sont organisées au niveau des experts et des ingénieurs et des discussions techniques détaillées ont lieu. Ce processus débouche sur une solution personnalisée adaptée à l'usine du client. Donc, au moins un fournisseur potentiel contribue largement à la définition du cahier des charges d'une grande installation sur site. Ce processus s'apparente au développement commun de projets.

(128) Demandes d'offres. Certains clients ont confirmé que, en principe, les appels d'offres concernant l'approvisionnement sur site n'étaient pas publiés. La plupart des clients prennent contact avec une ou plusieurs entreprises de gaz industriels (généralement par écrit, mais aussi verbalement) pour leur demander une offre. Le cahier des charges va de la présentation générale à la description dans les moindres détails.

(129) Prise de décision et négociations complémentaires. Une fois les offres reçues, il est fréquent que des négociations complémentaires se déroulent avec le fournisseur en place (sur la base des conditions des autres offres reçues) ou avec d'autres concurrents qui ont répondu (sur la base des conditions du fournisseur en place et d'autres). Ensuite, le client prend sa décision d'approvisionnement.

(130) À partir de ces éléments, la Commission a examiné si les méthodes d'attribution des contrats pouvaient influer sur le rapport de force des parties sur le marché. Son appréciation figure aux considérants 131 à 144.

(131) Il faut tout d'abord noter que, à quelques exceptions près, les méthodes d'appel d'offres appliquées par les clients "grande masse" ne sont pas des procédures objectives assorties de critères précis et objectifs pour l'attribution d'un marché (meilleur prix, etc.), mais simplement des procédures de négociation menées à des degrés divers avec différents fournisseurs.

(132) Dans la plupart des procédures de négociation, les concurrents ont la possibilité de modifier leurs offres et de proposer des conditions différentes pendant le déroulement des négociations. Du reste, les exemples fournis par la partie notifiante le confirment. Aux dires de celle-ci, cette méthode permet aux clients de jouer les fournisseurs les uns contre les autres afin d'obtenir de meilleures conditions. Toutefois, divers éléments de la procédure de négociation limitent cette possibilité.

(133) En premier lieu, il est fréquent que le client s'adresse à son fournisseur attitré pour lui demander conseil sur les caractéristiques et le cahier des charges de la nouvelle installation, car il a avec lui des rapports de travail bien établis (33). Par conséquent, le mode d'attribution habituel des contrats fait souvent intervenir le fournisseur attitré plutôt que les concurrents, et il n'est pas rare qu'il ait participé à l'étude de la solution sur site envisagée et que celle-ci corresponde à ses possibilités.

(134) Le fournisseur attitré est à même de soumettre l'offre la plus avantageuse en tirant parti de sa présence dans la place et de l'investissement initial effectué. C'est le cas lorsqu'un contrat de fourniture sur site doit être reconduit et lorsque le contrat en cours doit être élargi ou modifié (pour plus de détails, voir points 58 à 61). Comme le confirment les réponses de certains clients, cette prévention contre les concurrents extérieurs risque d'atténuer la motivation des autres fournisseurs à se battre aussi ardemment qu'ils le feraient dans une procédure d'appel d'offres qui leur permet de soumissionner à armes égales (ou les incite à ne pas soumettre d'offre) (34).

(135) D'ailleurs, la plupart des clients contactés ont répondu que le fournisseur en place était avantagé dans la procédure de remise d'offres pour un contrat de fourniture sur site, et notamment en cas d'agrandissement nécessaire du système de fourniture existant.

(136) Il arrive que le favoritisme manifesté au fournisseur en place soit tellement prononcé que le client a du mal à obtenir des offres de la concurrence. C'est généralement le cas lorsque le marché à attribuer n'est pas suffisamment intéressant et que les chances de succès sont trop ténues pour que la soumission d'une offre vaille la dépense. On rencontre ce genre de situation lorsqu'un client souhaite augmenter légèrement la capacité du dispositif en place (par exemple, il a passé avec le fournisseur attitré un contrat de fourniture sur site de 1 200 t/j d'oxygène, mais il a besoin de 350 t/j en plus). Lorsqu'un client a un contrat de fourniture par canalisation, les chances des concurrents extérieurs sont tout aussi minces (pour plus de détails, voir points 85 et 86). Dans ces cas-là, il arrive que les concurrents jugent tout simplement inutile de participer à une compétition perdue d'avance et le client n'a alors d'autre choix que de se rabattre sur son fournisseur du moment. Certains clients ont confirmé l'existence de ce problème.

(137) En second lieu, alors que les appels d'offres pour les grands projets sur site peuvent parvenir à la connaissance de tous les fournisseurs en mesure de faire une offre, ce n'est pas toujours le cas pour les contrats de moyenne ou petite envergure. Dans ces cas-là en effet, seuls des concurrents en nombre limité sont à même de faire une offre parce que, en général, les clients ne publient pas d'appel d'offres et, souvent, ne prennent pas contact avec la totalité des fournisseurs potentiels. En revanche, le client demande généralement au fournisseur en place de remettre une offre.

(138) En troisième lieu, pour établir leurs offres, les fournisseurs ont besoin d'une foule de renseignements sur le client, ses activités et ses besoins. La partie notifiante a souligné que, en principe, les contrats "grande masse" sont adaptés aux besoins spécifiques du client. Sachant cela, le fournisseur est bien placé pour évaluer les solutions qui se présentent pour le client (remplacement, réaménagement ou report du contrat, etc.) et les coûts du client associés à chaque solution. Durant les négociations qui suivent, il a la possibilité de recueillir des renseignements complémentaires qui vont lui permettre d'évaluer le risque que le projet soit abandonné, différé ou réduit ou que le client opte pour une installation entièrement neuve au lieu d'agrandir celle qui existe, et il peut donc adapter son prix en conséquence. C'est pourquoi les clients ne disposent d'une marge de négociation que pour les projets peu importants.

(139) Ce degré de transparence des solutions qui s'offrent aux clients et la capacité des fournisseurs à s'adapter au comportement de ceux-ci distinguent la procédure de négociation qui prédomine sur le marché "grande masse" des procédures d'appels d'offres classiques. Ces dernières, en effet, sont conçues pour éviter ce genre de transparence afin de renforcer la position des clients et d'assurer une concurrence effective entre des fournisseurs à égalité de chances.

(140) En quatrième lieu, l'historique du marché "grande masse" permet de penser qu'il n'est pas facile pour les clients de changer de fournisseur. Rien ne prouve que les parts de marché des parties ont fait l'objet de grandes variations. De même, l'existence de positions régionales fortes contredit le point de vue de la partie notifiante. En effet, Air Liquide et BOC ont toujours détenu de très grosses parts du marché "grande masse" sur leurs territoires "d'origine" (voir points 67 et 68). Si l'issue de chaque procédure d'attribution de contrat était entièrement incertaine, les positions des parties sur le marché seraient vraisemblablement beaucoup moins stables. Or ce n'est pas le cas.

(141) À l'appui de son point de vue selon lequel le recours à des procédures d'appel d'offres atténuerait les problèmes de concurrence que soulèvent généralement de fortes parts de marché, la partie notifiante a cité plusieurs décisions de la Commission dans des affaires de concentration.

(142) Dans sa réponse à la communication des griefs, la partie notifiante mentionne la décision de la Commission du 12 décembre 1996 dans l'affaire IV/M.692 - Electrowatt/ Landis. Toutefois, les déclarations figurant dans cette décision concernaient de petits marchés caractérisés par l'arrivée de nouveaux concurrents et par un certain degré d'innovation technologique (composants électroniques) qui rendaient probables des variations des parts de marché. Or, aucun de ces éléments n'est présent dans le cas d'espèce.

(143) Dans le même contexte, la partie notifiante cite la décision de la Commission du 23 octobre 1998 dans l'affaire IV/M.1298 - Kodak/Imation. Dans cette décision, toutefois, l'existence de procédures d'appel d'offres n'était qu'un élément parmi plusieurs autres pris en considération pour déterminer si l'opération créerait une position dominante unique ou collective. Un élément plus pertinent voulait qu'une hausse des prix fût susceptible d'accélérer le passage des clients à une autre technologie, et notamment aux systèmes numériques. Or, en l'espèce, il n'y a pas de technologies rivales qui pourraient contraindre les parties de la sorte.

(144) La Commission en conclut que les modes d'attribution de contrats majoritairement utilisés ne suffisent pas, en eux-mêmes, à assurer que chaque fournisseur potentiel puisse soumettre une offre à jeu égal et bénéficier de l'égalité de traitement durant la procédure. Le résultat de ces procédures dépend de différents facteurs, comme la force des fournisseurs sur le marché. Lorsqu'un seul fournisseur, comme l'entité issue de la concentration envisagée, occupe une position beaucoup plus forte que les autres, ce genre de procédure permet au fournisseur en position dominante de tirer parti de cette position pour adapter son offre à celle de ses concurrents et, par voie de conséquence, affaiblir un peu plus leur position. Le déséquilibre accru en faveur de la nouvelle entité Air Liquide/BOC ne ferait que réduire davantage l'efficacité des procédures actuelles d'attribution de marchés. À partir de ces considérations, la Commission estime que les procédures d'attribution majoritairement appliquées aujourd'hui sont insuffisantes pour restreindre la position de force des parties sur le marché.

Les clients ont une transparence limitée sur les coûts et en principe n'ont pas recours à l'autoproduction

(145) La partie notifiante affirme que les clients ont toujours le choix d'investir dans l'achat d'une unité de séparation des gaz de l'air et de l'exploiter eux-mêmes. En conséquence, l'achat de gaz et l'achat de ces unités constituent deux moyens égaux et interchangeables permettant au client de répondre à ses besoins. Aux dires de la partie notifiante, la plupart des clients ont, à un moment ou à un autre, possédé et exploité des unités de séparation des gaz de l'air. Les clients sont donc extrêmement bien placés pour calculer leurs coûts de production, établir des prix de référence pour les gaz et insister pour obtenir les prix les plus bas possibles.

(146) L'examen de la Commission n'a pas confirmé ces déclarations. Lorsqu'on leur a demandé s'ils considéraient l'autoproduction comme une solution viable, la plupart des clients ont répondu par la négative. Et il y a des raisons plausibles à cela. D'abord, les entreprises de la plupart des industries clientes poursuivent une politique d'externalisation des tâches qui ne sont pas essentielles. Engager une dépense d'équipement importante pour la production d'une seule matière première irait à l'encontre de cette tendance (35). Ensuite, rares sont les clients qui possèdent la compétence et le personnel nécessaires pour exploiter et entretenir de grandes unités de séparation des gaz de l'air, d'autant plus que la technique en cause ne cesse d'évoluer. En principe, les clients ne sont pas à même d'exploiter des installations sur site de façon aussi économique que les entreprises de gaz industriels, car ils ne bénéficient pas de la vente d'un excédent de production de gaz liquides. Enfin, les clients ne sauraient pas maîtriser les implications ultérieures de leur décision d'investissement initiale. Chaque fois que le client aurait besoin d'un surcroît de capacité, d'une amélioration de la pureté ou de toute autre modification à apporter à l'installation en place, il lui faudrait de nouveau investir. Compte tenu de ces éléments, la menace d'un client de passer à l'autoproduction, si elle est brandie en cours de négociations, n'est guère crédible.

(147) Ainsi, rien ne justifie la déclaration selon laquelle l'achat d'une installation et la fourniture de gaz "grande masse" constituent pour le client des moyens "égaux et interchangeables " de répondre à ses besoins. Dans sa réponse à la communication des griefs, la partie notifiante décrit comment, dans un contrat "grande masse", le risque associé à l'investissement important est partagé ("souscrit ") par le client et le fournisseur. Or, si un client opte pour l'achat d'une installation, il devrait être seul à assumer ce risque.

(148) Les éléments remis par la partie notifiante contredisent sa déclaration selon laquelle, en général, les clients penchent pour l'achat d'installations de séparation de l'air pour passer à l'autoproduction. Sur les [...]* offres qu'Air Liquide a soumises au cours des cinq dernières années en Europe, l'autoproduction n'a été envisagée par des clients que dans [...]* cas. De plus, sur [...]* demandes d'offres pour la vente d'installations, les clients n'ont décidé d'acheter une installation que dans [...]* cas, tandis qu'ils ont conclu un contrat classique de fourniture de gaz dans [...]* cas. À la lumière de ces éléments, on ne peut considérer que des exemples anecdotiques d'autoproduction sont représentatifs. Une étude de marché réalisée par BOC montre que la production captive baisse de 2 % par an et l'achat d'installations captives par des entreprises de gaz industriels représente un tiers de la croissance du marché (36). Le rapport annuel 1998 d'Air Liquide confirme cette évolution en déclarant: "La sidérurgie illustre bien la tendance actuelle à l'externalisation de la production d'oxygène." Globalement, la tendance est à la baisse de l'autoproduction plus qu'à sa progression.

(149) La plupart des clients ont répondu que, pour l'heure, ils n'avaient pas d'autoproduction de gaz industriels, qu'ils n'avaient pas une connaissance détaillée de la structure des coûts de leur fournisseur et qu'ils n'étaient pas capables, ou seulement partiellement, de recalculer le prix proposé par un fournisseur "grande masse". Il se peut que des clients établissent des prix de référence pour les gaz industriels dans les négociations de contrats, mais leur aptitude à vérifier les coûts du fournisseur dans chaque cas reste limitée. Lorsqu'un client a exploité une unité de séparation d'air dans le passé, les connaissances qu'il a retirées de cette expérience ont probablement un intérêt limité, dans la mesure où la technologie concernée évolue et qu'une grande installation sur site est une solution personnalisée.

e) Conclusion sur le marché "grande masse"

(150) La concentration envisagée modifierait la structure du marché "grande masse" dans l'EEE. Elle accroîtrait nettement la part de marché d'Air Liquide, ferait de cette entreprise le fournisseur de loin le plus grand et lui permettrait de distancer un peu plus ses concurrents. Le potentiel concurrentiel d'une entreprise de gaz industriels de grande taille et compétente serait supprimé. La nouvelle entité aurait une présence régionale plus forte dans toute l'Europe et elle pourrait s'en servir comme moyen d'influence pour obtenir de nouveaux contrats. Elle serait en mesure de s'appuyer sur des atouts supplémentaires dont ses concurrents ne disposent pas. L'opération notifiée associerait le savoir-faire et la technologie de deux grands concurrents, ainsi que leurs capacités de recherche et développement. En raison de sa taille, la nouvelle entité serait mieux placée pour se battre sur un marché à forte intensité capitalistique qui exige de gros investissements. Le fait qu'elle serait beaucoup plus grande que la majorité de ses concurrents découragerait toute concurrence vigoureuse.

(151) C'est pourquoi la Commission conclut que la concentration envisagée créerait une position dominante sur le marché de la fourniture "grande masse" d'oxygène et d'azote dans l'EEE.

2. MARCHÉS DE LA FOURNITURE EN VRAC ET DE LA FOURNITURE EN BOUTEILLES

(152) L'opération de concentration envisagée soulèverait des problèmes de concurrence importants, car elle unirait des positions dominantes sur différents marchés nationaux, entraînant:

1) un renforcement de la capacité de la nouvelle entité d'éliminer ou de réduire la concurrence réelle et potentielle exercée par des tiers, et

2) l'élimination de la concurrence réelle et potentielle entre les parties.

(153) De plus, l'opération envisagée dissuaderait fortement Air Products, le principal concurrent d'Air Liquide/BOC, de lui faire activement concurrence sur ces marchés.

a) Position dominante de BOC au Royaume-Uni et en Irlande

Pour la plupart des gaz, BOC détient de loin les parts de marché les plus élevées sur les marchés de la fourniture en vrac et de la fourniture en bouteilles au Royaume-Uni et en Irlande.

(154) Les tableaux nos 6 et 7 présentent les parts de marché de BOC et celles de ses principaux concurrents sur les marchés de la fourniture en vrac et de la fourniture en bouteilles, respectivement au Royaume-Uni et en Irlande (37).

EMPLACEMENT TABLEAU

EMPLACEMENT TABLEAU

(155) En Irlande, BOC détient des parts de marché élevées pour tous les gaz. Au Royaume-Uni, BOC détient des parts de marché élevées en particulier pour les gaz de l'air (oxygène, azote et argon) vendus en vrac et tous les gaz vendus en bouteilles.

(156) BOC est confrontée à un nombre limité de concurrents. Seules trois autres grandes entreprises de gaz industriels, dont deux détiennent une faible part de marché (Messer et Linde), sont présentes sur le marché britannique. En Irlande, la concurrence se limite à Air Products. Celle-ci, qui est l'unique concurrent important dans ces deux pays, occupe une position beaucoup plus faible en termes de parts de marché dans la plupart des segments. L'écart existant en Irlande entre BOC et Air Products est marqué pour tous les gaz en cause à l'exception de l'argon, qui est un gaz venu en faibles volumes, mais de grande valeur. La part de marché d'Air Products est égale à celle de BOC uniquement pour l'hydrogène vendu en vrac au Royaume-Uni, un produit qui est négocié en bourse.

(157) Dans sa réponse à la communication des griefs de la Commission, la partie notifiante fait valoir que les parts de marché de BOC pour les gaz de l'air vendus en vrac ou en bouteilles ainsi que pour l'acétylène ont diminué de manière continue au cours de ces dernières années.

(158) Bien qu'elle admette un certain recul de la part de marché de BOC dans le passé, la Commission considère que les arguments invoqués ne permettent pas de réfuter sa constatation d'une position dominante sur les marchés de la fourniture en vrac et de la fourniture en bouteilles au Royaume-Uni et en Irlande.

(159) Premièrement, BOC détenait dans le passé des parts de marché très élevées sur les marchés de la fourniture en vrac et de la fourniture en bouteilles au Royaume-Uni et en Irlande, qui lui conféraient une position de quasi-monopole sur certains marchés britanniques et la plupart des marchés irlandais. Même sur un marché dominé par un seul fournisseur qui contrôle une très grande partie de l'offre, la part de marché peut connaître un certain recul au cours d'une longue période. Ce seul fait n'exclut pas la persistance d'une position dominante.

(160) Deuxièmement, malgré son recul à la suite de l'arrivée de plusieurs nouveaux concurrents, la part de marché de BOC est toujours demeurée élevée. Au Royaume-Uni, la part de marché de BOC pour l'oxygène, l'azote et l'argon vendus en vrac ainsi que pour l'oxygène, l'azote et l'argon (ou les mélanges contenant de l'argon) vendus en bouteilles a toujours été élevée ([...]*). En Irlande, la part de marché de BOC pour les gaz vendus en vrac et les gaz vendus en bouteilles a toujours été encore plus élevée (de [...]*). Il n'y a d'ailleurs jamais eu dans le passé de variations de part de marché importantes permettant de penser que les parts de marché élevées de BOC pourraient diminuer fortement dans un proche avenir.

(161) Les estimations de part de marché communiquées en dernier lieu par BOC contredisent celles de la notification, qui étaient, selon la partie notifiante, les meilleures possibles sur la base des données réelles de BOC. La Commission ne possède pas d'informations suffisantes sur la base de calcul et la méthode utilisées pour ces estimations. De toute évidence, même si elle était fondée sur ces dernières estimations, l'appréciation de la Commission resterait inchangée.

(162) La partie notifiante tente également de réfuter la constatation de la Commission d'une position dominante sur le marché britannique de la fourniture en vrac, en invoquant une baisse des prix. Elle fait valoir que le prix de l'oxygène, de l'azote et de l'argon vendus en vrac au Royaume-Uni n'a cessé de baisser depuis 1985. Elle n'a fourni aucune autre information relative à la base de calcul utilisée pour obtenir les chiffres sur lesquels repose cette conclusion.

(163) Toutefois, elle a déclaré dans sa réponse à la communication des griefs que les progrès techniques avaient permis de réduire les investissements nécessaires pour les unités de séparation de l'air (d'environ [...]* en quinze ans) ainsi que la consommation moyenne d'électricité (d'environ [...]* en quinze ans), si bien que les coûts de production de l'oxygène et de l'azote liquides ont diminué (de [...]* en quinze ans, également en raison d'une baisse du prix de l'électricité). Les études réalisées dans ce secteur ont également fait état de cette diminution des coûts de production et des coûts énergétiques. La Commission considère par conséquent que l'évolution des prix reflète largement le recul de ces coûts. Bien que les coûts de transport aient pu augmenter, la Commission souligne que BOC, le principal fournisseur historique, doit supporter des coûts de transport inférieurs à ceux de tous ses concurrents. BOC possède en effet le réseau de production et de distribution le plus dense au Royaume-Uni et en Irlande. Elle doit par conséquent couvrir des distances plus courtes entre les sites de production et les usines d'embouteillage, d'une part, et entre ces usines et les clients, d'autre part. Les calculs présentés par la partie notifiante confirment cette appréciation (38).

(164) La Commission conclut donc que les parts de marché élevées détenues d'une manière permanente par BOC sur les marchés britannique et irlandais de la fourniture en vrac et de la fourniture en bouteilles des gaz de l'air et de l'acétylène, en particulier par rapport aux parts de marchés beaucoup plus faibles de ses concurrents, constituent une indication de sa position dominante sur ces marchés.

BOC possède le réseau de production et de distribution le plus étendu au Royaume-Uni et en Irlande

(165) BOC possède le réseau de production et de distribution des gaz de l'air le plus étendu au Royaume-Uni et en Irlande. Elle compte [...]* unités de séparation de l'air en Grande-Bretagne et [...]* en Irlande. Chacun de ces sites de production sert également de point de vente pour les gaz en vrac, mais elle possède [...]* points de vente de gaz en vrac supplémentaires en Grande-Bretagne. Elle possède également une usine d'acétylène en Grande-Bretagne. BOC détient donc le réseau de production et de distribution le plus dense et le plus équilibré pour les gaz vendus en vrac. En outre, elle possède un réseau étendu de distribution de gaz en bouteilles en Irlande ([...]* usines d'embouteillage contre une pour ses concurrents). Il convient aussi de souligner qu'elle a réussi à placer un grand nombre de petits générateurs d'azote sur site (plus de [...]*) chez des clients qui auraient dû autrement être approvisionnés en azote liquide. Sur la base des données fournies par ses concurrents, la Commission conclut qu'aucun d'entre eux ne possède un réseau de production et de distribution aussi étendu que le sien en Grande-Bretagne et en Irlande. Par conséquent, la position logistique globale de BOC est telle qu'elle lui permet de conserver, voire de renforcer, sa position dominante.

BOC occupe une position très forte dans le secteur "grande masse" au Royaume-Uni

(166) BOC contrôle de loin la plus grande partie de l'offre de gaz de l'air en grandes quantités (offre "grande masse") (39). Selon les chiffres communiqués par la partie notifiante, qui ont été confirmés par les enquêtes de la Commission, BOC fournit [...]* de l'oxygène et de l'azote "grande masse". Sa forte position sur le segment "grande masse" est renforcée par son contrôle des réseaux de canalisations les plus étendus au Royaume-Uni.

(167) Cette position lui confère aussi des avantages supplémentaires sur le marché de la fourniture en vrac, parce que chaque fois que BOC conclut un contrat de fourniture "grande masse", elle peut en principe décider d'utiliser la nouvelle usine sur site pour produire simultanément des gaz liquides (la production "piggy back"). Elle peut ainsi renouveler constamment sa capacité de production. De plus, les coûts de production des gaz liquides fabriqués en même temps que les gaz "grande masse" sont moindres en raison des économies d'échelle réalisées dans une plus grande usine. Dans sa réponse à la communication des griefs et lors de l'audience, la partie notifiante a contesté cet avantage et avancé que la production "piggy back" ne reflétait pas les tendances actuelles de la production de gaz vendus en vrac. Ce point de vue n'est cependant pas partagé par tous les concurrents, dont certains prétendent que le surdimensionnement d'une usine sur site confère un avantage supplémentaire au fournisseur de gaz sur le marché de la fourniture en vrac.

(168) Le contrôle des réseaux de canalisations confère des avantages structurels supplémentaires - dont ne jouissent pas les autres concurrents - non seulement sur le marché "grande masse", mais également sur le marché des gaz vendus en vrac. L'enquête de la Commission a confirmé qu'il n'existait en principe aucun obstacle à l'utilisation d'une canalisation pour fournir les quantités de gaz normalement fournies en vrac. Ainsi, contrairement à ses concurrents qui n'ont pas accès à des réseaux de canalisations, BOC peut accorder à certains clients appropriés, à la place d'une offre en vrac très coûteuse, un accès à ses canalisations. Cela est confirmé par les exemples fournis par BOC.

b) Position dominante d'Air Liquide en France

Air Liquide détient de loin les parts de marché les plus élevées sur les marchés français de la fourniture en vrac et de la fourniture en bouteilles

(169) Le tableau 8 présente les parts de marché d'Air Liquide et celles de ses concurrents sur les marchés français de la fourniture en vrac et de la fourniture en bouteilles.

EMPLACEMENT TABLEAU

(170) Le tableau n° 8 montre qu'Air Liquide détient de loin les parts de marché les plus importantes sur tous les marchés. Il existe de nombreux concurrents, mais aucun d'entre eux ne détient une part de marché atteignant [...]* de celle d'Air Liquide, et ce quel que soit le segment considéré; la plupart détiennent des parts de marché beaucoup plus faibles. La part de marché d'AGA, le principal concurrent, ne dépasse les 20 % que pour l'oxygène vendu en bouteilles (celle d'Air Liquide étant de [...]*).

(171) Dans sa réponse à la communication des griefs de la Commission et lors de l'audience, la partie notifiante a fait valoir que l'analyse de la Commission ne tenait pas compte du recul de ses parts de marché sur les marchés français de la fourniture en vrac et de la fourniture en bouteilles au cours de ces vingt dernières années. De plus, elle a argué que les prix de l'oxygène, de l'azote et de l'argon (ou des mélanges contenant de l'argon) vendus en vrac avaient diminué et que les coûts de production des gaz vendus en vrac avaient augmenté.

(172) En ce qui concerne le marché de la fourniture en bouteilles, il ressort des données fournies par la partie notifiante à la suite de l'audience que les parts de marché pour l'oxygène et l'acétylène n'ont diminué que légèrement au cours de ces dix dernières années et sont restées relativement stables au cours de ces trois dernières années, alors que celle concernant l'argon semble même avoir augmenté. Les prix des gaz vendus en vrac ont augmenté d'une manière relativement régulière au cours de ces dix dernières années, enregistrant une hausse de [...]*.

(173) Les éléments de preuve apportés par la partie notifiante pour réfuter la constatation de la Commission d'une position dominante sur les marchés de la fourniture en vrac et de la fourniture en bouteilles ne sont pas convaincants.

(174) Premièrement, si l'on considère ses parts de marché, Air Liquide jouissait dans le passé d'une position de quasi-monopole sur les marchés français de la fourniture en vrac et de la fourniture en bouteilles (par exemple, [...]* pour l'oxygène et l'azote liquides en 1975). Bien qu'elles aient enregistré un certain recul, les parts de marché d'Air Liquide sont toujours restées élevées (entre [...]* et [...]*) pour les gaz vendus en vrac et ceux vendus en bouteilles. Il n'y a d'ailleurs jamais eu dans le passé de réductions brutales de parts de marché permettant de penser que les parts de marché élevées d'Air Liquide pourraient diminuer fortement dans un proche avenir.

(175) Deuxièmement, en ce qui concerne les coûts, la base de calcul des prétendues hausses n'est pas claire. La partie notifiante a indiqué, dans sa réponse à la communication des griefs, que les progrès techniques avaient permis de réduire considérablement (de [...]*) les coûts de production de l'oxygène et de l'azote liquides au cours de ces quinze dernières années. La Commission considère par conséquent que l'évolution des prix reflète largement le recul des coûts de production et des coûts énergétiques. Même si les coûts de transport d'un fournisseur possédant, comme Air Liquide, une infrastructure et un réseau de distribution denses en France avaient effectivement augmenté, ces coûts seraient toujours inférieurs à ceux de ses concurrents dotés d'une infrastructure et d'un réseau de distribution moins denses.

(176) La Commission conclut que la répartition des parts de marché présentée aux paragraphes 169 à 175 suffit à montrer qu'Air Liquide détient une position dominante sur les marchés français de la fourniture en vrac et de la fourniture en bouteilles.

Air Liquide possède le réseau de production et de distribution le plus étendu en France

(177) Air Liquide exploite [...]* unités de séparation de l'air produisant de l'oxygène et de l'azote et [...]* unités de séparation de l'air produisant de l'argon liquide en France. Elle exploite également [...]* usines d'hydrogène et de dioxyde de carbone et [...]* usines d'acétylène en France. En ce qui concerne son réseau de distribution en bouteilles, elle possède [...]* usines d'embouteillage, dont [...]* sont destinées aux gaz de l'air standard, [...]* à l'acétylène, [...]* au dioxyde de carbone, [...]* à l'hydrogène et au moins [...]* aux gaz spéciaux. Elle possède un réseau de plus de [...]* revendeurs couvrant toutes les régions.

(178) Sur la base des données fournies par ses concurrents, la Commission conclut qu'aucun d'entre eux ne possède un réseau de production et de distribution aussi étendu que le sien en France. Dans sa réponse à la communication des griefs de la Commission, Air Liquide fait valoir que sa capacité de production d'oxygène et d'azote vendus en vrac excède à peine, actuellement, la capacité de production combinée de tous ses concurrents pour ces gaz. La Commission n'est pas convaincue par cet argument. Bien qu'il ressorte des chiffres fournis par la partie notifiante que la capacité de production totale des concurrents pour l'oxygène et l'azote vendus en vrac était considérablement inférieure à celle d'Air Liquide en 1983, leur capacité de production n'a pas augmenté par rapport à la sienne au cours de ces cinq dernières années.

(179) De surcroît, Air Liquide possède [...]* petites installations sur site destinées à la production d'azote et peut être considérée comme occupant une position unique sur ce segment. D'une manière générale, Air Liquide jouit d'un meilleur accès aux consommateurs français que ses concurrents, ce qui renforce sa position dominante.

Air Liquide occupe également une position très forte sur le marché français "grande masse"

(180) Selon ses propres estimations, Air Liquide fournirait actuellement de loin la plus grande partie des gaz "grande masse" en France ([...]* de l'oxygène et [...]* de l'azote). De plus, elle exploite des réseaux uniques de canalisations dans les principales régions industrielles françaises, belges et néerlandais (40).

(181) Dans sa réponse à la communication des griefs et lors de l'audience, la partie notifiante a contesté cet avantage et avancé que la production "piggy back" ne reflétait pas les tendances actuelles de la production de gaz vendus en vrac. Ce point de vue n'est cependant pas partagé par tous les concurrents, dont certains prétendent que la production "piggy back" confère un avantage supplémentaire au fournisseur de gaz sur le marché de la fourniture en vrac. En effet, Air Liquide a confirmé que [...]* de ses usines européennes (soit [...]*sur [...]*) étaient en situation de surcapacité pour l'oxygène et l'azote liquides vendus en vrac. La partie notifiante estime que la part des usines sur site dotées de capacités excédentaires dans les ventes en vrac totales d'Air Liquide et de BOC est restée stable au cours de ces cinq dernières années: [...]* en 1998, [...]* en 1997 et [...]* de 1994 à 1996.

(182) La Commission conclut que la très forte position d'Air Liquide sur le segment voisin "grande masse" renforce sa position sur le marché de la fourniture en vrac.

c) Renforcement des positions dominantes

aa) Cumul de positions dominantes

L'opération de concentration envisagée entraînerait le cumul de positions dominantes sur trois marchés nationaux

(183) En France et au Royaume-Uni/Irlande, l'opération envisagée réunirait deux fournisseurs historiques qui:

1) fournissent une gamme complète de gaz industriels;

2) détiennent des parts de marché très élevées sur les marchés de la fourniture en vrac et de la fourniture en bouteilles;

3) possèdent des capacités de production nationales importantes, des réseaux de distribution nationaux étendus, ainsi que les coûts les plus bas;

4) ont une clientèle assurée et un accès privilégié aux consommateurs, et

5) ont acquis historiquement une position forte sur leurs marchés "d'origine" (et dans les pays limitrophes), qui équivaut à une position dominante.

(184) Si l'opération envisagée était autorisée telle qu'elle a été notifiée, elle entraînerait la création d'une position dominante sur les deuxième et troisième marchés européens de gaz industriels (la France et le Royaume-Uni). L'entité issue de cette opération occuperait une position dominante dans un secteur qui représente environ [...]* de la demande européenne de gaz industriels (41).

L'opération de concentration envisagée associerait la position dominante des parties à des positions fortes dans d'autres pays

(185) Outre sa position dominante dans une vaste zone couvrant d'importants marchés d'Europe occidentale, la nouvelle entité aurait accès aux marchés d'un certain nombre d'autres pays où opèrent ses concurrents réels et potentiels, ce qui se traduirait par des contacts entre eux sur plusieurs marchés. L'entité issue de l'opération de concentration détiendrait des parts de marché importantes en Belgique, au Danemark, en Grèce, en Italie, au Portugal, en Espagne et en Suède notamment. En Allemagne, le plus grand marché européen des gaz industriels, la position de la nouvelle entité serait moins forte, mais resterait appréciable.

(186) Le tableau 9 présente les parts de marché d'Air Liquide/BOC dans plusieurs autres pays.

EMPLACEMENT TABLEAU

(187) Air Liquide possède un réseau de production et de distribution de gaz industriels dans chacun des pays cités dans le tableau n° 9, y compris dans ceux où sa part de marché ne reflète pas une position dominante. (Pour plus de précisions, voir le tableau n° 4.)

(188) Dans sa réponse à la communication des griefs, la partie notifiante conteste la prise en compte de ses parts de marché sur les marchés de la fourniture en vrac et de la fourniture en bouteilles dans d'autres pays européens pour apprécier sa position sur ces marchés en France, au Royaume-Uni et en Irlande. Cependant, la Commission conclut que les parts de marché présentées dans le tableau n° 9 permettent de situer Air Liquide et BOC sur différents marchés européens de la fourniture en vrac et de la fourniture en bouteilles et sont donc utiles à l'appréciation générale de la présente opération.

bb) Renforcement de la capacité d'éliminer ou de réduire sensiblement la concurrence réelle ou potentielle des tiers

En cumulant leurs positions dominantes respectives, Air Liquide et BOC résisteraient encore mieux à la concurrence en France, au Royaume-Uni et en Irlande

(189) L'opération envisagée ferait passer une zone beaucoup plus large sous le contrôle d'un seul acteur au lieu de deux, permettant ainsi à la nouvelle entité de renforcer sa position vis-à-vis de ses concurrents dans ces trois pays.

(190) Premièrement, les deux principaux opérateurs historiques ne seraient plus des concurrents réels ou potentiels. L'association de leurs activités permettrait aux parties d'accroître leurs ressources technologiques et financières sur leurs marchés d'origine respectifs. Ces seuls facteurs sont de nature à décourager les concurrents étrangers et renforceraient les barrières à l'entrée.

(191) Deuxièmement, les parties bénéficieraient mutuellement des effets anticoncurrentiels de la stratégie menée sur le territoire de l'autre. Actuellement, si un concurrent pénétrait sur le marché britannique (par exemple, Linde), la rentabilité de BOC serait réduite et celle-ci deviendrait donc plus vulnérable à la concurrence (réelle ou potentielle) des autres parties (par exemple, Messer ou Praxair). Ainsi, toute nouvelle entrée sur le marché britannique améliorerait actuellement la structure concurrentielle de ce marché. À l'issue de l'opération de concentration, l'arrivée d'un tiers aurait une incidence beaucoup plus faible sur la structure du marché britannique.

(192) Troisièmement, l'opération envisagée renforcerait la capacité de la nouvelle entité d'influer sur les risques et les coûts auxquels seraient confrontés les nouveaux venus sur les marchés français, britanniques et irlandais de la fourniture en vrac et de la fourniture en bouteilles. Tout nouveau venu sur un marché dominé par un opérateur historique doit normalement faire face à des coûts irrécupérables élevés, qui ne sont pas nécessairement amortissables en raison de la concurrence par les prix que cet opérateur sera tenté de pratiquer à l'occasion pour l'empêcher de prendre pied sur le marché. Actuellement, des nouveaux venus en Grande-Bretagne ne feraient face qu'au risque financier lié à l'entrée sur le marché britannique. À l'issue de l'opération, la plupart des nouveaux venus seraient confrontés à un opérateur historique plus puissant au Royaume-Uni et leurs investissements en France pourraient être de ce fait beaucoup plus risqués. Cela vaudrait également pour des nouveaux venus sur le marché français et leurs possibles investissements au Royaume-Uni. En effet, à l'issue de l'opération envisagée, la nouvelle entité serait capable de choisir des nouveaux venus comme cibles d'une "contre-attaque " concertée en France, au Royaume-Uni ou en Irlande.

(193) Quatrièmement, l'opération renforcerait le potentiel de représailles de la nouvelle entité sur les marchés d'origine de ses concurrents. Actuellement, au moins la capacité de BOC d'empêcher l'entrée d'un nouveau venu sur le marché britannique ou irlandais en usant de représailles sur le marché d'origine de celui-ci est limitée par la faiblesse de son réseau de production et de distribution dans de nombreux pays d'Europe continentale. Après l'opération, la nouvelle entité pourrait d'autant mieux limiter l'accès aux marchés britannique de la fourniture en vrac et de la fourniture en bouteilles qu'elle bénéficierait de la forte position et du réseau étendu d'Air Liquide en Europe continentale. Par exemple, contrairement à BOC aujourd'hui, elle pourrait profiter de sa présence en Allemagne pour inciter les nouveaux venus Linde et Messer à renoncer à exercer une concurrence agressive au Royaume-Uni.

Le cumul de positions dominantes permettrait à la nouvelle entité de profiter d'un marché d'origine captif pour agir contre ses concurrents

(194) En cumulant des positions dominantes sur une zone géographique étendue, la nouvelle entité jouirait d'une position unique pour accroître sa clientèle dans cette zone. Étant donné que la zone contrôlée par la nouvelle entité couvrirait deux marchés importants (la France et le Royaume-Uni), celle-ci aurait plus de chances d'avoir parmi ses clients des entreprises multinationales qui exercent des activités, et donc ont des besoins en gaz industriels, sur ces deux marchés.Par exemple, si un client britannique avait besoin de gaz naturels pour une autre de ses usines en France, la nouvelle entité pourrait lui offrir des rabais ou d'autres avantages sur le marché britannique en raison de ses activités en France. La nouvelle entité pourrait se servir de sa position au Royaume-Uni pour renforcer sa position en France, et vice versa. Si ces pratiques ne sont pas toujours illégales, la possibilité de telles actions soulève des problèmes de concurrence lorsqu'un fournisseur occupe une position dominante. En créant une situation dans laquelle l'entité Air Liquide/BOC occuperait une position dominante dans deux pays, l'opération envisagée lui permettrait d'utiliser sa position dominante dans un pays pour renforcer sa position dominante dans l'autre.

(195) La nouvelle entité serait en mesure d'utiliser ses bastions sur ses marchés d'origine comme tremplins pour conquérir d'autres marchés, que ce soit les marchés d'origine de ses concurrents ou des marchés géographiques plus petits sur lesquels sont présentes plusieurs entreprises de gaz industriels.Elle pourrait accroître sa part de marché sur ces marchés en pratiquant des prix plus bas que ceux de ses concurrents, du fait du renforcement de sa surface financière résultant des bénéfices réalisés sur ses marchés d'origine, à savoir les marchés français, britannique et irlandais si difficiles à pénétrer. Les deux parties seront plus incitées à agir ainsi à l'issue de l'opération qu'elles ne le sont actuellement. En théorie, tant BOC qu'Air Liquide pourraient utiliser leurs marchés d'origine respectifs comme tremplins pour conquérir d'autres marchés. Cependant, cette possibilité est actuellement limitée par l'effet modérateur de la concurrence potentielle de l'autre partie ("modération mutuelle"). Par exemple, BOC ne peut pas actuellement profiter de sa position dominante sur les marchés britannique et irlandais pour imposer des prix plus élevés à ses clients, car Air Liquide risquerait alors d'entrer sur ces marchés. Cette dernière est en effet mieux placée que les autres concurrents pour entrer sur le marché britannique. L'opération envisagée supprimerait les contraintes existantes, et la nouvelle entité aurait une plus grande marge de manœuvre à cet égard.

cc) Élimination de la concurrence réelle et potentielle entre Air Liquide et BOC

En prenant le contrôle des opérations de fourniture en vrac et en bouteilles de BOC en Europe continentale, Air Liquide éliminerait un concurrent réel et potentiel sur son marché d'origine

(196) Avant la notification de l'opération envisagée, BOC était entrée sur les marchés belges et néerlandais de la fourniture en vrac et de la fourniture en bouteilles de certains gaz de l'air, en implantant une usine "grande masse" à Terneuzen pour produire de l'oxygène, de l'azote et de l'argon liquides destinés à la vente en bouteilles et une usine d'embouteillage à Herenthout destinée à une large gamme de gaz industriels. Ces deux usines approvisionnent des clients belges et néerlandais au moyen des véhicules de livraison de BOC. Elles approvisionnent également l'entreprise de BOC située à Bopfingen, en Allemagne, qui commercialise des gaz en bouteilles. En Belgique, où Air Liquide occupe une position forte, BOC était devenue un nouvel arrivant important pour certains gaz (l'argon en vrac: [...]*; le dioxyde de carbone en vrac: moins de [...]*; l'oxygène en bouteilles: moins de [...]* et l'argon en bouteilles: [...]*) jusqu'à ce qu'elle cède ses activités à Air Liquide à la fin de l'année dernière.

(197) Le marché géographique de référence pour certains gaz de grande valeur, tels que l'argon en vrac, voire l'argon en bouteilles, qui peuvent être transportés sur des distances plus longues que les gaz de l'air standard, ne semble pas être limité à la Belgique, mais semble couvrir une zone englobant certaines parties du Nord de la France. Le fait qu'Air Liquide importe de l'argon liquide de France étaye ce point de vue. La prise de contrôle des activités d'Europe continentale de BOC renforce par conséquent la position dominante d'Air Liquide en France, non seulement parce qu'elle supprime un concurrent réel, mais parce qu'elle ajoute la part de marché de celui-ci à la sienne.

(198) Dans la mesure où la Belgique est un marché distinct de la France, à savoir pour les gaz dont les coûts de transport sur de grandes distances sont plus élevés, Air Liquide renforcerait sa position dominante en France en éliminant la concurrence potentielle sur le marché français et la concurrence réelle sur un marché voisin. Premièrement, BOC doit être considérée comme un concurrent potentiel en France, étant donné qu'elle a démontré qu'elle pouvait exercer des activités de production de gaz vendus en vrac et en bouteilles en Europe continentale. Deuxièmement, l'élimination de la position de BOC en Europe continentale libérerait Air Liquide de la pression concurrentielle découlant de la présence de BOC sur un marché voisin de son marché d'origine Troisièmement, en supprimant un concurrent sur le marché belge et en acquérant sa part de marché, Air Liquide deviendrait un acteur encore plus puissant en Belgique, où elle contrôle déjà une grande partie du marché. Elle pourrait ainsi s'opposer aux nouveaux venus potentiels sur son marché d'origine plus efficacement en agissant sur un marché voisin à partir duquel ils pourraient aisément pénétrer le marché français, par exemple en approvisionnant les régions industrielles du nord du pays.

(199) Dans sa réponse à la communication des griefs de la Commission, la partie notifiante fait valoir que les activités de BOC en Belgique et aux Pays-Bas sont limitées et que la prise de contrôle de ces activités par Air Liquide n'aurait pas d'incidence sur les conditions de concurrence sur les marchés français de fourniture en vrac et de fourniture en bouteilles. Cependant, sur la base des données commerciales relatives à ces activités, il convient de rejeter cet argument. Les activités "grande masse" de BOC sont garanties par des contrats de longue durée courant respectivement au moins jusqu'en [...]* et [...]*. Les activités "en vrac" de BOC ont bénéficié de la forte croissance du volume des ventes de gaz liquides. Sa rentabilité s'est améliorée chaque année (42) et elle a réalisé un bénéfice d'exploitation au cours de l'exercice comptable 1998/1999. Ses activités génèrent des flux de trésorerie importants. Ses activités "en bouteilles" ont connu un taux de croissance annuel soutenu et lui ont permis de réduire ses pertes d'exploitation d'une manière continue au cours de ces dernières années (43). Lorsque l'on compare les données comptables fournies par BOC avec celles communiquées par des concurrents ayant essayé d'entrer sur ces marchés dans les mêmes conditions, l'évolution du chiffre d'affaires et de la rentabilité correspond à ce que l'on attend au cours de la phase de démarrage. Il est par conséquent justifié d'avancer que les activités de BOC sont rentables sur ces marchés. À la suite d'un examen de ses activités mondiales, BOC a déclaré qu'elle envisageait de céder ses activités d'Europe continentale.

(200) La présente opération renforcerait la position dominante d'Air Liquide en France, car elle éliminerait BOC en tant que concurrent réel et potentiel sur ce marché. C'est précisément cette modification permanente et structurelle du marché, et non la décision commerciale d'un concurrent, qui soulève le problème de concurrence.

L'opération de concentration envisagée éliminerait Air Liquide, le concurrent potentiel le plus crédible, des marchés britannique et irlandais

(201) Air Liquide compte parmi les concurrents potentiels les plus puissants sur les marchés d'origine de BOC. Les concurrents ont souligné qu'elle aurait été la mieux placée de toutes les entreprises de gaz industriels pour entrer sur le marché britannique (44). Si les parties fusionnaient, cette pression concurrentielle disparaîtrait. Cela vaudrait en toute hypothèse, qu'Air Liquide soit déjà présente sur le marché d'origine de BOC ou non.

(202) Dans sa réponse à la communication des griefs, la partie notifiante admet qu'un fournisseur en position dominante peut être gêné dans l'exercice de son pouvoir de marché par la concurrence potentielle d'autres entreprises ayant véritablement les moyens d'entrer sur son marché. Elle conteste le fait qu'un concurrent potentiel ait eu cet effet sur le marché britannique. Or, certains clients sont d'un autre avis.

(203) Air Liquide prétend que sa qualité de concurrent potentiel est purement théorique parce qu'elle n'a jamais essayé de pénétrer sur le marché britannique et que le fait que d'autres y soient entrés l'en dissuade à présent. Cependant, une étude de projet présentée à la Commission révèle qu'Air Liquide a envisagé de fournir des gaz en vrac et en bouteilles au Royaume-Uni, lorsqu'un client s'est adressé à elle (45). De plus, elle a concédé que Messer avait été capable de surmonter les obstacles à l'entrée des marchés britanniques de la fourniture en vrac et de la fourniture en bouteilles, sans pour autant expliquer les raisons pour lesquelles elle ne pouvait pas, quant à elle, raisonnablement entrer sur ces marchés. En effet, parmi toutes les entreprises de gaz industriels, elle est celle qui a le mieux réussi à pénétrer sur d'autres marchés européens. En déclarant lors de l'audience que son absence du Royaume-Uni était une décision commerciale, Air Liquide a reconnu qu'aucune raison objective ne l'empêchait d'entrer sur le marché britannique.

(204) Enfin, la partie notifiante a avancé lors de l'audience que Praxair, en tant qu'entreprise de gaz industriels de même taille, devait être considérée comme un concurrent potentiel tout aussi crédible au Royaume-Uni. Cependant, elle n'a pas expliqué la raison pour laquelle une entreprise qui exerce la plus grande partie de ses activités sur le continent américain et n'a qu'une présence limitée en Europe serait un concurrent potentiel aussi crédible qu'Air Liquide, le premier fournisseur de gaz industriels d'Europe.

Les exemples de Linde et de Messer ont montré que des concurrents établis en Europe continentale pouvaient entrer sur le marché britannique

(205) Il est possible d'entrer sur les marchés de la fourniture en bouteilles et de la fourniture en vrac et cela a été réalisé au Royaume-Uni. En principe, il existe plusieurs moyens d'entrer sur un marché étranger:

1) exporter des gaz industriels dans le pays visé;

2) établir sa propre capacité de production dans le pays visé, par exemple en plaçant de grandes usines de production sur site chez des clients;

3) commencer par mettre en place un réseau de distribution et par s'approvisionner en gaz industriels sur le marché libre, avant d'établir sa propre capacité de production;

4) prendre le contrôle d'un petit fournisseur local et développer son réseau de distribution et sa clientèle.

(206) On peut entrer sur un marché sans importer la gamme complète des gaz industriels, lorsque ces importations ne sont pas possibles ou pas rentables. Dans ce cas, le nouveau venu procéderait comme suit. Tout d'abord, il établirait un ou plusieurs dépôts de gaz en bouteilles et de points de distribution. Il achèterait les gaz de l'air standard à des fournisseurs locaux, qui les lui embouteilleraient. Il importerait les gaz de grande valeur, tels que l'acétylène, les mélanges gazeux, les gaz purs, les gaz spéciaux et l'argon liquide. Les concurrents ont confirmé que ce type d'importations avaient été réalisées pour soutenir l'entrée de fournisseurs sur le marché britannique. Ensuite, une fois qu'il aurait un certain nombre de clients, il acquerrait une installation destinée à l'embouteillage des gaz standard (oxygène, azote, argon, mélanges contenant de l'argon et dioxyde de carbone). Il achèterait les gaz liquides nécessaires sur le marché libre. Il continuerait d'importer les gaz de grande valeur ou se les procurerait auprès des fournisseurs locaux. Sur la base de ce réseau de distribution étendu, il construirait, à titre de troisième étape, une unité de séparation de l'air d'une taille limitée (par exemple, 15 à 40 millions de m3 par an pour l'oxygène/l'azote) et des installations d'embouteillage supplémentaires dans le pays visé. Il pourrait ainsi accroître sa clientèle et approvisionner des consommateurs de gaz en vrac.

(207) Une entreprise de gaz industriels peut aussi entrer sur un marché étranger en prenant le contrôle d'un fournisseur local, en ajoutant des produits aux siens et en développant son réseau et sa clientèle. Une fois cette première étape franchie, le nouveau venu est en mesure de mettre en place ou de développer sa propre capacité de production et de distribution en procédant suivant le schéma présenté au considérant 206.

(208) Les exemples de Linde et de Messer confirment qu'il est possible d'entrer sur les marchés britanniques de la fourniture en vrac et de la fourniture en bouteilles et d'y acquérir des parts de marché limitées. Linde est arrivée sur le marché britannique en 1992 et a acquis depuis, sur le segment de la fourniture en bouteilles, une part de marché inférieure à 5 % pour l'oxygène, de 5 à 10 % pour l'azote, inférieure à 5 % pour l'acétylène, de 5 à 10 % pour l'argon et les mélanges contenant de l'argon et de 5 à 10 % pour l'hydrogène. Messer est arrivée sur le marché britannique en prenant le contrôle d'un petit fournisseur de dioxyde de carbone et en développant son réseau de distribution. Elle a ensuite construit une usine autonome de séparation de l'air à Eggsborough (dans un premier temps, conjointement avec AGA). Sur le segment des gaz en bouteilles, elle a acquis une part de marché de 5 à 10 % pour l'azote, inférieure à 5 % pour l'argon/les mélanges contenant de l'argon et de 35 à 40 % pour le dioxyde de carbone. Sur le segment des gaz vendus en vrac, sa part de marché est inférieure à 5 % pour l'oxygène, pour l'azote et pour l'argon.

Air Liquide, en tant que premier fournisseur européen et mondial, est le concurrent potentiel le plus crédible sur le marché britannique

(209) Sur les marchés des gaz en vrac et des gaz en bouteilles, les principales barrières à l'entrée consistent dans les investissements en capital et les coûts d'exploitation liés à la mise en place et au maintien d'un réseau de production et de distribution, à la constitution d'une clientèle suffisante pour justifier ces coûts et au financement des pertes d'exploitation pendant la phase de démarrage jusqu'à ce que les nouvelles activités deviennent rentables.

(210) Ces coûts d'investissement et d'exploitation varient en fonction de la méthode choisie pour entrer sur le marché. Si le nouveau venu choisit de conclure des contrats d'approvisionnement "grande masse" sur site en vue de sur-développer l'unité de production et de vendre la capacité excédentaire à des consommateurs de gaz en vrac ou en bouteilles, un investissement initial très important est nécessaire. Dans la plupart des cas, les coûts supportés sont recouvrés pendant la durée du contrat, du fait que les contrats d'approvisionnement sur site durent généralement entre dix et quinze ans. Cependant, seul un petit nombre de grandes entreprises de gaz industriels disposent des ressources financières (et plus généralement, de la capacité de gestion de projets) nécessaires à ce type de grands projets. Si le nouveau venu choisit de d'abord mettre en place un réseau de distribution de gaz en bouteilles et ensuite de développer ses activités sur le segment des gaz en vrac, l'investissement initial (construction d'un dépôt de gaz en bouteilles et d'une installation d'embouteillage) sera de l'ordre de 2 à 3 millions d'euros. Cependant, la construction d'une unité de séparation de l'air et des centres d'embouteillage correspondants nécessitera un investissement beaucoup plus important, de l'ordre de 50 à 60 millions d'euros. De plus, les coûts d'exploitation et les coûts de transport des gaz devant être importés ont un caractère permanent. En principe, le nouveau venu supportera des coûts similaires pendant une longue période s'il prend le contrôle d'un petit fournisseur local et essaye de développer son réseau.

(211) Une nouvelle entreprise de gaz industriels ne devient souvent rentable qu'après un certain laps de temps. Le fait de devoir supporter des pertes d'exploitation pendant la phase de démarrage constitue une barrière à l'entrée supplémentaire. Lorsqu'un nouveau concurrent entre sur le marché, les fournisseurs en place peuvent essayer de l'empêcher de prendre pied sur leur marché d'origine en proposant des prix plus bas que les siens sur le segment concerné. Des concurrents ont fourni des exemples de la stratégie appliquée par BOC pour les empêcher d'entrer sur le marché britannique. Cela signifie que le nouveau venu devra être capable de financer les pertes d'exploitation qu'il enregistrera au cours de la phase de démarrage.

(212) C'est pourquoi les grandes entreprises de gaz industriels sont mieux à même de pénétrer sur un marché déjà dominé par un fournisseur en place que ne le sont les petits fournisseurs.Elles sont plus susceptibles d'avoir la surface financière, les moyens logistiques et technologiques et la capacité de planification stratégique pour faire les investissements nécessaires et soutenir la pénétration sur le marché face à la contre-attaque d'un fournisseur en place qui a une position dominante sur le plan local. Dans le cas du Royaume-Uni, cette appréciation est étayée par le fait que deux grands concurrents étrangers, Linde et Messer, ont mieux réussi à obtenir des parts de marché que des nouveaux venus de petite taille, bien que ces derniers aient opéré depuis le territoire britannique (Energas et Medigas, par exemple).

(213) Dans ce contexte, Air Liquide, en sa qualité de numéro un des entreprises de gaz industriels d'Europe, possède des atouts particuliers qui en font le concurrent étranger le plus adapté et le plus susceptible de pénétrer sur le marché britannique.

(214) Air Liquide est parfaitement équipée pour créer une infrastructure de production et de distribution sur des marchés étrangers, comme le démontre le fait qu'elle a mis en place avec succès, dans une série de pays d'Europe, un réseau de production et de distribution de gaz industriels comprenant des usines autonomes (production de gaz en vrac), des installations spécialisées (consacrées à un ou plusieurs clients) ayant une capacité de production excédentaire pour le marché du vrac, de petites installations sur site et des unités de remplissage de bouteilles. Le tableau n° 4 présente le réseau de production et de distribution d'Air Liquide dans des pays d'Europe à l'exclusion de la France. Les conclusions suivantes peuvent être tirées:

- sur les marchés trop éloignés de son pays d'origine (France) pour que les livraisons en vrac soient économiques, Air Liquide a créé sa propre capacité de production, soit en construisant des usines autonomes, soit en intégrant une capacité excédentaire dans des usines "grande masse" spécialisées. Ce n'est que dans les pays pouvant être livrés en vrac à partir d'usines françaises (Belgique, Pays-Bas, Luxembourg et, à un degré moindre, Allemagne) qu'une capacité de production locale moins importante a été mise en place,

- dans tous les pays où une capacité de production autonome a été installée, Air Liquide a créé des installations de remplissage de bouteilles correspondant à la taille du marché concerné (la seule exception étant la Finlande où il n'existe que des unités spécialisées). Dans la majorité des pays, le réseau de remplissage de bouteilles couvre toute la gamme des gaz et comprend un certain nombre d'installations capables de conditionner des gaz de grande valeur ayant un plus grand rayon de transport (argon, mélanges à base d'argon, acétylène et autres gaz, dont les gaz spéciaux),

- en outre, Air Liquide a réussi à ouvrir des brèches importantes dans des marchés étrangers en proposant et en installant de petites usines sur site pour la production de gaz standard (oxygène et azote). Il faut noter que les clients de pays éloignés du pays d'origine d'Air Liquide peuvent être et ont déjà été approvisionnés par ce moyen.

(215) D'une manière générale, les concurrents et les analystes du secteur reconnaissent qu'Air Liquide est le premier fournisseur de gaz industriels par des usines sur site spécialisées ("grande masse"). Grâce à sa forte position sur le marché "grande masse" un peu partout en Europe, Air Liquide est plus à même qu'aucun concurrent de prendre pied sur les marchés étrangers du vrac et des bouteilles. Précédemment, Air Liquide a appliqué une politique de surdimensionnement de ces usines spécialisées "grande masse", avec le dessein de vendre l'excédent de capacité sur les marchés du vrac et des bouteilles. Du reste, en 1998, ce type de production simultanée sous formes gazeuse et liquide a représenté [...]* de la production totale d'oxygène liquide et d'azote d'Air Liquide dans l'EEE.

(216) Leader du secteur en termes de chiffre d'affaires et de dépenses d'équipement, Air Liquide a une surface financière considérable qui lui permet de supporter les pertes du démarrage. L'historique de sa pénétration sur les marchés des bouteilles et du vrac dans d'autres pays d'Europe (Belgique, Danemark, Allemagne, Grèce, Italie, Pays-Bas, Portugal, Espagne et Suède) confirme que cette entreprise est capable de supporter le fardeau financier de l'entrée sur un marché. Elle a notamment été en mesure de le faire dans les pays où les fournisseurs locaux soutiennent une vive concurrence (par exemple, Allemagne, Italie, Suède). Air Liquide est le seul concurrent européen pouvant compter sur une position très forte, assimilable à une position dominante, sur un marché national du gaz en vrac et en bouteilles d'une taille considérable (France).

(217) Air Liquide possède une très grande compétence technologique qui lui permet de pénétrer plus efficacement sur les marchés étrangers.Les acteurs de ce secteur s'accordent à dire que la technologie, et notamment celle des applications, est l'un des principaux moteurs de la concurrence sur les marchés du gaz en vrac et en bouteilles. En effet, comme les produits sont très homogènes, on ne peut obtenir de nouveaux clients qu'en proposant des solutions d'applications nouvelles et plus économiques qui réduisent les coûts des clients et accroissent la productivité. Pour l'entreprise qui tente de pénétrer sur le marché, la capacité à proposer de nouvelles solutions d'applications devient plus importante encore. Le nouveau venu qui cherche à obtenir des clients en proposant des prix bas se heurte à des limites, car son coût de production sera initialement moins avantageux que celui d'un fournisseur en place, d'autant que ce dernier peut tenter de s'aligner sur les prix qu'il propose (46). C'est pourquoi il est souvent indispensable que le nouveau venu puisse se battre sur le front de la technologie des applications s'il veut agrandir sa clientèle. Il est généralement admis qu'Air Liquide possède une compétence technologique de pointe et occupe une position de tout premier plan en matière de technologie d'applications (47).

(218) Par ailleurs, Air Liquide est l'un des principaux fournisseurs de technologies spécifiques à proposer aux clients éloignés de la base du nouveau venu (petites installations sur site pour la production d'oxygène et d'azote utilisant la technique VPSA et à membrane). En plaçant près de [...]* petits contrats sur site auprès de clients de la Communauté, à l'exclusion de la France, Air Liquide a démontré que cette technique pouvait être commercialisée avec succès (48). Étant donné que les quantités de gaz fournies par de petites installations sur site correspondent souvent à une demande qui, autrement, serait satisfaite par des livraisons en vrac, le nouveau venu qui peut proposer cette technique en retire un avantage pour se procurer des clients de vrac.

(219) L'analyse des atouts concurrentiels particuliers d'Air Liquide confirme que cette entreprise est bien placée pour pénétrer sur les marchés britanniques des bouteilles et du vrac. En outre, Air Liquide est mieux placée que tout autre concurrent pour assumer avec succès cette pénétration du marché. Alors que Linde et Messer ont établi une présence limitée sur les marchés britanniques des bouteilles et du vrac, leur puissance concurrentielle, surtout par rapport à la puissance de BOC sur le marché, est beaucoup plus limitée que la concurrence qu'Air Liquide pourrait établir au Royaume-Uni et en Irlande. Du reste, aucune de ces deux entreprises n'a réussi dans le passé à s'implanter dans d'autres pays d'Europe aussi fortement qu'Air Liquide. Les autres concurrents (Praxair, AGA) sont nettement plus petits en termes de taille, de part de marché totale et de production, mais aussi de réseau de distribution en Europe (49). Aucun des deux n'est aussi bien placé qu'Air Liquide pour prendre pied sur les marchés britanniques et irlandais. Il n'existe aucun autre grand producteur de gaz industriels qui soit susceptible de pénétrer sur ces marchés. Par conséquent, Air Liquide est le seul concurrent potentiel crédible.

(220) En conclusion, la concurrence potentielle sur les marchés britanniques et irlandais des gaz en bouteilles et en vrac dépend, dans une large mesure, de la permanence de la présence d'Air Liquide à titre de concurrent indépendant. Dès lors que le fournisseur en place (BOC) et le nouveau venu potentiel le plus fort (Air Liquide) auraient fusionné, cette contrainte concurrentielle disparaîtrait.

L'absence d'Air Liquide sur le marché britannique à ce jour est considérée comme une décision stratégique qui peut être inversée à tout moment

(221) Les acteurs du secteur s'accordent à dire que la décision d'une entreprise de gaz industriels de pénétrer sur un marché étranger est une décision commerciale stratégique. En effet, l'entreprise de gaz industriels désireuse d'inscrire son expansion dans la durée ne peut le faire sans étendre sa couverture géographique des marchés. On en trouve la meilleure démonstration dans l'historique de l'expansion d'Air Liquide en Europe et dans le monde, et notamment dans les pays qui sont loin de sa base. Les concurrents ont été unanimes à souligner que chaque entreprise de gaz industriels, en appliquant sa stratégie d'expansion, pèse les investissements nécessaires et les risques encourus. Étant donné qu'Air Liquide aurait été mieux placée pour étendre ses activités au Royaume-Uni et à l'Irlande, force est d'en conclure que la décision de ne pas agir de la sorte aujourd'hui est une décision qui aurait pu être inversée. Au demeurant, Air Liquide avait envisagé, dans le passé, de prendre pied sur le marché britannique (voir considérant 203).

(222) Il faut souligner que les griefs de la Commission ne sont pas dirigés contre la stratégie commerciale qu'Air Liquide a appliquée jusqu'ici et qui peut avoir consisté à ne pas (encore) lancer des activités substantielles au Royaume-Uni et en Irlande. Au contraire, les craintes précises que la concentration envisagée fait naître en matière de concurrence concernent l'élimination du concurrent potentiel le plus crédible des marchés concernés. Que le concurrent concerné ait eu ou non la volonté de lancer une concurrence effective, la concentration envisagée supprimerait durablement toute possibilité que cette concurrence ait lieu. Par conséquent, l'opération envisagée éliminerait de façon permanente la concurrence potentielle, renforçant ainsi la position dominante actuelle de BOC sur les marchés concernés. Le résultat probable serait que la nouvelle entité (Air Liquide/BOC) serait à même de dominer perpétuellement les marchés britannique et irlandais des gaz en bouteilles et en vrac.

d) Démotivation d'Air Products pour mener une concurrence acharnée à Air Liquide/BOC sur les marchés du vrac et des bouteilles au Royaume-Uni, en Irlande et en France

(223) Cette section concerne la structure du rachat conjoint et du partage de BOC prévus dans le contrat signé le 2 juillet 1999 entre Air Liquide et Air Products [avec les modifications apportées le 7 juillet 1999 ("le contrat")], en ce qui concerne l'attribution des installations de recherche et développement, de la propriété intellectuelle et du savoir-faire de BOC, ainsi que les liens créés entre Air Liquide et son principal concurrent au Royaume-Uni et en Irlande, Air Products, par suite de cette attribution. La création de liens importants et durables entre Air Liquide et Air Products constituerait pour cette dernière une forte incitation à ne pas livrer une lutte acharnée à Air Liquide/BOC, ce qui aurait notamment une incidence sur la position d'Air Liquide/BOC sur les marchés britanniques et irlandais du vrac et des bouteilles. Au Royaume-Uni, les seuls concurrents de BOC, hormis Air Products, sur la quasi-totalité de ces marchés sont Messer et Linde. Toutefois, la position que ces entreprises occupent sur la plupart des marchés britanniques du vrac et des bouteilles est insignifiante. Par conséquent, une atténuation de la concurrence d'Air Products en raison de ces liens avec Air Liquide ne ferait que renforcer la position dominante d'Air Liquide/BOC. Cela vaut également pour les marchés irlandais où Air Products est le seul concurrent de BOC.

(224) Toutefois, les liens créés par l'opération prévue entre Air Liquide et Air Products sont pertinents pour apprécier non seulement la puissance d'Air Liquide sur les marchés du vrac et des bouteilles à la suite du rachat envisagé, mais aussi sa puissance sur le marché "grande masse" et la possibilité de domination conjointe par Air Liquide et Air Products des marchés de l'hélium et des gaz spéciaux destinés à l'industrie électronique.

aa) Technologie de BOC

(225) BOC, qui est l'une des grandes entreprises mondiales de gaz industriels, a développé des connaissances techniques très importantes, notamment dans le domaine des applications destinées à des industries comme l'électronique, le verre, l'environnement, l'agroalimentaire, la cryogénie, la chimie et le pétrole, la métallurgie, le papier et la pharmacie, qui sont développées à proximité du client et souvent avec lui. Dans ce domaine, l'activité de recherche et développement consiste notamment à résoudre les problèmes techniques concernant les coûts de production des clients, la qualité de leurs produits, la productivité de leur exploitation et leurs résultats en matière de protection de l'environnement.

(226) BOC a d'abord occupé une position relativement forte dans la fourniture de petits générateurs d'azote et d'oxygène par voie non cryogénique, pour ensuite axer ses efforts de recherche et développement de plus en plus sur la réalisation de grandes installations cryogéniques sur site. Dans la mesure où l'approvisionnement en gaz industriels par de grandes unités sur site nécessite de gros investissements, un procédé de pointe peut donner au fournisseur un avantage concurrentiel en termes de consommation de courant nécessaire et de coût d'investissement. Les analystes du secteur estiment (50) que la technologie des procédés de pointe a fait chuter de plus de 25 % le coût de séparation de l'air (production par unité) et que la technologie non cryogénique qui supprime les frais de livraison pour les moyens consommateurs de gaz a permis une réduction globale des coûts de 28 à 50 % sur les vingt dernières années. Pour les installations sur site, BOC a axé ses travaux de recherche et développement sur la réduction de la consommation d'électricité de l'installation et sur l'amélioration et la simplification des circuits de refroidissement, liquéfaction et séparation de l'air. En outre, BOC a développé une technique de pointe pour la production de gaz très purs et de systèmes pour l'industrie électronique, et notamment l'introduction de plusieurs qualités de gaz à ultra-haute pureté, de nouvelles pompes à sec, des systèmes de gestion de l'extraction et des systèmes thermiques créés pour les applications dans le domaine des semi-conducteurs.

(227) BOC emploie plus de [...] * chercheurs dans [...] * grands centres de recherche et un certain nombre de petits centres qui couvrent les systèmes de procédés ainsi que les grandes industries, comme l'électronique (BOC Edwards). BOC a conclu avec des tiers un grand nombre d'accords de coopération permanente en R & D un peu partout dans le monde, et notamment dans les secteurs de l'électronique, de l'agroalimentaire et de l'environnement. La plupart des travaux de recherche et développement de BOC sur les gaz industriels sont réalisés aux États-Unis, et quelques-uns dans le Pacifique Nord, en Australie et en Afrique du Sud. Le centre technique de Murray Hill aux États-Unis est le grand pôle de la technologie des gaz au service des entreprises du secteur. Dans une certaine mesure, des travaux de mise au point sont également exécutés chez les clients. Enfin, la R & D de BOC Edwards axée sur l'industrie des semi-conducteurs est effectuée au Royaume-Uni.

(228) L'examen de la Commission confirme que BOC possède toute une série de brevets, de marques et de savoirfaire concernant la technologie des procédés et des applications.

bb) Répartition de la propriété intellectuelle et du savoir-faire de BOC entre Air Liquide et Air Products

(229) Le rachat conjoint et le partage de BOC entraîneraient la répartition de la propriété intellectuelle (PI) de BOC entre Air Liquide et Air Products à parts égales. Dans le présent contexte, PI désigne les brevets, demandes de brevets, technologies, savoir-faire (savoir-faire d'exploitation inclus), secrets commerciaux, copyrights, logiciels, marques de fabrique, marques commerciales et autres droits de propriété intellectuelle possédés par BOC ou ses filiales.

(230) Le contrat précise les modalités de répartition des actifs, des activités et de la PI de BOC entre Air Liquide et Air Products (collectivement dénommées "les parties"). [...]*

(231) [...]*

(232) [...]*

(233) [...]*

cc) Liens entre Air Liquide et Air Products

(234) Comme prévu au contrat, l'opération envisagée présente certaines caractéristiques particulières, dans la mesure où elle concerne deux concurrents qui lancent une offre conjointe pour acquérir des éléments d'un autre concurrent. Du point de vue de la concurrence, la structure de cette offre conjointe est problématique, car il est évident que, pour pouvoir faire une offre pour BOC, puis diviser l'entreprise, Air Liquide et Air Products vont devoir se familiariser parfaitement avec ses activités et avoir de nombreux contacts réciproques, ce qui risque de mettre en péril la confidentialité des renseignements relatifs à leurs activités, et donc la concurrence effective entre les entreprises.

(235) [...]*

(236) [...]*

(237) [...]*

(238) [...]*

(239) [...]*

(240) [...]*

(241) [...]*

(242) [...]*

dd) Conclusion sur les liens créés par l'opération envisagée

(243) [...]*

e) Conclusion sur les marchés du vrac et des bouteilles

(244) La Commission conclut que l'acquisition notifiée et les opérations envisagées avec elle renforceraient la position dominante d'Air Liquide sur les marchés du vrac pour l'oxygène, l'azote et l'argon et sur les marchés des bouteilles pour l'oxygène, l'azote, l'argon et les mélanges à base d'argon, l'acétylène, le gaz carbonique et l'hydrogène en France, ce qui entraverait fortement la concurrence effective à l'intérieur du Marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci.

(245) En outre, l'opération notifiée renforcerait la position dominante de BOC sur les marchés de vrac pour l'oxygène, l'azote et l'argon au Royaume-Uni, les marchés des bouteilles pour l'oxygène, l'azote, l'argon et les mélanges à base d'argon, l'acétylène, le gaz carbonique et l'hydrogène au Royaume-Uni, les marchés de vrac pour l'oxygène, l'azote, l'argon, le gaz carbonique et l'hydrogène en Irlande, et les marchés des bouteilles pour l'oxygène, l'azote, l'argon et les mélanges à base d'argon, l'acétylène, le gaz carbonique et l'hydrogène en Irlande, ce qui entraverait fortement la concurrence effective à l'intérieur du Marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci.

3. ÉVOLUTION FUTURE ET CONCURRENCE POTENTIELLE

L'opération envisagée accroîtrait les entraves à la pénétration sur les marchés "grande masse" dans l'EEE et les marchés du vrac et des bouteilles en France, au Royaume-Uni et en Irlande.

(246) Les marchés "grande masse" de l'EEE, ainsi que les marchés du vrac et des bouteilles en France, au Royaume-Uni et en Irlande, sont déjà caractérisés par d'importantes barrières à l'entrée, en raison des investissements élevés et de la compétence nécessaires. Les installations de production de gaz par voie cryogénique et, plus récemment, les équipements de production sur site par voie non cryogénique nécessitent des capitaux importants. Selon la partie notifiante, leur intensité capitalistique est généralement de l'ordre de [...]* à [...]* pour les entreprises de gaz industriels utilisant des unités de séparation de l'air. Pour les marchés "grande masse" de l'EEE comme pour les marchés français, britanniques et irlandais du vrac et des bouteilles, le degré de concentration actuellement élevé constitue un obstacle supplémentaire à la pénétration de ces marchés.

(247) Au cours des cinq dernières années, il n'y a pas eu de nouvel arrivant important sur les marchés "grande masse" de l'EEE et les marchés français, britanniques et irlandais des gaz en vrac et des bouteilles. L'opération envisagée aurait pour effet d'accroître considérablement le degré de concentration des marchés "grande masse" de l'EEE. La part de marché cumulée d'Air Liquide et de BOC et leurs atouts spécifiques rendraient plus difficile encore l'accès des nouveaux venus à ces marchés "grande masse" de l'EEE. En ce qui concerne les marchés des gaz en vrac et en bouteilles, la concentration envisagée entraînerait l'élimination du concurrent potentiel le plus crédible en Grande-Bretagne et en Irlande, renforçant ainsi la position dominante que BOC occupe déjà sur les marchés en cause. Elle renforcerait également la position dominante actuelle d'Air Liquide sur les marchés français des gaz en vrac et en bouteilles.

(248) On ne saurait donc s'attendre à ce que des concurrents potentiels limitent la marge de manœuvre d'Air Liquide/ BOC, que ce soit sur les marchés "grande masse" de l'EEE ou sur les marchés français, britanniques et irlandais des gaz en vrac et en bouteilles. Il est à craindre que l'opération notifiée, en permettant aux parties de cumuler les positions dominantes qu'elles détiennent actuellement sur ces derniers marchés, n'aboutisse à une domination durable d'un marché plus vaste par une seule et même entité.

4. HÉLIUM

a) Structure du marché

L'accès à l'hélium purifié est limité à quatre entreprises de gaz industriels qui ont également une activité de grossistes

(249) Les gaz naturels riches en hélium (51) permettent l'extraction la plus économique de ce gaz, mais le nombre de leurs gisements est limité. Les réserves connues sont situées aux États-Unis (Kansas, Oklahoma, Texas et Wyoming), en Algérie (Bethouia), en Pologne (Odolanov) et dans l'ouest de la Russie (Orenbourg). Il n'existe qu'un petit nombre d'installations d'extraction d'hélium brut et de production d'hélium pur (purification).

(250) En Algérie, Air Liquide et Air Products ont, par le biais de leur filiale commune Helap SA, une entreprise commune de production (Helios) avec la Sonatrach, propriété de l'État algérien. Helios a une capacité de purification d'hélium de [...]* de m3/an. L'intégralité de la production d'hélium purifié est réservée à Air Liquide et à Air Products dans le cadre d'un contrat de longue durée (production totale en 1998: environ [...]* de m3/an; pour Air Liquide: environ [...]* de m3; pour Air Products: environ [...]* de m3).

(251) En Russie, la capacité de purification d'hélium d'Orenbourg, soit environ [...]* de m3, est réservée à BOC et à Messer, [...]* (capacité totale: [...]* de m3 /an). En Pologne, la capacité de purification d'hélium est entièrement réservée à BOC (environ [...]* de m3/an). Air Liquide obtiendrait les droits de BOC au titre de ces contrats.

(252) Aux États-Unis, les société suivantes extraient de l'hélium brut de gaz naturel, mais n'ont pas de capacité de purification captive: Coastal Field Services, Amoco, Crescendo Resources, Duke Energy, Enron Corp., KN Energy Inc., Mobil, Phillips Gas Corporation, Pioneer Natural Resources Co. et Williams Field Services. Les enquêtes de la Commission montrent que ces sociétés, à une petite exception près, réservent leur hélium brut à BOC, Air Products et Praxair dans le cadre de contrats de fourniture de longue durée, ces sociétés se chargeant ensuite de le purifier. En 1998, la capacité de production d'hélium brut réservée s'est élevée à quelque 91,2 millions de m3 et les quantités fournies à quelque 68 millions de m3. Par conséquent, près de 65 % de la capacité de production d'hélium brut des États-Unis (136 millions de m3) a été réservée à BOC, Air Products et Praxair.

(253) BOC, Air Products et Praxair sont les seules entreprises de gaz industriels à avoir une capacité de purification d'hélium captive aux États-Unis. BOC possède et exploite à Otis (Kansas) la troisième usine de purification du monde (capacité estimée: [...]* de m3/an), laquelle reviendrait à Air Liquide. Air Products purifie de l'hélium à Liberal (Kansas) et à Sherman (Texas) (capacité estimée < 28,5 millions de m3 en 1998, avec une progression prévisionnelle à 42,5 millions de m3 en 2000). Praxair possède des usines dans le Kansas, à Bushton et à Ulysses (capacité estimée: 42,5 millions de m3/an) (52). Ensemble, ces sociétés ont une capacité totale de purification de [...]* de m3/an.

(254) Le reste de l'hélium brut américain est extrait et purifié par les entreprises suivantes: CIG Resources, Exxon, Keyes Hélium Company, Nitrotec Energy Corporation, Union Pacific Resources Inc. et Unocal Corporation. En 1998, elles affichaient une capacité de 44,8 millions de m3 d'hélium brut et une capacité de purification de 46,5 millions de m3, Exxon représentant la plus large part (34 millions de m3/an) (53). Les enquêtes de la Commission montrent que la quasi-totalité de ces entreprises, et notamment Exxon, réservent leur hélium purifié à Air Liquide, BOC, Air Products et Praxair au titre de contrats de fourniture de longue durée (à l'exception de deux sociétés dont la capacité de purification ne dépasse pas 4,7 millions de m3). En 1998, quelque 37 millions de m3 d'hélium purifié ont été fournis dans le cadre de ces contrats. Air Liquide, BOC, Air Products et Praxair distribuent et commercialisent cet hélium purifié.

(255) La Commission parvient à la conclusion que seules quatre entreprises de gaz industriels, à savoir Air Liquide, BOC, Air Products et Praxair, purifient l'hélium ou interviennent dans sa purification. En outre, la quasi-totalité de l'hélium purifié par d'autres entreprises est destinée à ces quatre entreprises en vertu de contrats de longue durée. Air Liquide, BOC, Air Products et Praxair contrôlent l'accès à la totalité, ou presque, de la production d'hélium purifié. Elles fournissent de l'hélium en gros à des revendeurs, dont toutes les autres entreprises de gaz industriels, via leurs propres réseaux de distribution.

Air Liquide/BOC et Air Products contrôleraient la plupart des sources d'hélium situées à proximité de l'Europe et la majeure partie de la capacité de purification européenne

(256) Comme on l'a vu plus haut, Air Liquide et Air Products contrôlent ensemble l'offre d'hélium algérien.Aux dires de la partie notifiante, [...]* de cet hélium est expédié à destination de l'EEE. La Commission estime que l'entreprise commune algérienne d'Air Liquide/Air Products fournit environ [...]* de l'hélium consommé dans l'EEE. En rachetant les activités hélium de BOC, Air Liquide prendrait le contrôle de l'offre d'hélium polonais et de [...]* de l'offre d'hélium russe ([...]* ). À partir de ses sources en Pologne et en Russie, BOC fournit environ 15 à 20 % de la consommation de l'EEE. À l'issue de l'opération, deux entreprises (Air Liquide et Air Products) contrôleraient l'accès à la quasi-totalité des sources d'hélium situées dans des pays proches de l'Europe et, à parts à peu près égales, quelque [...]* de la capacité de purification existant dans des pays proches de l'Europe.

(257) Le fait que tous les grossistes en hélium cherchent à avoir accès aux sources de ce gaz situées à proximité de l'Europe illustre l'importance de celles-ci pour l'approvisionnement de l'EEE. Même des entreprises ayant une forte capacité de production captive aux États-Unis (Air Products, Praxair, BOC) n'importent de ce pays que les quantités qu'elles ne peuvent se procurer sur le plan local. Ainsi, [...]* achète chez Air Liquide de l'hélium produit en Algérie.

Les parts de marché cumulées d'Air Liquide/BOC et Air Products seraient élevées

(258) Au niveau du marché de gros, l'hélium est vendu à des distributeurs (dont la plupart des autres entreprises de gaz industriels). Le tableau n° 10 donne l'estimation par la Commission des parts du marché de gros (54).

EMPLACEMENT TABLEAU

(259) En ce qui concerne l'activité de gros, les parts de marché cumulées d'Air Liquide/BOC et d'Air Products seraient de [...]* pour la fourniture d'hélium à l'EEE et de [...]* à l'échelle mondiale.

(260) Air Liquide déclare ne pas être un grossiste en hélium. Or, cette déclaration est en contradiction avec les renseignements que l'entreprise a fournis durant la procédure, selon lesquels elle a vendu en 1998 à des clients de gros [...]* de m3 ([...]* de m3 à l'exclusion d'un contrat subsidiaire) dans l'EEE et [...]* de m3 dans le monde. Même si l'on exclut les quantités fournies en vertu du contrat subsidiaire, la part du marché de gros détenue par Air Liquide s'élevait encore à [...]* dans l'EEE en 1998. Les parts de marché cumulées d'Air Liquide/BOC et d'Air Products seraient encore de [...]*.

(261) Avec la concentration envisagée, Praxair resterait le seul concurrent au niveau du marché de gros. La Commission estime que, en l'absence de BOC comme concurrent supplémentaire, Praxair ne sera guère incitée à concurrencer Air Liquide et Air Products. Pour approvisionner l'EEE, [...]* se procure de l'hélium algérien auprès d'Air Liquide dans le cadre d'un contrat subsidiaire et, par conséquent, pour un coût analogue ou supérieur. Ce dispositif ne favorise pas une concurrence acharnée. Il est peu probable que Praxair utiliserait de l'hélium de sa production américaine captive pour lutter avec Air Liquide ou Air Products sur les prix, en raison du coût d'investissement (en cas d'utilisation de ses conteneurs) et des frais de transport plus élevés. De même, sur le plan mondial, il paraît évident que Praxair n'est guère incitée à se livrer à une concurrence acharnée. Comme les autres grossistes en hélium, cette entreprise bénéficie de la souplesse de sa production américaine captive. Ses usines de purification sont reliées à un réseau de canalisations et d'installations de stockage exploité par le Bureau of Land Management (BLM) de l'État américain. Ce réseau offre la possibilité de stocker les excédents d'hélium brut et de réduire la production d'hélium purifié. Ainsi, rien n'empêcherait Praxair d'adapter sa production et sa distribution d'hélium purifié aux baisses de la demande et aux hausses de prix. L'activité de grossiste de Messer est très limitée. Tous les autres concurrents ne sont que des revendeurs et dépendent entièrement des autres entreprises de gaz industriels pour leur approvisionnement en hélium.

(262) Par ailleurs, Air Liquide a déclaré que ces parts de marché n'étaient pas une bonne indication des conditions concurrentielles dans le secteur de l'hélium, car il considère que les "indépendants" du secteur de la purification sont des grossistes plus importants. Toutefois, la Commission estime que l'on ne peut qualifier de grossistes les entreprises qui ont une activité de purification, mais ne possèdent pas de réseau de distribution (voir point 254). Ces entreprises approvisionnent des grossistes dans le cadre de contrats de longue durée, mais n'ont pas elles-mêmes une activité de grossiste. Quant à la question de savoir si ces sociétés de purification sont susceptibles de se lancer dans la vente en gros d'hélium, il faut également y répondre par la négative. Comme la partie notifiante l'indique à juste titre, ces entreprises ne produisent de l'hélium que comme sous-produit de leur activité dans le domaine du gaz naturel. Elles ne s'occupent pas de gaz industriels et n'ont ni réseau de distribution ni rapports avec la clientèle concernée. Pour constituer un parc de conteneurs comparable à celui d'Air Liquide, une entreprise de ce type devrait effectuer un investissement de 45 à 50 millions d'euros (pour [...]* conteneurs). Au demeurant, même les grands producteurs d'hélium purifié, comme Exxon, n'ont pas, dans le passé, exercé l'activité de distribution d'hélium en gros.

La concentration envisagée ramènerait à trois le nombre de fournisseurs d'hélium à intégration verticale disposant d'un réseau de distribution complet

(263) À l'issue de l'opération prévue, seules trois entreprises (Air Liquide/BOC, Air Products et Praxair) auraient une production interne d'hélium et seraient totalement intégrées verticalement. De surcroît, elles seraient les seules à être dotées d'un vaste réseau de distribution d'hélium en Europe et dans le monde. En Europe, Air Liquide/ BOC et Air Products posséderaient également le plus grand nombre de conteneurs (plus de [...]* pour les deux) et de centres de transvasement (plus de [...]*). L'enquête de la Commission révèle que Messer et Linde possèdent un réseau de distribution plus modeste, mais tout de même important, tandis que les autres entreprises de gaz industriels sont assez loin derrière. À l'échelle mondiale, Air Liquide/BOC posséderait un parc de plus de [...]* grands conteneurs cryogéniques (de 11 000 gallons ou plus). L'enquête de la Commission montre que seul Air Products disposerait d'une capacité de distribution mondiale analogue. Praxair possède dans le monde un nombre de conteneurs qui, bien que plus faible, reste important. En comparaison, la capacité de distribution de Messer est insignifiante.

Conclusion sur la structure du marché

(264) La Commission estime que le contrôle de l'accès à l'hélium purifié est révélateur de la position de force d'Air Liquide/BOC et d'Air Product sur le marché. Elle considère que, ensemble, Air Liquide/BOC et Air Products contrôlent l'accès à environ [...]* de la capacité de purification d'hélium dans le monde et contrôleraient l'accès à toutes les sources d'hélium situées dans des pays proches de l'Europe. La valeur élevée de leurs parts de marché cumulées confirme leur position de force.

b) Position des autres entreprises de gaz industriels Les autres entreprises de gaz industriels ont une position de faiblesse en raison de leur dépendance d'Air Liquide/BOC et d'Air Products pour leur approvisionnement en hélium

(265) Aucune des autres entreprises de gaz industriels d'Europe ou du monde n'a une capacité de production captive d'hélium ni un accès contractuel à l'hélium purifié (55). Pour leur approvisionnement, elles sont totalement dépendantes des quatre grandes entreprises. En Europe, les concurrents sont largement tributaires d'Air Liquide/BOC et d'Air Products qui, ensemble, contrôlent [...]* des importations d'hélium dans l'EEE. Cette situation risque de conduire à l'exclusion d'autres entreprises de gaz industriels du marché de détail de l'hélium. Du reste, la plupart des entreprises contactées par la Commission ont exprimé cette crainte.

(266) La menace potentielle de mainmise sur le marché doit être considérée comme une entrave importante à la concurrence. Les entreprises de gaz industriels soulignent que l'hélium est un produit stratégique que tout fournisseur se doit d'avoir dans son offre. Cela est vrai, quelle que soit la taille, grande ou modeste, du fournisseur de gaz. Du reste, même les fournisseurs régionaux de petite taille achètent de l'hélium pour le revendre.

L'investissement élevé dans les installations de production et de distribution nécessaires réduit encore la probabilité d'une réaction de la concurrence

(267) L'investissement nécessaire pour créer une capacité d'extraction et de purification d'hélium est considérable. En principe, les unités d'extraction d'hélium brut sont liées au traitement du gaz naturel. D'après les estimations des concurrentes, le coût d'une unité est de l'ordre de 50 à 100 millions d'euros (pour une unité autonome). L'investissement dans une usine de purification peut atteindre [...]* d'euros pour une unité de grande taille ([...]*) et peut être estimé à 10-30 millions d'euros pour une unité moyenne (jusqu'à 10 millions de m3/an). De plus, des investissements substantiels sont nécessaires pour créer une infrastructure de stockage, transport et distribution de l'hélium. Les réservoirs de stockage standard de 30 000 gallons (85 000 m3) que l'on trouve dans la plupart des installations de liquéfaction coûtent jusqu'à 0,9 million d'euros (achat et installation). Le prix des conteneurs standard de 11 000 gallons peut atteindre 0,75 million d'euros. Pour créer un parc de conteneurs d'une taille comparable à celle du parc des trois principaux fournisseurs d'hélium (Air Liquide/BOC, Air Products et Praxair), un concurrent devrait acheter au moins [...]* conteneurs (supplémentaires). Le coût d'un centre de transvasement d'hélium (pour transvaser l'hélium des grands conteneurs dans de plus petites citernes destinées à la vente au détail) a été estimé à 1-1,5 million d'euros. N'importe quel concurrent serait obligé de construire de nouveaux centres de transvasement.

(268) Qu'un concurrent ait ou non les moyens de faire ces investissements substantiels, il y a peu de chances qu'il puisse se procurer des quantités d'hélium suffisantes pour justifier la dépense. En général, l'hélium brut est réservé aux quatre grandes entreprises en vertu de contrats d'exclusivité de longue durée, et il est hautement improbable qu'un nouveau venu soit en mesure de déloger l'une d'elles. Les entreprises qui disposent déjà de vaste réseaux de distribution (Air Liquide/BOC, Air Products et, dans une moindre mesure, Praxair) resteraient les clients les plus probables des producteurs indépendants d'hélium purifié. Même si un indépendant, par exemple Exxon, décidait de réserver une partie de sa production d'hélium purifié à un nouveau venu, les quantités en seraient limitées. Il est peu vraisemblable que l'achat de ces seules quantités limitées, sans production interne de quantités suffisantes, permettrait à un nouveau venu de mettre en péril la puissance cumulée d'Air Liquide/BOC et d'Air Products sur le marché.

Air Products contrôle le seul fournisseur de conteneurs cryogéniques pour le transport d'hélium

(269) Le seul constructeur et fournisseur de grands conteneurs cryogéniques (11 000 gallons) pour le transport d'hélium est Gardner Cryogenics, une filiale américaine d'Air Products. Les conteneurs cryogéniques fabriqués par cette société maintiennent l'hélium liquide à la basse température requise pour le transport sur de longues distances. De plus, ce sont les seuls à être utilisés pour le transport maritime d'hélium. La Commission suppose qu'aucune autre société n'est actuellement en mesure de produire ce type de conteneurs. Les grandes entreprises de gaz industriels (dont Air Liquide) ont confirmé qu'elles ne disposaient pas des moyens de production permettant de fabriquer ce genre de citernes.

c) Création d'une position dominante collective Il existe des liens importants entre Air Liquide/BOC et Air Products

(270) [...]*

(271) [...]*

(272) [...]*

La concentration envisagée supprimerait un concurrent important

(273) BOC enregistre des ventes considérables d'hélium en gros dans l'EEE (part de marché de [...]*) et dans le monde (part de marché de [...]*). En termes de chiffre d'affaires, BOC est le numéro deux mondial des fournisseurs d'hélium (56). L'entreprise contrôle environ [...]* de la capacité de purification européenne et [...]* de la capacité mondiale et possède l'un des réseaux de distribution les plus vastes en termes de conteneurs de transport et de centres de transvasement.

(274) Actuellement, BOC satisfait environ [...]* de la demande d'hélium de l'EEE à partir de ses gisements de Pologne et de Russie. L'opération notifiée supprimerait la pression concurrentielle engendrée par l'accès indépendant de BOC à la capacité de purification dans ces deux pays. Du fait que BOC possède également une capacité de production aux États-Unis dans son usine d'Otis (Kansas), son potentiel concurrentiel en tant que grossiste en hélium n'est pas entièrement tributaire de son accès permanent aux gisements polonais et russes. Par conséquent, la disparition de BOC en tant que concurrent indépendant réduirait très nettement les pressions concurrentielles sur Air Liquide et Air Products.

Après la concentration envisagée, Air Liquide/BOC et Air Products auraient des structures de coûts similaires

(275) L'hélium brut est extrait de gaz naturels par des procédés d'extraction cryogénique. Pour sa purification (raffinage), l'une des principales techniques utilisées est l'adsorption PSA ("pressure swing adsorption"). Ensuite, l'hélium pur est liquéfié, conditionné dans de grands conteneurs cryogéniques (11 000 à 30 000 gallons), puis stocké pendant une durée limitée ou expédié immédiatement.

(276) Dans la mesure où Air Liquide et Air Products se procurent l'hélium en Algérie, les deux entreprises ont des structures de coûts identiques. Aux États-Unis, Air Liquide/BOC exploiterait l'usine de purification d'hélium que BOC possède à Otis (Kansas) (capacité de [...]* millions de m3/an). Air Products exploite des usines de purification à Liberal (Kansas) et à Sherman (Texas) (capacité totale actuelle inférieure à 30 millions de m3/an) (57). Ces installations ont une capacité analogue et sont alimentées en gaz naturel par un ensemble de gisements situés dans le Kansas, l'Oklahoma et le Texas. La Commission considère qu'Air Liquide/BOC et Air Products ont des coûts de production similaires (58).

(277) Les coûts de distribution sont, eux aussi, similaires. Les conteneurs cryogéniques sont fabriqués par une seule entreprise dans le monde (Gardner Cryogenics) et sont fournis au même prix à toutes les compagnies gazières. Les coûts afférents aux centres de transvasement sont également similaires. Selon les indications fournies par les entreprises concernées, Air Liquide/BOC et Air Products disposeraient d'un nombre aussi élevé de centres de transvasement et de conteneurs à l'échelle mondiale et européenne.

L'hélium est un produit homogène offert sur un marché extrêmement transparent

(278) L'hélium purifié est un produit homogène qui répond à une norme internationale de qualité (pureté de 99,995 % ou plus). Les entreprises de gaz industriels considèrent l'hélium comme un produit de base qu'elles s'échangent mutuellement ou qu'elles vendent à d'autres revendeurs. Le fait qu'elles l'achètent à d'autres entreprises leur permet d'avoir une bonne connaissance des prix pratiqués.

(279) Un certain nombre de facteurs assurent une transparence élevée du marché. Le nombre de grossistes en hélium intégrés verticalement est faible (ils ne seront plus que trois à l'issue de l'opération envisagée). Air Liquide/BOC et Air Products s'approvisionnent, pour l'essentiel, aux mêmes endroits ou auprès de sites similaires dans des conditions identiques. Les techniques de production n'évoluent pas très vite, car les installations peuvent être modernisées; en revanche, elles ne sont pas souvent remplacées. Les équipements de distribution sont normalisés et, dans une large mesure, identiques. La transparence du processus de production est illustrée par une étude interne réalisée par l'une des sociétés de gaz industriels examinées par la Commission (59). Dans cette étude, la société de gaz industriels concernée analyse avec précision la situation des coûts de chacun de ses concurrents au niveau des différentes sources, qu'il s'agisse de production captive ou d'approvisionnement par un tiers.

Les clients du marché de gros ont une puissance d'achat compensatoire limitée

(280) Les clients du marché de gros, c'est-à-dire les revendeurs - généralement d'autres entreprises de gaz industriels - sont souvent peu à même de contrebalancer la puissance conjointe d'Air Liquide/BOC et d'Air Products. Ces entreprises considèrent l'hélium comme un produit clé pour leur propre offre de vente au détail. Le fait qu'elles se trouvent en concurrence avec Air Liquide/BOC et Air Products sur les marchés de détail des gaz industriels accentue cette pression. Les autres entreprises de gaz industriels risquent non seulement d'être exclues, mais également d'être désavantagées sur d'autres marchés. Il faut également noter que de nombreux clients sont des revendeurs régionaux de taille plus modeste. Même les entreprises plus grandes ont exprimé des craintes à ce sujet.

d) Conclusion

(281) La Commission parvient à la conclusion que l'opération notifiée aboutirait à la création d'une position dominante collective sur le marché de la fourniture en gros de l'hélium à l'EEE. Elle considère qu'il faudrait tirer la même conclusion dans l'éventualité où le marché de gros serait qualifié de mondial.

5. GAZ SPÉCIAUX DESTINÉS À L'INDUSTRIE ÉLECTRONIQUE

a) Structure actuelle du marché

Le marché européen des gaz spéciaux destinés à l'industrie électronique est déjà fortement concentré, avec Air Liquide, Air Products et BOC comme principaux fournisseurs

(282) Les gaz spéciaux destinés à l'industrie électronique sont essentiellement produits par des entreprises chimiques aux États-Unis et en Asie. Les entreprises de gaz industriels n'en produisent qu'une quantité limitée, surtout lorsqu'elles exercent aussi des activités chimiques, comme dans le cas d'Air Products. Toutefois, les producteurs ne distribuent pas ces gaz aux utilisateurs finals, lesquels sont principalement les fabricants de semi-conducteurs. La distribution est assurée par les entreprises de gaz industriels. En revanche, les entreprises chimiques ne sont pas considérées comme des fournisseurs équivalents parce qu'elles ne possèdent généralement pas le savoir-faire ni les installations nécessaires au transvasement et à l'analyse des gaz spéciaux destinés à l'industrie électronique, notamment pour le traitement des bouteilles.

(283) Lors de l'audition, la partie notifiante a affirmé que les entreprises de gaz industriels étaient simplement des distributeurs de gaz spéciaux pour l'électronique, sans réel pouvoir de marché. Or, les entreprises qui distribuent ces gaz spéciaux, comme Air Products, Praxair, Air Liquide et BOC, fournissent des produits et services clés que les producteurs ne sont pas en mesure de fournir. Leur rôle est essentiel et va donc au-delà de celui de simples distributeurs. En premier lieu, la purification, le mélange et le conditionnement des gaz spéciaux pour l'électronique, conformément aux cahiers des charges détaillés des clients, sont des opérations extrêmement techniques qui sont exécutées dans des "centres de transvasement " exploités par les entreprises de gaz industriels. Chaque cahier des charges fait l'objet d'une opération de certification qui peut prendre jusqu'à deux ans. Or, les producteurs de gaz spéciaux destinés à l'industrie électronique, comme les entreprises chimiques, ne possèdent pas ce type d'installations de "transvasement". En second lieu, les gaz spéciaux pour l'électronique sont transportés et livrés dans des conteneurs spéciaux que les entreprises de gaz sont, une fois encore, les seules à proposer. En troisième lieu, les fabricants de semi-conducteurs ont besoin de gaz atmosphériques et d'hélium extrêmement purs, par exemple comme plasmas gazeux ou pour les procédés d'oxydoréduction, et ils se procurent de plus en plus ces gaz en même temps que les gaz spéciaux pour l'électronique. En quatrième lieu, enfin, il n'est pas rare que les entreprises de gaz industriels conçoivent, installent et certifient des équipements (systèmes de gaz), comme des canalisations, des armoires spéciales (pour la manipulation des gaz toxiques) et ainsi de suite. L'offre d'Air Liquide et celle de BOC couvrent une série de ces produits.

(284) À partir des chiffres recueillis au cours de l'enquête de la Commission, la valeur du marché des gaz spéciaux destinés à l'industrie électronique dans l'EEE était d'environ 80 millions d'euros en 1998 et les parts de marché étaient les suivantes: Air Liquide entre [...]* et [...]* Air Products entre 20 et 30 % BOC entre [...]* et [...]* Praxair entre 10 et 20 % Messer moins de 10 % Linde moins de 10 % AGA moins de 10 %.

(285) La part de marché cumulée des trois principaux fournisseurs - Air Liquide, Air Products et BOC - s'est donc élevée à plus de [...]* avec un écart très net entre le troisième fournisseur, BOC, et le quatrième, Praxair. Les autres fournisseurs n'ont joué qu'un rôle minime.

La présence mondiale et la compétence technologique des principaux fournisseurs leur confèrent un avantage concurrentiel important

(286) Air Liquide, Air Products, BOC et Praxair sont les acteurs mondiaux du marché des gaz spéciaux destinés à l'industrie électronique. Contrairement aux autres concurrents, chacune de ces entreprises exploite des sites de production (centres de transvasement) dans l'EEE, aux États-Unis et en Extrême-Orient. En revanche, la présence mondiale d'Air Liquide, d'Air Products et de BOC est plus importante que celle de Praxair.

(287) En termes de ventes totales de gaz pour le secteur de l'électronique (comprenant également les gaz de l'air en vrac et autres), on estime que la part du marché mondial détenue par Air Products se situe entre 22 et 25 %, celle d'Air Liquide entre [...]* et [...]* et celle de BOC entre [...]* et [...]* tandis que la part de Praxair n'est que de 7 à 9% (60). La forte présence mondiale des trois principaux fournisseurs leur confère un avantage concurrentiel important sur le marché européen. Même si, d'après la partie notifiante, les commandes effectives de gaz spéciaux destinés à l'industrie électronique sont décidées, gérées et passées par le site local du client en prenant en considération les facteurs locaux spécifiques, il faut tenir compte du fait que les grands fabricants de semi-conducteurs opèrent à l'échelle mondiale. Or, lorsqu'un fournisseur de gaz spéciaux pour l'électronique a une forte présence mondiale, il peut assurer la régularité de la qualité des gaz fournis aux fabricants de semi-conducteurs au niveau mondial.

(288) Air Liquide, Air Products et BOC sont également considérées comme les principaux concurrents en ce qui concerne la technologie des gaz spéciaux destinés à l'industrie électronique. En outre, Air Liquide et Air Products sont les leaders de la fourniture de ce que l'on appelle les "services de gestion globale des gaz et des produits chimiques" qui comprennent la gestion de la sécurité et de l'environnement, la maintenance sur les sites, le suivi, le contrôle et la surveillance de la qualité, les échanges de bouteilles de gaz spéciaux pour l'électronique, les contrôles sur les sites des clients et la gestion des stocks. Air Liquide a, dans le monde entier, [...]* de centres prestataires de services de cette nature et les équipes Megasys d'Air Products gèrent [...]* installations pour le compte de [...]* clients dans [...]* pays.

(289) Plus généralement, on peut conclure qu'Air Products et Air Liquide et, dans une large mesure, BOC, sont axées sur le secteur de l'électronique, dans lequel Air Products réalise 17 % de ses ventes totales, Air Liquide [...]* BOC [...]* et Praxair seulement 5 %.

b) Situation à l'issue de la concentration

Deux concurrents, Air Liquide et Air Products, représenteraient plus de [...]* du marché

(290) Étant donné que les activités européennes de BOC seraient reprises par Air Liquide, celle-ci deviendrait à l'évidence le leader du marché des gaz spéciaux destinés à l'industrie électronique dans l'EEE, avec une part de marché de [...]* à [...]*. Air Liquide et Air Products détiendraient une part de marché cumulée supérieure à [...]*. Le reste du marché serait fragmenté.

(291) À l'échelle mondiale, Air Liquide et Air Products se retrouveraient peu ou prou sur un pied d'égalité [...]*.

Outre la structure étroite du marché, le regroupement de technologie issu de la concentration supprimerait toute concurrence entre Air Liquide et Air Products

(292) S'il existe une trentaine de gaz spéciaux destinés à l'industrie électronique qui sont utilisés dans la production des composants de semi-conducteurs, les gaz eux-mêmes sont des produits homogènes. Étant donné qu'elles ne les produisent pas, les entreprises de gaz industriels achètent ces gaz auprès des mêmes entreprises chimiques. Par conséquent, compte tenu du nombre très limité de concurrents, ce marché est également transparent. Dans ces conditions, une structure de marché dans laquelle deux fournisseurs détiennent une part de marché cumulée de [...]* constitue déjà une forte incitation à l'adoption d'un comportement parallèle.

(293) Outre la structure de marché très étroite, la reprise conjointe et la répartition de BOC instaureraient des liens importants entre Air Liquide et Air Products. En particulier, la mise en commun de la technologie de BOC pourrait aboutir à une collaboration permanente qui ne ferait que décourager un peu plus toute velléité de concurrence entre les deux entreprises. Dans ces conditions, il est à prévoir que l'opération de concentration envisagée supprimera toute concurrence effective entre Air Liquide et Air Products sur le marché des gaz spéciaux destinés à l'industrie électronique.

Conclusion sur la position de marché d'Air Liquide/BOC et d'Air Products

(294) Compte tenu de la forte part de marché cumulée, de la présence mondiale et du leadership technologique d'Air Liquide/BOC et d'Air Products, il y a lieu de conclure que, ensemble, les deux entreprises seraient à même d'agir, dans une large mesure, de manière indépendante de leurs concurrents comme de leurs clients.

Il est peu probable que de nouveaux concurrents pénètrent sur le marché

(295) Des obstacles considérables entravent l'accès au marché des gaz spéciaux destinés à l'industrie électronique. Les fournisseurs de gaz doivent satisfaire aux exigences particulières de l'industrie des semi-conducteurs qui sont imposées par les procédés complexes de production des puces électroniques et par les caractéristiques des gaz. Ils sont tenus de garantir un degré de pureté particulièrement élevé, ce qui impose, entre autres, de manipuler les équipements dans des locaux dépoussiérés. Ils doivent également être en mesure de proposer la gamme complète de produits. Par ailleurs, il faut noter qu'un certain nombre de gaz spéciaux destinés à l'industrie électronique sont très toxiques. Le transvasement, le stockage et le transport de ces gaz nécessitent donc des dispositifs de sécurité spécifiques. C'est pourquoi les fournisseurs de gaz spéciaux destinés à l'industrie électronique doivent être rompus à la manipulation de ces gaz et posséder un savoir-faire et une technologie spécifiques.

V. ENGAGEMENTS PROPOSÉS PAR LA PARTIE NOTIFIANTE ET MODIFICATIONS DE L'OPÉRATION

(296) Le 21 décembre 1999, la partie notifiante a proposé certains engagements afin d'éliminer les problèmes de concurrence recensés par la Commission. Ces engagements comprennent les éléments suivants:

a) cession d'actifs et activités "grande masse", y compris les générateurs sur site, les canalisations, tous les contrats "grande masse" conclus avec la clientèle, ainsi que le personnel d'exploitation, d'entretien et d'assistance affecté à ces installations.Les unités de production "grande masse" suivantes seront cédées: Runcorn, Sheerness, Cardiff, Brinsworth, Fawley (toutes situées au Royaume-Uni), Pardies, Tarnos (toutes deux établies en France), Mons (Belgique) et Terneuzen (Pays-Bas). L'ensemble des cessions d'actifs et d'activités "grande masse" (Royaume-Uni et continent européen) représente des ventes annuelles d'environ [...]* t/j et [...]* millions d'euros d'oxygène et d'azote;

b) cession d'installations et d'activités de vrac associées à certaines unités de production "grande masse" (Brinsworth, Fawley, Pardies, Mons et Terneuzen).Les actifs et activités à céder comprennent les unités de production en vrac et de stockage, les équipements de distribution en vrac associés (camions-citernes), les réservoirs installés sur les sites des clients ainsi que le personnel chargé de la vente, de l'assistance technique, de la distribution et du service après-vente, outre les contrats de vente en vrac conclus avec les clients. La cession d'activités britanniques de vrac représente un total de quelque [...]* t/j d'oxygène liquide, d'azote et d'argon et des ventes annuelles d'oxygène liquide, d'azote et d'argon d'un montant total de [...]* millions d'euros environ. La cession d'activités continentales de vrac représente quelque [...]* t/j d'oxygène liquide et d'azote, des ventes annuelles d'oxygène liquide, d'azote et d'argon d'environ [...]* millions d'euros au total et inclut les activités de vrac de Carboxique (une filiale détenue à 100 % par Air Liquide) estimées à [...]* millions d'euros;

c) cession d'avoirs et activités de conditionnement et distribution en bouteilles, y compris certains centres de conditionnement, les bouteilles, les équipements de distribution (camions), ainsi que le personnel employé à la production et à la distribution, outre les contrats conclus avec la clientèle. Les centres d'embouteillage suivants seront en particulier cédés: Brinsworth, Bristol (y compris une unité de production d'acétylène), Ipswich (tous trois situés au Royaume-Uni), Bobigny et Hauconcourt (tous deux en France). La cession d'activités d'embouteillage au Royaume-Uni représente des ventes d'environ [...]* millions d'euros. La cession d'activités françaises de conditionnement représentera des ventes d'environ [...]* millions d'euros générées par la cession de l'activité gaz en bouteilles de Carboxique;

d) cession des contrats de fourniture d'hélium liquide que BOC possède actuellement en Russie et en Pologne, ainsi que l'infrastructure de distribution correspondante (conteneurs).Les contrats cédés représentent au total quelque [...]* de m3/an. En ce qui concerne l'hélium liquide qu'Air Liquide et BOC achètent aux États-Unis, il sera rendu accessible à d'autres entreprises de gaz industriels (y compris les clients actuels de BOC sur le marché de gros) dans le cadre de contrats de revente dont toutes les conditions importantes, notamment le prix et la durée, sont identiques à celles des contrats d'achat auxquels Air Liquide et BOC sont parties (accords subsidiaires); ces derniers correspondront à un montant total de [...]* de m3/an. En ce qui concerne l'hélium provenant d'Algérie, Air Liquide désignera un tiers indépendant pour gérer sa participation de 50 % dans l'entreprise commune constituée avec Air Products, pour s'assurer qu'il n'existe pas de liens permanents avec cette dernière, laquelle s'est engagée à exercer ses droits dans l'entreprise commune de manière à obliger Air Liquide à se conformer à cet engagement;

e) cession des installations de transvasement de gaz spéciaux destinés à l'industrie électronique détenues et exploitées par Air Liquide en France, ainsi que de la licence sur la technologie nécessaire pour faire fonctionner le centre de transvasement, toutes les informations utiles relatives aux clients et les bons de commandes actuels. Air Liquide s'engage, dans le cadre de ses accords d'approvisionnement existants, à veiller à ce que les fabricants actuels continuent à fournir les gaz spéciaux pour l'électronique à ces installations de transvasement pendant une période de deux ans à compter de la cession;

f) octroi de licences sur toutes les technologies brevetées de BOC (procédés et techniques d'application) aux tiers qui souhaitent bénéficier de ces droits de licence, dans des conditions raisonnables et non discriminatoires.

(297) La cession des activités "grande masse" pour l'oxygène et l'azote va ramener la part de marché d'Air Liquide/BOC dans l'EEE à environ [...]*. Cette cession représente environ [...]* de la part de marché qu'Air Liquide aurait obtenue sinon. Les actifs à céder au Royaume-Uni comprennent cinq usines de production "grande masse", dont deux avec les activités de vrac associées. Les actifs à céder en France, en Belgique et aux Pays-Bas comprennent quatre usines de production "grande masse", dont trois avec les activités de vrac associées. Ces cessions vont limiter la puissance de marché conférée à Air Liquide. Dans la mesure où d'importantes canalisations de gaz seront cédées avec l'une des usines, la position de la nouvelle entité en tant qu'exploitant de canalisations sera plus faible qu'avant l'opération. La position régionale qu'Air Liquide obtiendra au Royaume-Uni, et dont elle pourrait user contre les concurrents, sera moins forte, en raison non seulement des activités de production "grande masse" qui seront cédées, mais aussi de la cession d'installations de conditionnement et distribution en vrac, qui affaiblira sa position sur les marchés britanniques du vrac. L'engagement de concéder à des tiers des licences sur les technologies BOC brevetées atténuera les problèmes découlant de la combinaison des technologies. En outre, la Commission estime qu'un acquéreur sera à même de constituer un concurrent supplémentaire sur le marché de la production "grande masse" de l'EEE. La cession d'installations de conditionnement en vrac et en bouteilles et d'installations de distribution donnera à l'acquéreur ou aux acquéreurs l'accès à une infrastructure correspondante et la possibilité d'exploiter les actifs cédés dans la production "grande masse" dans le cadre d'une activité intégrée dans le domaine du gaz.

(298) Compte tenu de ces éléments, la Commission considère que les engagements proposés suppriment le risque de création d'une position dominante sur le marché de la production "grande masse" dans l'EEE.

(299) L'ensemble des cessions d'activités de vrac pour l'oxygène, l'azote et l'argon au Royaume-Uni représentent environ [...]* des marchés de ces trois gaz. Les centres de liquéfaction de Brinsworth et de Fawley peuvent approvisionner la clientèle de la plupart des régions du sud et du nord de l'Angleterre. La Commission considère que ces installations, auxquelles s'ajouteront les contrats déjà conclus avec la clientèle, le personnel et les équipements associés, permettront à une entreprise arrivant sur le marché de livrer une concurrence effective sur le marché britannique du vrac.

(300) Les cessions concernant les gaz en bouteilles au Royaume-Uni représentent environ [...]* des marchés correspondants pour l'oxygène, l'argon et les mélanges à base d'argon et l'acétylène et couvrent d'autres gaz en bouteilles. Outre la réduction de la part de marché, la cession des trois centres de production donnera à l'acquéreur la souplesse nécessaire pour conditionner ces gaz ou d'autres gaz, à la demande. La situation géographique des trois centres d'embouteillage permet d'assurer une couverture importante du marché britannique. La cession des usines de liquéfaction de Brinsworth et de Fawley s'impose également pour approvisionner ces centres d'embouteillage. L'acétylène est produit dans une usine de Bristol qui fera partie, elle aussi, des actifs cédés. L'infrastructure de distribution à céder comprend le personnel, les centres de collecte, les contrats d'agence et les équipements. On peut raisonnablement supposer que ces cessions permettront à un nouveau venu de soutenir une concurrence effective sur les marchés britanniques du gaz en bouteilles.

(301) La Commission considère que les engagements proposés préviendront les effets anticoncurrentiels de l'opération sur les marchés britanniques du conditionnement et de la distribution en vrac et en bouteilles, en réduisant de manière sensible la position acquise sur ces marchés et en rendant possible l'arrivée d'un véritable concurrent. Il est probable que la position de marché de ce nouveau concurrent (environ [...]* pour les gaz en vrac et environ [...]* pour les gaz en bouteilles) sera plus importante que celle qu'Air Liquide aurait pu acquérir initialement si elle avait pénétré sur le marché britannique. La Commission est également d'avis que la présence d'un ou plusieurs nouveaux concurrents au Royaume-Uni augmentera leurs chances de pénétration sur le marché irlandais, ce qui compensera l'élimination d'Air Liquide comme concurrent potentiel sur ce marché.

(302) L'ampleur des cessions concernant les marchés français du vrac et des bouteilles va au-delà des activités de BOC dont Air Liquide a fait l'acquisition avant l'opération notifiée. Selon la Commission, les actifs cédés vont éliminer les effets anticoncurrentiels que l'opération pourrait avoir sur les marchés français du vrac et des bouteilles concernés.

(303) L'ensemble des cessions concernant le marché de gros de l'hélium garantit qu'Air Liquide n'aura pas accès à l'approvisionnement en hélium purifié en provenance de Russie et de Pologne. Pour permettre à un nouveau fournisseur en gros de remplacer le potentiel concurrentiel de BOC dans une mesure comparable, il est indispensable que celui-ci ait également accès à l'hélium purifié provenant d'une autre source, à savoir les États-Unis. La possibilité de répartir les risques d'approvisionnement sur plusieurs sources sans lien entre elles permet d'assurer la compétitivité sur le marché de gros. Cet engagement est donc destiné à rétablir le potentiel concurrentiel qui existait avant l'opération. De plus, il mettra un terme aux liens existant entre Air Liquide et Air Products par le biais de leur entreprise commune en Algérie.

(304) En ce qui concerne le marché des gaz spéciaux destinés à l'industrie de l'électronique, la cession va englober l'une des deux installations de transvasement d'Air Liquide/BOC dans l'EEE. Étant donné que le personnel et les technologies liés au transvasement des gaz spéciaux destinés à l'industrie électronique seront également cédés et que la livraison des produits déjà commandés se poursuivra, la cession permettra à une autre entreprise de gaz industriels de soutenir une concurrence effective sur le marché de ces gaz spéciaux dans l'EEE.

(305) C'est pourquoi la Commission estime que les engagements proposés élimineront le risque de création de positions dominantes collectives sur les marchés de gros de l'hélium et des gaz spéciaux destinés à l'industrie électronique.

(306) Par ailleurs, les engagements pris par Air Liquide le 21 décembre 1999 comprennent les éléments suivants:

a) [...]*

b) [...]*

c) [...]*

d) [...]*

e) [...]*

[...]*

(307) La Commission considère que les engagements du 21 décembre 1999 (avec les modifications apportées le 7 janvier 2000), pour autant qu'ils soient appliqués dans leur intégralité, supprimeront le risque de voir les liens actuels entre Air Liquide et Air Products contribuer à la création ou au renforcement de positions dominantes par Air Liquide/BOC sur les marchés "grande masse", du vrac et des bouteilles et la création de positions dominantes collectives par Air Liquide/BOC et Air Products sur les marchés de gros de l'hélium et des gaz spéciaux destinés à l'industrie électronique.

VI. CONCLUSION FINALE

(308) Eu égard à ce qui précède, l'opération notifiée doit être déclarée compatible avec le Marché commun en vertu de l'article 8, paragraphe 2, du règlement sur les concentrations et avec le fonctionnement de l'accord EEE conformément à son article 57, sous réserve du respect intégral des engagements souscrits par Air Liquide envers la Commission le 21 décembre 1999 (avec les modifications apportées le 7 janvier 2000) et qui sont précisés à l'annexe,

A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article premier

L'opération notifiée à la Commission le 16 août 1999, par laquelle L'Air Liquide SA va prendre le contrôle exclusif de certaines parties de The BOC Group plc par le lancement d'une offre publique d'achat conjointe avec la société Air Products et Chemicals Inc., est déclarée compatible avec le Marché commun et le fonctionnement de l'accord EEE, sous réserve du respect intégral des engagements souscrits par L'Air Liquide SA envers la Commission le 21 décembre 1999 (avec les modifications apportées le 7 janvier 2000) et qui sont précisés à l'annexe.

Article 2

L'Air Liquide SA 75, Quai d'Orsay F-75321 Paris Cedex 07 est destinataire de la présente décision.

ANNEXE

[...]*

(1) JO L 395 du 30.12.1989, p. 1. Rectificatif (JO L 257 du 21.9.1990, p. 13).

(2) JO L 180 du 9.7.1997, p. 1.

(3) JO C 79 du 30.3.2004.

(*) Des parties de ce texte ont été omises afin de garantir qu'aucune information confidentielle ne soit communiquée. Ces parties sont indiquées par des points de suspension entre crochets, suivis d'un astérisque.

(4) Affaire B3-168-98 du 16 décembre 1998.

(5) Affaire 98-0050 du 12 janvier 1999.

(6) Affaire 1182-4b.84 du 29 décembre 1998.

(7) Chiffre d'affaires calculé conformément à l'article 5, paragraphe 1, du règlement sur les concentrations et de la communication de la Commission sur le calcul du chiffre d'affaires (JO C 66 du 2.3.1998, p. 25). Lorsque les chiffres comprennent des chiffres d'affaires réalisés avant le 1er janvier 1999, ceux-ci ont été calculés sur la base des taux de change moyens de l'écu et convertis en euros, au taux de 1 euro pour 1 écu.

(8) Le chiffre d'affaires d'Air Liquide comprend le chiffre d'affaires des activités de BOC acquises en 1999 en France, en Allemagne, en Belgique et aux Pays-Bas ([...]* millions d'euros).

(9) Le chiffre d'affaires de BOC comprend le chiffre d'affaires relatif aux activités "gaz" qui seront acquises par Air Liquide.

(10) Voir note 8 de bas de page.

(11) Dans certains cas, d'autres clients peuvent également être approvisionnés à partir de cette unité de séparation de l'air.

(12) Document Air Liquide du 2 juin 1999 (transmis à la Federal Trade Commission dans le cadre du dossier HSR). Le texte du document est le suivant: "Conséquences de l'opération: grande masse: à l'échelle nationale, pas de chevauchement entre les activités des parties; à l'échelle européenne, la part cumulée serait supérieure à 40 %". Le texte se poursuit par une évaluation de l'impact de l'opération "sur le territoire de l'Union européenne".

(13) Platine - décision du 24 avril 1997 dans l'affaire IV/M.619 - Gencor/Lonrho (JO L 11 du 14.1.1997, p. 30); aluminium de première fusion - décision du 28 mai 1998 dans l'affaire IV/M.1161 - Alcoa/Alumax; silicium - décision du 26 janvier 1999 dans l'affaire IV/M.1330 - Pechiney/Samancor; pour les autres minerais, voir décision du 7 décembre 1995 dans l'affaire IV/M.660 - RTZ/CRA.

(14) Grands avions commerciaux à réaction - décision du 30 juillet 1997 dans l'affaire IV/M.877 - Boeing/McDonnell Douglas (JO L 336 du 8.12.1997, p. 16); trains à sustentation magnétique - décision du 9 mars 1998 dans l'affaire IV/M.987 - Transrapid; connectique électronique - décision du 8 octobre 1998 dans l'affaire IV/M.1314 - Framatome/Berg Electronics; séchoirs de pulpe - décision du 8 février 1999 dans l'affaire IV/M.1379 - Valmet/Rauma.

(15) Voir note 13 de bas de page.

(16) Pourcentages relatifs à l'exercice 1998. La part de marché est calculée à partir des données communiquées par les fournisseurs de gaz "grande masse" sur leur chiffre d'affaires (ventes en valeur). En raison de la nature des contrats "grande masse", les données en valeur mesurent plus exactement la position des fournisseurs sur le marché que les données en volume. Étant donné, notamment, l'utilisation fréquente de contrats "take-or-pay" ou de commissions d'engagement non liées au volume, les recettes dégagées rendent mieux compte de la puissance réelle d'un fournisseur par rapport à ses clients et à ses concurrents que les quantités de gaz livrées. La part de marché cumulée des parties ne serait, en tout état de cause, pas sensiblement différente si le calcul était fondé sur des chiffres en volume (oxygène - [...]*; azote - [...]*).

(17) Le tableau répertorie les contrats de livraison sur site (oxygène et azote) décrochés au cours des cinq dernières années dans l'EEE, sur la base de données communiquées par les parties et leurs concurrents. Aux fins de cette comparaison, les contrats supérieurs à 100 tonnes par jour ont été comptabilisés (suivant la distinction proposée par la partie notifiante, page 20 de la notification). Si les contrats portant sur des volumes plus faibles étaient pris en considération, la position des parties serait plus forte encore. Air Liquide, en particulier, est le premier fournisseur européen de petites installations sur site destinées à la production d'azote.

(18) Par exemple, certains équipements collectifs tels que les tuyaux, etc. Contrairement au fournisseur en place, ses concurrents doivent facturer le coût de ces équipements. Au cours de l'enquête, l'examen des dossiers des clients montre dans quelle mesure ces économies amènent l'entreprise à attribuer le marché au fournisseur en place.

(19) "BOC process systems: Global situation analysis"; document remis à la Federal Trade Commission pour être versé au dossier HSR.

(20) NatWest Securities, "Industrial Gases 2000", février 1997, p. 73.

(21) Il n'existe pas de livraisons "grande masse" en Irlande.

(22) Une capacité de production locale moins importante n'a été installée que dans les pays où des livraisons en vrac peuvent être effectuées à partir de sites de production français (Belgique, Pays-Bas, Luxembourg et, dans une moindre mesure, Allemagne).

(23) Certaines canalisations de distribution locales d'Air Liquide ont une capacité de 1 800 tpj pour l'oxygène et de 1 500 tpj pour l'azote. Rares sont les canalisations dont la capacité est inférieure à 500 tpj.

(24) Le grand réseau de canalisations d'Air Liquide du nord de la France/Belgique comprend des canalisations d'interconnexion dont la capacité de transfert se situe entre 200 et 900 tpj pour l'oxygène, tandis qu'elles sont limitées à 350 tpj pour l'azote.

(25) Voir note 19 de bas de page.

(26) Des éléments de preuve marginaux recueillis au cours de l'enquête montrent à quel point la position de clients d'un opérateur de canalisations peut se détériorer. On a par exemple constaté, dans le cas d'un contrat de fourniture par canalisations, que différentes clauses anticoncurrentielles, notamment une clause d'exclusivité, une période de validité supérieure à quinze ans et ce que l'on appelle une clause "anglaise" (obligation pour le client de transmettre les offres des concurrents au fournisseur en place), ont été ajoutées lors d'une prorogation d'un contrat à long terme.

(27) "Industrial Gas Industry Overview", mai 1999. Étude présentée à la United States Federal Trade Commission dans le cadre du dossier HSR d'Air Product.

(28) Voir note 20 de bas de page.

(29) Voir note 20 de bas de page.

(30) Voir note 20 de bas de page.

(31) Linde a toutefois obtenu de nombreux petits contrats sur site (moins de 100 t/j).

(32) Lorsque le client a besoin d'une petite installation sur site faisant appel à une technologie standard (PSA, VPSA, petite unité cryogénique), il est parfois plus à même d'établir le cahier des charges sans l'aide d'une entreprise de gaz industriels. Ainsi, les grandes multinationales peuvent se servir de leur expérience avec d'autres installations de ce type implantées sur des sites différents, notamment si elles n'ont pas été adaptées à des besoins spécifiques.

(33) Si, en principe, il est concevable qu'un client s'adresse à plusieurs fournisseurs potentiels pour leur demander conseil sur la conception du projet, on peut cependant imaginer que seules les très grandes entreprises ont recours à cette stratégie. Durant l'examen, la Commission n'a pas découvert de cas où cette démarche était appliquée.

(34) Bien entendu, il peut y avoir des exceptions, comme les grandes projets "de prestige" que plusieurs entreprises de gaz vont chercher à remporter. Cette appréciation reflète la tendance générale.

(35) Ce point de vue est partagé par les analystes du secteur; voir NatWest Securities, "Industrial Gases 2000", février 1997, p. 79.

(36) "BOC process systems: Global situation analysis"; document remis à la Federal Trade Commission dans le cadre du dossier HSR.

(37) Pourcentages relatifs à l'exercice 1998, calculés sur la base du chiffre d'affaires réalisé par les entreprises pour les produits en question.

(38) Annexe A.11 de la réponse à la communication des griefs.

(39) Il n'existe pas d'offre "grande masse" en Irlande.

(40) Canalisations destinées à l'oxygène: [...]* km; canalisations destinées à l'azote: [...]* km.

(41) Au total, la nouvelle entité couvrirait environ [...]* de la demande européenne de gaz industriels.

(42) Au cours des exercices comptables 1994/1995-1998/1999 (les activités "grande masse" et "en vrac" étaient considérées globalement).

(43) Au cours des exercices comptables 1994/1995-1998/1999.

(44) [...]*

(45) Communication à l'attention du Comité des projets Europe d'Air Liquide, du 28 janvier 1997, relative à un appel d'offres lancé par une entreprise du secteur de l'électronique concernant des gaz en vrac (azote, oxygène et argon), des gaz en bouteilles (hélium et hydrogène) et des équipements, auquel Air Liquide a participé.

(46) D'après des concurrents qui ont pris pied sur le marché britannique, BOC a effectivement appliqué, dans le passé, la stratégie consistant à s'aligner sur leurs prix par des réductions de prix réciproques.

(47) Air Liquide a acquis une compétence de premier plan dans des domaines clés d'applications de pointe, comme l'électronique et la chimie (NatWest Securities, "Industrial Gases 2000", février 1997, p. 45 et 73). Air Liquide consacre [...]* de son budget de R & D à l'amélioration des technologies associées à l'application des gaz industriels dans les industries clientes. Ainsi, dans [...]*, les applications représentent [...]* de la R & D d'Air Liquide (chiffres fournis par la partie notifiante).

(48) Chiffres fournis par la partie notifiante, jusqu'à la fin de 1998.

(49) AGA a vendu ses activités britanniques limitées.

(50) NatWest Securities, "Industrial Gases 2000", février 1997, p. 57.

(51) Gaz dont la teneur en hélium est d'au moins 0,3 %.

(52) Source: Chemical Economics Handbook, Helium Data Summary, 1998.

(53) Source: Chemical Economics Handbook, Helium Data Summary, 1998.

(54) Chiffres de 1998 calculés à partir des volumes.

(55) À la seule exception des droits de Messer sur le gisement d'Orenbourg.

(56) Source: Estimations d'un concurrent.

(57) Source: Chemical Economics Handbook, Hélium Data Summary, 1998.

(58) Ce qui est confirmé par l'étude BOC "Global Hélium Strategy", 29 août 1997 (communiquée à la Federal Trade Commission dans le cadre du dossier HSR).

(59) Voir note 60 de bas de page.

(60) Ces chiffres concernant les parts du marché des gaz spéciaux destinés à l'industrie électronique sont présentés dans un certain nombre d'articles publiés dans des revues spécialisées pour l'industrie du gaz et de la chimie.