CA Bordeaux, 3e ch. corr., 16 décembre 1997, n° 9700237
BORDEAUX
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Léotin (faisant fonction)
Substitut :
général: M. Dauffy
Conseillers :
Mmes Robert, Gounot
Avocat :
Me Roubach.
Faits:
Par actes en date du 11 décembre 1996 reçus au secrétariat greffe du Tribunal de grande instance de Bordeaux, le prévenu et le Ministère public ont relevé appel d'un jugement contradictoire à signifier rendu par ledit tribunal le 2 décembre 1996 à l'encontre de X Philippe poursuivi comme prévenu:
Procédure n° 95-42263
* d'avoir à Carbon Blanc et sur le territoire national au mois d'octobre 1995, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur en annonçant sur des prospectus adressés par télécopie à tous les possesseurs de fax en Gironde :
" Après annulations, crédits impayés, 2 jours mise en vente salons cuir et meubles "ébénisterie d'art" ... 47 salons cuir "prestige et qualité"... par exemple canapé 3 places + 2 fauteuils : Estimation 113 400 F vendu 19 993 F TTC... Bahut + table + 4 chaises estimation 59 885 F vendu 19 823 F... "
Alors qu'il ne s'agit nullement d'annulation de crédits ou d'impayés puisque tous les articles étaient dans le circuit normal de distribution et que le prix estimé est totalement surréaliste.
Faits prévus par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 al. 1 du Code de la consommation et réprimés par les articles L. 121-6, L. 213-1, L. 121-4 du Code de la consommation.
Procédure n° 42262
- D'avoir à Carbon Blanc les 6 et 7 octobre 1995, après avoir démarché Madame Marie-Claire Froustey à son domicile, conclu un contrat non conforme, remis à celle-ci un contrat ne comportant pas le formulaire détachable destiné à faciliter l'exercice de la faculté de renonciation;
Faits prévus et réprimés par les articles L. 121-28, L. 121-23, L. 121-24, L. 121-21 du Code de la consommation et réprimés par l'article L. 121-28 du Code de la consommation;
- D'avoir à Carbon Blanc les 6 et 7 octobre 1995, après avoir démarché Madame Marie-Claire Froustey à son domicile, exigé ou obtenu d'elle directement ou indirectement, une contrepartie ou un engagement, en l'espèce perçu un acompte à la commande et notamment 9 996,50 F lors de la signature du bon par Madame Froustey;
Faits prévus et réprimés par les articles L. 121-28, L. 121-26 du Code de la consommation et réprimés par l'article L. 121-28 du Code de la consommation;
Le tribunal:
Sur l'action publique:
A ordonné la jonction des procédures n° 95-42263 et n° 95-42262 de publicité mensongère et d'infraction à la loi sur le démarchage à domicile.
- A déclaré X Philippe coupable des faits visés à la prévention;
- A condamné X Philippe à la peine de 50 000 F d'amende;
Sur l'action civile:
- A déclaré recevables les constitutions de parties civiles de la Fédération nationale du négoce de l'ameublement et le Syndicat général du négoce de l'ameublement;
- À condamné X Philippe à verser, à titre de dommages-intérêts:
* à la Fédération nationale du négoce de l'ameublement la somme de 50 000 F et la somme de 2 500 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;
* au Syndicat général du négoce de l'ameublement la somme de 50 000 F et la somme de 2 500 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;
Sur quoi:
Madame le Président a informé les parties présentes que l'affaire était mise en délibéré à l'audience publique du 16 décembre 1997.
A ladite audience, Madame le Président a donné lecture de la décision suivante:
Attendu que les appels successivement interjetés le 11 décembre 1996 par le prévenu et le Ministère public, à l'encontre du jugement réputé contradictoire, rendu le 2 décembre 1996 par le Tribunal de grande instance de Bordeaux, sont recevables pour avoir été déclarés dans les forme et délai légaux.
Attendu que le prévenu sollicite sa relaxe en faisant valoir qu'il ne pratique pas la vente à domicile, mais la vente au déballage, qu'il n'accorde pas de remises, le terme estimation ne correspondant pas à un prix initial et que le prix de vente est conforme à celui annoncé, de telle sorte qu'il n'y a pas publicité mensongère.
Attendu que le Ministère public a requis une peine d'amende de 100 000 F outre la publication de la décision, en faisant observer que les estimations ne sont pas approximatives mais comportent des chiffres précis totalement surestimés afin d'attirer le consommateur par les rabais consentis, que la réglementation sur le démarchage à domicile est applicable en la matière et que la publicité est mensongère sur l'origine des biens qui ne proviennent pas d'annulations de crédits ou d'impayés.
Attendu que les parties civiles ont demandé la confirmation du jugement et sollicité 8 000 F chacune sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.
Motivation
Attendu qu'en des énonciations suffisantes auxquelles la cour entend se référer et par des motifs pertinents que la cour adopte, les premiers juges ont exactement qualifié les faits poursuivis et à juste titre retenu la culpabilité de Monsieur X.
Attendu qu'en effet, d'une part la publicité adressée en octobre 1995 par télécopie à tous les possesseurs de fax en Gironde, est manifestement de nature à induire le public en erreur, dans la mesure où l'estimation des biens mobiliers offerts à la vente les 6 et 7 octobre 1995 à Cardon Blanc, est totalement surréaliste, le prévenu créant artificiellement une valeur de quatre à cinq fois supérieure au prix demandé, afin de souligner le caractère exceptionnel de l'offre limitée à deux journées, alors que le prix pratiqué est habituel et qu'il ne consent en réalité aucune remise sur leur prix de référence qui devrait, aux termes de l'arrêté du 2 septembre 1997, être le plus bas pratiqué pendant les trente jours précédant la publicité.
Attendu qu'en outre, si le prévenu produit à l'audience des attestations de fabricants de meubles aux termes desquelles, ils ont vendu à la société Y divers meubles provenant de commandes annulées ou impayées, ces attestations ne précisent pas les meubles concernés, de telle sorte que le prévenu n'établit pas que ceux visés dans la publicité provenaient effectivement d'annulés ou impayés et non de circuits normaux de distribution.
Attendu que d'autre part, la réglementation sur le démarchage à domicile s'étend aux termes de l'article L. 121-21 alinéa 2 du Code de la consommation, aux ventes réalisées dans un endroit non destiné à la commercialisation ; que tel était le cas de la vente réalisée par le prévenu au Château Brignon les 6 et 7 octobre 1995; que dès lors les infractions résultant de l'absence de remise de formulaire détachable de rétractation et de la perception d'un acompte à la commande passée par Madame Froustey, sont caractérisées.
Attendu qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré sur la qualification des faits et la déclaration de culpabilité.
Attendu que la peine d'amende prononcée est adaptée à l'infraction poursuivie et à la personnalité du prévenu déjà condamné pour des faits similaires.
Qu'en application de l'article L. 121-4 du Code de la consommation, la diffusion par extraits du jugement doit cependant être ordonnée dans les journaux Sud-Ouest et Le Provençal, compte tenu du lieu d'implantation de la société Y, dans les conditions visées à l'article 131-35 du Code pénal.
Attendu que les dispositions civiles du jugement seront confirmées, le tribunal ayant fait une exacte appréciation du préjudice subi par les parties civiles; qu'il leur sera en outre accordé à chacune 2 500 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, au titre des frais exposés en appel.
Par ces motifs, LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement et contradictoirement Déclare recevables les appels interjetés; Sur l'action publique - Confirme le jugement déféré sur la qualification des faits, la déclaration de culpabilité et la peine d'amende prononcée; Dit que la contrainte par corps s'appliquera dans les conditions prévues aux articles 749 et 750 du code de procédure pénale. - Y ajoutant Ordonne la diffusion par extraits de la présente décision, aux frais de Philippe X, dans l'édition générale du journal Sud-Ouest et dans celle du journal Le Provençal, dans les conditions prévues par l'article 131-35 du Code pénal. Sur l'action civile - Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions; - Y ajoutant Condamne Philippe X à payer à chacune des parties civiles deux mille cinq cents francs (2 500 F) sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale. La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de huit cents francs dont est redevable chaque condamné par application de l'article 1018 A du Code général des impôts.