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Décisions

Cass. com., 17 mars 2004, n° 02-14.027

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

M'Edition (SARL)

Défendeur :

Lyon Mag (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Rapporteur :

Mme Champalaune

Avocat général :

M. Viricelle

Avocats :

SCP Ancel, Couturier-Heller, SCP Thomas-Raquin, Bernabent.

Lyon, 8e ch. civ., du 19 févr. 2002

19 février 2002

LA COUR: - Sur le premier moyen, pris en ses trois branches, et sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches, réunis: - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 19 février 2002) et les productions, que, se plaignant de ce que la société Lyon Mag, qui diffuse un magazine intitulé Lyon Mag, avait procédé à une publicité mensongère en se prévalant du slogan "un lyonnais sur deux lit Lyon Mag", la société M'Edition, qui diffuse un magazine concurrent, a assigné la société Lyon Mag devant le juge des référés aux fins de voir cesser l'utilisation de ce slogan et en paiement d'une indemnité provisionnelle à valoir sur la réparation de son préjudice; que le président du tribunal de commerce a prononcé l'interdiction sollicitée, a ordonné la publication de sa décision et a rejeté la demande en paiement d'une indemnité à valoir sur les dommages-intérêts; que la cour d'appel a infirmé cette ordonnance, rejetant les demandes de la société M'Edition;

Attendu que la société M'Edition fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué alors, selon le moyen: 1°) que tout message publicitaire doit être apprécié en lui-même au moment de sa communication au public; que la cour d'appel qui, pour écarter l'existence d'une publicité mensongère réalisée en octobre 2002 et afférente à la diffusion d'un magazine, prend en compte l'augmentation de la diffusion du titre entre avril 2000 et octobre 2001 a violé l'article L. 121-1 du Code de la consommation et 1382 du Code civil; 2°) que la cour d'appel a laissé sans réponse, en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, les conclusions de la société M'Edition soutenant que les résultats de l'enquête de la Sofres ne permettent pas d'affirmer qu'un lyonnais sur deux lit Lyon Mag, qu'en effet seuls les lyonnais de plus de 18 ans, représentant 350 000 habitants, ont été consultés, que 44% ont répondu positivement à la question posée ce qui représente un lectorat de 154 000 habitants, soit un lyonnais sur trois, la ville de Lyon comptant 445 000 habitants et non un lyonnais sur deux; que le caractère mensonger du slogan incriminé est encore établi au regard du chiffre de diffusion de Lyon Mag sur Lyon intra muros, soit 10 500 exemplaires, de sorte que pour qu'un lyonnais sur deux lise Lyon Mag, il faudrait que chaque exemplaire diffusé soit lu par vingt-deux personnes, ce qui est invraisemblable, la société Lyon Mag faisant elle-même valoir que chaque exemplaire de son magazine est lu par dix lecteurs, le caractère inexact du slogan étant alors éclatant: 10 500 X 10 = 105 000, soit un lyonnais sur quatre; 3°) que le délit de publicité mensongère est constitué, peu important que la publicité ait effectivement induit en erreur; qu'il suffit qu'elle ait été propre à produire cet effet; que la cour d'appel qui rejette la demande de dommages-intérêts provisionnelle formée par la société M'Edition en relevant "qu'il n'est pas démontré que cette publicité a eu pour effet de détourner la clientèle de la lecture des publications de M'Edition et d'induire en erreur les annonceurs commerciaux" a violé l'article L. 121-1 du Code de la consommation, ensemble l'article 1382 du Code civil; 4°) que la cour d'appel qui juge que l'affirmation selon laquelle un lyonnais sur deux lit Lyon Mag n'est pas mensongère au regard de la seule augmentation des ventes du magazine entre avril 2000 et octobre 2001 sans s'expliquer sur le nombre d'exemplaires distribués ni sur le chiffre de la population lyonnaise n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur la légalité de sa décision en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile; 5°) qu'en l'état des écritures en appel de la société M'Edition soutenant qu'à la date de la réalisation du sondage de la Sofres, l'affirmation selon laquelle un lyonnais sur deux lit Lyon Mag était mensongère, la cour d'appel qui pour écarter la demande retient l'augmentation de la diffusion du titre après la réalisation du sondage de sorte que "le pourcentage de 44 % ne correspondait plus à la réalité", sans se prononcer sur le point de connaître si ce pourcentage correspondait à la réalité à la date du sondage, a privé de base légale sa décision au regard de l'article 809 du nouveau Code de procédure civile;

Mais attendu que l'arrêt constate que la société Lyon Mag a fait réaliser un sondage par la Sofres en mai 2000 dont il ressort qu'à la question ainsi posée "quand, pour la dernière fois, avez-vous lu parcouru ou consulté un numéro, même ancien du magazine Lyon Mag, que ce soit chez vous ou ailleurs", 44 % des personnes interrogées ont répondu "positivement" à la question; que l'arrêt relève que sur la base de cette étude, Lyon Mag a lancé une campagne publicitaire aux termes de laquelle il était indiqué "qu'un lyonnais sur deux lisait Lyon Mag"; que l'arrêt observe que la Sofres faisait remarquer qu'il était difficile d'extrapoler les 44 % obtenus dans l'étude dans la formule "un lyonnais sur deux" et que la définition des notions de lecture et de lectorat prêtaient à discussion"; que l'arrêt relève encore que l'étude de la Sofres date d'avril 2000 et que les ventes du titre Lyon Mag sur le réseau marchand ont augmenté de 49,76 % entre avril 2000 et octobre 2001, si bien que le pourcentage de 44 % ne correspond plus à la réalité; qu'en l'état de ces constatations et appréciations dont elle a déduit qu'il ne pouvait être affirmé que la publicité réalisée par Lyon Mag, qui avait été effectuée à nouveau en janvier 2002, soit mensongère, faisant ainsi ressortir qu'au moment où elle se prononçait l'illicéité manifeste du trouble invoqué n'était pas établie, la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions prétendument omises et souverainement apprécié la portée des éléments chiffrés soumis à son appréciation, a légalement justifié sa décision sans violer l'article L. 121-1 du Code de la consommation et l'article 1382 du Code civil, abstraction faite des motifs inopérants mais surabondants critiqués par la troisième branche du moyen; qu'il suit de là qu'inopérant en sa troisième et non fondé en ses autres branches, le moyen ne peut être accueilli;

Par ces motifs: Rejette le pourvoi.