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Décisions

CA Dijon, ch. civ. B, 1 avril 2004, n° 03-01547

DIJON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Garage Gremeau (SA)

Défendeur :

Daimler Chrysler France (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Littner (faisant fonction)

Conseillers :

M. Richard, Mme Roux

Avoués :

SCP Fontaine-Tranchand & Soulard, Me Gerbay

Avocats :

Mes Henry, Bertin, SCP Vogel & Vogel.

CA Dijon n° 03-01547

1 avril 2004

Exposé de l'affaire

La SA Garage Gremeau est concessionnaire exclusif de la marque Mercedes depuis 1982, le dernier contrat ayant été conclu le 17 octobre 1996 pour une durée indéterminée.

Le 25 juin 2001, la SAS Daimler Chrysler a notifié à la SA Garage Gremeau la résiliation du contrat de concession moyennant le respect d'un préavis de deux ans venant à échéance le 30 juin 2003.

La société Garage Gremeau a contesté cette résiliation, qu'elle estimait abusive, puis la Commission européenne a adopté, le 31 juillet 2002, le règlement n° 1400-2002 modifiant substantiellement les structures de la distribution automobile.

Elle s'est alors portée candidate, le 28 septembre 2002, par application de ce règlement communautaire, en vue de l'obtention d'un contrat de distributeur de véhicules neufs ainsi que d'un contrat de réparateur agréé pour les véhicules particuliers de marque Mercedes.

La SAS Daimler Chrysler a en définitive refusé l'agrément tant pour la distribution des véhicules neufs, en raison d'un numerus clausus qui aurait été atteint, que pour la réparation, du fait de fautes entraînant une perte de confiance, qui auraient été commises dans l'exécution du contrat de concession.

La SA Garage Gremeau, dont le contrat expirait le 30 juin 2003, a d'abord assigné le constructeur devant le juge des référés du Tribunal de commerce de Dijon, lequel, par ordonnance du 30 juin 2003, a condamné la société Daimler Chrysler à agréer le Garage Gremeau en qualité de réparateur agréé de son réseau officiel à compter du 1er juillet 2003, sous astreinte de 100 000 euros par jour de retard et condamné la même société à maintenir, sous astreinte de 50 000 euros par jour de retard, la liaison informatique et signalétique jusqu'à décision au fond.

Elle a par ailleurs, le 27 juin 2003, assigné le constructeur devant le juge du fond pour obtenir :

- a titre principal, sa condamnation à l'agréer en qualité de réparateur agréé et en qualité de distributeur de véhicules neufs, sous astreinte, et à lui payer 100 000 euros par agrément et par jour ouvré d'activité à compter du 1er juillet 2003 jusqu'à l'entrée en vigueur effective de chacun des agréments sollicités,

- a titre subsidiaire, sa condamnation à lui payer la somme de 5 171 903 euros en réparation de la perte de l'intégralité de ses activités.

Par jugement du 25 septembre 2003, le Tribunal de commerce de Dijon a:

- rejeté l'exception d'incompétence et la demande de sursis à statuer soulevées par la société Daimler Chrysler France,

- condamné cette société à agréer la société Garage Gremeau en qualité de réparateur agréé, avec exécution provisoire et sous astreinte de 100 000 euros par jour de retard à compter du troisième jour suivant le prononcé de la décision,

- dit que la SAS Daimler Chrysler France n'a pas commis de faute en refusant l'agrément de la société Garage Gremeau en qualité de distributeur de véhicules neufs,

- rejeté les autres demandes et partagé les dépens par moitié.

La société Garage Gremeau a fait appel.

Dans ses dernières écritures, en date du 2 février 2004, auxquelles il est fait référence par application de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, elle demande:

- à titre principal que le jugement soit confirmé en ce qu'il a condamné la SAS Daimler Chrysler France à l'agréer en qualité de réparateur, sous astreinte, mais que la société intimée soit également condamnée, sous la même astreinte courant à compter du prononcé de l'arrêt, à l'agréer en qualité de distributeur de véhicules neufs,

- à titre subsidiaire, si l'agrément était donné uniquement pour la réparation, la condamnation de la SAS Daimler Chrysler France à lui payer, pour la perte de l'activité de distribution de véhicules neufs, les sommes de 2 272 821 euros (deux années de marge brute), 862 285 euros (deux années de marge brute sur l'activité atelier afférente à la perte de clientèle générée par l'activité de distribution de véhicules neufs), et 86 961 euros (investissements réalisés pour satisfaire aux critères de sélection qualitatifs),

- à titre très subsidiaire, pour la cas où la sanction ne serait que pécuniaire, la condamnation de la SAS Daimler Chrysler France à lui payer les sommes de 3 536 817,20 euros (valeur du fonds) ou de 3 997 389,66 euros (deux années de marge brute sur la totalité des activités), outre 260 638 euros pour les investissements réalisés en pure perte.

Elle souhaite encore obtenir 30 000 euros en remboursement de ses frais irrépétibles.

La SAS Daimler Chrysler France, par conclusions du 6 février 2004, auxquelles il est pareillement fait référence, réitère en premier lieu son exception d'incompétence et sa demande de sursis à statuer jusqu'à ce que le tribunal de commerce de Versailles ait statué sur les fautes alléguées à l'encontre du concessionnaire dans l'exécution de son contai ou ait répondu à la question qu'elle souhaite voir la cour lui poser.

A titre subsidiaire, elle sollicite le rejet de toutes les réclamations de la société appelante en raison, pour l'activité de réparateur agréé, des fautes commises (ventes hors réseau) et, pour l'activité de distributeur de véhicules neufs, d'une part de la même faute, d'autre part en raison des critères quantitatifs.

Très subsidiairement, elle considère que la cour ne peut ordonner la conclusion d'un contrat forcé, soutient que son ancien concessionnaire ne remplit pas les critères nécessaires pour être agréé et qu'elle est seule habilitée à apprécier.

Elle estime enfin qu'aucun préjudice n'est démontré et souhaite que la cour rejette la demande de condamnation à la somme de 100 000 euros à compter du troisième jour suivant le prononcé de l'arrêt et constate que la société Garage Gremeau ne fait aucune demande pécuniaire au titre d'une procédure d'agrément distributeur agréé Mercedes prétendument abusive et discriminatoire.

Elle demande que la cour ordonne la cessation immédiate des relations contractuelles qu'elle a été obligée d'instaurer avec la société appelante depuis le 1er juillet 2003 et lui accorde 20 000 euros par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Motifs de la décision

A. Moyens de procédure

1. Sur l'exception d'incompétence

Attendu que la SAS Daimler Chrysler France maintient que le Tribunal de commerce de Dijon n'était pas compétent puisque son siège social n'est pas situé dans son ressort et que les conditions d'application de l'article 46 du nouveau Code de procédure civile n'étaient pas réunies;

Attendu que l'action tendant à obtenir un agrément forcé ou, a défaut, l'indemnisation du refus d'agrément, est de nature délictuelle qu'il importe peu que les parties aient par ailleurs entretenu des relations contractuelles;

Que le demandeur peut donc, par application de l'article 46 du nouveau Code de procédure civile, saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur, celle du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi;

Attendu que le dommage résultant du refus d'agrément opposé par le constructeur à la société Gremeau est subi au lieu où le candidat à l'agrément devait procéder à la réparation des véhicules ou à la vente de véhicules neufs;

Que ce lieu est celui où elle, exerce son activité, c'est à dire en l'espèce à Chenove;

Que la SAS Daimler Chrysler France soutient à tort qu'il est nécessaire, pour que ce critère soit retenu, que la faute ait été démontrée, ce qui ne résulte d'aucun texte;

Attendu enfin que la société intimée invoque également à tort les dispositions du contrat de réparateur agréé conclu en exécution de l'ordonnance de référé dès lors que ce contrat a été signé postérieurement à la date de l'assignation et constituait, comme toute mesure ordonnée en référé, une mesure provisoire;

Attendu que le tribunal a dès lors rejeté à juste titre l'exception d'incompétence;

2. Sur la demande de sursis à statuer

Attendu que la SAS Daimler Chrysler France rappelle que le Tribunal de commerce de Versailles a été saisi aux fins de faire constater et sanctionner les fautes commises par son concessionnaire dans l'exécution du contrat et elle estime qu'il est nécessaire de surseoir à statuer jusqu'à ce que cette juridiction ait rendu sa décision dès lors que les mêmes fautes sont invoquées pour justifier le refus d'agrément;

Attendu que la société intimée a effectivement assigné la société Garage Gremeau le 9 juillet 2003 devant le Tribunal de commerce de Versailles pour qu'il soit dit qu'elle a violé les dispositions du contrat de concession en revendant hors réseau des véhicules neufs de la marque Mercedes Benz;

Mais attendu en premier lieu qu'il apparaît peu réaliste de demander d'attendre des mois, voire des années en cas de recours, afin qu'une décision définitive soit intervenue dans le litige relatif à l'exécution du contrat de concession, avant de pouvoir statuer sur le bien fondé des refus d'agrément;qu'une telle décision serait à l'évidence contraire à une bonne administration de la justice puisqu'il est à l'évidence souhaitable qu'une décision intervienne rapidement et prioritairement dans la procédure relative aux refus d'agrément, qui conditionne la poursuite de l'activité et donc la survie de la société appelante;

Attendu ensuite que la solution à donner dans la procédure relative aux fautes alléguées dans l'exécution du contrat de concession n'est pas nécessairement la même que celle à retenir dans la procédure relative aux agréments puisqu'en effet une faute commise dans l'exécution du contrat de concession ne justifie pas obligatoirement un refus d'agrément;

Attendu que le rejet de la demande de sursis à statuer ne peut qu'être confirmé;

3. Sur la question préjudicielle

Attendu que la SAS Daimler Chrysler France souhaite encore que la cour pose au Tribunal de commerce de Versailles la question de savoir si la SA Garage Gremeau a commis une infraction au contrat de concession en livrant des véhicules neufs à la société Prestige Auto 21, et qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de cette réponse;

Mais attendu qu'aucune disposition de nouveau Code de procédure civile ne permet à une cour d'appel de poser ce type de question à un tribunal de commerce, les dispositions de l'article 49 invoquées n'étant pas applicables en l'espèce mais visant les questions préjudicielles administratives ou communautaires, étant au surplus rappelé que le juge de l'action est juge de l'exception;

B. Moyens de fond

Attendu qu'il convient de rappeler les dates suivantes:

- le 25 juin 2001, la SAS Daimler Chrysler France notifie à la société Garage Gremeau la rupture du contrat de concession avec un préavis venant à échéance le 30 juin 2003,

- le 31 juillet 2002, la Commission européenne adopte le règlement 1400-2002 qui contraint en fait, en raison de la disparition de l'étanchéité en cas de concession exclusive, la plupart des distributeurs à opter pour un système de distribution sélective, et organise une séparation des activités de vente de véhicules neufs et d'après-vente,

- le 28 septembre 2002 le Garage Gremeau se porte candidat à l'obtention d'un contrat de distributeur de véhicules neufs et d'un contrat de distributeur agréé,

- le 18 février 2003, le constructeur rejette la candidature pour le contrat de distributeur de véhicules neufs,

- le 6 juin 2003 la SAS Daimler Chrysler France écarte l'hypothèse de tout nouveau contrat en raison des fautes reprochées au concessionnaire;

1. Sur le refus d'agrément en qualité de réparateur

Attendu qu'il résulte des dispositions du nouveau règlement communautaire que le candidat qui justifie remplir les critères qualitatifs doit être agréé comme réparateur;

Que le système de distribution sélective qualitative est en effet défini comme le système "dans lequel le fournisseur applique pour sélectionner les distributeurs ou les réparateurs, des critères purement qualitatifs, requis par la nature des biens ou des services contractuels, établis uniformément pour tous les distributeurs ou réparateurs souhaitant adhérer au système de distribution, et appliqués d'une manière non discriminatoire et ne limitant pas directement le nombre de distributeurs ou de réparateurs";

Attendu que la SAS Daimler Chrysler France, qui explique que la société appelante n'a jamais retourné sa demande formelle d'audit accompagnée de son auto-évaluation, ce qui a empêché l'audit d'avoir lieu à la date convenue, le 25 juin 2003, explique son refus d'agrément par les fautes commises par son concessionnaire, en l'espèce la revente de 18 véhicules hors réseau aux mois de février et mars 2003;

Attendu que, selon l'article 3 du contrat de concession, le concessionnaire s'engageait à ne pas vendre "à des revendeurs ne faisant pas partie du réseau commercial en vue de la revente ou agissant en qualité d'intermédiaires pour le compte d'un revendeur, que cette vente ou cette entremise ait lieu directement ou indirectement";

Qu'il était néanmoins possible de vendre à un utilisateur final ayant son siège social ou son domicile au sein de l'Espace économique européen et à condition que l'intermédiaire " justifie préalablement à la commande d'un mandat écrit pour l'achat d'un véhicule ou d'un châssis bien défni ... ";

Attendu qu'il n'est pas contesté que la société Garage Gremeau a vendu 18 véhicules de marque Mercedes Benz à la société Prestige Auto 21 aux mois de février et mars 2003 et que ces véhicules ont en définitive été exportés en Italie, par l'intermédiaire d'une société Mikicar, à destination de divers clients italiens;

Attendu que la société intimée soutient qu'il s'agit de ventes hors réseau interdites, particulièrement graves puisque portant atteinte à l'étanchéité du réseau, ce qui rend impossible le maintien de la confiance nécessaire à la poursuite de toute relation contractuelle; Qu'elle dénonce particulièrement l'intervention de la société Prestige Auto, le refus de répondre à ses interrogations, l'irrégularité des prétendus mandats (date, écriture, mentions), l'absence de cartes d'identité;

Qu'elle ajoute qu'elle a fait procéder à une enquête par un détective privé qui a en définitive démontré que l'opération était frauduleuse, l'adresse de la société Mikicar et l'identité des clients finals mentionnés sur les mandats, en réalité falsifiés ou fabriqués, se révélant fantaisistes ; qu'elle fait enfin valoir que la société intimée a établi une double facturation puisque les factures recueillies chez Mikicar étaient différentes de celles remises au cours de la procédure;

Attendu que la société Garage Gremeau soutient que les ventes litigieuses constituaient non pas des ventes hors réseau interdites mais des ventes réalisées par l'intermédiaire d'un mandataire pour le compte d'utilisateurs finals, ce qui est autorisé par le contrat et par le règlement applicable à l'époque;

Attendu que le contrat de concession exigeait seulement, pour que de telles ventes soient licites, un mandat écrit préalable pour l'achat d'un véhicule ou d'un châssis bien défini ; que la production de documents d'identité n'était donc pas exigée pas plus que n'était imposée l'obligation de facturer directement l'utilisateur final;

Attendu que pour chacune des ventes un mandat portant le tampon de la société Mikicar et la signature d'un mandant était produite; que ces mandats ne contenaient pas d'irrégularités flagrantes et n'imposaient pas au vendeur de procéder à des investigations complémentaires ; que la fraude n'a d'ailleurs pu être découverte par la SAS Daimler Chrysler France qu'après une enquête longue et onéreuse, qui ne pouvait être effectuée par la société Garage Gremeau;

Attendu que, si le détective a établi que la société Mikicar avait fourni une fausse adresse et que l'identité des titulaires des mandats avait été usurpée, il a conclu que ses investigations permettaient de supposer que ces opérations frauduleuses avaient été menées aussi au détriment d'autres vendeurs automobiles;

Attendu en définitive que les ventes hors réseau interdites sont celles qui sont faites à des revendeurs en vue de la revente;

Que les 18 ventes faites par la société Garage Gremeau à la société Prestige Auto 21 n'ont pas été faites pour la revente mais dans le cadre d'une opération de ventes à des clients finals par l'intermédiaire d'un mandataire, opération apparemment licite et dont le caractère frauduleux n'a été révélé que par la suite ;qu'il ne peut donc être soutenu que la société appelante a procédé volontairement à des ventes hors réseau et ce d'autant plus que ces ventes sont intervenues à une époque où elle se trouvait en négociation avec le constructeur pour obtenir un agrément et alors que l'immatriculation au nom de Prestige Auto 21 rendait l'opération immédiatement décelable;

Attendu que la pratique peu orthodoxe de la facturation ne suffit pas à démontrer la mauvaise foi du concessionnaire;

Qu'il ne peut non plus être tiré aucune conséquence déterminante du fait que la société appelante ait souhaité que le détail des griefs qui lui étaient adressés de façon imprécise lui soit donné avant de venir s'en expliquer devant son concédant;

Attendu qu'en toute hypothèse le grief n'a pas paru suffisamment grave à la SAS Daimler Chrysler France pour entraîner une résiliation immédiate du contrat ou empêcher le signature d'un nouveau contrat de distribution et de services pour les véhicules de marque Smart, le 24 novembre 2003, alors qu'elle gère au nom de Smart Gmbh le réseau de distribution Smart sur le plan national;

Que l'insuffisance de gravité du grief est encore démontré par le fait qu'elle n'a pas donné suite, ce qu'elle indiquerait évidemment si elle l'avait fait, aux constatations faites par son détective ayant relevé le 9 octobre 2003 l'arrivée chez Mikicar d'un chargement de voitures Mercedes et Smart;

Attendu que les faits reprochés à la société Garage Gremeau n'étaient donc pas susceptibles de justifier un refus d'agrément;

Que le tribunal a ainsi justement considéré que les faits allégués à l'encontre de la SA Garage Gremeau ne justifiaient pas le refus d'agrément en qualité de réparateur;

2. Sur le refus d'agrément en qualité de distributeur de véhicules neufs

Attendu que, par lettre du 18 février 2003, le SAS Daimler Chrysler France a précisé à la SA Garage Gremeau que le nombre de distributeurs à nommer dans son réseau étant déjà atteint, il ne lui était pas possible de donner une suite favorable à sa demande de candidature;

Qu'elle maintient cette position dans ses écritures et ajoute que son refus est également justifié par les fautes commises par la société appelante dans le cadre du contrat de concession et par les menaces proférées à l'encontre de son chef de district, M. Stasio;

Attendu que les explications données précédemment sur les ventes faites à la société Prestige Auto 21 doivent être ici reprises pour conclure qu'elles ne peuvent justifier le refus d'agrément en qualité de distributeur;

Attendu qu'en ce qui concerne les menaces qui auraient été proférées contre M. Stasio, la réalité de ce grief, contesté par M. Gremeau n'est pas suffisamment établie par les vagues propos rapportés par M. Humblot et qui auraient été émises au cours d'une altercation entre ces deux personnes;

Attendu que la seule question reste donc de savoir si la SAS Daimler Chrysler France a refusé d'agréer la SA Garage Gremeau en violation des dispositions du règlement 1400-2002;

Attendu que les parties s'accordent pour reconnaître que le règlement autorise le fournisseur à limiter le nombre de ses distributeurs agréés, lesquels doivent préalablement tous répondre à des critères qualitatifs;

Attendu que le règlement définit le système de distribution sélective quantitative comme un "système de distribution sélective dans lequel le fournisseur applique, pour sélectionner les distributeurs et les réparateurs, des critères qui limitent directement le nombre de ceux-ci";

Attendu que ces critères doivent être précis, objectifs et définis, ainsi que cela résulte de la jurisprudence applicable en matière d'accords verticaux autorisés par le règlement général n° 2790-1999 ;

Attendu que la société appelante soutient que la SAS Daimler Chrysler France n'a pas respecté la procédure d'agrément, lui a communiqué tardivement les critères de sélection et a refusé l'agrément pour des motifs injustifiés;

Mais attendu qu'il n'est imposé au fournisseur par aucun texte de procéder à un appel officiel afin de susciter des candidatures, ce qui conduirait d'ailleurs à une situation économiquement inacceptable dans laquelle chaque candidat devrait procéder à des investissements importants pour répondre aux critères de qualité alors que l'un seul pourrait en définitive être retenu par application des critères quantitatifs;

Qu'ainsi que le fait remarquer la société intimée, aucune demande n'est d'ailleurs faite pour violation de la procédure d'agrément de distributeur agréé;

Attendu ensuite que, s'il est vrai que les critères ont été communiqués tardivement à la société Gremeau, cette communication tardive n'est pas fautive mais doit être replacée dans le contexte rencontré à l'époque par le constructeur, qui avait résilié le contrat de son ancien concessionnaire et qui, pour appliquer le nouveau règlement, qui devait être adapté à la situation existante, avait défini le nombre de ses distributeurs et savait qu'il existait dans la zone concernée un candidat dont elle estimait qu'il remplirait les critères de qualité à la date d'entrée en vigueur de ce règlement;

Attendu que, puisque le nouveau règlement permet au fournisseur de choisir, parmi tous les candidats distributeurs, celui qui sera agréé, seul reste à rechercher si son choix a été fait en fonction de critères répondant aux exigences du règlement;

Attendu que la SAS Daimler Chrysler France explique qu'elle avait fixé un nombre de 154 points de vente, dont chacun correspondait à une aire urbaine localisée dont elle a fourni la liste ; qu'elle précise que ces critères ont été définis en septembre 2002, ce qui lui a permis, dès le mois d'octobre 2002, de dire à la société Gremeau que le numerus clausus était atteint, sous réserve évidemment que les distributeurs pressentis remplissent les critères de qualité;

Attendu que cette condition étant remplie au début du mois de juillet 2003 par la société Etoile 21, l'agrément a été donné à cette société le 3 juillet;

Attendu en définitive qu'à partir du moment où la SAS Daimler Chrysler France avait défini les critères précis rappelés ci-dessus, et qui prévoyaient notamment qu'un seul distributeur serait retenu pour l'aire urbaine de Dijon, et qu'un candidat, qui présentait toutes les garanties pour remplir les critères qualitatifs à la date prévue, existait, aucune faute ne peut être reprochée au constructeur pour ne pas avoir laissé à la société Garage Gremeau des espoirs illusoires, pouvant engendrer des frais importants, et pour avoir choisi un candidat remplissant ces critères qualitatifs;qu'en toute hypothèse, une telle faute n'aurait entraîné ni préjudice ni même perte d'une chance qui n'existait pas;

Attendu que la société Garage Gremeau soutient encore que les critères définis par la société intimée ne sont pas suffisamment précis;

Mais attendu que cette prétention n'est pas fondée, la SAS Daimler Chrysler France ayant donné la liste de ses 154 points de vente en indiquant que 98 % d'entre eux correspondaient aux aires urbaines telles que définies par l'INSEE tandis que le découpage était différent pour 4 d'entre eux en raison des spécificités locales sur lesquelles elle s'est expliquée(Sisteron, Saint-Jean d'Angely, Carentan et Saint-Romain de Colbosc);

Attendu enfin que la distinction faite par la société appelante entre les points de vente et les distributeurs ne conduit pas à dire, contrairement à ce qui est soutenu, que le critère quantitatif retenu n'est pas conforme;

Qu'en effet, ces termes sont employés indifféremment par la SAS Daimler Chrysler France qui précise avoir entendu limiter à 154 le nombres de ses points de vente dans lesquels ses véhicules neufs pourraient être vendus, soit par des partenaires bénéficiant de l'agrément conformément aux exigences du règlement, soit par des succursales ou des filiales;

Que le règlement prévoit que le distributeur, qui dispose lors de son entrée en vigueur d'un point de vente, pourra, après le 1er octobre 2005, conformément à l'article 5§2 point b, établir des points de vente supplémentaires, ce qui démontre bien que la référence aux points de vente est un critère précis ;

Qu'en toute hypothèse, cela ne change strictement rien pour la société appelante dans la mesure où le constructeur avait décidé de n'avoir qu'un distributeur (ou un point de vente) sur l'aire urbaine de la région de Dijon et de confier ce secteur à la société Etoile 21 dès lors que celle-ci remplirait les critères de qualité;

Attendu enfin que la société Garage Gremeau soutient à tort que le choix de cette société était arbitraire pour avoir été fait avant de savoir si elle remplirait ces critères ; qu'en effet un audit devait être effectué pour cette société comme pour tous les autres distributeurs sur lesquels s'étaient portés son choix et qui s'étaient vus proposer un contrat de distributeur, sous réserve évidemment du respect de ces critères;

Attendu que la SAS Daimler Chrysler France, qui est en droit d'organiser son réseau de vente de véhicules neufs comme elle l'entend, sous réserve de respecter les exigences du règlement n° 1400-2002, ce qui a été fait, n'a donc commis aucune faute en refusant d'agréer la SA Garage Gremeau ;qu'il convient d'ailleurs de relever qu'elle a notifié cette décision à cette dernière très rapidement, ce qui n'a pu surprendre celle-ci, dont le contrat avait été résilié, et aurait dû l'inciter à ne pas entreprendre des investissements coûteux afin de se mettre aux normes d'un fournisseur qui n'envisageait plus de travailler avec elle;

Attendu que le refus d'agrément aurait pu être fautif si le concédant avait laissé croire à un renouvellement du contrat antérieur et incité son partenaire à procéder à des investissements lourds et choisi finalement un autre distributeur;

Attendu que la SAS Daimler Chrysler France n'a pas agi de cette façon, ce qui conduit à confirmer la décision du tribunal ayant jugé que le refus d'agrément opposé à la société Garage Gremeau n'était pas fautif;

3. Sur la réparation des préjudices

Attendu que la demande de réparation des préjudices ne peut pas concerner le refus d'agrément pour un contrat de distributeur des véhicules neufs puisqu'il vient d'être dit que celui-ci n'était pas fautif;

Que la résiliation du contrat de concession, faite conformément au contrat, avec respect du délai imposé par le règlement en vigueur à l'époque, ne peut pas ouvrir droit à indemnisation;

Que le seul préjudice à indemniser résulte du refus d'agréer la société appelante en qualité de réparateur;

Attendu que la SA Garage Gremeau demande, à titre principal, que la SAS Daimler Chrysler France soit condamnée à l'agréer sous astreinte de 100 000 euros par jour de retard;

Attendu que la société intimée s'oppose à cette mesure en invoquant les dispositions de l'article 1142 du Code civil selon lesquelles toute obligation de faire se résout en dommages-intérêts en cas d'inexécution par le débiteur;

Qu'elle considère en outre qu'une telle situation serait pratiquement impossible à mettre en œuvre;

Mais attendu que cette affirmation n'est exacte que pour un contrat de distributeur, pour l'exécution duquel un climat de confiance doit exister entre le fournisseur et ses revendeurs;

Attendu en revanchequ'il est différemment pour un contrat de réparateur agréé pour lequel l'intuitu personae est largement atténué entre les partenaires;

Attendu par ailleurs que, pour ce type de contrat, la liberté du constructeur est considérablement réduite puisqu'il a l'obligation d'agréer tout candidat répondant aux critères qualitatifs;

Attendu que le refus d'agrément d'un candidat remplissant ces conditions est une décision discriminatoire et donc contraire aux objectifs du règlement 1400-2002;

Que la seule réparation adaptée à cette violation grave de ce texte communautaire est la réparation en nature qui est possible dès lorsqu'une telle décision n'implique pas l'accomplissement de faits touchant à la personnalité du fournisseur et n'impose aucune contrainte intolérable;

Attendu que les parties ne s'étant pas entendues sur la mise en œuvre de la procédure d'audit avant le 30 juin 2003, date d'expiration du contrat de concession, la société appelante a fait procéder, le 20 juin, par l'organisme officiel Tüf Pfalz, à un audit, auquel la SAS Daimler Chrysler France a été convoquée ; que le résultat de cet audit, positif puisque tous les critères de qualité étaient remplis, a été versé aux débats (pièce n° 48) et n'a fait l'objet d'observation sur aucun point par la société intimée;

Qu'il doit donc en être conclu que la société appelante remplissait les critères de qualité, de sorte que rien ne s'opposait à son agrément;

Qu'il appartenait à la société intimée de faire procéder avant le 30 juin 2003 à l'audit qu'elle dit maintenant souhaiter, aucun engagement de sa part ne permettant à la société Gremeau d'estimer qu'elle bénéficierait, jusqu'à la date de réalisation de cet audit, d'un agrément sous condition suspensive de remplir tous les critères, comme elle déclare dans ses conclusions (page 27);

Que le jugement ayant ordonné cet agrément sous astreinte doit donc être confirmé;

3. Sur l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile

Attendu que l'équité ne commande pas de faire application aux parties des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Que chacune succombant sur une partie de ses prétentions, chacune conservera la charge de ses dépens d'appel;

Par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges, LA COUR, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Ajoutant, Rejette la demande relative à la question préjudicielle. Rejette le surplus des demandes, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens d'appel.