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Décisions

CA Agen, ch. corr., 11 mars 1999, n° 98-00327

AGEN

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Syndicat de la vitellerie française syndicat professionnel, UFC "Que choisir"

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Louiset

Avocat général :

M. Bernard

Conseillers :

M. Bastier, Mme Grimaud

Avocats :

Mes Martial, Du Puy de Goyne.

TGI Auch., ch.. corr., du 28 mai 1998.

28 mai 1998

Rappel de la procédure:

Le jugement:

Le TGI d'Auch, par jugement en date du 28 mai 1998, a déclaré L Georgette Mélanie Augustine

Coupable de tromperie sur une marchandise entraînant un danger pour la santé de l'homme ou de l'animal, courant 1991 à 1993, à sur le territoire du Gers, infraction prévue par les articles L. 213-2 1°, L. 213-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-2, L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3, L. 216-8 du Code de la consommation

Coupable de vente de denrées alimentaires, boissons, produits agricoles falsifiés corrompus et nuisibles à la santé, courant 1991 à 1993, à sur le territoire du Gers, infraction prévue par l'article L. 213-3 al. 2, al. 1 2° du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-3 al. 2, L. 216-2, L. 216-3, L. 216-8 du Code de la consommation

Et par application de ces articles, a condamné L Georgette Mélanie Augustine à 4 ans d'emprisonnement dont 2 ans avec sursis, 500 000 F d'amende, l'interdiction d'exercer une activité liée au commerce et au négoce de la viande pendant 5 ans, publication dans journaux: coût insertion: 10 000 F

Et sur l'action civile, l'a condamnée à verser au Syndicat de la vitellerie française syndicat professionnel, 100 000 F de dommages et intérêts et 15 000 F au titre de l'article 475-1 CPP

Et à l'Union fédérale des consommateurs "que choisir" 200 000 F de dommages et intérêts et 15 000 F au titre de l'art. 475-1 CPP

Les appels:

Appel a été interjeté par :

Mme L Georgette Mélanie, le 2 juin 1998

Union fédérale des consommateurs "Que choisir", le 4 juin 1998

Sur citation à comparaître, l'affaire a été appelée à l'audience du 11 février 1999.

Décision:

Vu l'arrêt rendu le 17 décembre 1998 par la cour de ce siège qui a prononcé la disjonction des poursuites à l'égard de L Georgette;

Vu les appels interjetés à l'encontre de la décision susmentionnée par L Georgette, par l'Union fédérale des consommateurs et par le Ministère public, les dits appels formalisés suivant déclarations reçues au greffe du Tribunal de grande instance d'Auch les 2 et 12 juin 1998;

Attendu que ces appels sont réguliers en la forme et qu'ils ont été interjetés dans le délai de la loi; qu'il convient, en conséquence, de les déclarer recevables;

Attendu que, bien que régulièrement cité, le Syndicat de la vitellerie française, partie civile, n'a pas comparu, ni personne pour lui; qu'il sera statué à son égard par arrêt de défaut conformément aux dispositions des articles 487 et 412 du Code de procédure pénale;

Attendu, sur l'action publique, qu'il résulte des pièces de la procédure et des débats d'audience les faits suivants:

Dans le cadre des contrôles systématiques des élevages bovins dans le département du Gers menés conjointement par les services de la Direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, et de la Direction des services vétérinaires, certaines analyses d'urine ou de buvée prélevées courant 1993 faisaient ressortir des éléments troublants s'agissant plus précisément des élevages de:

- D Claude à Arblade le Haut (32):

Ainsi, l'analyse des onze échantillons (enregistrés sous les n° SA 26 à 36) d'urine de veau prélevée le 5 avril 1993 en cet élevage révélait la présence de méthyl mabutérol.

- M Stewart à Sansan (32):

où un échantillon de la buvée des veaux, enregistré sous le n° 58 d'enregistrement du service administratif (SA 58) qui avait été prélevé le 7 juin 1993 contenait, à l'analyse, du mabutérol.

- B Michel à Castres (32):

où les contrôleurs prélevaient, le 27 septembre 1993, 3 échantillons (enregistrés sous le n° SA 81) lors de la buvée des veaux qui, à l'analyse contenait du mapentérol.

Ce dernier résultat était fourni par le laboratoire interrégional de la répression des fraudes de Rennes, tandis que l'analyse des échantillons prélevés chez M et D avait été confiée au laboratoire de l'Ecole nationale vétérinaire de Nantes.

Conformément aux dispositions de l'article 15 du décret du 22 janvier 1919, les contrôleurs proposaient aux éleveurs précités de conserver un échantillon du produit prélevé en dépôt; tous acceptaient.

Outre la présence des produits interdits, le mapentérol et le mabutérol étant des béta-agonistes, ces élevages avaient le point commun d'être "intégrés" par le groupe X de Fleurance (32).

Ce groupe, qui s'articulait autour de la famille L à Fleurance (32), se composait en novembre 1993, des sociétés suivantes:

la société "X" (SA) dont le siège social se trouvait à T de Fleurance et qui avait pour objet l'exploitation de tous fonds de commerce ou activités relatives à l'élevage de tous animaux destinés à la boucherie et à l'élevage.

Son président directeur général était L Maurice, dont l'épouse, C Georgette, assurait les fonctions de directeur administratif et financier.

- Cette société achetait des veaux nourrissons qu'elle vendait aux sociétés anonymes coopératives (SICA) du groupe:

* SICA Y (directeur jusqu'au mois de décembre 1993: M Gilbert),

* SICA W

* SICA Z (directeur jusqu'au 30 juin 1993: P Fred),

* SICA Q (directeur jusqu'au mois d'août 1991: C Christian).

Ces SICA avaient pour objet l'organisation de la production de veaux et l'approvisionnement des éleveurs, avec lesquels elles étaient liées par des contrats d'intégration:

* l'intégrateur, propriétaire des animaux, confiait à l'éleveur intégré le soin de l'entretien des animaux pour une durée de 110 à 140 jours en moyenne, contre rémunération,

* l'éleveur, prestataire de service, fournissait le bâtiment d'élevage (équipé de cases individuelles), l'électricité, le gaz, l'eau et le temps requis pour nourrir et soigner les animaux.

L'intégrateur faisait livrer les bandes de veaux âgés d'environ une semaine ainsi que l'aliment composé nécessaire et les aliments complémentaires éventuels. L'élevage, suivi au niveau sanitaire par un vétérinaire, était assisté, sur le plan zootechnique, par un technicien passant régulièrement chez l'éleveur pour corriger les anomalies ou modifier le plan d'alimentation.

- Les veaux gras étaient rachetés aux SICA par la société "X" (SA), abattus par la "T"(SARL) (gérée par L Maurice et dirigée par son fils, L Thierry) puis commercialisés par la société "X" (SA),

La direction des services vétérinaires du Gers, surprise de la découverte de produits interdits dans les prélèvements effectués dans les élevages précités (tous intégrés par le groupe X) saisissait le parquet d'Auch de ces éléments. En effet, la découverte de substances dites béta-agonistes (mabutérol) ou de molécules apparentées (méthyl - mabutérol ou mapentérol) dans les excrétats (urines) ou l'alimentation (buvée) des veaux, en ce que ces substances provoquaient une réduction significative de la durée d'élevage et une amélioration substantielle du rendement de la qualité apparente - classement - des carcasses, pouvait caractériser le délit de fraude ayant pour conséquence de rendre l'utilisation de la marchandise dangereuse pour la santé de l'homme.

Une information contre X était ouverte le 5 novembre 1993.

Les trois éleveurs précités, que les gendarmes enquêteurs avaient convoqué afin de leur notifier les résultats des analyses, écrivaient au magistrat instructeur afin de solliciter une contre-expertise.

Celui-ci les recevait le 7 janvier 1994 et avisait M et D qu'une contre-expertise serait diligentée, s'agissant de B Michel, en revanche, le juge d'instruction disait n'y avoir lieu à contre-expertise; en effet, son avocat, Me Duffourg, bien qu'il ait sollicité le magistrat sur ce point, l'avisait le 20 décembre 1993 que la SICA W avait déposé une requête devant le Tribunal administratif de Pau.

Cette juridiction, par une décision du 8 décembre 1993, ordonnait une expertise des échantillons mis sous scellés au domicile de B à Castres (32) confiée à M. Parsy à Saint Benoît (86).

M Stewart et D Claude ayant, à la demande du juge d'instruction, désigné également M. Parsy, l'expertise des prélèvements effectués en leurs élevages était confiée, par ordonnance distincte, à Mme Lairie, directeur du laboratoire interrégional de la répression des fraudes de Rennes (35) conjointement avec M. Parsy.

Les conclusions de M. Parsy, régulièrement déposées le 20 septembre 1994, établissaient la présence de mapentérol dans les échantillons SA 26, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35 et 36 correspondant à l'élevage de D tandis que, s'agissant de l'échantillon de la buvée prélevée chez M (n° SA 58), ce produit interdit n'était pas identifié.

Mme Lairie, à l'instar de son confrère, concluait à la présence de mapentérol dans les urines prélevées chez D.

Résultait pourtant de la procédure une difficulté concernant la transmission de certains échantillons par l'expert Lairy à M. Parsy à la demande duquel ils auraient été envoyés après enlèvement des scellés: en page 7-15 de son rapport, M. Parsy indiquait en effet avoir reçu les échantillons non scellés,

Conformément à la lettre de l'article 173 du Code de procédure pénale, le magistrat instructeur saisissait la chambre d'accusation de la Cour d'appel d'Agen sur réquisitions conformes afin de lever l'hypothèque de nullité de la procédure sur ce point.

Par arrêt rendu le 1er février 1995, la chambre d'accusation de la Cour d'appel d'Agen, statuant sur l'ordonnance du 24 octobre 1994 rendue par le juge d'instruction d'Auch la saisissait afin qu'il soit statué sur la validité des conclusions de Mme Lairie et de M. Parsy, déclarait valides les conclusions précitées et irrecevables en leurs demandes visant la nullité de l'ensemble du dossier D Claude et G Jean-Marc (qui, dans le mémoire déposé, y prétendaient eu égard aux irrégularités commises lors des prélèvements d'échantillons par la Direction des services vétérinaires du Gers aux motifs qu'elle était saisie uniquement par le magistrat instructeur d'Auch d'une demande d'appréciation de la validité d'opérations d'expertise.

D et G formaient un pourvoi en cassation contre cet arrêt.

Par arrêt rendu le 21 juin 1995, la Chambre criminelle de la Cour de cassation cassait et annulait en toutes ses dispositions l'arrêt du 1er février 1995 (chambre d'accusation de la Cour d'appel d'Agen) aux motifs suivants:

- en matière de contrôle bactériologique ou de pureté biologique, les deux experts commis devaient procéder en commun dans le laboratoire auquel l'échantillon avait été remis à son examen. Or, le défaut de respect de ces prescriptions entraînait, sans qu'il fût nécessaire de démontrer un préjudice, la nullité des actes accomplis en violation de ces règles. En conséquence, pour la Chambre criminelle, la Cour d'appel d'Agen avait bien constaté le défaut de respect de ces prescriptions et refusé d'annuler les conclusions déposées en violation desdites prescriptions.

- en outre, alors qu'aux termes de l'article 174 alinéa 1 du Code de procédure pénale devaient être proposés tous moyens pris de la nullité de la procédure à la chambre d'accusation saisie sur le fondement de l'article 173 du Code de procédure pénale, la chambre d'accusation de la Cour d'appel d'Agen avait déclaré irrecevable le mémoire en invalidation des procès-verbaux initiaux et des actes postérieurs, violant ainsi les dispositions de l'article 174 précité.

La Chambre criminelle renvoyait les parties devant la Cour d'appel de Toulouse,

Par arrêt rendu le 18 janvier 1996, la chambre d'accusation de la Cour d'appel de Toulouse jugeait que le mémoire déposé par D et G, même à contenir des moyens de nullité non évoqués par le juge d'instruction dans sa requête du 24 octobre 1994, était recevable.

L'examen du dossier révélait en outre que les onze échantillons d'urine de veau prélevés chez D avaient été analysés et identifiés par le professeur André sous la dénomination D; que les onze échantillons étaient confiés le 9 mars 1994 par un gendarme mandaté par le juge d'instruction à l'expert Mme Lairie à Rennes et que le 3 mai 1994 (annexe 8-15 du rapport d'expertise) ils étaient adressés congelés à l'expert Parsy qui les recevait le 5 mai 1994.

La chambre d'accusation de la Cour d'appel de Toulouse rappelait ces éléments dans sa motivation afin de constater que les échantillons prélevés le 5 avril 1993 chez D étaient bien ceux qui avaient été soumis au Professeur André puis aux experts Lairie et Parsy, estimant qu'ainsi il n'avait point été porté atteinte aux intérêts de D et G.

Cette juridiction jugeait que si les experts n'avaient pas procédé en commun mais successivement à l'examen des échantillons, ils avaient pourtant rédigé un rapport commun et accompli un travail techniquement satisfaisant. S'il était certes établi que M. Parsy avait reçu les onze échantillons descellés, il était toutefois par lui relevé que chaque échantillon était étanche. En outre, si D n'avait pas détruit les échantillons à lui confiés, ils auraient pu être remis scellés à l'expert M. Parsy.

Pour la chambre d'accusation de la Cour d'appel de Toulouse, le fait que les experts aient analysé la buvée prélevée chez M ne pouvait porter atteinte à D et G; enfin, cette juridiction estimait que la dernière critique sur le rapport d'expertise jugé incomplet selon Me Duffourg serait éventuellement tranchée par le juge du fond mais ne sairait entraîner une quelconque nullité du rapport.

La chambre d'accusation de la Cour d'appel de Toulouse déclarait ainsi valide la procédure suivie à Auch et la renvoyait devant la chambre d'accusation de la Cour d'appel d'Agen.

Un pourvoi en cassation était formé par D et G contre cet arrêt.

Par ordonnance rendue le 29 avril 1996, le Président de la Chambre criminelle de la Cour de cassation déclarait n'y avoir lieu de recevoir en l'état ce pourvoi et ordonnait que la procédure soit continuée conformément à la loi devant la juridiction saisie.

Outre ces divers arrêts rendus à la suite de l'ordonnance du juge d'instruction d'Auch du 24 octobre 1994 qui concluaient à la validité des expertises initiales, d'autres décisions statuaient sur:

- la demande de contre-expertise (expertise de Mme Lairy et de M. Parsy) déposée entre les mains du juge d'instruction par Me Duffourg le 27 octobre 1994;

Le magistrat instructeur rendait le 31 octobre 1994 une ordonnance de refus de contre-expertise dont Me Duffourg interjetait appel le 10 novembre 1997,

Statuant par application de l'article 186-1 du Code de procédure pénale, le président de la chambre d'accusation de la Cour d'appel d'Agen jugeait qu'il n'y avait lieu à saisir la chambre d'accusation dans la mesure où D lui-même ayant déclaré avoir détruit les échantillons, il n'était plus possible de faire une contre-expertise.

- la requête en nullité de la procédure déposée par Me Duffourg entre les mains du juge d'instruction d'Auch le 18 avril 1995

Le juge d'instruction rendait le 26 avril 1995 une ordonnance d'incompétence sur cette requête, rappelant qu'aux termes de l'article 173 du Code de procédure pénale pris en son alinéa troisième, les requêtes en nullité devaient être présentées devant la chambre d'accusation.

En conséquence, Me Duffourg déposait une requête devant la chambre d'accusation de la Cour d'appel d'Agen.

La chambre d'accusation de la Cour d'appel d'Agen rendait le 2 novembre 1995 un arrêt sursoyant à statuer sur cette requête jusqu'à ce qu'il ait définitivement été statué sur l'ordonnance du juge d'instruction du 24 octobre 1994 par la cour de renvoi puis rejetait ladite requête en nullité, renvoyant le dossier au juge d'instruction d'Auch pour poursuite de l'information par arrêt du 24 juillet 1996.

Les éléments recueillis dans le cadre de l'information faisaient ressortir que des facteurs de croissance interdits pouvaient avoir été fournis aux élevages intégrés par le groupe X, sous le couvert d'un complément d'alimentation dénommé "Auxine" fabriqué par la société HAK, implantée aux Pays-Bas, par l'intermédiaire de V Antoine.

L'Auxine, produit présenté comme un aliment composé pour bovins, aurait été massivement acquis par le groupe X entre 1991 et 1993: ainsi, les factures saisies au siège de X permettaient d'établir que cette société avait acheté pour 13 657 608 F d'Auxine sur cette période, soit 36 tonnes.

Selon le professeur Griess, chef du Service d'alimentation à l'Ecole vétérinaire de Toulouse, l'Auxine était un aliment minéral vitaminé de composition banale, prescrit à doses extrêmement faibles, qui n'apportait rien en complément d'une alimentation normalement équilibrée aux jeunes veaux. Une étude, menée par la société de nutrition animale CELTIC, évaluait à 4 F environ le kilogramme ce produit que la société SASEX facturait au groupe X 360 F le kilogramme hors taxe.

L'audition de H Jean-François, gérant de société et ancien directeur de la société Atlantic Veaux à Begrolles en Mauges (49) permettait de cerner les Piques: il expliquait ainsi avoir été informé en 1990 par le dénommé M Gert, néerlandais, de la possibilité d'améliorer le rendement des veaux par l'utilisation d'un produit anabolisant. Il décrivait ainsi la marche à suivre: mis en contact avec un dénommé "Antoine", celui-ci lui expliquait qu'il fallait commander de l'auxine à la société SASEX. La commande d'une tonne d'auxine, facturée 360 000 F, entraînait la livraison d'un litre et demi d'anabolisants. Le mode d'emploi était, selon C, d'un millilitre pour 10 litres d'un support qui pouvait être le Sodiazote. Cette quantité, un litre et demi, permettait de traiter entre 5 000 et 10 000 veaux.

Pour H, en raison de son mode d'utilisation-buvable des faibles doses utilisées et de l'efficacité constatée sur les animaux (gain de 10 kgs de carcasse), il ne pouvait s'agir que d'un produit béta-agoniste très concentré dont "Antoine" préconisait l'utilisation trois semaines avant l'abattage pour l'arrêter quelques jours avant cet abattage de façon à limiter les risques de détection du produit à l'abattoir.

H avouait que la facturation d'Auxine masquait la fourniture d'anabolisants et permettait de rentrer cela en comptabilité; il savait que l'Auxine ne pouvait coûter ce prix car il s'agissait d'un produit tout à fait anodin.

Un autre intégrateur, Noël O, était entendu le 15 octobre 1996: il confirmait lui aussi avoir acquis de l'Auxine par l'intermédiaire de la SASEX: L'Auxine lui aurait été livrée par transporteur; étaient séparément livrés deux bidons de 20 litres d'un liquide transparent sans étiquettes qu'il donnait à dose infinitésimale un mois avant l'abattage, avouant que ce liquide transparent devait, à son avis, contenir des béta-agonistes.

Selon les enquêteurs, la nocivité des béta-agonistes - tels que le clenbutérol, le mabutérol, le méthyl-mabutérol ou le mapentérol - dont l'influence pouvait être importante sur le système cardio-vasculaire (tachycardie, vaso dépression) ou le système neuro-musculaire (tremblements et crampes), était établie.

En effet, les résidus de béta-agonistes, présents dans la viande et les organes comme le foie, avaient entraîné en septembre 1990 plusieurs intoxications alimentaires collectives ou, plus récemment, 136 hospitalisations en Espagne en janvier 1994 à la suite de l'ingestion de foies de veaux contenant du clenbutérol.

Outre les problèmes de santé publique, l'utilisation de béta-agonistes constituait à l'évidence des Piques déloyales vis-à-vis des éleveurs honnêtes: en effet, alors que le bénéfice pour les fraudeurs pouvait varier de 500 F à 1 500 F par animal, le prix de ces produits interdits revenait aux environ de 100 F tandis que les bêtes, gagnant en poids mais surtout en qualité de conformation, étaient vendues plus cher en consommant moins d'aliments et pendant une période d'engraissement réduite.

Les éleveurs Steward N et Claude D devaient, aux termes de diverses investigations, être mis hors de cause.

En effet, s'agissant de N, l'expertise Parsy-Lairie précitée concluait à l'absence de béta-agonistes dans la buvée prélevée. Pour ce qui concernait D Claude, bien qu'à l'étude d'une conversation téléphonique enregistrée le 29 novembre 1993 qu'il avait eue avec M. Bousse ("si on cherche la petite bête, avec nos veaux on n'est pas clair") ou des expertises Parsy-Lairie qui concluaient à la présence de méthyl-mabutérol dans les urines de ses veaux, il est apparu plausible qu'il ait eu connaissance qu'il administrait des produits interdits, aucun élément de l'information ne venait corroborer sa participation active à l'infraction. Il ne cessait d'ailleurs d'affirmer que lesdits produits avaient fort bien pu être administrés dans des additifs comme le Sodiazote, mais à son insu.

Par contre, le rôle actif de certains des techniciens employés par les SICA a été mis en évidence.

a) Gilbert M:

Placé en garde-à-vue une première fois le 17 octobre 1994, il indiquait avoir occupé la fonction de technicien vétérinaire dans le groupe X, ayant même été administrateur de la SICA Y. Il indiquait alors qu'à son avis, G, également technicien, devait utiliser des anabolisants livrés par un dénommé "Antoine". Il confirmait ce point sur commission rogatoire le 27 octobre 1994 en déclarant qu'alors qu'il se trouvait à Colayrac Saint Cirq (47) chez L Georgette, il avait aperçu un fax provenant de la société SASEX (où il savait qu'"Antoine" avait des intérêts) arriver et être rapidement retiré puis dissimulé par Mme L. Il disait qu'Antoine vendait des produits interdits sous le nom d'Auxine.

Placé à nouveau en garde-à-vue le 3 mai 1996, il affirmait qu'il savait comme tous les techniciens du groupe qu'il y avait utilisation de facteurs de croissance dans certains produits hépato-protecteurs qui leur étaient remis pour distribuer dans les élevages de veaux. Dans le local "Pharmacie" des établissements X à Fleurance se trouvaient les bidons où étaient les produits interdits qu'ils livraient ensuite aux éleveurs.

Il était mis en examen des chefs de fraudes rendant la marchandise dangereuse ou nuisible pour la santé de l'homme et falsification de denrées alimentaires dans le Gers, courant 91, 92 et 93 par utilisation de béta-agonistes et de substances apparentées interdites administrées à des veaux dans le cadre d'élevage intégrés par la société X le 6 mai 1996.

Suivant l'interrogatoire de première comparution, il revenait sensiblement sur les déclarations faites le 3 mai 1996 indiquant notamment n'avoir pris conscience de la distribution de béta-agonistes qu'après la saisie de veaux dans certains élevages et les analyses de 1993.

La confrontation du 6 juin 1996 entre le mis en examen et dame L Georgette mettait en évidence des contradictions: ainsi Mme L indiquait-elle que les produits interdits acheminés par V et réceptionnés par elle-même et Cariolli étaient ensuite distribués aux directeurs des SICA; selon elle, M prenait les bidons soit sur les lieux de l'entreprise, soit à son domicile.

M, sur ce point, niait avoir détenu directement ou indirectement ce produit réaffirmant qu'il n'avait eu vent du trafic d'anabolisants qu'après les premières analyses en 1993. Il se bornait à prétendre n'avoir eu qu'un rôle très réduit, comme simple technicien, au sein de la société.

Pourtant il avouait avoir jeté les bidons d'hépato-protecteurs au caniveau, arguant d'ailleurs du fait qu'aucun contrôle ne s'était avéré positif dans les élevages qui dépendaient d'Y, afin, disait-il de ne point courir de risques.

b) Fernand P:

Steward N, durant son interrogatoire de première comparution le 10 octobre 1994, avait affirmé que seul ce technicien lui fournissait des médicaments pour les bandes de veaux.

Entendu sur commission rogatoire le 27 octobre 1994, P disait avoir été le technicien de la société Z de 1985 jusqu'à son licenciement le 30 juin 1993. Il déclarait que Mme L s'occupait de l'administration et de la comptabilité des SICA; l'ensemble des factures passait donc par elle.

Il prétendait n'avoir jamais mis de produits interdits dans les bidons qu'il apportait aux éleveurs et disait que l'Auxine lui était inconnue.

Entendu à nouveau sur commission rogatoire le 17 décembre 1996, il s'avérait nettement plus disert, expliquant notamment qu'il n'était pas dupe des bons résultats obtenus sur certaines bandes de veaux, se rappelant qu'à deux reprises, Mme L lui avait donné des flacons d'un demi litre d'un produit clair ressemblant à de l'eau qu'elle lui avait demandé de répartir à dose infime dans plusieurs bidons de Sodiazote.

S'il niait, en qualité de directeur et technicien de la SICA de Z avoir participé à la mise en place de la filière permettant d'obtenir des facteurs de croissance ou avoir su que les factures d'Auxine masquaient l'achat d'anabolisants, il indiquait qu'au cours d'une réunion hebdomadaire avec la direction et les techniciens, Mme L avait évoqué l'usage de produits interdits: celle-ci aurait annoncé "on a quelque chose sous la main, il va falloir l'essayer" et même indiqué la posologie à donner aux veaux. Mme L imposait de mettre ces produits interdits dans des bidons d'hépato-protecteurs, le Sodiazote; elle tenait également, disait-il, à ce que les éleveurs ne soient pas au courant de l'introduction de produits interdits dans les aliments livrés.

P expliquait avoir relevé, en période de rupture de stock de produits interdits, une chute dans le résultat des bandes. Il confirmait que tous les techniciens, G, Capelle, M ou lui-même, étaient au courant du système.

P Fernand était mis en examen le 19 mars 1997 des chefs de fraudes rendant la marchandise dangereuse pour la santé de l'homme et falsification de denrées alimentaires courant 1991, 1992 et 1993 par l'administration de béta-agonistes à des élevages de veaux intégrés par le groupe X.

Durant son interrogatoire de première comparution, il revenait sensiblement sur l'importance des faits reconnus dans sa dernière déclaration pourtant maintenait-il:

- que L Georgette lui avait remis à une seule reprise une fiole de produits interdits,

- que celle-ci lui avait recommandé de mettre ce produit directement dans les bacs à lait, indiquant un dosage de 10 cl par litre,

- qu'il n'utilisait pas d'Auxine dans la SICA dont il avait la charge en dépit des importantes commandes apparaissant en comptabilité,

- que l'utilisation de produits interdits avait été évoquée ainsi que les modalités Piques lors d'une réunion du vendredi, cependant, plus avant dans l'interrogatoire, il revenait sur ce point,

- que des bidons de Sodiazote avaient été livrés non sertis chez des éleveurs.

c) Christian Capelle:

Entendu sur commission rogatoire le 14 janvier 1997, Capelle Christian, directeur de la SICA Q jusqu'en 1991, affirmait qu'il ne s'expliquait pas les importantes factures d'Auxine figurant dans la comptabilité de cette SICA, disant que les comptes étaient faits par Mme L. Il niait avoir été au courant de la livraison de produits interdits ou en avoir entendu parler lors des réunions de techniciens, Il avouait pourtant être mis en examen pour ce genre de faits par les juges d'instruction de Cahors et Agen.

Durant son interrogatoire du 9 mai 1997, il indiquait avoir quitté le groupe X en août 1991 pour créer sa propre société "Quercy Limousin Viande". Il niait, au sein de Q dont il était le directeur, avoir eu en sa possession l'Auxine, Il niait s'être interrogé sur le produit se trouvant dans les bidons de 5 litres donnés en fin de bande.

La confrontation entre Capelle et Mme L n'apportait aucun élément.

Capelle Christian, tenu à l'écart des réunions des techniciens à compter de mars/avril 1991, a bénéficié d'une ordonnance de non-lieu.

d) Jean-Marc G:

Lorsqu'il était entendu dans le cadre de sa garde-à-vue le 18 octobre 1994, G, qui expliquait avoir été l'un des administrateurs de la SICA W à compter de 1992, être le concubin de L Véronique et être technicien dans la SICA Y, niait avoir su que des anabolisants étaient utilisés dans le groupe X. Interrogé sur l'indice de consommation surprenant dans l'élevage D (indice de 1,26), il déclarait que cela n'était pas possible, indiquant que le bon indice était 1,50.

Présenté au magistrat instructeur sur mandat d'amener le 18 octobre 1994, il était mis en examen des chefs de fraudes rendant la marchandise impropre à la consommation de l'homme, falsification de denrées alimentaires (utilisation d'anabolisants ou béta-agonistes courant 93); durant l'interrogatoire de première comparution, il maintenait n'avoir jamais utilisé d'anabolisants.

Il était interrogé le 29 avril 1996 et mis supplétivement en examen pour les mêmes faits courant 91, 92 et 93 en vertu d'un réquisitoire supplétif du 18 avril 1996. Il reconnaissait avoir utilisé un produit dénommé Auxine, dont il assurait ignorer la provenance, qui serait une vitamine. Il confirmait n'avoir jamais utilisé sciemment des produits interdits mais n'excluait pas que cela se soit, à son insu, produit. Il disait qu'il avait entendu parler de V Antoine dans le groupe X.

L Georgette, mère de la concubine de G, refusait de répondre sur la participation de ce dernier dans le trafic d'anabolisants, déclarant qu'à l'époque, il n'était pas directeur de SICA.

Pourtant, Mme L, durant sa garde-à-vue (le 17 avril 1996), admettait que G avait bien utilisé des produits interdits: ainsi, précisait-elle, que tous les techniciens de groupe avaient utilisé systématiquement ce produit indiquant que seul G s'était quelque peu désolidarisé en arrêtant d'utiliser ce produit.

Entendu sur commission rogatoire le 30 janvier 1995, F Patrick déclarait avoir travaillé en qualité d'acheteur de bestiaux pour la société X jusqu'en 1992. Il disait connaître V Antoine, responsable de la SASEX; cette société, selon lui, commercialisait l'Auxine. Pour F, V, sous couvert de l'Auxine, livrait des anabolisants; en faisant passer les anabolisants pour de l'Auxine, cela permettait de la passer en comptabilité. En réalité, V livrait des bidons d'une contenance approximative de 20 litres contenant les anabolisants mais dont la composition n'était pas précisée. Ces bidons étaient selon lui transparents et contenaient un liquide incolore. Il disait avoir assisté à ces livraisons à trois ou quatre reprises, V traitant uniquement et directement avec Mme L. Il disait ignorer comment celle-ci était entrée en contact avec V.

Dans le cadre des investigations menées sur commission rogatoire étaient annexés à la procédure de nombreux documents saisis au siège de la société SASEX (SARL), dont une télécopie à l'en-tête des établissements X datée du 20 février 1991 adressée à la SASEX, signée F. Dans ce document, F indiquait avoir rencontré un représentant de la société HAK en Allemagne qui lui avait présenté le produit Auxine. F souhaitait des renseignements complémentaires sur ce produit.

A ce propos, F déclarait dans un premier temps, le 30 janvier 1995, n'avoir pas rédigé ce courrier qu'il lui avait été demandé de signer sans plus d'explication mais était plus disert durant sa garde-à-vue: il déclarait alors que L Georgette, en raison d'une mauvaise conjoncture économique, avait décidé d'utiliser des anabolisants. Elle lui avait expliqué que l'Auxine était un produit de substitution et lui avait demandé de signer le fax sollicitant des renseignements sur ce produit.

Durant son interrogatoire du 11 avril 1996, F disait avoir appris après février 1991 que des anabolisants arrivaient chez X, soit après l'envoi du fax qu'on lui avait demandé de signer. Il ajoutait s'être alors enquis auprès de Mme L de la nature exacte de l'Auxine dont celle-ci lui avait confirmé qu'il s'agissait d'anabolisants.

Il était mis en examen le 3 mai 1996 des chefs de fraudes rendant la marchandise dangereuse pour la santé de l'homme, falsification de denrées alimentaires courant 1991 et 1992 sur le territoire national (distribution de béta-agonistes aux élevages de veaux intégrés par le groupe X). Il confirmait alors que Mme L lui avait révélé la nature exacte de l'Auxine, qu'il avait signé le fax du 20 février 1991 au motif qu'il était le seul à voyager dans le groupe, qu'il avait rencontré V lors des premières livraisons des bidons transparents. Selon lui, c'est Mme L qui prenait possession de ces bidons.

En dépit de ses déclarations précises sur l'acquisition de produits interdits sous couvert d'Auxine, il ne se reconnaissait pourtant aucun rôle direct dans ce trafic.

L'information permettait cependant de révéler son rôle beaucoup plus important qu'il ne voulait l'admettre. Ainsi, Mme L, dès le début de sa garde-à-vue le 17 avril 1996 déclarait qu'après un voyage de F en Allemagne début 1991, celui-ci l'avait informé d'une filière pour utiliser des facteurs de croissance; qu'en raison des résultats faibles du groupe à l'époque et des difficultés financières afférentes, il avait été décidé d'avoir recours à ces facteurs de croissance; qu'en conséquence, F avait signé le document du 20 février 1991 visant à obtenir des renseignements sur l'Auxine. Durant son interrogatoire de première comparution, Mme L confirmait avoir été mise en contact avec la société SASEX par l'intermédiaire de F, ajoutant que ce dernier avait réceptionné voire livré ces produits interdits.

La société de "X" de Fleurance était gérée en droit par L Maurice et en fait, sur les questions de production, par son épouse, comptable de l'entreprise, L Georgette.

a) L Georgette:

Dès son placement en garde-à-vue le 17 avril 1996, Mme L reconnaissait qu'à la faveur d'un consensus avec tous les techniciens du groupe X (G, P, M), il avait été décidé en raison de difficultés financières d'utiliser des facteurs de croissance dont F lui avait parlé. Elle avait accepté de passer ce produit en comptabilité sous couvert de l'achat d'Auxine. Elle reconnaissait avoir personnellement passé tous les mois les commandes d'Auxine; pour chaque commande d'Auxine et proportionnellement à la quantité de celle-ci, elle recevait une quantité de facteurs de croissance (un liquide translucide) livrée par V ou F. Selon elle, le jour même de la livraison voire le lendemain, les facteurs de croissance étaient distribués dans les SICA répartis au prorata des veaux mis en élevage.

Présentée au magistrat instructeur le 18 avril 1996, elle était mise en examen des chefs de fraudes rendant la marchandise dangereuse pour la santé de l'homme et falsification de denrées alimentaires dans le Gers courant. 91, 92 et 93.

Durant l'interrogatoire de première comparution, elle tentait d'édulcorer l'importance de ses premières déclarations, se retranchant derrière son statut de comptable et affirmant n'avoir pas pris elle-même l'initiative de ce système qui, à l'en croire, était d'une Pique courante. Elle déclarait pourtant au juge d'instruction que ces produits, dont elle disait ne pas mesurer les conséquences, étaient présentés comme des produits miracles.

Durant la confrontation du 13 mai 1996, Mme L maintenait que sous couvert d'Auxine, elle savait qu'elle commandait des facteurs de croissance interdits, mais précisait qu'au sein du groupe X, elle était une administratrice, avouant par-là qu'elle était au courant du système mais refusait d'en endosser seule la responsabilité. Elle indiquait d'ailleurs qu'il s'agissait d'une décision concertée avec M et les directeurs des SICA de l'époque.

L Georgette, qui a reconnu commander puis réceptionner les produits interdits, était mise en cause par P et M comme leur ayant directement remis des flacons de ces produits.

b) L Maurice:

Entendu sur commission rogatoire le 24 octobre 1994, L reconnaissait avoir utilisé des anabolisants jusqu'en 1988, date à laquelle ils avaient été interdits, mais jamais depuis.

Durant sa garde-à-vue le 17 avril 1996, il maintenait tout ignorer de la facturation d'Auxine, de l'existence de la société SASEX, de l'administration de béta-agonistes au sein du groupe dont il était le PDG.

Il pensait que les techniciens des SICA (G, M, C et P) étaient à l'origine de l'affaire des anabolisants, L disait que, dans cette affaire, sa femme avait couvert des voyous.

Il était mis en examen le 18 avril 1996 des chefs de fraudes et falsifications de denrées alimentaires.

Durant l'interrogatoire de première comparution, il continuait à nier avoir été mis au courant de l'affaire.

Lors de la confrontation du 13 mai 1996, il disait que les techniciens s'occupaient des achats de produits pharmaceutiques ou vétérinaires et qu'ils étaient les seuls à détenir les clés du local pharmacie. Il continuait donc à nier toute implication dans le trafic.

Si L Georgette avait, à maintes reprises, affirmé que son mari n'était au courant de rien, d'autres mis en examen estimaient impossible la mise hors de cause de L, et notamment F qui affirmait que Mme L ne faisait rien sans consulter son mari ou encore P qui décrivait l'irruption de L lors des réunions hebdomadaires des techniciens pour les vilipender à propos de leurs médiocres résultats.

Pourtant nommément mis en cause par H, O, M, F et dame L, Antonius V protestait obstinément de son innocence durant toute l'information.

Les investigations permettaient toutefois d'établir que V, gérant de fait de la société d'Aménagement des sols et exploitations (SASEX), bien que le gérant de droit fût le dénommé Jean Evrard, facturait l'Auxine 360 F le kg. Ce produit, fabriqué par la société HAK implantée à Werkendam aux Pays-Bas, était importé par la SASEX (SARL). M. Hak était entendu le 25 avril 1996 sur commission rogatoire internationale aux Pays-Bas. L'exploitation des documents de la société HAK Pharma mettait en évidence que la société SASEX lui assurait 50 % des ventes d'Auxine. M. Hak, qui ne fournissait aucune explication sur les différents prix de vente de l'Auxine et notamment sur le prix fort payé par V s'étonnait toutefois de ce dernier point. Il disait connaître les activités de V, faisant même état de trafic d'hormones. Selon les militaires de la section Recherches d'Agen, la surfacturation évidente de l'Auxine en regard, notamment des analyses précitées masquait la fourniture d'anabolisants du laboratoire néerlandais à la société SASEX.

Par arrêt susvisé du 17 décembre 1998, la cour de céans a, après avoir prononcé la disjonction des poursuites à l'égard de Mme L:

- Sur l'action publique:

Réformé le jugement entrepris en ce qu'il a:

* déclaré V Antonius coupable du délit de tromperie, Maurice L, Patrick F et Jean-Marc G coupables des délits de tromperie et d'exposition, mise en vente ou vente de denrées falsifiées, Gilbert M et Fernand P coupables du délit d'exposition, mise en vente ou vente de denrées falsifiées,

* condamné Patrick F à la peine de 4 ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis et à une amende de 300 000 F,

* condamné Gilbert M et Jean-Marc G chacun à une amende de 300 000 F,

* prononcé à l'encontre de Antonius V, de Patrick F, de Gilbert M, de Fernand P et de Jean-Marc G l'interdiction pour une durée de 5 ans d'exercer une activité liée au commerce et au négoce de la viande ovine, porcine ou bovine,

et, statuant à nouveau, sur ces chefs, prononcé la relaxe de L Maurice,

Prononcé la relaxe partielle de V Antonius du chef de tromperie,

Prononcé la relaxe partielle de Patrick F du chef de tromperie et requalifié le délit d'exposition, mise en vente ou vente de denrées falsifiées corrompues ou toxiques, nuisibles à la santé de l'homme ou de l'animal qui lui était reproché en complicité de vente de denrées falsifiées, corrompues ou toxiques, nuisibles à la santé de l'homme ou de l'animal,

Déclaré Patrick F coupable de ce dernier délit de complicité.

En répression, condamné Patrick F à la peine de 3 ans d'emprisonnement dont 2 ans avec sursis et à une amende de 100 000 F,

Prononcé la relaxe partielle de Gilbert M, de Fernand P et de Jean-Marc G du chef d'exposition, mise en vente ou vente de denrées falsifiées, corrompues ou toxiques, nuisibles à la santé de l'homme ou de l'animal,

Requalifié le délit de tromperie sur la nature et les qualités substantielles d'aliments pour animaux, ayant eu pour effet de rendre la marchandise dangereuse pour l'homme et l'animal reproché à Jean-Marc G en complicité de tromperie sur la nature et les qualités substantielles d'aliments pour animaux, ayant eu pour effet de rendre la marchandise dangereuse pour l'homme et l'animal,

Déclaré Jean-Marc G coupable de ce dernier délit de complicité,

Condamné M Gilbert et G Jean-Marc à une amende de 100 000 F chacun,

Dit n'y avoir lieu à prononcer à l'encontre de V Antonius, de F Patrick, de M Gilbert, de P Fernand et de G Jean-Marc l'interdiction pour une durée de 5 ans d'exercer une activité liée au commerce et au négoce de la viande ovine, porcine ou bovine,

Confirmé le jugement en ce qu'il a:

* déclaré V Antonius coupable du délit d'exposition, mise en vente ou vente de denrées falsifiées, corrompues ou toxiques, nuisibles à la santé de l'homme et de l'animal et l'a condamné à la peine de 4 ans d'emprisonnement et à une amende de 500 000 F,

* déclaré M Gilbert et P Fernand coupables du délit de tromperie sur la nature et les qualités substantielles d'aliments pour animaux, ayant eu pour effet de rendre la marchandise dangereuse pour l'homme et l'animal,

* condamné M Gilbert et G Jean-Marc à la peine de 2 ans d'emprisonnement dont 18 mois avec sursis,

* condamné P Fernand à la peine de 2 ans d'emprisonnement avec sursis et à une amende de 100 000 F,

y ajoutant,

Dit que V Antonius se trouvait en état de récidive légale,

Ordonné le maintien en détention de V Antonius.

- Sur l'action civile:

Réformé le jugement entrepris en ce qu'il a reçu l'Union fédérale des consommateurs "Que Choisir" et le Syndicat de la vitellerie française en leurs constitutions de partie civile à l'égard de L Maurice et, statuant à nouveau,

Déclaré ceux-ci irrecevables en leurs constitutions de partie civile à l'égard de L Maurice,

Confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a reçu les autres constitutions de partie civile à l'égard de V Antonius, F Patrick, M Gilbert, P Fernand et G Jean Marc et les a condamnés solidairement à payer:

* à l'Union fédérale des consommateurs "Que Choisir" la somme de 200 000 F à titre de dommages et intérêts, outre celle de 15 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,

* au Syndicat de la vitellerie française la somme de 100 000 F à titre de dommages et intérêts, outre celle de 15 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de la procédure pénale,

Y ajoutant, condamné solidairement V Antonius, F Patrick, M Gilbert, P Fernand et G Jean-Marc à payer, au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel:

- la somme de 20 000 F à l'Union fédérale des consommateurs "Que Choisir",

- celle de 20 000 F au Syndicat de la vitellerie française.

C, M et G ont formé un pourvoi en cassation à l'encontre dudit arrêt,

Attendu que L Georgette est poursuivie pour avoir:

1°) sur le territoire du Gers, courant 1991, 1992 et 1993 trompé ou tenté de tromper le co-contractant sur la nature et les qualités substantielles d'aliments pour animaux, en l'espèce des aliments contenant les béta-agonistes, avec cette circonstance que la tromperie a eu pour effet de rendre la marchandise dangereuse pour l'homme ou l'animal.

2°) dans les mêmes circonstances de temps et de lieux, exposé, mis en vente ou vendu des denrées servant à l'alimentation de l'homme ou des animaux, en l'espèce par l'utilisation de béta-agonistes, qu'il savait falsifiés, corrompues ou toxiques, avec cette circonstance que la marchandise était nuisible à la santé de l'homme ou des animaux.

Faits prévus et réprimés par les articles L. 213-1, L. 213-2, L. 213-3, L. 216-1 et L. 216-2 du Code de la consommation;

Attendu que, pour sa défense, Mme L, sans contester la matérialité des faits à elle reprochés, a en particulier fait valoir que:

- après des soubresauts législatifs, l'utilisation d'hormones dans les élevages a été interdite, ce qui a mis de nombreuses sociétés dans une situation économique très dangereuse,

- en acquérant T de Fleurance, la société X (SA) a fait une reprise "d'orgueil", l'administration ayant exigé des travaux de rénovation très importants,

- dans les années 1992 et 1993, L Maurice avait voulu rompre avec la tradition qui consistait à "piquer" les animaux,

- cependant, compte tenu du mauvais contexte économique, C avait proposé l'instauration du système permettant l'administration aux animaux de facteurs de croissance illicites sous couvert de l'Auxine,

- seule femme dans un milieu d'hommes, ceux-ci avaient forcément eu recours à elle pour qu'elle entre en comptabilité de l'Auxine en masquant les livraisons de facteurs de croissance par V,

- en l'état actuel des travaux scientifiques, il n'était pas prouvé de manière certaine que les résidus d'hormones de croissance dans les viandes présentaient un danger pour la santé humaine, ainsi qu'il ressortait en particulier des débats actuels devant l'organe de règlement des différends de l'Organisation mondiale du commerce,

- enfin, à la suite de l'information pénale dont elle avait fait l'objet, de son incarcération et de la faillite de la société X (SA), source de graves difficultés financières, son état de santé avait été très affecté;

Attendu que le Ministère public a précisé que les facteurs de croissance utilisés frauduleusement par la société X (SA) étaient des facteurs anabolisants de synthèse, lesquels n'avaient jamais été autorisés en France, à la différence des facteurs de croissance naturels, lesquels avaient été autorisés à une époque révolue; qu'en droit positif, les produits anabolisants utilisés dans l'entreprise X faisaient l'objet d'une interdiction totale à l'époque des faits et jusqu'à l'heure actuelle, en raison de leur dangerosité, laquelle s'était révélée en particulier en Espagne; qu'il a requis la confirmation de la décision dont appel quant à la condamnation de L Georgette à la peine de 4 ans d'emprisonnement dont 2 ans avec sursis

Attendu que L Georgette a en particulier déclaré:

(cote D458). "En ce qui concerne les anabolisants dans le groupe X, je tiens à m'expliquer. Cela a débuté début 1991 suite à un voyage de F Patrick en Allemagne. A cette époque les résultats du groupe étaient faibles et pour les remonter il a été pris la décision d'utiliser des facteurs de croissance car F avait durant son voyage trouvé une filière et pour enclencher le marché, il a écrit une lettre, qui a dû être tapée à la machine par une secrétaire. Par contre il a signé ce document en connaissance de cause. Il n'est pas impossible que de tels produits aient été utilisés avant mais par les techniciens directement. Il y a eu un consensus entre tous les techniciens pour utiliser le produit. J'ai accepté de passer ce produit en comptabilité sous couvert de l'achat d'Auxine.

L'Auxine était vendue par une société SASSEX de Saulnes (54). Elle était livrée par transporteur à Colayrac. Je n'ai pas souvenance du nom du transporteur car elle était livrée franco départ et que je n'ai pas gardé de document. Elle était conditionnée en sac de 25 ou 50 kgs mis en palette. J'ai vu à plusieurs reprises que des sacs d'Auxine se trouvaient à Colayrac. Je pense que l'Auxine a été ensuite distribuée dans les élevages. Toute livraison a fait l'objet d'une facturation. Je n'avais aucun contrôle de la réalité des livraisons. Je payais les factures qui étaient présentées. Dans l'ensemble, j'effectuais les commandes personnellement, à peu près tous les mois, par fax. La quantité commandée était liée au nombre de veaux se trouvant dans les SICA.

A ma connaissance, toute la facturation se faisait sous le couvert de l'Auxine. Toutes les factures étaient payées par traites.

Parallèlement à ces livraisons, pour chaque commande d'Auxine et proportionnellement à la quantité de cette dernière, on recevait une quantité de facteurs de croissance conditionnée dans des emballages qui pouvaient être de différentes contenances. Je ne me souviens plus de la concordance entre Auxine commandée et facteur de croissance livré. Ces facteurs de croissance étaient présentés sous la forme d'un liquide translucide. Ces livraisons étaient effectuées par V Antoine. Je me souviens que F a également effectué des livraisons. Il m'est arrivé de recevoir des produits d'Antoine et de F, mais il est arrivé que ces produits arrivent sans que je sois présente. Dans ce cas là, c'était M qui assurait la réception du produit.

Il me semble que tous les facteurs de croissance étaient fournis par V Antoine, bien que F ait servi quelques fois d'intermédiaire. A ma connaissance, les livraisons se faisaient par véhicule privé, en général, celui d'Antoine. Le jour même de la livraison, voire le lendemain, ces facteurs de croissance étaient distribués dans les SICA, répartis au prorata des veaux mis en élevage. La répartition incombait soit à moi, soit aux techniciens.

(...)

Je connais V Antoine depuis un certains nombre d'années pour l'avoir vu sur les marchés aux bestiaux."...

(côte D462)... "Il y avait bien de l'Oxyne de livré, mais il y avait un autre produit qui était livré également et qui n'apparaissait pas comme tel mais qui était englobé dans la facture d'Oxyne.

SI: Je pense que ces livraisons devaient être mensuelles comme les livraisons d'Oxyne.

SI: C'était un "gars" qui amenait les produits.

SI: Je le connaissais sous le prénom d'Antoine, je ne savais pas quelles étaient ces activités exactes. Dans ce milieu, tout le monde se connaît plus ou moins et on ne cherche pas à en savoir trop.

SI: Antoine me livrait que le produit, l'Oxyne était livré par ailleurs par un transporteur.

SI: Le produit était conditionné en bidon, il était ensuite transmis aux techniciens.

SI: Les livraisons avaient lieu à différents endroits notamment au siège de la société.

(côte D489 confrontation): "En fait, en commandant l'Auxine, on recevait une quantité proportionnelle de facteurs de croissance.

Je n'ai pas réceptionné toutes les livraisons mais j'en ai réceptionné un certain nombre, c'est bien M. V ici présent qui m'apportait les produits interdits.

(côte E161). "Je connaissais V de vue, c'était de notoriété publique qu'il vendait des produits. C'est F qui m'a mise en contact avec V, c'était un système vicieux.

(...)

C'est lui (V) qui me fournissait en produit liquide. Je le connais, je l'ai vu 3 ou 4 fois "...;

Attendu qu'en sa qualité de présidente des conseils d'administration des SICA Y, W et Z, L Georgette a vendu en toute connaissance de cause à la société X (SA) des veaux dont l'alimentation comprenait des béta-agonistes; qu'en sa qualité de directeur administratif et financier de la société X, elle a concouru à la revente des mêmes veaux; qu'elle a ainsi trompé les acquéreurs des veaux revendus par la société X sur les qualités substantielles des aliments consommés par ces veaux, dès lors que lesdits acquéreurs ignoraient que cette alimentation n'était pas naturelle mais avait comporté l'adjonction de produits anabolisants de synthèse, et que, s'ils avaient connu cette fraude, ils n'auraient pas contracté; qu'ils ont été d'autant plus trompés que le groupe X vendait cette viande sous la marque déposée "Le veau T de Fleurance", marque prétendant garantir sa qualité naturelle;

Attendu en outre que cette tromperie a eu pour effet de rendre la marchandise dangereuse pour l'homme ou l'animal;

Attendu, en effet, qu'un anabolisant est un ensemble de molécules ayant en commun la capacité d'améliorer la balance azotée des organismes animaux par une augmentation de l'anabolisme protidique; que les béta-agonistes (substances chimiques apparentées à l'adrénaline), tels le clenbutérol, le mabutérol, le methy-mabutérol, le cimatérol, le methyl cimatérol, le salbutamol, le mapentérol, sont qualifiés d'anabolisants de substitution;

Attendu qu'il est précisé dans une note d'information du Ministère de l'agriculture (côte D620) que:

- comme les catédrolamines, les béta-agonistes peuvent agir sur les fonctions cardiaques, artérielles et pulmonaires. Les animaux en les recevant ont une fréquence cardiaque augmentée (très nette sur le veau), pendant une période d'adaptation plus ou moins longue selon les molécules employées et un métabolisme basal accru, ce qui n'est pas entièrement bénin, surtout chez les animaux sensibles au stress. On rapporte une nette augmentation des accidents au cours du transport des veaux ou des porcs.

- ces produits, purs, peuvent être dangereux par simple inhalation pour les personnes qui les manipulent (accident ayant nécessité une hospitalisation);

Attendu que les enquêteurs de la gendarmerie ont en outre précisé (côte D676):

"Ces produits ont une influence non négligeable sur le système cardio-vasculaire (tachycardie. vaso dépression) ainsi que sur le système neuro musculaire (tremblement et crampes).

Les résidus, présents dans les viandes et les organes comme le foie ont entrainé en septembre 1990, plusieurs intoxications alimentaires collectives dues à la présence d'un béta-agoniste "le clenbutérol" dans du foie de veau ont été mises en évidence dans les régions de Roanne, Clermont Ferrand et Saint-Etienne. Vingt-deux personnes ont été atteintes. Tous les patients se sont plaints de céphalées et de tremblements. La majorité d'entre eux ont présenté des vertiges, des palpitations et parfois des malaises. (cf. article du bulletin épidémiologique hebdomadaire n° 5-1991)

Plus près de nous, en janvier 1994, l'Espagne a été frappée par des intoxications. Cent trente-six personnes ont été intoxiquées à la suite de l'ingestion de foies de veau contenant du clenbutérol. Sur ces personnes, cent vingt-sept ont été hospitalisées.

L'usage des béta-agonistes en élevage n'est pas anodin et peut entraîner des problèmes sérieux de troubles de la santé tant aux animaux qu'aux humains qui consomment la viande."...

Attendu qu'il est ainsi démontré, contrairement aux allégations de la prévenue, que les béta-agonistes utilisés dans la présente affaire sont dangereux et nuisibles à la santé de l'homme ou des animaux, étant en outre observé qu'étant livrés à l'état brut et non de manière dosée (à la différence des médicaments), leur administration réelle aux animaux pouvait être faite à des doses très largement supérieures à celles utilisées dans les médicaments et sans contrôle;

Attendu que Mme L s'est en outre rendue complice du délit de vente de denrées servant à l'alimentation de l'homme ou des animaux qu'elle savait être falsifiées, corrompues ou toxiques, nuisibles à la santé de l'homme et de l'animal, délit commis par V; qu'en effet, en toute connaissance de cause, elle a, par aide ou assistance, facilité la consommation de ce délit en commandant, sous couvert d'Auxine, et en entreposant des béta-agonistes livrés par V, et en acceptant d'utiliser la comptabilité de la société X (SA) pour couvrir l'achat de produits illicites; que, sans son aide, V n'aurait pu vendre des facteurs de croissance interdits à ladite société;

Attendu qu'il convient, dans ces conditions, de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré Mme L coupable du délit de tromperie mais de le réformer quant à la seconde prévention en requalifiant le délit de vente de béta-agonistes en complicité dudit délit;

Attendu, quant au prononcé de la peine que commandent pareils agissements, qu'il convient de prendre en considération:

- la nature et la particulière gravité des faits commis au regard tant de la santé animale et humaine que de leurs conséquences économiques, ce type de fraude étant de nature à faussement les règles de concurrence loyale entre entreprises,

- la fonction de dirigeante de droit ou de fait de Mme L tant au sein des différentes SICA que de la société X (SA), cependant tempérée par le rôle des directeurs et techniciens des SICA qui, tels M, P et G, sont manifestement, par leur volonté délibérée de poursuivre des Piques anciennes, à l'origine du système frauduleux mis en place,

- les aveux très précis que Mme L a passés, mettant en cause V, M, P et G, de nature à faciliter les investigations du magistrat instructeur, aveux qui ont été maintenus devant les premiers juges puis devant la cour et témoignent de la prise de conscience par la prévenue, à la différence de ses co-prévenus masculins, de ses responsabilités et de la nécessité de mettre un terme à des Piques illégales,

- sa détention provisoire,

- les conséquences patrimoniales consécutives à la faillite de la société X,

- son état de santé préoccupant, établi par différents certificats médicaux faisant état d'un état dépressif sévère avec des idées suicidaires ayant justifié des hospitalisations

Attendu, dans ces conditions, que la cour réformera le jugement entrepris en la condamnant à la peine de 4 ans d'emprisonnement avec sursis et à une amende de 100 000 F;

Attendu que la peine d'interdiction pour une durée de 5 ans d'exercer une activité liée au commerce et au négoce de la viande ovine, porcine ou bovine n'est pas encourue pour les délits dont Mme L a été reconnue coupable; qu'il convient donc de réformer le jugement sur ce chef;

Attendu, sur l'action civile, que sur le vu de la constitution de partie civile de l'Union fédérale des consommateurs (UFC), Maître Dupuy de Goyne, avocat au barreau d'Auch, a prié la cour de réformer le jugement et:

- de condamner Mme L, solidairement et conjointement avec les autres prévenus, à verser à l'UFC à titre de dommages-intérêts une somme de 1 000 000 F

- d'ordonner en outre la publication du dispositif de l'arrêt,

- d'ordonner de surcroît la lecture du dispositif de cet arrêt pendant le journal de 20 H sur la chaîne de télévision FR3,

- de condamner Mme L au paiement d'une somme de 30 000 F en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;

Attendu que le Syndicat de la vitellerie française n'a pas comparu devant la cour, ni personne pour lui;

Attendu qu'il n'est pas sérieusement contestable que les agissements frauduleux de Mme L ont causé à de nombreux consommateurs un préjudice certain et direct dès lors que ceux-ci ont été trompés sur les qualités substantielles de la viande de veau acquise auprès de la société X (SA) et ont ingéré une viande devenue, du fait de ces agissements, dangereuse pour leur santé; qu'ainsi, les premiers juges ont, à bon droit, reçu l'UFC en sa constitution de partie civile à l'égard des susnommés, décision qui doit être confirmée;

Attendu qu'au regard des circonstances de la cause, en particulier du nombre très élevé de veaux ayant absorbé les produits litigieux, et partant des très grandes quantités de viande falsifiée ainsi mises sur le marché, les premiers juges ont, à bon droit, évalué à la somme de 200 000 F le préjudice indirect subi par l'UFC, décision qui doit être confirmée;

Attendu qu'il y a lieu de débouter l'UFC de ses demandes de publication et de lecture du dispositif de l'arrêt à la télévision, son préjudice étant suffisamment réparé par la somme susvisée qui lui a été allouée;

Attendu qu'en ce qui concerne la demande de l'UFC sur les frais irrépétibles, il y sera fait droit pour des motifs tirés de l'équité qui commandent la prise en compte de tels frais et leur mise à la charge du responsable; que toutefois le montant demandé en cause d'appel apparaît exagéré et sera réduit à la somme de 4 000 F;

Attendu que le SVF est un syndicat professionnel immatriculé sous le n° 980045, soumis aux dispositions des articles L. 410-1 et suivants du Code du travail, en particulier de l'article L. 411-11 qui dispose que les syndicats professionnels ont le droit d'ester en justice et peuvent devant toutes les juridictions exercer tous les droits réservés à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'il représentait;

Attendu que l'objet du SVT est l'information, l'étude, la représentation, la défense et la promotion des intérêts économiques, commerciaux, industriels, agricoles communs aux associations adhérentes dont les membres concourent à la production de veaux de boucherie en France;

Attendu qu'il n'est pas sérieusement contestable que les agissements de Mme L ont causé en premier lieu un préjudice indirect à l'intérêt collectif susvisé en jetant un discrédit sur la viande de veau dans l'esprit du consommateur, étant observé que la viande de veau est un sujet particulièrement sensible dans l'esprit du consommateur et que les informations sur les veaux ainsi traités concourent à la baisse de la consommation de leur viande; que les comportements réprimés en l'espèce ne peuvent que nuire à l'effort de qualité fait par le SVT dont les membres concourent à une production soumise à certification;

Attendu qu'en outre, l'utilisation des facteurs de croissance illicites est contraire à une concurrence loyale, dès lors, d'une part, qu'ils procurent artificiellement un gain de poids, d'autre part, que leur emploi diminue le coût de l'aliment et de l'élevage, la durée de l'engraissement étant raccourcie, qu'enfin, les veaux "traités" présentent un meilleur aspect et trouvent preneurs à des prix supérieurs aux veaux élevés licitement;

Attendu qu'ainsi les agissements commis par la susnommée ont causé un préjudice indirect à l'intérêt collectif des professions représentées par le SVT; qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a reçu le SVT en sa constitution de partie civile à l'encontre de Mme L;

Attendu qu'au regard des circonstances de la cause, en particulier des très grandes quantités de viande de veau ainsi mises sur le marché, les premiers juges ont, à bon droit, évalué à la somme de 100 000 F le préjudice ainsi subi par le SVT, décision qui doit être confirmée;

Par ces motifs, LA COUR, Après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire à l'égard de L Georgette et de l'UFC "Que Choisir", par arrêt de défaut à l'égard du Syndicat de la vitellerie française, et en dernier ressort, En la forme: reçoit en leurs appels L Georgette, l'UFC "Que Choisir" et le Ministère public, Au fond, Sur l'action publique: Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré L Georgette coupable du délit de tromperie sur la nature et les qualités substantielles d'aliments pour animaux ayant eu pour effet de rendre la marchandise dangereuse pour l'homme ou l'animal, Mais le réforme pour le surplus et, statuant à nouveau, Requalifie le délit de vente de denrées servant à l'alimentation de l'homme ou des animaux qu'elle savait être falsifiées, corrompues ou toxiques, nuisibles à la santé de l'homme et de l'animal en complicité dudit délit, Déclare L Georgette coupable dudit délit de complicité, En répression, condamne L Georgette à la peine de 4 ans d'emprisonnement avec sursis et à une amende de 100 000 F, Dit que l'avertissement prévu par les dispositions de l'article 132-29 du Code pénal n'a pu être donné par le président à la condamnée, absente lors du prononcé de la décision, Dit n'y avoir lieu à prononcer à l'encontre de L Georgette l'interdiction pour une durée de 5 ans d'exercer une activité liée au commerce et au négoce de la viande ovine, porcine ou bovine, Sur l'action civile: Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a reçu l'UFC "Que Choisir" et le Syndicat de la vitellerie française en leurs constitutions de partie civile à l'égard de L Georgette, - condamné L Georgette, solidairement avec V Antonius, F Patrick, M Gilbert, P Fernand et G Jean-Marc, à payer: * à l'UFC "Que Choisir" la somme de 200 000 F à titre de dommages et intérêts, outre celle de 15 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, * au Syndicat de la vitellerie française, la somme de 100 000 F à titre de dommages et intérêts, outre celle de 15 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, Y ajoutant, condamne L Georgette à payer à l'UFC "Que Choisir" la somme de 4 000 F au titre des dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale. Déboute l'UFC "Que Choisir" de ses demandes plus amples; Le tout en application des articles susvisés, 512 et suivants du Code de procédure pénale, Ainsi fait et jugé les jour, mois et an susdits.