CA Paris, 13e ch. A, 18 octobre 1989, n° 89-3749
PARIS
Arrêt
PARTIES
Défendeur :
Cosson
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Skop
Conseillers :
M. Martinez, Mme Petit
Avocat :
Me Dayras
Avocat général :
M. Romanetti
Rappel de la procédure:
Le jugement:
Le jugement a déclaré R Emile et P Pierre coupable de tromperie sur la nature, les qualités substantielles, l'origine ou la quantité d'une marchandise, demande ou obtention de paiement ou d'accord avant la fin du délai de réflexion, conclusion d'un contrat non-conforme en matière de démarchage et de vente à domicile; commis à Paris courant février 1986;
Et par application des articles 1er de la loi du 1er août 1905, 2, 4, 5 de la loi du 22 décembre 1972; 734-1, 737 du Code de procédure pénale;
A condamné R Emile à la peine de 18 mois d'emprisonnement dont 8 mois avec sursis,
A condamné P Pierre à la peine de 18 mois d'emprisonnement dont 8 mois avec sursis;
a déclaré la constitution de la partie civile de Cosson Evelyne régulière en la forme et recevable;
Sur l'action civile, le jugement a condamné R Emile et Pierre P, solidairement, à payer à Cosson Evelyne la somme de 7 000 F à titre de remboursement.
Le jugement a condamné les prévenus aux frais envers l'Etat liquidés à la somme de 470,55 F en ce compris les droits de poste et fixe et ce pour moitié chacun;
Appels:
Appel a été interjeté par:
1°) R Emile, le 5 avril 1989, (conforme à la déclaration); P Pierre, le 11 avril 1989;
2°) Le Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Paris les 5 et 11 avril 1989, contre les 2 prévenus.
Décision:
Rendue après en avoir délibéré, conformément à la loi;
La cour statue sur les appels relevés par R Emile et P Pierre, prévenus, et le Ministère public du jugement précité auquel il est fait référence pour l'exposé des faits;
Assisté de son conseil, R sollicite de la cour par infirmation sa relaxe soutenant essentiellement que n'est pas établi l'élément intentionnel du délit de tromperie retenu à son encontre par la prévention. Il expose que s'il est vrai qu'il a bien été le gérant de la SARL "d'Emile" du 25 octobre 1985 au mois de mars 87 il ne possédait cependant aucune qualification en matière de plomberie - qu'il fut donc amené à engager des ouvriers qualifiés seuls compétents pour pratiquer les interventions et facturer les prestations. Il estime qu'il ne peut être tenu pénalement responsable des malversations et des vols commis par ses anciens employés et plus particulièrement son co-inculpé P. Il affirme que, ne parlant pas parfaitement le français et n'ayant aucune notion des prix pratiqués et du temps nécessaire aux différentes interventions, il a été abusé par des employés malhonnêtes qui ont facturé le prix d'appareils "polar" qui en réalité n'ont pas été posés ou qui, à son insu, ont majoré le prix de leurs interventions. Il conteste tout en reconnaissant que les ouvriers percevaient une prime au rendement, leur avoir donné des instructions en ce sens;
Pour sa part, assisté de son conseil, P qui n'avait pas comparu devant le tribunal, reconnaît devant la cour sa pleine culpabilité en ce qui concerne les 3 chefs de la prévention, tout en maintenant ses accusations contre R sur les ordres duquel il affirme avoir agi. Il sollicite cependant l'indulgence de la cour et la réformation du jugement entrepris, plus particulièrement en ce qu'il a prononcé à son encontre une peine de prison ferme. Il expose que travaillant régulièrement, celle-ci compromettrait gravement son avenir professionnel;
Mlle Evelyne Cosson, partie civile, bien que régulièrement citée, ne comparaît pas. Il sera statué à son encontre par défaut;
I) Sur le délit de tromperie
Considérant que par des motifs pertinents que la cour adopte les premiers juges ont retenu R dans les liens de la prévention;
Considérant qu'à son tour la cour estime que R ne peut valable ment contester l'imputabilité des faits de tromperie qui lui sont reprochés en faisant soutenir que ses employés étant seuls compétents pour pratiquer les interventions et pour établir les factures, ils doivent seuls être tenus pénalement responsables des faits visés à la prévention;
Considérant en effet que le prévenu ne saurait s'exonérer de sa responsabilité pénale dans le fonctionnement de l'entreprise dès lors que les faits de la prévention se rattachent à l'activité de celle-ci, étant observé par ailleurs que les faits relevés à son encontre se situent en février 1986 soit à l'époque où il exerçait ses fonctions de gérant;
Considérant tout d'abord qu'il est établi notamment par investigations des fonctionnaires de la Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes que, durant cette période la société d'Emile a, notamment facturé des fournitures et des appareils non fournis et majoré indûment des devis et factures;
Considérant qu'il n'est pas contesté que cette société a encaissé le montant des factures;
Considérant ensuite que P a confirmé devant la cour ses déclarations antérieures aux services de police aux termes desquelles il affirmait que sur instructions de R, il avait exagéré le devis établi à l'intention de Mlle Cosson au domicile de laquelle il n'a pas installé l'appareil Polar qu'il a cependant facturé; Que toujours sur instruction de R il avait également "gonflé" la facture de M. Tarnowski en comptant un dosseret ELM Pompe qui aurait dû être compris dans le prix de la chaudière;
Considérant que l'autre employé, M. Bensoussan, a même précisé, confirmant en cela les accusations de P, qu'il lui est arrivé "à la demande de R" de "forcer" sur la facturation du matériel;
Considérant, dès lors, que la cour estime qu'il est établi que R qui encaissait le montant des factures a personnellement participé aux agissements visés en la prévention;
Qu'il échet de confirmer la décision des premiers Juges sur la culpabilité tant de R que de P, ce dernier ne la contestant pas;
II) Sur les délits de démarchage
Considérant qu'il est également reproché aux deux prévenus d'avoir pratiqué ou fait pratiquer le démarchage à domicile:
- sans respecter le délai de réflexion de 7 jours,
- et sans utiliser des contrats conformes à l'article 2 de la loi du 22 décembre 1972;
Considérant que pour sa défense R devant la cour comme précédemment devant le tribunal se contente d'indiquer qu'il ignore tout des lois sur le démarchage à domicile;
Considérant qu'un tel système de défense ne saurait exonérer R de toute responsabilité dans la mesure où il a été établi par l'information et plus particulièrement par les déclarations des victimes que les employés de R ne se bornaient pas à effectuer des dépannages mais proposaient la pose d'appareil que le dépannage n'imposait pas dans l'immédiat;
Considérant que ce faisant la société d'Emile a méconnu les dispositions de la loi du 22 décembre 1972 destinées à assurer la protection des consommateurs en matière de démarchage et de vente à domicile;
Considérant qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement dont appel sur la culpabilité en ce qui concerne les deux prévenus, P ne contestant pas ces 2 autres chefs de la prévention et se bornant à solliciter l'indulgence de la cour;
Considérant que les faits reprochés aux prévenus sont particulièrement graves; qu'il convient cependant, en ce qui concerne la peine, de retenir que R n'a jamais été condamné et que P affirme avoir déjà entrepris une véritable réinsertion;
Considérant qu'il y a lieu en conséquence d'infirmer la décision critiquée et de condamner les prévenus à une peine d'emprisonnement avec sursis et une amende ainsi que précisé au dispositif;
Sur les intérêts civils:
Considérant qu'il convient de confirmer la décision critiquée qui a fait une juste évaluation du préjudice subi par Mlle Cosson et découlant directement de l'infraction;
Par ces motifs: Statuant contradictoirement pour les deux prévenus et par défaut à l'égard de la partie civile, Confirme sur la culpabilité le jugement déféré; Infirme en répression et condamne; R Emile à dix huit mois d'emprisonnement avec sursis et cent mille F d'amende; P Pierre à treize mois d'emprisonnement avec sursis et quatre vingt mille F d'amende; Confirme sur les intérêts civils la décision entreprise Condamne les prévenus, chacun pour moitié, aux dépens ceux d'appel étant liquidés à la somme de 598,18 F; Après avoir prononcé ces condamnations, le Président a formulé l'avis prévu par l'article 737 du Code de procédure pénale.