CA Paris, 13e ch. B, 14 mai 1987, n° 624-87
PARIS
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dessertine
Conseillers :
MM. Lenormand, Collomb-Clerc
Avocat :
Me Goldanel.
Rappel de la procédure:
Le jugement,
Le jugement a déclaré M Dominique coupable de tromperie sur la qualité substantielle de la marchandise, absence de l'autorisation de découpe, faits commis à Louvres, le 11 octobre 1985;
Et par application des articles 1er et suivants de la loi du 1er août 1905, 43.1 et suivants du Code pénal, 2 de la loi du 26 mars 1930, 1er du décret du 12 octobre 1972 l'a condamné à 3 000 F;
Le jugement a condamné M aux frais envers l'Etat liquidés à la somme de 550,16 F;
Appels:
Appel a été interjeté par:
1°) M Dominique, le 12 décembre 1985
2°) Le Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Meaux, le 13 décembre 1985;
Décision:
Rendue, après en avoir délibéré conformément à la loi Dominique M a été poursuivi devant le Tribunal de Meaux (3e chambre) sous la double prévention d'avoir à Louvres, le 11 octobre 1985:
1°) "trompé ou tenté de tromper l'acheteur ou contractant sur la nature, les qualités substantielles, la composition, l'espèce ou l'origine de la marchandise en vendant ou mettant en vue du fromage sous l'appellation "Tomme de Savoie" qui n'avait pas en réalité cette origine, fait prévu et puni par les articles 1er et suivants de la loi du 1er août 1905, 43.1 et suivants du Code pénal, 2 de la loi du 26 mars 1930, 1er du décret du 12 octobre 1972,"
2°) "mis en vente sur un stand de marché des morceaux de viandes de volailles découpés par ses soins en contravention avec les dispositions législatives et réglementaires, fait prévu et puni par les articles 1er de l'arrêté du 5 février 1977, réglementant les conditions d'hygiène relatives aux viandes de volailles découpées, 1er du décret du 12 octobre 1972, 2 de la loi du 26 mars 1930, 43.1 et suivants du Code pénal".
Par jugement en date du 3 décembre 1985, Dominique M a été déclaré coupable des faits qui lui étaient reprochés et condamné à 3 000 F d'amende.
Appel de cette décision a été régulièrement interjeté tant par le prévenu que par le Ministère public.
Assisté de son Conseil, Dominique M ne conteste pas la matérialité des faits qui lui sont reprochés mais soutient qu'ils ne sont pas constitutifs des infractions qui lui sont reprochées et sollicite, en conséquence, sa relaxe.
Considérant que, le 11 octobre 1984, et non le 11 octobre 1985 comme il a été mentionné par erreur dans la prévention, deux contrôleurs du Service départemental de la Consommation et de la Répression des Fraudes du Val d'Oise, dûment commissionnés, procédaient à la visite des marchandises mises en vente sur le stand du marché de Louvres (95) par Dominique M, Crémier-volailler, dont l'établissement est situé <adresse>, et y constataient la mise en vente, d'une part, de deux tommes entières, d'une demi-tomme et d'un quart de tomme sur lesquels étaient apposés une étiquette de commerce portant la mention "Tomme de Savoie 40 F", chacune des deux tommes entières portant également une étiquette, faisant corps avec le fromage sur laquelle on pouvait lire: "Tomme Rippoz - Fromage 40 pour cent de Mat. gr. Affiné par Fromageries Rippoz" mais dont une partie indiquant le lieu de fabrication, avait été arrachée, d'autre part des morceaux de volailles découpées, savoir 36 cuisses de Poulet, 7 ailes de poulet avec les parties de carcasse attenantes, 5 cuisses de dindes et un lot de cuisses de Canard; que le père de Dominique M, employé de son fils, présent sur le marché, leur précisait que les volailles étaient découpées par leurs soins dans leur "laboratoire" de Dammartin-en-Goële,
Que l'enquête effectuée par les Services de la Consommation et de la Répression des Fraudes du Val-de-Marne, département dans lequel était domicilié la société nouvelle de Groupement de l'Odéon auprès de laquelle s'approvisionnait Dominique M, établissait que la tomme Rippoz 40% était fabriquée dans le département des Côtes-du-Nord et affinée seulement en Haute-Savoie par les Fromageries Rippoz, à Sevrier;
Que, de même, il se révélait que, sur les factures adressées à Dominique M, le fromage en cause était désigné par les mots "Tomme 40% Diam 18" ou "Tomme 40% Rippoz" sans qu'à aucun moment apparaisse l'indication "Tomme de Savoie";
Qu'il est enfin constant et n'est pas non plus discuté que le morceau d'étiquette manquant indiquait le lieu de fabrication du fromage, savoir "Fabrique dans les Côtes du Nord";
Considérant qu'en vendant sous l'appellation "Tomme de Savoie" un fromage fabriqué en Bretagne, ce qu'il ne pouvait ignorer, et qui n'était qu'affiné en Savoie, Dominique M s'est rendu coupable du délit de tromperie sur l'origine de la marchandise vendue qu'en effet un fromage ne peut être présenté comme provenant d'une région donnée que s'il y a été réellement fabriqué; qu'il importe peu qu'il y ait été ultérieurement affiné si la fabrication s'est faite ailleurs, l'affinage n'étant que le dernier terme de la maturation du fromage;
Que les premiers juges l'ont donc à juste titre retenu de ce chef dans les liens de la prévention; que, dès lors, il convient de confirmer, sur ce point, le jugement attaqué quant à la déclaration de culpabilité de Dominique M.
Considérant, par ailleurs, que l'arrêté du 5 février 1977, visé par la prévention, pris en application de l'article 25 du décret n° 71.636 du 21 juillet 1971, concerne les conditions de préparation, de conservation et d'inspection sanitaire des viandes de volailles découpées, conditionnées à l'avance, réfrigérées, congelées ou surgelées destinées à être livrées à la consommation humaine en l'état; que, notamment, aux termes de l'article 14, le découpage à l'avance des carcasses de volailles et le conditionnement des morceaux ne peuvent être pratiqués que dans des "ateliers de découpage" dont les conditions d'installation et d'équipement sont strictement réglementées et qui doivent faire l'objet d'une déclaration au Préfet du département où siège l'établissement;
Que cependant, aux termes de l'article 1er, ne sont pas soumises aux dispositions dudit arrêté les opérations de découpable effectuées dans les locaux de vente au détail en vue de la mise à la disposition directe du consommateur que les viandes ainsi préparées ne doivent pas, toutefois, faire l'objet de vente ambulante, par correspondance ou sur un marché; qu'elle ne peuvent être conditionnées à l'avance et doivent être commercialisées dans la journée de leur préparation;
Qu'en l'espèce Dominique M ne justifie pas que l'atelier dans lequel, à Dammartin-en-Goële, étaient découpées les carcasses de volailles dont les morceaux étaient mis en vente sur le marché de Louvres répondait aux prescriptions de l'arrêté du 5 février 1977, qu'en tout état de cause il est constant qu'il n'avait pas adressé au préfet la déclaration prévue par l'article 3 de ce même arrêté;
Que si, par conséquent, rien ne s'opposait à ce qu'il vendit des morceaux de viandes de volailles dans son magasin de Dammartin-en-Goële, sous réserve qu'ils fussent commercialisés la journée même de leur préparation, il ne pouvait, en aucun cas, les offrir à la clientèle sur les marchés, comme il l'a fait à Louvres, le 11 octobre 1984;
Que les premiers juges l'ont donc à juste titre retenu de ce chef, dans les liens de la prévention; que, dès lors, il y a lieu également de confirmer, sur ce second point, le jugement attaqué sur la déclaration de culpabilité de Dominique M;
Considérant qu'il échet, en répression, de réformer le jugement attaqué et de prononcer à l'encontre du prévenu deux peines, l'une pour le délit de tromperie sur l'origine de la marchandise vendue, l'autre pour la contravention de mise en vente sur un marché de morceaux de viandes de volailles découpées;
Par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges: LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit les appels du prévenu et du Ministère public; Déclare Dominique M coupable du délit de tromperie sur l'origine de la marchandise vendue et de la contravention de mise en vente sur un marché de morceaux de viandes de volailles découpées (faits commis le 11 octobre 1984); Le condamne à deux mille (2 000) francs pour le délit et à mille deux cents (1 200) francs d'amende pour la contravention; Le condamne aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers liquidés à 498,92 F; Le tout par application des articles 1er de la loi du 1er août 1905, 25, 26, du décret n° 71.636 du 21 juillet 1971, 1er de l'arrêté du 5 février 1977, 473, 512 du Code de procédure pénale.