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Décisions

CA Paris, 13e ch. A, 11 décembre 1991, n° 91-2249

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Ministère public, Barseghian (Epoux)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cerdini

Conseillers :

MM. Martinez, de Thoury

Avocats :

SCP Boiron, Me Raveton.

CA Paris n° 91-2249

11 décembre 1991

Rappel de la procédure:

Le jugement:

Le tribunal a:

Déclaré M Luigi coupables d'avoir à Paris, courant 1989, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur la nature la composition les qualités substantielles d'une prestation de service ou d'un produit la portée des engagements pris par l'annonceur en indiquant à la page 45 du catalogue évasion Sicile Sardaigne été 1989, résidence type B une salle de séjour, une chambre à deux lits au rez-de-chaussée alors qu'en réalité il n'existait qu'une seule pièce, ligne de table compris alors qu'en réalité il ne s'agissait que d'un torchon accès à la plage et à la piscine de Ramada Inn alors qu'en réalité l'accès était payant et ce au préjudice des époux Barseghian

et par application des articles 44 I, 44 II al. 7 8 loi 73-1193 du 27.12.1973, 44 II al 9 10 loi 73-1193 du 27.12.1973, 1er de la loi du 1er août 1905;

condamné:

- M Luigi à la peine de 10 000 F d'amende;

prononcé la dispense de publication du jugement;

requalifié les faits reprochés à J Dominique en tromperie,

et par application de l'article 1er de la loi du 1er août 1905 l'en a déclaré coupable ;

l'a condamné à la peine de 3 000 F d'amende;

dit qu'il serait sursis à l'exécution de cette peine, par application de l'article 734 du Code de procédure pénale;

reçu M. et Mme Barseghian Michel en leur constitution de partie civile et statuant sur leur demande:

condamné solidairement M Luigi et J Dominique, à leur verser la somme de 3 000 F à titre de dommages-intérêts;

condamné les prévenus, chacun pour moitié, aux dépens liquidés à la somme de 406,76 F, en ce compris les droits de poste et fixe de procédure.

Appels:

Appel a été interjeté par:

J Dominique, le 26 février 1991;

Le Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Paris, le 26 février 1991, contre J;

M Luigi, le 27 février 1991, sur les condamnations pénales seulement;

Le Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Paris, le 27 février 1991, contre M;

M Luigi, le 1er mars 1991, sur les réparations civiles;

Le Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Paris, le 1er mars 1991, contre M.

Décision:

rendue contradictoirement après en avoir délibéré, conformément à la loi:

Statuant sur les appels interjetés par les prévenus et le Ministère public à l'encontre du jugement précité;

Se référant à cette décision pour l'exposé de la prévention;

Par voie de conclusions, Luigi M demande à la cour de dire que les poursuites sont irrecevables contre lui et subsidiairement mal fondées, le jugement déféré devant être en conséquence infirmé en toutes ses dispositions et les parties civiles déboutées de leurs prétentions;

Par voie de conclusions, Dominique J Sollicite sa relaxe et le rejet consécutif des demandes des parties civiles;

Par voie de conclusions, les époux Barseghian sollicitent la condamnation des prévenus à leur verser la somme de 5 000 F à titre de dommages-intérêts, toutes causes confondues;

Considérant, s'agissant de Luigi M, que celui-ci expose que s'il était bien au moment des faits critiqués Président de la société Compagnie Italienne de Tourisme France il a toujours résidé en Italie, les pouvoirs du Président étant délégués au directeur général à l'époque M. Micci qui a, d'ailleurs, signé la page de présentation de la brochure en cause "Evasion" mise à la disposition du public; que le prévenu indique que n'ayant ainsi en aucune façon participé à la création et à la réalisation de cette brochure il ne saurait donc être retenu pour responsable des énonciations qu'elle contient;

Considérant que Luigi M produit à l'appui de ses dires une attestation du directeur général actuel de la société M. Marullo ainsi que le texte de la délégation de pouvoirs en date du 10 mars 1986 donnée à M. Micci;

Mais considérant qu'il résulte du dossier que lors de l'enquête effectuée les services de police ont entendu, dûment mandatée par M. Marullo, Mme Savarese, directrice générale adjointe de la CIT,

qui a déclaré que dans le cadre de cette affaire elle représentait le président directeur général M. M dont elle a remis à cet effet l'extrait d'acte de naissance avant de préciser qu'en matière de publicité il n'y avait pas de délégation de pouvoir;

Considérant, d'ailleurs, que la délégation produite, outre le fait qu'elle n'émane pas du prévenu mais d'un prédécesseur, ne comporte effectivement pas expressément la publicité;

Considérant dès lors qu'il n'y a pas lieu d'exonérer Luigi M de la responsabilité qui lui incombe en sa qualité de président du conseil d'administration de la société anonyme CIT France; que le prévenu n'établit pas au surplus qu'il ait été dans l'impossibilité d'assurer personnellement le contrôle de la publicité incriminée que peu importe également que la page de présentation du catalogue en cause ait été signée par le directeur général;

Considérant au fond que les premiers Juges ont retenu de façon pertinente que le délit de publicité fausse ou de nature à induire en erreur visé à la prévention est caractérisé à l'encontre de Luigi M;

Considérant sur les affirmations du prévenu selon lesquelles la photo graphie qui se trouve à la page 45 du catalogue concerné ne pouvait tromper les parties civiles sur l'existence d'un muret séparant la salle de séjour de la chambre mentionnée qu'il convient de relever que cet élément n'enlève pas à la publicité son caractère trompeur dans la mesure où 2 autres types de résidences plus petites que celle choisie par les parties civiles figurent sur la même page pour une seule photographie d'intérieur;

Considérant que les arguments de Luigi M concernant l'aspect habituel en Sicile de cet aménagement des lieux ou le prix du séjour défiant toute concurrence ne peuvent empêcher que les époux Barseghian étaient fondés, sur la foi de la publicité litigieuse, à trouver sur place une chambre indépendante de la salle de séjour ; que la mention de cette chambre a d'ailleurs été supprimée dans le catalogue de l'année suivante;

Considérant que dans ses conclusions devant la cour le prévenu prétend que l'accès à la plage et à la piscine de l'hôtel Ramada Inn était gratuit, seule l'utilisation de parasols et de matelas étant payante;

Mais considérant qu'il ressort des déclarations de Mme Savarese directrice générale adjointe de la CIT d'une lettre de cette société en date du 15 février 1990 demandant pour ce qui est de l'accès à la plage le montant et la facture des frais encourus en vue de leur remboursement ainsi que du changement intervenu dans le catalogue de l'année suivante mentionnant cet accès avec supplément que ledit accès était bien payant et que la publicité litigieuse est de nature à induire en erreur dans la mesure où elle précise le prix du séjour sans faire référence à ce supplément;

Considérant sur l'absence de justificatifs de frais fournis par les parties civiles que celles-ci ont indiqué qu'elles n'étaient pas allées sur cette plage privée;

Considérant enfin quant à la publicité incriminée qu'une lettre en date du 3 mai 1990 du Ramada Hôtels ne fait état comme linge de table pour l'appartement concerné que d'un torchon;

Considérant qu'il résulte ainsi de la procédure que les faits reprochés à Luigi M sont établis;

Considérant qu'il ressort également des éléments du dossier et des débats que les premiers juges ont déclaré à bon droit Dominique J coupable du délit de tromperie prévu et puni par l'article 1er de la loi du 1er août 1905;

Considérant certes que l'intéressé expose que ni la société Sotramat Voyages ni a fortiori lui-même en sa qualité de président de cette société n'ont eu la volonté d'induire en erreur les époux Barseghian sur la qualité des prestations qu'ils avaient choisies, commandées et payées, que le fait de vendre un voyage proposé par un voyagiste parfaitement connu pour sa compétence ne permet en rien de suspecter la bonne foi de la société Sotramat et de son président, qu'il n'appartient certainement pas à l'agence de voyages d'aller vérifier sur place la qualité de la prestation promise par un tel voyagiste dont la réputation d'ensemble ne souffre d'aucune critique;

Mais considérant que Dominique J a souligné lors de sa propre audition par les services de police que la société Sotramat dont l'objet est l'activité d'agence de voyages, n'était pas l'annonceur de la publicité litigieuse mais avait joué dans cette affaire un rôle d'exécutant passif alors que précisément l'agent de voyages qui reçoit la clientèle doit s'assurer activement de la satisfaction des souhaits et besoins essentiels de ses clients en vérifiant par la prise de tous renseignements utiles sans se rendre forcément sur place la réalité des prestations qui leur sont proposées dans une brochure qui prévoit bien que l'inscription à l'un des voyages indiqués ne peut être faite que par un agent de voyages ; que tel aurait dû être le cas en l'espèce pour les conditions de logement des époux Barseghian qui ont déclaré avoir choisi en vue de leur séjour une villa avec deux chambres compte tenu de la présence de leurs trois enfants déjà grands;

Considérant que la négligence commise à cet égard par la société Sotramat suffit à caractériser l'élément intentionnel du délit retenu à l'encontre de son président Dominique J concernant la tromperie sur les qualités substantielles de la prestation de services objet du contrat conclu avec les parties civiles;

Considérant que le tribunal a fait une exacte appréciation des éléments de la cause tant en répression envers les deux prévenus que sur les intérêts civils quant au montant des dommages-intérêts devant être alloués aux parties civiles en réparation de leur préjudice qu'il convient de confirmer dans toutes ses dispositions la décision entreprise;

Par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges: LA COUR, Confirme dans toutes ses dispositions le jugement déféré; Rejette comme non fondées toutes conclusions plus amples ou contraires; Condamne Luigi M et Dominique J, chacun pour moitié, aux dépens, liquidés à la somme de 793,49 F.