Cass. com., 17 mars 2004, n° 02-19.054
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Cecop (SA), Ktourza (Consorts), Koskas, Bénichou (Epoux)
Défendeur :
Waterman (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Rapporteur :
M. Sémériva
Avocat général :
M. Viricelle
Avocats :
SCP Delaporte, Briard, Trichet, SCP Thomas-Raquin, Benabent.
LA COUR: - Joint les pourvois n° 02-19.054, formé par la société anonyme Cecop, M. Hervé Ktourza, Mme Koskas, M. Bénichou, Mme Bénichou, M. Eric Ktourza, Mme Denise Ktourza, et n° 02-19.343, formé par la société Groupe Cecop, qui attaquent le même arrêt; Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Versailles, 11 juillet 2002), que la société Waterman a fait pratiquer, le 7 juin 1995, saisie-contrefaçon d'un modèle de stylos dans les locaux de la SARL Cecop, transformée, le 6 juillet 1995, en SA Cecop, puis a assigné la SA Groupe Cecop, le 4 septembre 1995, des chefs de contrefaçon de ce modèle et de concurrence déloyale; que cette dernière société, condamnée par jugement rendu le 26 mai 1998, a fait l'objet, le 1er décembre 1998, d'une dissolution amiable clôturée le 26 février 1999; que ses anciens actionnaires, M. Hervé Ktourza, Mme Koskas, M. Bénichou, Mme Bénichou, M. Eric Ktourza et Mme Denise Ktourza sont volontairement intervenus en cause d'appel; que la société anonyme Cecop (la Cecop SA) s'étant engagée à reprendre l'ensemble des éléments actifs et passifs de la société Groupe Cecop, la société Waterman l'a appelée en intervention forcée devant la cour d'appel;
Sur le premier moyen du pourvoi n° 02-19.054 et le premier moyen du pourvoi n° 02-19.343 rédigés en même termes, pris en leurs trois branches, les moyens étant réunis: - Attendu que la société Cecop SA, M. Hervé Ktourza, Mme Koskas, M. Bénichou, Mme Bénichou, M Eric Ktourza, Mm Denise Ktourza, et la société Groupe Cecop font grief à l'arrêt d'avoir condamné la société Groupe Cecop et, par voie de conséquence, la Cecop SA, venant aux obligations de celle-ci, à payer à la société Waterman la somme de 400 000 francs de dommages-intérêts pour contrefaçon, et celle de 200 000 francs pour concurrence déloyale et parasitaire, alors, selon le moyen: 1°) que la cour d'appel a relevé que l'intervention forcée de la Cecop SA dans la procédure ne se justifiait que parce qu'elle était tenue du passif de la société Groupe Cecop; qu'elle a également constaté que les faits de contrefaçon et de concurrence déloyale étaient constitués de la vente de stylos; qu'elle ne pouvait dès lors imputer à la Cecop SA les actes litigieux que si celle-ci avait elle-même acheté et revendu les stylos en cause; que pour l'admettre, la cour d'appel a gravement dénaturé le procès-verbal de saisie du 7 juin 1995 qui relevait clairement et précisément que l'huissier avait été reçu par M. Henié Ktourza, gérant de la SARL Cecop, qui a reconnu que la dite SARL avait acheté et revendu les stylos litigieux; qu'en décidant néanmoins qu'il ressort dudit procès-verbal que c'est la société Groupe Cecop qui a acheté et revendu lesdits stylos, la cour d'appel a dénaturé ce procès-verbal, violant ainsi l'article 1134 du Code civil; 2°) qu'en vertu de l'article 563 du nouveau Code de procédure civile, pour justifier en appel les prétentions soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer les moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves; qu'en vertu de l'article 564 du même Code, elles peuvent soumettre à la cour d'appel de nouvelles prétentions pour faire écarter les prétentions adverses; que dès lors en l'espèce, en refusant à la Cecop SA, venant aux obligations de la société Groupe Cecop le droit d'opposer la non-implication de cette dernière dans les faits argués de contrefaçon et de concurrence déloyale, au motif que cela n'avait pas été fait en première instance, la cour d'appel a violé les textes susvisés; 3°) qu'en vertu de l'article 555 du nouveau Code de procédure civile, l'intervention forcée d'un tiers en appel ne se justifie que si l'évolution du litige implique sa mise en cause; qu'en l'espèce, les faits commis par la SARL Cecop (devenue SA Cecop) sont antérieurs à l'introduction de l'instance contre la société Groupe Cecop et ont été constatés dans le procès-verbal de saisie du 7 juin 1995 à la demande de la société Waterman; qu'il n'y a donc aucune évolution du litige de nature à permettre à la société Waterman de faire intervenir la Cecop SA en appel pour lui reprocher ses propres actes; que dès lors, si l'arrêt devait être interprété comme ayant admis la recevabilité de l'intervention forcée de la Cecop SA pour lui reprocher ses propres actes de vente de produits prétendument contrefaisants, et non les prétendus actes de la société Groupe Cecop, l'arrêt aurait violé l'article 555 du nouveau Code de procédure civile;
Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel ne s'est pas fondée sur le document argué de dénaturation;
Attendu, d'autre part, abstraction faite du motif erroné critiqué par la deuxième branche du moyen, que l'arrêt retient par motif non contesté que la société Groupe Cecop a été à l'origine des faits litigieux, comme le confirme le catalogue proposant à la clientèle les articles argués de contrefaçon, dont l'avant-propos est signé de M. Hervé Ktourza, président-directeur général;
Et attendu, enfin, que la cour d'appel a retenu que c'est bien la SA Groupe Cecop, et non ce qui était alors la SARL Cecop, qui a été à l'origine des faits litigieux; d'où il suit que le moyen, qui manque en fait en ses première et troisième branches, ne peut être accueilli pour le surplus;
Sur le deuxième moyen du pourvoi n° 02-19.054 et le deuxième moyen du pourvoi n° 02-19.343, rédigés en même termes, les moyens étant réunis: - Attendu que la Cecop SA, M. Hervé Ktourza, Mme Koskas, M. Bénichou, Mme Bénichou, M. Eric Ktourza, Mme Denise Ktourza et la société Groupe Cecop, font grief à l'arrêt d'avoir condamné la société Groupe Cecop et, par voie de conséquence, la Cecop SA, venant aux obligations de celle-ci, à payer à la société Waterman la somme de 400 000 francs de dommages-intérêts pour contrefaçon, alors, selon le moyen, que dans ses conclusions d'appel, la Cecop SA avait invoqué le fait que les deux seules ressemblances alléguées par la société Waterman se retrouvaient dans les nombreux modèles de stylos offerts au public; que dès lors, en ne s'expliquant pas sur les ressemblances et sur le fait qu'elles se retrouvaient dans d'autres stylos commercialisés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 521-2 et L. 335-2 du Code de la propriété intellectuelle;
Mais attendu qu'ayant retenu, par motifs propres et adoptés, que, prises isolément, les caractéristiques invoquées étaient pour certaines connues, ou sont à rapprocher de celles pouvant être constatées çà et là dans des modèles pré-existants cités par la société Cecop, mais que ces légères différences ne font pas disparaître un même aspect d'ensemble et la reprise de ce qui fait l'originalité et la nouveauté des modèles invoqués, et qu'il est vain de faire constater que chacune des caractéristiques du modèle a déjà été employée dans des stylos antérieurs, l'objet devant être pris en son ensemble, la cour d'appel, qui s'est ainsi expliquée sur les ressemblances entre le modèle en cause et certaines de ses caractéristiques antérieurement connues, pour retenir que la protection s'attachait à la combinaison de ses éléments, a légalement justifié sa décision; que le moyen n'est pas fondé;
Et sur le troisième moyen du pourvoi n° 02-19.054 et le troisième moyen du pourvoi n° 02-19.343, rédigés en même termes, les moyens étant réunis: Attendu que la Cecop SA, M. Hervé Ktourza, Mme Koskas, M. Bénichou, Mme Bénichou, M. Eric Ktourza, Mme Denise Ktourza, et la société Groupe Cecop, font enfin grief à l'arrêt d'avoir condamné la société Groupe Cecop et par voie de conséquence la Cecop SA venant aux obligations de celle-ci, à payer à la société Waterman la somme de 200 000 francs de dommages-intérêts pour concurrence déloyale, alors, selon le moyen, que l'action en concurrence déloyale ne peut être retenue en sus de la contrefaçon que si est constatée une faute reposant sur des faits distincts de la contrefaçon; que tel n'est pas le cas lorsque le modèle contrefait est de moins bonne qualité que le modèle déposé ou l'œuvre protégée, et qu'il est vendu moins cher; que dès lors, en l'espèce, en décidant que le fait de copier servilement le stylo litigieux, en le reproduisant de moins bonne qualité et en le vendant moins cher, était un acte de concurrence déloyale, la cour d'appel a méconnu l'article 1382 du Code civil;
Mais attendu que, sans se borner à constater que les stylos imitant servilement le modèle étaient vendus moins cher que les modèles authentiques, l'arrêt relève que cette vente s'effectuait en importante quantité à des prix particulièrement bas, qu'elle portait sur des objets dont la piètre qualité apparaissait à l'examen des fabrications, quelques manipulations suffisant à rendre inutilisables les stylos de contrefaçon, et qu'elle avait entraîné la dévalorisation du modèle en altérant et banalisant son image dans l'esprit du public;que c'est à bon droit que la cour d'appel a décidé que ces faits, distincts de ceux fondant l'action en contrefaçon, étaient constitutifs de faute;que le moyen n'est pas fondé;
Par ces motifs: Rejette les pourvois.