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Décisions

Cass. crim., 28 novembre 1973, n° 73-90.064

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rolland

Rapporteur :

M. Crévy

Avocat général :

e: M. Davenas

Avocats :

SCP Lyon-Caen, Nicolay.

Orléans, ch. corr., du 1er déc. 1972

1 décembre 1972

LA COUR: - Rejet du pourvoi formé par 1er X (Téofilo), prévenu; 2e la société anonyme Y, civilement responsable, contre l'arrêt de la Cour d'appel d'Orléans, chambre des appels correctionnels, en date du 1er décembre 1972, statuant sur renvoi après cassation, qui a condamné ce prévenu pour infraction a la publicité des boissons a 5 000 francs d'amende et au payement de 10 000 francs de dommages-intérêts au Comité national de défense contre l'alcoolisme, partie civile, en déclarant la société précitée civilement responsable la cour, vu les mémoires produits tant en demande qu'en défense; Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles l 17 du Code des débits de boissons, 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse aux conclusions visées par le Président, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, " en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le demandeur coupable de publicité sur un terrain de sport en faveur d'une boisson alcoolique;

" aux motifs que l'article 17 alinéa 2 du Code des débits de boissons vise tout emplacement habituellement destiné à la pratique d'un sport et susceptible d'attirer le public, en particulier la jeunesse, que l'assimilation d'une piste de ski à un terrain de sport est attestée par deux documents officiels (circulaire n° 49 du 17 novembre 1965 du ministère de la Santé publique et de la population à MM les préfets et Directeurs régionaux et Départementaux d'action sanitaire et sociale, lettre du 26 juillet 1965 du secrétaire d'Etat à la jeunesse et aux sports au Directeur du CNDCA), que, par ailleurs une lettre de la fédération française du ski précise, contrairement a l'opinion émise par le maire de Val-d'Isère que, " dans l'état actuel du développement des compétitions de ski, les pistes sur lesquelles se déroulent les grandes compétitions font l'objet de travaux importants concernant le trace, le relief, l'aménagement une piste de ski s'entretient comme un terrain de golf ou tout autre terrain où se pratique habituellement un sport ", qu'enfin les pistes des épreuves du " critérium de la première neige " sont tracées dans des zones où existent de multiples pistes de ski ouvertes aux pratiquants et au public sportif, comprenant un tracé permanent et un équipement très important;

" alors que les conclusions d'appel soutenaient en invoquant les témoignages écrits du maire et du Président du club des sports de Val-d'Isère que la piste du " critérium de la première neige ", essentiellement éphémère et variable, n'avait jamais bénéficié d'une infrastructure ni servi à d'autres compétitions;

" et alors que la cour ne pouvait sans insuffisance rejeter ces témoignages précis, relatifs aux faits mêmes de la cause en invoquant d'une part des lettres et circulaires exprimant seulement l'opinion de l'administration et ne concernant d'ailleurs que les pistes de ski en général, d'autre part, une lettre de la Fédération française du ski, ne concernant elle aussi que les pistes de compétition en général et non la piste litigieuse, enfin, la présence d'autres pistes permanentes sur les pentes de Val-d'Isère, présence qui ne saurait avoir pour effet de transformer la piste litigieuse en un terrain de sports, présentant le caractère de permanence et de stabilité exigé par la loi;

Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que le lieu où a été constatée une publicité faite par X en faveur d'une boisson alcoolique était constitué par un ensemble de pistes spécialement aménagées pour la pratique du ski sur les pentes d'une station de sports d'hiver;

Attendu qu'en l'état de ces constatations qui répondent aux allégations contraires contenues dans les conclusions du demandeur et abstraction faite de tout motif surabondant, la cour d'appel, en décidant que le lieu dont il s'agit constituait un terrain de sport au sens de l'article 117 alinéa 2 du Code des débits de boissons a fait de ce texte une exacte application; d'où il suit que le moyen doit être écarté;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 20 du Code des débits de boissons, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale, " en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le demandeur coupable de remise à une mineure d'un objet quelconque nommant une boisson alcoolique, aux motifs qu'un dossard portant l'inscription " club des sports martini " a été mis à la disposition de la mineure Florence Steurer pour la durée de la compétition et qu'il n'importe que cette remise ne lui ait pas conféré la propriété dudit dossard, l'article 20 n'impliquant pas nécessairement un transfert de propriété, alors que ce dernier texte disposant qu' " il est interdit de remettre, distribuer ou envoyer à des mineurs de 20 ans des prospectus, buvards, protège-cahiers ou objet quelconque nommant une boisson alcoolique, ou en vantant les mérites ou portant la marque ou le nom du fabricant d'une telle boisson ", tant les verbes employés que la nature des objets spécifiés implique qu'ils sont donnés à titre définitif, seul l'usage répété desdits objets pouvant produire auprès des mineurs l'effet de propagande en faveur des boissons alcooliques que la loi tend à proscrire;

Attendu que, contrairement à ce qui est soutenu au moyen, le délit prévu par l'article 120 du Code des débits de boissons et réprime par l'article 21 de ce même Code se trouve caractérisé des lors qu'un objet quelconque nommant une boisson alcoolique a été remis à un mineur de 20 ans, sans qu'il soit nécessaire que ledit objet ait été, en outre, " donné " au mineur " à titre définitif ";qu'il suit de la que le moyen n'est pas fondé;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 2, 3 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, " en ce que l'arrêt attaqué a condamné les demandeurs à verser au CNDCA une somme de 10 000 francs a titre de dommages-intérêts, aux motifs que la publicité délictuelle faite par le prévenu et la société Y va à l'encontre des buts de cet organisme et tend à faire croire à l'immense public de la compétition sportive que l'apéritif est générateur de force, de jeunesse et de qualités sportives, qu'il a donc intérêt à intervenir et à faire cesser un état de fait contraire à la mission résultant de ses statuts, de même qu'à obtenir réparation du dommage qu'il a subi par l'obligation d'intensifier sa propagande et d'exposer des frais pour lutter contre ces agissements dans le cadre de son activité statutaire distincte de l'intérêt social et de l'action publique, alors que la publicité de l'espèce, résultant du port par les concurrents d'une épreuve sportive d'un dossard portant l'inscription " club des sports martini ", ne tendait nullement à faire croire que l'apéritif est générateur de force, de jeunesse et de qualités sportives et qu'ainsi l'arrêt attaqué a déduit des motifs contradictoires à l'appui de sa décision;

Attendu que pour condamner le prévenu à des réparations civiles envers le Comité national de défense contre l'alcoolisme et déclarer la société Y civilement responsable, l'arrêt relève que la publicité illicite faite en l'espèce allait à l'encontre des efforts entrepris et des dépenses exposées par cette association pour combattre l'abus de boissons alcooliques et a entraîné pour ledit Comité l'obligation d'intensifier sa propagande au prix de nouveaux frais;

Attendu qu'en l'état de ces constatations qui impliquent l'existence d'un préjudice direct subi par la partie civile du fait des infractions retenues la cour d'appel a, sur ce point, donné une base légale à sa décision; que des lors le moyen doit être écarté;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme;

Rejette le pourvoi.