CA Bordeaux, 3e ch. corr., 10 mars 1998, n° 97000488
BORDEAUX
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Geoffre, UFC Dordogne
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Leotin
Conseillers :
Mmes Robert, Gounot
Avocats :
Mes Dandine, Moustrou, Rey.
Faits:
Par actes en date du 19 et 26 mars 1997 reçus au secrétariat-greffe du Tribunal de grande instance de Bergerac, le prévenu, le Ministère public et l'Union des consommateurs de la Dordogne ont relevé appel d'un jugement contradictoire rendu par ledit tribunal le 18 mars 1997 à l'encontre de C Jean-Marie François poursuivi comme prévenu:
- d'avoir à Bergerac (24) le 30 janvier 1996, trompé Geoffre Gérard, contractant, sur les qualités substantielles et l'aptitude à l'emploi d'un véhicule Toyota.
faits prévus et réprimés par les articles L. 213-1, L. 216-2 et L. 216-3 du Code de la consommation.
- d'avoir à Bergerac (24) le 14 mars 1996, établi un certificat de cession et une facture sans la mention du kilométrage parcouru par le véhicule.
- d'avoir à Bergerac (24) le 14 mars 1996 et le 21 mars 1996, omis de remettre à l'acheteur d'un véhicule le rapport du contrôle technique.
faits prévus et réprimés par les articles 5 et 5 bis du Décret n° 78-993 du 4 octobre 1993, L. 214-1 et L. 214-2 du Code de la consommation.
LE TRIBUNAL,
Sur l'action publique:
A déclaré Monsieur C Jean-Marie coupable des faits qui lui sont reprochés
A condamné C Jean Marie à la peine d'amende de 5 000 F pour le délit,
L'a condamné à 1 000 F d'amende pour chacune des deux contraventions,
Sur l'action civile:
A déclaré Monsieur C et Monsieur L (co-prévenu non appelant) tous les deux responsables de l'entier préjudice de l'Union des consommateurs de la Dordogne de celui de Monsieur Geoffre.
En conséquence a condamné Monsieur Geoffre (co-prévenu non appelant) et Monsieur C solidairement à payer:
- à l'Union des consommateurs de la Dordogne 2 000 F à titre de dommages et intérêts et 1 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,
- à Monsieur Geoffre la somme de 5 000 F à titre de dommages et intérêts.
Attendu que les appels successivement interjetés le 19 mars 1997 par le prévenu et le Ministère public, et le 26 mars 1997 par l'Union des consommateurs de la Dordogne, à l'encontre du jugement rendu contradictoirement le 18 mars 1997 par le Tribunal de grande instance de Bergerac, sont recevables pour avoir été déclarés dans les forme et délai légaux.
Attendu que le prévenu, assisté de son conseil, a sollicité la réformation du jugement et sa relaxe du chef du délit de tromperie, s'en remettant sur les autres infractions poursuivies, en faisant valoir qu'aucune tromperie n'a été commise à l'égard de Monsieur Geoffre, dont le véhicule Toyota a été repris pour le montant de la prime "Juppé" (5 000 F) outre la prime Fiat (7 000 F), que la destruction du véhicule ne pouvait être déterminante du consentement de Monsieur Geoffre, et que par suite de la revente sans bénéfice du véhicule à son salarié, pour la somme de 5 000 F, la prime d'Etat n'a pas été demandée;
Attendu que le Ministère public a requis la confirmation du jugement sur la culpabilité et les pénalités prononcées au titre des contraventions, sollicitant la réformation des pénalités en ce qui concerne le délit de tromperie et le prononcé une amende de 15 000 F, en faisant observer que la tromperie visée par l'article L. 213-1 du Code de la consommation ne concerne pas seulement l'acheteur victime mais également le vendeur victime, et que le salarié du prévenu organisait un trafic avec la complicité de son patron, en revendant des véhicules destinés à la destruction.
Attendu que Monsieur Geoffre, partie civile, représenté par son conseil sollicite la confirmation du jugement, outre l'octroi d'une somme de 6 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale; en indiquant qu'informé de l'aptitude à l'emploi de son véhicule Toyota, il aurait pu le conserver pour son usage ou le vendre pour un prix de 15 000 F, prix auquel il a été revendu par Monsieur L, employé du garage C.
Attendu que l'association Union des consommateurs de la Dordogne, UFC que Choisir, demande de lui accorder 5 000 F de dommages intérêts, 2 500 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale pour les frais exposés en première instance et 5 000 F sur ce même fondement devant la cour sollicitant en outre la publication de la décision dans les journaux locaux.
Motivation
Attendu que la cour entend se référer aux énonciations suffisantes des premiers juges en ce qui concerne l'exposé des faits à l'origine des poursuites.
Attendu que le jugement sera confirmé en ce qui concerne la qualification des contraventions poursuivies à l'encontre de Monsieur C, et la déclaration de sa culpabilité de ce chef dans la mesure où il est établi, que le prévenu a revendu le véhicule Toyota repris à Monsieur Geoffre, à son salarié Monsieur L, sans mention du kilométrage du véhicule sur le certificat de cession et la facture, ainsi que sans avoir remis à l'acheteur un rapport de contrôle technique.
Attendu que le jugement sera en revanche réformé en ce qu'il a déclaré la culpabilité de Monsieur C du chef de tromperie sur les qualités substantielles et l'aptitude à l'emploi du véhicule Toyota à l'égard de Monsieur Geoffre. Qu'en effet, si aux termes d'une jurisprudence constante, l'infraction visée à l'article L. 213-1 du Code de la consommation, peut concerner aussi bien l'acheteur que le vendeur, encore faut-il que la tromperie porte sur la nature, l'espèce, l'origine, les qualités substantielles, la composition des marchandises, l'aptitude à l'emploi ou les risques inhérents à l'utilisation pour que l'infraction soit caractérisée.
Attendu qu'en l'espèce Monsieur Geoffre n'établit nullement que le vendeur du garage Fiat lui ait affirmé que son véhicule Toyota était devenu inapte à L'emploi, sa reprise aux fins de destruction, mentionnée dans la facture pro-forma d'acquisition d'un véhicule neuf, étant seulement destinée à faire bénéficier Monsieur Geoffre de la prime d'Etat de 5 000 F dénommée "La Juppette" en sus de la reprise habituelle Fiat d'un montant de 7 000 F.
Attendu que Monsieur Geoffre ne peut davantage prétendre que la destruction de son véhicule constituait un élément substantiel de la transaction - la tromperie devant d'ailleurs s'apprécier in abstracto, par rapport à l'individu moyen -que la tromperie invoquée par Monsieur Geoffre porte en réalité sur la valeur de son véhicule Toyota, dans la mesure où, celui-ci ayant été revendu 15 000 F à Madame Lafon, Monsieur Geoffre estime qu'il aurait pu obtenir un tel prix, en revendant lui-même le véhicule - que cependant, la tromperie sur la seule valeur n'est pas réprimée par l'article L. 213-1 du Code de la consommation - que de surcroît, la culpabilité de Monsieur L, revendeur du véhicule Toyota à Madame Lafon, retenue par les premiers juges, du chef de tromperie sur les qualités substantielles, décision qui est définitive à défaut d'appel, démontre que le véhicule Toyota n'avait pas une valeur de 15 000 F.
Attendu que Monsieur C sera dès lors relaxé du chef de tromperie sur les qualités substantielles et l'aptitude à l'emploi du véhicule Toyota, à l'égard de Monsieur Geoffre, l'infraction poursuivie n'étant pas constituée, même si les faits dénotent un manque de loyauté à l'égard du co-contractant.
Attendu que les pénalités prononcées au titre des contraventions poursuivies, étant adaptées aux faits, elles seront confirmées.
Attendu que par suite de la relaxe de Monsieur C du chef de tromperie à l'égard de Monsieur Geoffre, le jugement sera réformé en ses dispositions civiles, et que Monsieur Geoffre sera débouté de ses demandes.
Attendu que pour les mêmes motifs, il n'y a pas lieu de maintenir la condamnation solidaire de Monsieur C avec Monsieur L définitivement condamné au paiement des sommes accordées à l'Association UFC que choisir - que le jugement sera réformé et que les demandes de l'Association contre Monsieur C seront rejetées.
Par ces motifs: LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement par arrêt contradictoire à l'égard du prévenu, et des parties civiles; Déclare recevables les appels; Sur l'action publique: Confirme le jugement sur la qualification des faits la déclaration de culpabilité et les pénalités, en ce qui concerne les deux contraventions poursuivies; Dit que la contrainte par corps s'appliquera dans les conditions prévues aux articles 749 et 750 du Code de procédure pénale; Réformant sur le délit de tromperie et statuant à nouveau, Relaxe Jean Marie C des fins de la poursuite; Sur l'action civile: Réformant le jugement et statuant à nouveau, Déboute Monsieur Geoffre et l'Association UFC de la Dordogne - que choisir, de leurs demandes à l'encontre de Monsieur C; La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F dont est redevable chaque condamné en application de l'article 1018 A du CGI.