CA Besançon, 2e ch. com., 28 octobre 2003, n° 02-00101
BESANÇON
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Decarpentrie PH (EURL)
Défendeur :
Davines (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Conseillers :
M. Polanchet, Mme Vignes
Avoués :
SCP Leroux, Me Economou
Avocats :
Mes Covillard, Soulier
Faits et prétentions des parties
Par acte du 11 août 2000, l'EURL Decarpentrie a assigné la société de droit italien Davines devant le Tribunal de commerce de Lons-Le-Saunier aux fins de voir constater que la défenderesse avait rompu brutalement les relations commerciales établies entre elles depuis plus de 2 ans et de voir en conséquence condamner l'intéressée à lui payer la somme de 360 000 F en réparation de son préjudice ainsi que la somme de 6 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La société Davines a conclu au rejet de l'ensemble des prétentions adverses au motif qu'elle avait régulièrement rompu les relations contractuelles établies avec la société Decarpentrie.
Par jugement du 7 décembre 2001, le tribunal de commerce a débouté l'EURL Decarpentrie de toutes ses demandes et l'a condamnée aux dépens.
Par déclaration remise le 18 janvier 2002 au greffe de la cour, l'EURL Decarpentrie a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions, déposées le 19 novembre 2002, elle demande à la cour de réformer le jugement entrepris et de condamner la société Davines à lui payer:
- la somme de 54 881,65 euros (360 000 F) à titre de dommages et intérêts correspondant au préjudice subi du fait de la rupture brutale des relations commerciales, et ce avec intérêts de droit à compter de l'assignation,
- la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Aux termes de ses conclusions déposées le 19 septembre 2002, la société Davines demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de condamner l'EURL Decarpentrie à lui payer une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 mars 2003.
Au fond
L'article 36-5 de l'ordonnance du ler décembre 1986, en vigueur à l'époque des faits dont la cour est saisie (l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce n'est en effet applicable qu'à compter de l'entrée en vigueur de la loi du 15 mai 2001) dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé, le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou artisan, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte des relations commerciales antérieures ou des usages reconnus par des accords interprofessionnels.
Il est constant que la société Davines, qui a pour activité la fabrication de produits de coiffure, a signé le 1er mars 1999 avec l'EURL Decarpentrie une lettre d'intention d'une durée de 10 mois (expirant donc le 31/12/99) relative à la distribution de produits capillaires dans les salons de coiffure des départements du Doubs, du Jura, de la Haute-Saône et du Territoire de Belfort.
Il était stipulé que le contrat pourrait être renouvelé annuellement selon les résultats obtenus pendant sa durée.
L'EURL Decarpentrie soutient que les relations commerciales entre les parties ont commencé au mois de mars 1998 et qu'elles se sont prolongées au delà du 31 décembre 1999, le contrat à durée déterminée du 1er mars 1999 ayant été tacitement reconduit.
En l'absence de toute contestation par la société Davines de la pièce adverse n° 4 retraçant l'évolution des ventes Davines en 1998, 1999 et 2000, il convient de considérer que les parties ont été en relations d'affaires depuis le mois de mars 1998 et que leur relation commerciale présentait à la fin de l'année 1999 un caractère établi, compte tenu du volume du chiffre d'affaires engrangé par cette relation.
Alors que la nécessité de respecter un préavis s'impose à la partie qui souhaite rompre un contrat en cours, il résulte des pièces versées aux débats que la société Davines avait informé l'EURL Decarpentrie au cours du dernier trimestre 1999 qu'elle était contrainte de réorganiser son réseau de distribution, de sorte que la lettre d'intention ne serait pas renouvelée.
Monsieur Decarpentrie a d'ailleurs très vite rencontré Monsieur Libotte, le Directeur général de la Centrale des Artisans Coiffeurs (CAC), nouveau distributeur de la société Davines dans le Nord-Est de la France, et une première réunion regroupant les représentants des sociétés Davines, Decarpentrie et CAC s'est tenue le 24 février 2000 à Metz.
Après avoir échangé des correspondances avec la CAC, l'EURL Decarpentrie a accepté, dans un courrier du 3 mai 2000, le principe de se fournir auprès du nouveau distributeur de la société Davines.
Comme l'a relevé le premier juge, il est démontré que l'EURL Decarpentrie a été informée en temps utile que le contrat du 1er mars 1999 ne serait pas renouvelé à son expiration et que la société Davines a fait preuve d'un geste commercial en acceptant de continuer à livrer l'EURL Decarpentrie jusqu'à fin avril 2000, soit pendant une période supplémentaire de 4 mois.
Dans la mesure où la société Davines ne saurait se voir reprocher une rupture brutale des relations commerciales, l'EURL Decarpentrie ne peut réclamer une quelconque indemnisation au titre du préjudice qu'elle prétend avoir subi.
Il convient par conséquent de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
L'EURL Decarpentrie, qui succombe en son recours, sera déboutée de sa demande formulée sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et condamnée aux dépens d'appel ainsi qu'au paiement d'une somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour par la société Davines.
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions; Déboute l'EURL Decarpentrie de sa demande formulée au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; La condamne aux dépens d'appel ainsi qu'au paiement d'une somme de mille euros (1 000 euros) au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour par la société Davines avec possibilité de recouvrement direct au profit de Me Economou, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.