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Décisions

CCE, 9 juillet 2003, n° 2004-261

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Aide d'État C 11-2002 (ex N 382-2001) que l'Italie envisage de mettre à exécution en faveur de certains poids lourds affectés au transport routier de marchandises afin de dévier leur circulation de la route nationale 33 du lac Majeur vers l'autoroute A26

CCE n° 2004-261

9 juillet 2003

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 88, paragraphe 2, premier alinéa, vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a), après avoir invité l'Italie et les tiers intéressés à présenter leurs observations conformément auxdits articles (1) et vu ces observations, considérant ce qui suit:

1. PROCÉDURE

(1) Par lettre du 12 juin 2001, l'Italie a notifié à la Commission le texte unique des projets de loi régional n° 14 et 87 de 2000 concernant la "Déviation de circulation des poids lourds de la route nationale 33 du lac Majeur vers l'autoroute A26".

Les autorités italiennes ont communiqué des informations complémentaires à la Commission par lettres du 4 septembre 2001 et du 21 janvier 2002. En particulier, par lettre du 14 janvier 2002 (DG TREN-A-51067), elles ont transmis à la Commission un projet de protocole d'accord intervenu entre le ministère des Infrastructures et des Transports, la Région Piémont, les associations des transporteurs routiers et la société Autostrade SpA.

(2) Par lettre du 27 février 2002, la Commission a informé l'Italie de sa décision d'ouvrir la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, du traité CE, à l'encontre de cette mesure.

(3) La décision de la Commission d'ouvrir la procédure a été publiée au Journal officiel des Communautés européennes (2). La Commission a invité l'Italie et les intéressés à présenter leurs observations sur la mesure en cause.

(4) Par lettres du 17 mai 2002 (DG TREN-A-59000) et du 17 janvier 2003 [SG (2003) A-1199], l'Italie a transmis à la Commission ses observations à ce sujet. Par contre, la Commission n'a pas reçu d'observations de la part des tiers intéressés.

2. DESCRIPTION DÉTAILLÉE DE LA MESURE

2.1. Brève description des mesures initiales

(5) Afin de sauvegarder la sécurité des citoyens concernés, de protéger l'environnement et de développer le tourisme dans la zone du lac Majeur, la Région Piémont propose de mettre en place un système de déviation saisonnière de la circulation obligatoire pour tous les véhicules affectés au transport routier de marchandises d'au moins 7,5 tonnes de la route nationale 33 du lac Majeur vers l'autoroute A26.

(6) À cette fin, elle s'engage à payer les péages dus par ces véhicules pour l'utilisation de ladite autoroute jusqu'à un maximum de 40 %. Conformément à la législation nationale en matière de déviation temporaire de la circulation des poids lourds, les autorités italiennes justifient cette mesure, notamment par le fait que dans le cas d'espèce, l'unique alternative possible à la route nationale est une autoroute à péage.

2.2. Description détaillée des mesures actuelles

(7) Aux termes du texte unique des projets de loi régionale n° 14-2000 et 87-2000, la Région Piémont entend dévier temporairement, dans la période comprise entre le 1er juin et le 30 septembre 2003, la circulation dans les deux sens de certains poids lourds dans la zone de la côte du lac Majeur de la route nationale vers l'autoroute à péage A26, notamment dans les parties comprises entre Gravellona Toce et Castelletto Ticino et entre Gravellona Toce et Borgomanero. Cette mesure a pour but de sauvegarder la sécurité des citoyens de la rive du lac Majeur qui est mise en danger surtout pendant les mois estivaux quand la circulation sur les routes côtières connaît une augmentation sensible du fait du flux touristique dans cette zone. Ladite mesure aidera également à protéger l'environnement, notamment en ce qui concerne la réduction de la pollution, et à développer le tourisme dans la région, tout en réduisant le temps de parcours des marchandises transportées par route.

(8) Les véhicules concernés sont les poids lourds de plus de 7,5 tonnes affectés au transport routier de marchandises, et notamment les autocars, les tracteurs routiers, les trains routiers, les véhicules articulés et les véhicules assurant le transport de matériaux utilisés dans les secteurs de la construction, de l'entretien des infrastructures routières et de l'extraction minière (3). Ces véhicules sont identifiés directement par la société Autostrade SpA, qui est la société concessionnaire de l'autoroute A26, par le biais du système de péage électronique "Telepass" ainsi que par les attestations de paiement délivrées au moment du passage des barrières de péage.

(9) Par lettre du 17 janvier 2003 [SG (2003) A-1199], l'Italie a étendu le champ d'application de la mesure aux poids lourds, italiens et communautaires, de plus de 7,5 tonnes effectuant le paiement des péages par des systèmes autres que celui du péage électronique "Telepass", notamment aux véhicules de la même catégorie qui effectuent le paiement des péages en espèces, par Bancomat, cartes de crédit et Viacard (4).

(10) En ce qui concerne l'application de la mesure à la seule catégorie des véhicules de plus de 7,5 tonnes, il faut souligner que dans l'ordre juridique italien ce sont les véhicules auxquels s'appliquent normalement les mesures d'interdiction temporaire de circuler (5).

(11) Les conditions d'application de la mesure ont été établies par un projet de protocole d'accord intervenu entre le ministère des Infrastructures et des Transports, la Région Piémont, la société Autostrade SpA et les associations des transporteurs routiers. Sur la base de cet accord, la Région Piémont s'est engagée à compenser partiellement les péages dus pour l'utilisation obligatoire de l'autoroute A26, notamment jusqu'à un maximum de 40 % et dans les limites d'un budget maximal d'environ 155 000 euros. Les associations des transporteurs routiers, quant à elles, se sont engagées à faire en sorte que leurs membres paient au moins 40 % desdits péages. En outre, la société Autostrade SpA offre une réduction de 20 % aux véhicules mentionnés.

(12) Cette réduction est appliquée par la société Autostrade SpA soit sur la facture des péages payés pour les utilisateurs du système de péage électronique "Telepass", soit directement lors du passage des barrières de péage, pour les transporteurs qui paient leurs péages en espèces, par Bancomat, carte de crédit ou Viacard. La Région Piémont s'engage à rembourser à ladite société la part qui est à sa charge (au maximum 40 %) des réductions accordées sur les droits de péage.

(13) Les montants des péages à payer varient selon la catégorie du véhicule et la partie d'autoroute concernée et sont compris entre 0,77 et 5,4 euros par véhicule et par parcours.

(14) L'adoption de cette mesure résulte du fait que le seul parcours de remplacement de la route nationale du lac Majeur dont l'accès sera limité passe par l'autoroute A26, qui est soumise au paiement de péages. En effet, dans l'ordre juridique italien (6), chaque fois qu'est décidée une déviation temporaire de la circulation de poids lourds pour des raisons de sécurité publique, de sécurité routière ou de protection de la santé, les autorités locales doivent indiquer un ou plusieurs parcours de remplacement, dont au moins un ne doit pas rendre obligatoire l'utilisation de parties d'autoroutes soumises au paiement de péages.

(15) Par lettre du 17 janvier 2003 [SG (2003) A-1199], les autorités italiennes ont transmis à la Commission les résultats d'une étude visant à mesurer le niveau de pollution causé par un véhicule de 26 tonnes au maximum parcourant les trajets, aller et retour, Castelletto Ticino-Gravellona Toce et Borgomanero-Gravellona Toce en utilisant soit l'autoroute A26 soit les routes SS 33, SS 142 et SR 229 (7). Cette étude montre que, même si le trajet autoroutier est plus long de 10 kilomètres (km) par rapport aux trajets effectués en utilisant les routes nationales, une réduction substantielle de la consommation de carburant et, donc, du niveau des émissions polluantes, peut être constatée lors de l'utilisation de l'autoroute A26. Sur la base des prévisions concernant l'augmentation du nombre des véhicules utilisant l'autoroute indiquée lors de la mis en œuvre de la mesure de déviation de la circulation des poids lourds dans la zone du lac Majeur, les autorités italiennes ont également estimé la quantité globale de gazole qui pourrait être économisée dans les années 2003, 2004 et 2005. D'après l'Italie, cette diminution de la quantité de gazole utilisé aurait comme effet de réduire les émissions polluantes et contribuerait donc à améliorer les conditions environnementales dans la zone concernée, notamment en ce qui concerne le niveau de pollution atmosphérique (8).

(16) Actuellement la mesure en question semble présenter un caractère expérimental et être limitée à la période comprise entre le 1er juin et le 30 septembre 2003. En vue de vérifier les résultats de l'expérience, la Région Piémont prévoit d'instituer un groupe de travail, composé d'un représentant de chacun des signataires du protocole d'accord.

2.3. Raisons ayant conduit à l'ouverture de la procédure

(17) Lors du lancement de la procédure formelle d'examen, la Commission a constaté que dans le cas d'espèce la mesure envisagée par les autorités italiennes semble tomber sous le coup de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE. En particulier, la mesure mobilise des ressources étatiques, et confère un avantage financier au seul secteur routier, notamment aux entreprises qui effectuent des transports routiers de marchandises avec des poids lourds d'au moins 7,5 tonnes et utilisent le système de péage électronique "Telepass", en les libérant de charges qui normalement grèvent leur budget. La Commission a également constaté que la mesure ne s'applique qu'à une partie bien limitée du réseau routier national. En outre, elle a estimé qu'une telle mesure peut être considérée comme une aide au fonctionnement qui, compte tenu du degré d'ouverture à la concurrence du secteur des transports routiers de marchandises, fausse ou risque de fausser les échanges intracommunautaires.

(18) La Commission a exprimé ses doutes quant à l'éventuelle compatibilité de la mesure avec l'article 87, paragraphe 2 ou 3, et avec l'article 73 du traité. En particulier, la Commission a considéré qu'il y a un risque que la mesure en question ne vise pas à réaliser une meilleure répartition entre les différents modes de transport, et semble plutôt avoir pour effet de favoriser la prédominance du transport routier au détriment des autres modes, notamment du transport ferroviaire et du transport maritime à courte distance.

(19) Par conséquent, dans sa décision du 27 février 2002, la Commission a invité l'Italie à répondre aux questions supplémentaires et à fournir toute information utile pour l'évaluation de la mesure dans un délai d'un mois à compter de la réception de ladite décision. Elle a également invité les tiers intéressés à présenter leurs observations.

3. COMMENTAIRES DE L'ITALIE

(20) Par lettre du 17 mai 2002 (DG TREN-A-59000), l'Italie a clarifié davantage la mesure. Ensuite, par courrier du 17 janvier 2003 [SG (2003) A-1199], elle a informé la Commission des modifications apportées au régime. Les observations présentées peuvent être résumées comme suit.

(21) Dans un premier temps, les autorités italiennes ont souligné que l'application de la mesure en objet serait réservée tant aux poids lourds nationaux qu'à ceux d'autres États membres appartenant aux catégories indiquées, transitant sur le tronçon d'autoroute désigné et équipés du dispositif "Telepass". Pour justifier le fait que seuls pouvaient bénéficier de la mesure les véhicules utilisant le système de péages électronique "Telepass", les autorités italiennes avaient indiqué qu'en majorité, les véhicules italiens ou de tout autre État membre, étaient d'ores et déjà équipés de ce dispositif pour réaliser leur activité normale. Ensuite, l'Italie a décidé d'étendre le champ d'application de la mesure aux poids lourds de plus de 7,5 tonnes, italiens et communautaires, effectuant le paiement des péages par des systèmes autres que celui du péage électronique "Telepass".

(22) L'Italie considère que la mesure est compatible avec l'encadrement communautaire des aides d'État pour la protection de l'environnement (9), notamment avec les points 50 et 51. D'après les autorités italiennes, la mesure considérée serait nécessaire pour contribuer de manière significative à la protection de l'environnement, à la sécurité et à la santé publique compromise par la congestion causée par la circulation routière sur la route nationale 33 du lac Majeur. En outre, l'intervention de la Région est subordonnée à un protocole d'accord entre l'administration régionale et les associations de transporteurs routiers, ce qui serait conforme au point 51 dudit encadrement.

(23) En particulier, pour étayer l'idée que la mesure contribue à la protection de l'environnement, les autorités italiennes font valoir les résultats de l'étude effectuée sur un véhicule de 26 tonnes au maximum parcourant les trajets, aller et retour, Castelletto Ticino-Gravellona Toce et Borgomanero-Gravellona Toce en utilisant soit l'autoroute A26 soit les routes SS 33 et SR 229. Les autorités italiennes insistent sur le fait qu'une réduction substantielle de la consommation de carburant et, donc, du niveau des émissions polluantes pourrait être constatée du fait de l'utilisation de l'autoroute A26. En effet, d'après l'Italie, l'augmentation du nombre de véhicules utilisant l'autoroute A26 aurait comme effet la diminution de la quantité de gazole utilisé et, plus généralement, des émissions polluantes, et contribuerait donc à améliorer les conditions environnementales dans la zone du lac Majeur. En particulier, les autorités italiennes indiquent que la déviation du trafic contribuerait à améliorer les conditions environnementales, notamment en termes de réduction du niveau de pollution atmosphérique de certaines communes situées le long de la route nationale qui, selon la loi de la Région Piémont n° 43-2000 (10), font partie des zones régionales 1 et 2, dont le niveau de pollution est supérieur aux valeurs limites de qualité de l'air.

(24) Les autorités italiennes font également remarquer que la mesure peut être justifiée sur la base de l'article 73 du traité CE. À cet égard, l'Italie fait valoir que la sauvegarde de la sécurité publique relève de la notion de "service public" citée à l'article 73. En ce qui concerne la nécessité de "coordination des transports", les autorités italiennes estiment qu'à l'heure actuelle la morphologie du territoire, la haute valeur touristique de la zone et le caractère typique des localités ne permettraient pas de favoriser le transit de marchandises en augmentant le trafic ferroviaire et encore moins le transport maritime. Par contre, le régime en question, en garantissant une meilleure gestion du trafic, restituerait aux zones concernées dignité et sécurité.

(25) L'Italie rappelle le caractère strictement expérimental de la mesure pour la période allant du 1er juin au 30 septembre 2002, tout en indiquant que si la procédure auprès de la Commission n'aboutit pas en temps utile, la mesure sera appliquée au cours de la période allant du 1er juin au 30 septembre 2003. Les autorités italiennes précisent par ailleurs que l'intervention ne pourra en aucun cas, de quelque manière que ce soit, léser les objectifs généraux poursuivis.

(26) La Commission n'a pas reçu officiellement d'observations de la part des tiers intéressés.

4. APPRÉCIATION DE LA MESURE: EXISTENCE DE L'AIDE

(27) L'article 87, paragraphe 1, du traité CE établit que sont incompatibles avec le Marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.

4.1. Transfert de ressources d'État

(28) Dans le cas d'espèce, il y a lieu de constater que la Région Piémont contribue au paiement jusqu'à un maximum de 40 % des péages dus par certains transporteurs routiers utilisant l'autoroute A26, par le biais d'un remboursement en faveur de la société Autostrade SpA, pour la réduction que cette dernière applique aux transporteurs routiers. Un transfert de ressources d'État apparaît donc indéniable. En revanche, compte tenu du caractère privé de la société Autostrade SpA, la remise de 20 % octroyée directement par cette société aux transporteurs routiers ne constitue pas un transfert de ressources d'État (11).

4.2. Existence d'avantages financiers

(29) L'avantage financier pour certains poids lourds est également évident du fait que l'intervention de la Région permet à la société Autostrade SpA d'appliquer des réductions sur les péages en faveur de ces derniers. Par conséquent, les entreprises bénéficiaires de l'aide seraient libérées de tout ou partie des coûts qu'elles auraient dû normalement supporter dans le cadre de leur gestion courante ou de leurs activités normales en utilisant l'autoroute.

4.3. Sélectivité de la mesure

(30) En ce qui concerne le caractère sélectif de cette mesure, il y a lieu de constater qu'elle s'applique au seul secteur du transport routier de marchandises, notamment à la catégorie spécifique des poids lourds d'au moins 7,5 tonnes dans l'ensemble des véhicules qui sont affectés au transport de marchandises (12), pour l'utilisation d'une partie bien limitée du réseau routier national.

4.4. Incidences sur la concurrence et les échanges intracommunautaires

(31) Il y a lieu de constater que la mesure envisagée, tout en libérant certaines entreprises des coûts qui pèseraient sur elles dans le cadre de leur gestion normale, doit être qualifiée d'aide au fonctionnement qui donc fausse en principe la concurrence (13) vis-à-vis des entreprises, nationales ou d'autres États membres, qui ne bénéficient pas de cette mesure.

(32) En effet, compte tenu du large degré d'ouverture à la concurrence du secteur du transport routier de marchandises (14), on peut présumer que les véhicules qui bénéficient de cette compensation circulent sur le même marché que des véhicules qui ne bénéficient pas d'une telle réduction des péages, et que cette mesure, en favorisant les premiers, peut donc fausser la concurrence normale dans le secteur du transport routier. Il ne peut pas être exclu non plus que la concurrence entre les différents modes de transports soit affectée. En outre, il se peut que les échanges communautaires soient affectés.

5. COMPATIBILITÉ DE L'AIDE

(33) Bien que la mesure en question soit à qualifier comme aide au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité, elle doit encore être appréciée à la lumière des dérogations ou exceptions prévues à l'article 87, paragraphes 2 et 3. Il convient également d'examiner sa compatibilité avec l'article 73 du traité ainsi qu'avec l'encadrement communautaire des aides d'État pour la protection de l'environnement (15).

5.1. Examen de la mesure à la lumière des dérogations prévues à l'article 87

(34) En ce qui concerne la compatibilité avec l'article 87, paragraphe 2, la mesure italienne ne peut pas être considérée comme relevant des dérogations indiquées, car il ne s'agit pas d'une aide à caractère social octroyée aux consommateurs individuels, ni d'une aide destinée à remédier aux dommages causés par les calamités naturelles ou par d'autres événements extraordinaires, ni encore d'une aide octroyée pour compenser les désavantages économiques causés par la division de la République fédérale d'Allemagne.

(35) Quant à la possibilité de dérogation prévue à l'article 87, paragraphe 3, points a) et b), il y a lieu de constater que l'aide en question ne peut pas être considérée comme une aide destinée à favoriser le développement économique de régions caractérisées par un niveau de vie anormalement bas ou par un grave sous-emploi, ni comme une aide destinée à promouvoir la réalisation d'un projet important d'intérêt européen commun ou à remédier à une perturbation grave de l'économie d'un État membre. En outre, compte tenu de la nature des dérogations prévues à l'article 87, paragraphe 3, points d) et e), elles ne peuvent pas non plus s'appliquer dans le cas d'espèce.

(36) En ce qui concerne la dérogation indiquée à l'article 87, paragraphe 3, point c), la Commission estime qu'aucun des encadrements communautaires donnant application à ladite exception ne peut être invoqué dans le cas d'espèce. En particulier, pour ce qui est de l'application de cette dérogation dans sa signification environnementale, il y a lieu de constater que, malgré les arguments développés par les autorités italiennes, la mesure en question ne remplit pas les conditions établies dans l'encadrement communautaire sur les aides en faveur de l'environnement, notamment pour bénéficier des dérogations prévues au point E.3.2.

(37) En effet, en premier lieu, dans la mesure en objet, il n'est pas question de "taxes" aux termes du point E.3.2 dudit encadrement mais de "droits de péage", c'est-à-dire du paiement d'une somme déterminée pour l'utilisation d'une certaine infrastructure, basée sur la distance parcourue et sur le type de véhicule (16). Il en découle que la mesure en objet ne peut pas non plus être qualifiée de "nouvelle taxe" qui aurait été introduite pour des raisons environnementales aux termes du point 51.1 dudit encadrement. Cette mesure ne relève pas non plus des dérogations indiquées au point 51.2 car elle ne peut pas être considérée comme "taxe existante" ayant un effet positif appréciable en termes de protection de l'environnement, dont certaines entreprises pourraient être exemptées du fait qu'une modification significative de leurs conditions économiques les aurait placées dans une situation plus difficile par rapport à leurs concurrents.

(38) Par conséquent, la dérogation prévue à l'article 87, paragraphe 3, point c), notamment dans sa signification environnementale, ne peut pas s'appliquer dans le cas d'espèce.

5.2. Compatibilité de la mesure avec l'article 73 du traité

(39) Il convient tout d'abord de souligner que l'Italie a supprimé le traitement préférentiel du système "Telepass" qui est utilisé surtout par les transporteurs italiens et moins par ceux en provenance d'autres États membres. À cet effet, les autorités italiennes ont donc introduit la possibilité d'appliquer la mesure en question à d'autres systèmes de paiement (dont le paiement en espèces) accessibles normalement aux transporteurs non italiens. Dès lors, le principal doute quant aux possibles effets discriminatoires de la mesure entre opérateurs d'États membres différents, est levé. La Commission estime donc que cette modification constitue un élément déterminant pour l'appréciation de la mesure.

(40) Il y a lieu d'examiner la compatibilité de la mesure à la lumière de l'article 73 du traité ainsi que du règlement (CEE) n° 1107-70 du Conseil du 4 juin 1970 relatif aux aides accordées dans le domaine des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable (17), notamment de son article 3, paragraphe 1, point b).

(41) Conformément à l'article 73, sont compatibles avec le traité les aides qui répondent aux besoins de la coordination des transports ou qui correspondent au remboursement de certaines servitudes inhérentes à la notion de service public. Aux termes de l'article 3, paragraphe 1, point b), du règlement susmentionné, les États membres peuvent adopter de mesures de coordination des transports "jusqu'à l'entrée en vigueur d'une réglementation commune en matière d'imputation des coûts d'infrastructure, lorsque les aides sont accordées à des entreprises ayant à leur charge des dépenses relatives à l'infrastructure qu'elles utilisent, alors que d'autres entreprises ne supportent pas de telles charges, le montant des aides ainsi accordées devant être apprécié en tenant compte des coûts d'infrastructure que les transports concurrents ne supportent pas".

(42) En général, la notion de coordination des transports est considérée comme équivalente à l'intervention du gouvernement sur le marché pour des raisons de politique des transports.

(43) Dans le cas d'espèce, il y a tout d'abord lieu de constater que le gouvernement régional, en déviant la circulation des poids lourds de la zone côtière vers d'autres routes, entend intervenir de façon à garantir une meilleure gestion du trafic dans la zone du lac Majeur. La circulation dans la région du lac est en effet difficile du fait de la configuration morphologique du territoire et elle s'aggrave pendant la période estivale, lorsqu'il y a une augmentation sensible du trafic. Cette mesure répond donc aux besoins de coordination des transports car elle permet aux autorités locales de réduire le nombre de véhicules parcourant les routes côtières et d'organiser au mieux la circulation routière pendant la période mentionnée.

(44) Il convient par ailleurs de noter qu'il n'y a pas actuellement de réglementation communautaire en vigueur en matière d'imputation des coûts de l'infrastructure. De plus, il faut rappeler que les véhicules concernés par la mesure (plus de 7,5 tonnes) devront supporter une charge relative à l'infrastructure qu'ils utilisent alors que d'autres entreprises ne la supportent pas (étant donné qu'elles peuvent utiliser la route côtière). De ce fait, le montant de cette compensation est considéré comme proportionnel.

(45) Vu que la mesure constitue une coordination des transports, qu'elle sera appliquée alors qu'il n'y a pas de réglementation communautaire en vigueur en matière d'imputation des coûts de l'infrastructure et que les entreprises concernées doivent supporter une charge relative à l'infrastructure qu'elles utilisent alors que d'autres entreprises n'en supportent pas, il est considéré que toutes les conditions fixées dans l'article 3, paragraphe 1, point b), du règlement (CEE) n° 1107-70 sont remplies, de sorte que l'Italie est en droit d'adopter une telle mesure, dont l'application est fortement limitée dans le temps, qui concerne une infrastructure bien déterminée et porte sur une problématique tout à fait locale.

(46) Il est de plus rappelé qu'une telle mesure devrait être reconsidérée dans le cas de l'entrée en vigueur d'une réglementation communautaire en matière d'imputation des coûts de l'infrastructure et que toute autre mesure similaire devrait en tout cas être appréciée selon ses propres caractéristiques.

(47) Compte tenu du caractère très faible du bénéfice, la Commission estime que le préjudice éventuellement porté aux échanges intracommunautaires est presque inexistant. Vu sa courte durée, l'aide n'affecte la concurrence que de manière très limitée et, en tout cas, elle n'est pas en mesure d'entraîner de distorsion de concurrence contraire à l'intérêt général.

(48) Quant à la compatibilité avec la politique européenne des transports, la Commission constate que la mesure en question, en améliorant la sécurité publique des routes locales dans la zone concernée, est conforme aux objectifs de la politique commune des transports (18).

6. CONCLUSIONS

(49) La Commission conclut que la mesure en question constitue une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité.

(50) Néanmoins, à la lumière de l'article 73 ainsi que de l'article 3, paragraphe 1, point b), du règlement (CEE) n° 1107-70, la Commission considère que l'aide est compatible avec le traité,

A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article premier

L'aide d'État que l'Italie envisage de mettre à exécution afin de dévier la circulation des poids lourds de plus de 7,5 tonnes de la route nationale 33 du lac Majeur vers l'autoroute A26 pendant la période comprise entre le 1er juin et le 30 septembre 2003, pour un montant maximal de 155 000 euros, est compatible avec le Marché commun aux termes du règlement (CEE) n° 1107-70 en application de l'article 73 du traité.

La mise à exécution de cette mesure pour un montant maximal de 155 000 euros est par conséquent autorisée.

Article 2

L'Italie est destinataire de la présente décision.

(1) JO C 87 du 11.4.2002, p. 2.

(2) JO C 87 du 11.4.2002, p. 2.

(3) Voir l'article 54, paragraphe 1, points d), e), h), i) et n) du Code de la route, Décret législatif n° 285 du 30 avril 1992 (Journal officiel de la République italienne n° 114 du 18.5.1992), tel que modifié par le Décret législatif n° 360 du 10 septembre 1993 (Gazzetta ufficiale della Repubblica italiana n° 217 du 15.9.1993). Voir également le Décret du ministre des Infrastructures et des Transports du 5.12.2001 ainsi que l'article 7 du Décret du président de la République n° 495 du 16.12.1992.

(4) Voir en particulier, le point 5 du projet de protocole d'accord.

(5) Voir également le Décret du ministre des Infrastructures et des Transports du 5.12.2001 ainsi que l'article 7 du Décret du Président de la République n° 495 du 16.12.1992.

(6) Voir la circulaire ministérielle n° 62 du 5 août 1993, les articles 6 et 7 du Décret législatif n° 285 du 30 avril 1992 ainsi que l'article 7 du Décret du président de la République n° 495 du 16 décembre 1992 (Gazzetta ufficiale della Repubblica italiana n° 303 du 28.12.1992) tel que modifié par le Décret du Président de la République n° 610 du 16 septembre 1996 (Gazzetta ufficiale della Repubblica italiana n° 284 du 4.12.1996).

(7) Essai effectué le 23 octobre 2002 avec un tracteur IVECO AS 440 S 45 (240 CV) ayant une semi-remorque de 40,5 tonnes au maximum.

(8) Voir en particulier le Plan régional pour l'assainissement et la qualité de l'air (Piano regionale per il risanamento e la qualità dell'aria, Bulletin officiel de la Région Piémont n° 47 du 21.11.2002), adopté par décision du Conseil régional du 21 novembre 2002 en vertu du Décret du ministre de l'Environnement n° 60-2002. Ce plan fait notamment apparaître que dans la zone concernée, figurent huit communes dont le niveau de pollution atmosphérique est supérieur à la valeur limite et pour lesquelles des actions de la part de la Région sont envisagées.

(9) JO C 37 du 3.2.2001, p. 3.

(10) Loi régionale n° 43 du 7 avril 2000. Dispositions pour la protection de l'environnement en matière de pollution atmosphérique. Première application du plan régional pour l'assainissement et la protection de la qualité de l'air.

(11) Suite à un processus de privatisation qui a eu lieu en décembre 1999, la large majorité du capital de la société Autostrade SpA est actuellement détenue par des actionnaires privés.

(12) Voir la directive 70-156-CEE du Conseil du 6 février 1970 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à la réception des véhicules à moteur et de leur remorques (JO L 42 du 23.2.1970, p. 1) telle que modifiée en dernier lieu par la directive 2004-3-CE du Parlement européen et du Conseil (JO L 49 du 19.12.2003, p. 36). Les véhicules à moteur affectés au transport de marchandises sont tous les véhicules inscrits dans la catégorie N ayant soit au moins quatre roues, soit trois roues et un poids maximal excédant 1 tonne. En particulier, la catégorie N 1 inclut les véhicules ayant un poids maximal de 3,5 tonnes; la catégorie N 2 les véhicules dont le poids maximal est compris entre 3,5 et 12 tonnes; la catégorie N 3 les véhicules de plus de 12 tonnes.

(13) En particulier voir les arrêts du Tribunal du 8 juin 1995, Siemens/Commission, T-459-93, Rec. p. II-1675, points 48 et 77, et du 30 avril 1998, Vlaams Gewest/Commission, T-214-95, Rec. p. II-717, point 64 ou 46.

(14) Voir en particulier le règlement (CEE) n° 881-92 du Conseil du 26 mars 1992 (JO L 95 du 9.4.1992) qui assure, depuis le 1er janvier 1993, la pleine ouverture à la concurrence du transport international des marchandises en faveur de tout titulaire de la licence communautaire prévue par le même règlement, ainsi que le règlement (CEE) n° 3118-93 du Conseil du 25 octobre 1993 (JO L 279 du 12.11.1993) grâce auquel toute restriction quantitative au cabotage a été progressivement abolie et une pleine ouverture à la concurrence du transport national de marchandises a été achevée depuis le 1er juillet 1998.

(15) JO C 37 du 3.2.2001, p. 3.

(16) Voir en particulier l'article 2, point b), de la directive 1999-62-CE du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 1999 relative à la taxation des poids lourds pour l'utilisation de certaines infrastructures (JO L 187 du 20.7.1999, p. 42).

(17) JO L 130 du 15.6.1970, p. 1.

(18) Voir en particulier le livre blanc de 2001, "La politique européenne des transports à l'horizon 2010: l'heure des choix", qui préconise le renforcement de la sécurité routière, p. 16.