CA Nîmes, 2e ch. com. B, 13 novembre 2003, n° 03-03438
NÎMES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Sada (SA)
Défendeur :
Geca (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Espel
Conseillers :
MM. Bancal, Bertrand
Avoués :
SCP Pomies-Richaud-Vajou, SCP Fontaine-Macaluso-Jullien
Avocats :
Mes Deveze, Martin, SCP Paris-Seybald & Associés
Faits et prétentions des parties
La Société Anonyme de Défense et d'Assurance (Sada), à Nîmes (30), a conclu un contrat de délégation de souscription et de gestion d'assurances de commerces, avec la SARL Geca, à Nice (06), chargée d'effectuer le courtage de polices d'assurances auprès d'autres courtiers ou de clients, depuis le 30 septembre 1994.
Le 28 mai 2003 la Sada a notifié par écrit à la SARL Geca l'interdiction d'émettre et d'utiliser tout document à son en-tête, le refus d'accepter de nouvelles affaires proposées par son cabinet et l'interdiction de percevoir des fonds pour son compte, en invoquant les difficultés de gestion rencontrées avec son cabinet.
Contestant cette rupture immédiate et sans préavis, selon elle dépourvue de motif valable, la SARL Geca a assigné, par acte d'huissier en date du 12 juin 2003, la SA Sada devant le juge des référés du Tribunal de commerce de Nîmes, réclamant:
- la condamnation, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, de la Sada à rétablir le code de la SARL Geca pour l'émission des primes, l'établissement des devis et des contrats jusqu'au 31 décembre 2003,
- la condamnation, sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard, de la Sada à poursuivre l'exécution du contrat conclu entre les parties le 25 septembre 2002, jusqu'au 31 décembre 2003, date d'échéance des contrats d'assurances,
- la condamnation de la Sada à lui payer une provision de 150 000 euros, à valoir sur la réparation de son préjudice commercial et d'atteinte à son image de marque, outre une somme de 4 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par décision en date du 6 août 2003, cette juridiction a:
- rejeté la demande d'annulation de l'assignation du 12 juin 2003, portant la date erronée du 12 juillet 2003, au motif que la Sada, qui l'invoquait, avait régulièrement comparu à l'audience du 18 juin 2003,
- retenu sa compétence nonobstant l'invocation d'une clause compromissoire au profit d'un tribunal arbitral,
- visant l'urgence et les dispositions de l'article 873 alinéa 1er du nouveau Code de procédure civile et de l'article 1134 du Code civil,
- constaté le défaut de motivation de la lettre de résiliation unilatérale et son caractère immédiat et sans préavis,
- ordonné à la Sada de rétablir le code de la SARL Geca pour l'émission de primes, l'établissement des devis et des contrats, jusqu'au 31 décembre 2003, sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard à compter de la signification de l'ordonnance,
- condamné la Sada à verser une provision ramenée à la somme de 50 000 euros, à valoir sur le préjudice de la SARL Geca, subi dans son commerce et son image de marque, outre une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- déclaré son incompétence pour les autres chefs de demande et réservé les dépens de l'instance dont elle demandait à la SARL Geca de faire l'avance,
- déclaré l'ordonnance exécutoire sur Minute, nonobstant toutes voies de recours.
Le 7 août 2003 la Sada a relevé appel de cette décision, qui lui été signifiée le 28 août 2003.
Par requête au premier Président de la Cour d'appel de Nîmes déposée au greffe de la cour le 14 août 2003, la Sada a sollicité l'autorisation d'assigner à jour fixe son adversaire devant la cour.
Par ordonnance rendue le 19 août 2003, cette autorisation lui a été accordée, pour saisir la chambre commerciale à l'audience du 6 octobre 2003 à 14 h 30. Une assignation a été délivrée par acte d'huissier à la SARL Geca le 4 septembre 2003, pour cette date, avec les conclusions de l'appelante.
Dans ses dernières conclusions récapitulatives et complémentaires en réponse, déposées au greffe de la cour le 3 octobre 2003 et signifiées à son adversaire le 2 octobre précédent, auxquelles est joint un bordereau récapitulatif des pièces communiquées, la Sada soutient que:
- l'assignation en référé délivrée par la SARL Geca le 12 juillet 2003 pour l'audience du 18 juin précédent, doit être annulée, pour violation des dispositions de l'article 648 du nouveau Code de procédure civile,
- le juge des référés du Tribunal de commerce de Nîmes est incompétent au profit du tribunal arbitral désigné dans la convention des parties,
- à titre subsidiaire, le juge des référés doit se déclarer incompétent en raison des difficultés sérieuses soulevées par elle quant au fond du litige, notamment quant à l'existence de motifs justifiant la résiliation immédiate du contrat avec la SARL Geca,
- à titre subsidiaire et reconventionnel, la SARL Geca doit être condamnée à lui remettre l'intégralité de son fichier client, les bordereaux comptables permettant l'arrêté des comptes entre les parties, les bordereaux de gestion des sinistres gérés pour le compte de la Sada, avec les documents s'y rapportant, ainsi que tout le matériel et les documents à en-tête de la Sada, sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard,
- il doit être interdit à la SARL Geca d'émettre et d'utiliser tous documents à en-tête de la Sada, de percevoir des fonds pour son compte et d'utiliser le nom de la Sada en revendiquant la qualité de mandataire de celle-ci, sous astreinte de 2 000 euros par atteinte constatée,
- subsidiairement encore, la cour doit dire et juger que le rétablissement du code de gestion ne s'applique pas au risque spécifique des discothèques,
- la provision éventuellement allouée par la cour à la SARL Geca ne pourra être payée que contre la fourniture par celle-ci d'une caution bancaire de même montant.
La Sada sollicite en outre le paiement de la somme de 5 000 euros pour les frais de procédure prévus par l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions déposées au greffe de la cour le 3 octobre 2003 et signifiées à son adversaire le même jour, auxquelles est joint un bordereau récapitulatif des pièces communiquées, la SARL Geca demande la confirmation de la décision entreprise, sur le fondement des dispositions de l'article 1134 du Code civil, et la condamnation de la Sada à lui payer une somme de 4 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Elle relève appel incident de l'ordonnance de référé, sollicitant que la provision qui lui a été allouée soit portée à la somme de 150 000 euros, notamment justifiée par l'abus de position dominante prêté à la Sada du fait du refus par la Compagnie La Suisse de reprendre certains contrats d'assurances.
Pour une plus ample relation des faits, de la procédure et des moyens des parties, il y a lieu de se référer aux écritures déposées par les parties.
Sur ce
Sur la nullité de l'assignation en référé:
Attendu qu'au vu de l'exemplaire remis à la Sada, il apparaît que l'assignation délivrée à la Sada par acte de la SCP Hubert Chazel - Michel Quenin, huissiers de justice associés à Nîmes, pour comparaître à l'audience de référé du Président du Tribunal de commerce de Nîmes du 18 juin 2003, à 9 h 30, indique comme date de l'acte le 12 juillet 2003, selon la mention manuscrite figurant en première page;
Que cependant l'exemplaire remis en second original à la SARL Geca par le même huissier de justice, indique la date du 12 juin 2003 et l'acte de signification de l'assignation rédigé par l'huissier, mentionne également le 12 juin 2003 comme date de la remise de la copie de l'acte à Mme Françoise Taillefer, préposée en qualité de secrétaire d'accueil à l'adresse de la Sada, 4, rue Scatisse à Nîmes;
Attendu que cette dernière mention n'est pas arguée de faux par la Sada, qui sollicite uniquement l'annulation de l'assignation en raison de l'indication inexacte de la date de l'acte;
Que le juge des référés du Tribunal de commerce de Nîmes a d'ailleurs relevé que la Sada avait régulièrement comparu à l'audience du 18 juin 2003 pour laquelle cette assignation avait été délivrée; que celle-ci soutient vainement en appel n'avoir reçu l'acte que le 12 juillet 2003, contrairement à la feuille de signification annexée par l'huissier de justice à son assignation et sans expliquer comment elle aurait, dans cette hypothèse, été prévenue de l'audience du 18 juin 2003, à laquelle elle s'est présentée, représentée par un avocat, qui a plaidé;
Qu'il apparaît donc que c'est seulement à la suite d'une erreur matérielle de l'huissier de justice qu'a été inscrite, en première page de la copie remise à la Sada, la date du 12 juillet 2003 au lieu de celle du jour de la délivrance de cet acte, le 12 juin 2003;
Que cette irrégularité dans la mention de date de l'acte constitue un vice de forme sanctionné par la nullité de l'acte ainsi que le prévoient les dispositions de l'article 648 du nouveau Code de procédure civile, invoquées par l'appelante;
Mais attendu que, conformément aux dispositions combinées des articles 114 et 649 du nouveau Code de procédure civile, ce vice de forme n'entraîne l'annulation de l'acte que si celui qui l'invoque justifie d'un grief causé par cette irrégularité;
Qu'en l'espèce, ainsi que l'a relevé à juste titre le juge des référés dans son ordonnance, la Sada n'a subi aucun grief du fait de la mention erronée sur l'acte qui lui a été remis le 12 juin 2003 de la date du 12 juillet 2003, alors que la date d'audience pour laquelle elle était assignée, le 18 juin suivant, n'était pas erronée et qu'elle a donc pu s'y présenter normalement, après avoir préparé sa défense dans un délai qu'elle ne critique pas particulièrement;
Qu'il convient donc de confirmer, par substitution de motifs, l'ordonnance déférée ayant rejeté la demande d'annulation de l'assignation introductive d'instance délivrée le 12 juin 2003 par la SARL Geca à la Sada;
Sur l'incompétence d'attribution:
Attendu que la Sada invoque à nouveau en appel l'exception d'incompétence d'attribution de la juridiction commerciale des référés qu'elle avait soulevée en première instance, au profit d'un tribunal arbitral, dont la compétence était prévue à l'article 24 de la dernière convention conclue en 2002 avec la SARL Geca, sur le fondement des dispositions de l'article 1458 du nouveau Code de procédure civile;
Qu'elle précise que la clause compromissoire de cette convention stipule que même quand le tribunal arbitral n'est pas encore saisi du litige entre les parties, toute juridiction de l'Etat qui serait saisie devra se déclarer incompétente au profit de celui-ci, à la requête de l'une des parties;
Mais attendu que, d'une part, cette clause figure dans une convention de délégation particulière, qui ne concerne qu'une partie du litige entre les parties, l'assurance du risque discothèque, sur lesquelles il est demandé, à titre subsidiaire, à la cour de considérer qu'il se trouve en dehors du champ de sa décision;
Que, d'autre part, et surtout, l'existence d'une telle clause compromissoire n'exclut pas la faculté pour l'une des parties de saisir la juridiction des référés compétente pour qu'elle statue, dans les limites de la compétence de la juridiction commerciale, soit au vu de l'urgence, soit pour prescrire une mesure conservatoire pour faire cesser un trouble manifestement illicite ou prévenir un dommage imminent, ou bien pour statuer sur une demande de provision, conformément aux dispositions des articles 872 et 873 du nouveau Code de procédure civile;
Que de telles demandes ont bien été présentées par la SARL Geca au juge des référés du Tribunal de commerce de Nîmes, dont la compétence d'attribution juridictionnelle et territoriale n'est pas autrement contestée, ni la réalité de l'urgence à statuer, caractérisée par les conséquences de la rupture immédiate des relations commerciales entre les parties;
Qu'en effet l'existence d'une difficulté ou contestation sérieuse de la demande présentée à la juridiction des référés ne constitue pas une exception d'incompétence mais un moyen au fond, tenant au défaut de pouvoir de la juridiction de statuer au fond ou de prendre certaines décisions en ce cas, qui sera examiné avec les demandes présentées;
Qu'il convient donc de rejeter, par substitution de motifs, l'exception d'incompétence d'attribution soulevée;
Sur la demande principale:
Attendu qu'il est constant que par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 28 mai 2003 la Sada a notifié à la SARL Geca sa décision de rompre immédiatement et sans préavis tous les contrats de collaboration et délégation de souscription et gestion d'assurances, et donc les relations commerciales existantes entre les parties depuis 1994;
Attendu que cette rupture doit être appréciée non pas sur le fondement, allégué communément par les parties, des dispositions générales de l'article 1134 du Code civil et de la bonne foi des parties, mais sur celui des dispositions spéciales, d'ordre public, de l'article L. 442-6-1.5° du Code de commerce, issues de la loi n° 96-588 du 1er juillet 1996 sur la loyauté et l'équilibre des relations commerciales, applicables aux conventions en cours lors de la promulgation de ce texte;
Que celui-ci attribue d'ailleurs compétence au juge des référés, notamment commercial, pour ordonner la cessation des pratiques discriminatoires ou abusives ou toute autre mesure provisoire, dans un tel contentieux;
Qu'aux termes de ces dispositions la rupture brutale d'une relation commerciale établie, comme en l'espèce, sans préavis écrit, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé, s'il est producteur, commerçant ou industriel;
Mais attendu que selon ce texte, ces dispositions ne font toutefois pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations, soit que l'inexécution reprochée soit grave, soit qu'il s'agisse de manquements de moindre gravité mais répétés et persistants malgré une ou plusieurs mises en garde préalable du partenaire contractuel, de nature à justifier la rupture des relations commerciales;
Qu'en l'occurrence la Sada invoque de tels manquements à la charge de la SARL Geca comme ayant motivé sa décision de rupture sans préavis des contrats en cours et de toute relation commerciale;
Que contrairement à ce qu'a retenu le juge des référés dans l'ordonnance déférée, la Sada n'était pas tenue d'indiquer dans sa lettre de rupture les inexécutions contractuelles reprochées à la SARL Geca ayant motivé sa décision, dès lors qu'elle peut prouver leur existence et les avoir reprochées à son partenaire antérieurement au 28 mai 2003, devant la juridiction saisie de ce litige;
Qu'à l'appui de ce moyen la Sada soutient avoir indiqué, dans la lettre du 28 mai 2003, que sa décision était motivée par les "difficultés de gestion rencontrées avec (votre) cabinet", ce qui est exact;
Que ces difficultés de gestion tenaient, selon elle, à la souscription de contrats d'assurances au nom de la Sada par la SARL Geca au-delà du champ de la délégation consentie et des conditions contractuelles, notamment;
Qu'il est versé aux débats une lettre en date du 11 février 2003, adressée à la SARL Geca par la Sada, faisant le compte-rendu d'une journée de travail ayant eu lieu le 4 février 2003, dans laquelle, notamment, il était indiqué que devaient être éliminés une quarantaine de risques répertoriés car non conformes aux régies de souscription, une quinzaine d'autres risques pouvant être conservés sous réserve de mises à jour demandées et d'avenants adressés à la Sada;
Que la lettre, que la SARL Geca ne conteste pas avoir reçue, se terminait par la mention suivante: "Nous espérons que vous comprendrez que les mesures prises durant cette journée constituent un indispensable palier pour rationaliser nos relations et trouver une situation propice à notre développement.";
Qu'il est ensuite versé la copie d'une lettre recommandée avec accusé de réception en date du 4 avril 2003, adressée à la SARL Geca par la Sada faisant suite à une visite dans les bureaux de celle-ci d'envoyés de la Sada le 25 mars précédent, dans laquelle était faite une mise au point relative à la gestion du risque d'assurance des discothèques, désormais accepté sous certaines conditions, et réclamant à la SARL Geca la justification du replacement de certains contrats qu'elle s'était engagée à effectuer (+ de 1 000 m²), la transmission de certaines conditions particulières ou mises à jour d'autres contrats d'assurances de commerces, avant le 21 avril 2003;
Que la Sada déclare qu'au jour de la rupture, le 28 mai 2003, les manquements reprochés à la SARL Geca n'avaient pas pris fin et soutient que d'autres ont été découverts par la suite, dont il a été fait état notamment dans des lettres en date des 6 et 11 juin 2003 adressées à celle-ci, invoquant également le défaut de transmission en temps utile des primes d'assurances perçues, ce qui entraînait des rappels infondés adressés par elle aux souscripteurs et des réponses offusquées de ceux-ci;
Qu'enfin elle reproche à la SARL Geca d'avoir commis une faute particulièrement grave en acceptant d'assurer un risque industriel, au-delà de la délégation qui lui avait été confiée, l'entreprise de tissage Chippaux à Saint-Cermain (70200) et de ne pas l'en avoir avisée avant la survenance d'un sinistre incendie, le 20 mai 2003, pour lequel sa responsabilité est recherchée judiciairement à hauteur d'une somme importante;
Qu'elle verse aux débats une lettre de la SARL Geca en date du 21 mai 2003, informant la Sada de la déclaration de sinistre effectuée par M. Olivier Chippaux, propriétaire de ce fonds de commerce et du bâtiment industriel, avec le chèque de rétrocession de la prime d'assurances, daté par la SARL Geca du 20 mai 2003;
Que dans une lettre adressée le 23 mai 2003 la Sada s'étonnait de l'existence de ce contrat, s'agissant d'un "établissement ressortant du risque industriel et ne correspondant nullement à nos critères d'acceptation", puis elle indiquait clairement son désaccord avec les pratiques commerciales de la SARL Geca:
"Lors de notre visite de contrôle du 4 février 2003, il est apparu que vous contreveniez à ces impératifs (souscription assurée suivant nos capitaux et nos garanties) et avons formalisé par courriers des 11 février et 4 avril 2003 confirmation et rejet des risques n'entrant pas dans nos critères d'acceptation. Vous en avez convenu par votre lettre du 24 février 2003.
Le risque sinistré porte certes une référence de contrat générique Sada, mais vous ne l'avez pas présenté lors de la réunion de travail du 4 février 2003. Or et par assimilation, il ne pouvait que subir le sort des autres contrats rejetés";
Qu'en réponse, la SARL Geca, dans une lettre recommandée avec accusé de réception en date du 26 mai 2003, a déclaré qu'elle avait remis aux envoyés de la Sada une copie des cahiers d'enregistrement, le 25 mars 2003, afin qu'ils listent les contrats refusés et que le contrat Chippaux ne figurant pas sur cette liste, elle considérait qu'il devait être garanti par la Sada et qu'elle n'avait à le lui présenter, dès lors que la Sada avait eu libre accès à l'ensemble du portefeuille;
Qu'il ressort de cette correspondance que la SARL Geca ne contestait donc pas, avant la rupture du 28 mai 2003, avoir fait souscrire des contrats d'assurances au-delà des garanties que la Sada avait accepté de lui déléguer, qui ont fait l'objet d'un rejet par les envoyés de celle-ci au vu du portefeuille, ni avoir accepté de garantir un risque de nature industrielle, alors qu'aucune délégation claire et précise ne lui avait été donnée à cet égard, sans en avoir averti préalablement la Sada;
Qu'en effet, contrairement à ce que soutient la SARL Geca dans ses conclusions d'appel, il ne résulte d'aucune pièce versée aux débats que celle-ci avait reçu délégation de souscrire des assurances pour les risques industriels, au nom de la Sada, dont les actes mentionnent uniquement les commerçants, artisans et les discothèques;
Attendu qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, dont l'authenticité n'est pas contestée et dont il n'appartient pas à la juridiction des référés d'apprécier la gravité au fond, il n'est pas établi que la rupture sans préavis des relations contractuelles et commerciales existant avec la SARL Geca décidée le 28 mai 2003 par la Sada, soit abusive ou manifestement illicite, ni que celle-ci soit tenue de façon non sérieusement contestable de reprendre l'exécution de ce contrat ou d'indemniser la SARL Geca pour le préjudice causé par cette brusque rupture;
Que la mauvaise foi alléguée réciproquement par chacune des parties n'apparaît pas incontestablement établie à la charge d'une seule d'entre elle, en l'état des pièces produites, pas plus que l'abus du droit de rompre sans préavis, allégué par la SARL Geca à l'encontre de la Sada;
Que par ailleurs le préjudice commercial causé à la SARL Geca par cette rupture, si celle-ci s'avère injustifiée par l'inexécution contractuelle reprochée par la Sada, sera indemnisé par celle-ci, dont la solvabilité n'est pas contestée, conformément aux dispositions susvisées de l'article L. 442-6 du Code de commerce; qu'il ne constitue donc pas un dommage imminent qu'il appartient au juge des référés d'empêcher par la prise d'une mesure conservatoire ou de remise en état, immédiate, de nature à préjudicier aux droits des parties;
Qu'en effet la poursuite forcée du contrat, ordonnée judiciairement, pourrait aussi créer un dommage pour la Sada, si la SARL Geca ne respectait pas à l'avenir les conditions contractuelles stipulées entre les parties et engageait à tort la Sada envers des tiers, comme celle-ci soutient qu'elle l'a fait par le passé;
Qu'il n'y a donc pas lieu d'enjoindre à la Sada de poursuivre provisoirement les relations contractuelles et commerciales avec la SARL Geca ainsi que le juge des référés en a le pouvoir, notamment en vertu des dispositions spéciales de l'article L. 442-6 du Code de commerce, ni de lui allouer une quelconque provision;
Qu'il convient en conséquence de réformer l'ordonnance de référé du président du Tribunal de commerce de Nîmes en ce qu'elle avait condamné la Sada à rétablir provisoirement le Code de la société Geca pour l'émission des primes, l'établissement des devis et contrats jusqu'au 31 décembre 2003, sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard, ainsi qu'à payer à la SARL Geca une somme de 50 000 euros à titre de provision à valoir sur la réparation de son préjudice commercial et d'atteinte à son image de marque;
Que l'appel incident tendant à augmenter la provision allouée à la SARL Geca par l'ordonnance réformée doit donc être rejeté, pour les mêmes motifs et aussi parce qu'il n'est pas justifié, de façon non sérieusement contestable, par les pièces produites, que le refus de la Compagnie d'assurances La Suisse d'accepter le replacement de polices d'assurances souscrites pour des commerces, manifesté dans une lettre en date du 8 juillet 2003, soit imputable à un abus de position dominante de la Sada, comme le soutient dans ses conclusions la SARL Geca, alors que la correspondance de la Compagnie La Suisse, qui n'est pas liée avec la Sada, déclare seulement refuser de reprendre 5 contrats "compte tenu de leur contexte particulier";
Sur les demandes reconventionnelles:
Attendu que la Sada sollicite à titre reconventionnel qu'il soit ordonné par la juridiction des référés à la SARL Geca, en exécution de sa décision de rupture immédiate des relations contractuelles et commerciales, de lui remettre divers documents commerciaux et qu'il lui soit interdit de poursuivre l'exécution du contrat les liant, sous astreinte;
Mais attendu, d'une part, que la validité de la rupture des relations commerciales intervenue le 28 mai 2003 sur l'initiative de la Sada est contestée entre les parties et devra être tranchée par le juge du fond, saisi par la plus diligente de celles-ci;
Qu'il n'est pas justifié, pour le moment, d'autre part, d'une résistance abusive de la SARL Geca à respecter les obligations contractuelles lui incombant après la rupture des conventions avec la Sada, dès lors que l'ordonnance de référé ayant autorisé la poursuite provisoire des contrats se trouve réformée;
Qu'il n'y a donc pas lieu, en l'état, de la condamner, sous astreinte, à remettre les documents devant contractuellement être communiqués à son ancienne partenaire commerciale après la rupture de leurs relations, ni à s'abstenir d'exciper mensongèrement de la qualité de mandataire de la Sada qu'elle n'a plus désormais, dans ses relations avec les tiers;
Qu'il y a donc lieu de rejeter les demandes reconventionnelles présentées par la Sada;
Sur les frais de procédure et les dépens:
Attendu qu'il y a lieu de réformer l'ordonnance déférée en ce qu'elle avait condamné la Sada à payer à la SARL Geca une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Qu'il convient de condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel la SARL Geca;
Attendu qu'il n'est pas inéquitable en l'espèce et en l'état de cette procédure, de laisser à la charge de la SA Sada, comme de la SARL Geca les frais de procédure qui ne sont pas compris dans les dépens;
Par ces motifs: Statuant, publiquement, en référé et par arrêt contradictoire, Reçoit les appels en la forme; Vu les articles 12, 114, 648, 649, 872, 873 et 1458 du nouveau Code de procédure civile, Vu l'article L. 442-6 du Code de commerce, Vu les articles 1134 et 1184 du Code civil, Vu l'urgence, Confirme par substitution de motifs l'ordonnance de référé du Président du Tribunal de commerce de Nîmes prononcée le 6 août 2003, en ce qu'elle a: - Rejeté l'exception de nullité de l'assignation introductive d'instance délivrée le 12 juin 2003 à la Sada par la SARL Geca, - Rejeté l'exception d'incompétence invoquée au profit d'un tribunal arbitral, et celle au profit du juge du fond; La réformant pour le surplus, Déboute la SARL Geca de ses demandes tendant à voir ordonner la poursuite forcée des conventions avec la Sada jusqu'au 31 décembre 2003, sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard, La déboute de sa demande de condamnation de la Sada à lui verser une provision de 150 000 euros à titre de provision, à valoir sur l'indemnisation de son préjudice commercial et d'atteinte à son image de marque, La déboute de sa demande de condamnation de la Sada présentée sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne la SARL Geca aux dépens de première instance et d'appel; Y ajoutant, Déboute la Sada de ses demandes reconventionnelles tendant à voir condamner la SARL Geca, sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard, à lui remettre divers documents commerciaux et, sous astreinte de 2 000 euros par infraction constatée, à cesser d'exécuter les contrats rompus depuis le 28 mai 2003, La déboute de sa demande de condamnation de la SARL Geca au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Rejette toutes autres demandes des parties; Autorise la SCP Pomies-Richaud-Vajou, titulaire d'un office d'avoué, à recouvrer directement les dépens conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.