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Décisions

CA Paris, 13e ch. A, 24 novembre 1998, n° 98-00485

PARIS

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guilbaud

Avocat général :

M. Blanc

Conseillers :

Mme Petit, M. Remenieras

Avocat :

Me Guin.

TGI Evry, 6e ch., 1re sect., du 3 juin 1…

3 juin 1997

Rappel de la procédure:

La prévention:

V Guy est poursuivi pour avoir à Brétigny-sur-Orge, le 28 mars 1996:

- trompé les consommateurs, contractant, sur la quantité en ne tarant pas une balance

- effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur l'origine, en affichant "promotion asperges vertes" or: France Espagne alors que toutes les asperges vendues étaient d'origine espagnole

Le jugement:

Le tribunal, par jugement contradictoire, a déclaré V Guy

coupable de tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise, faits commis le 28 mars 1996, à Brétigny-sur-Orge (91), infraction prévue et réprimée par l'article L. 213-1 Code de la consommation

coupable de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, faits commis le 28 mars 1996, à Brétigny-sur-Orge (91), infraction prévue parles articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 al. 1 Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6, L. 213-1 Code de la consommation

et, en application de ces articles,

l'a condamné à 10 000 F d'amende

a ordonné la publication du jugement par extrait dans le Parisien de l'Essonne aux frais du condamné

a dit que cette décision est assujettie au droit fixe de procédure de 600 F dont est redevable le condamné

Les appels:

Appel a été interjeté par:

- Monsieur V Guy, le 11 juin 1997

- M. le Procureur de la République, le 11 juin 1997 contre Monsieur V Guy

Décision:

Rendue contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur les appels du prévenu et du Ministère public du jugement précité auquel il convient de se référer pour l'exposé des faits et de la prévention;

Par voie de conclusions au développement desquelles la cour se réfère expressément, V Guy qui, en l'absence de toute citation, accepte de comparaître volontairement, sollicite par infirmation sa relaxe des deux chefs de la prévention, faisant essentiellement valoir que concernant les deux délits reprochés, l'élément intentionnel fait défaut;

Monsieur l'Avocat général estime pour sa part les faits établis à l'encontre du prévenu et ce dans la mesure où matériellement, ils sont indiscutables et indiscutés et où la preuve n'est pas rapportée par le prévenu qu'il n'en est pas responsable; qu'en l'espèce, en effet, V ne dépose pas sur le bureau de la cour une délégation de pouvoir régulièrement établie en faveur d'un employé du magasin;

Il requiert la confirmation du jugement déféré;

Considérant qu'il convient de rappeler que suite au contrôle effectué le 28 mars 1996 par les contrôleurs de la DGCCRF, Guy V a été attrait devant la juridiction répressive sous la double prévention d'avoir à Brétigny-sur-Orge, le 28 mars 1996:

- trompé les consommateurs, contractant, sur la quantité en ne tarant pas une balance, faits prévus par l'article L. 213-1 du Code de la consommation et réprimés par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation,

- effectué une publicité comportant des allégations, indications au présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur l'origine en affichant "promotion asperges vertes or: France Espagne alors que toutes les asperges vendues étaient d'origine espagnole, faits prévus par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 al. 1 du Code de la consommation et réprimés par l'article L. 121-6, L. 121-4, L. 213-1 du Code de la consommation;

Considérant que pour solliciter sa relaxe, V Guy fait essentiellement valoir que la "reconnaissance" par lui de la réalité de l'erreur constatée par les agents de la DGCCRF est insuffisante pour que soit constitué le délit de tromperie, qui suppose également un élément intentionnel;

Que la Cour de cassation rappelle de façon constante qu'en matière de fraude, "la loi du 1er août 1905, codifiée aux articles 213-1 et suivants du Code de la consommation n'institue aucune présomption de mauvaise foi";

Qu'en l'espèce, aucun élément du dossier ne permet de conclure qu'il aurait sciemment donné l'ordre à ses salariés de ne pas tarer une balance;

Qu'au contraire, le fait que les agents de la DGCCRF n'aient pu constater qu'une seule erreur de tarage sur l'ensemble des balances utilisées dans le magasin démontre l'absence d'une volonté de sa part de tromper sa clientèle et le caractère exceptionnel de l'erreur intervenue;

Qu'en définitive, le seul constat d'une erreur de tarage ne permettait pas selon lui au tribunal de caractériser le délit de tromperie, faute de pouvoir établir une mauvaise foi inexistante de sa part;

Que dans ces conditions, il sollicite la réformation pure et simple du jugement dont appel estimant ne pouvoir qu'être relaxé et ce en raison de l'absence d'élément intentionnel;

Considérant qu'en ce qui concerne le deuxième chef de la prévention, V expose, comme il l'a précédemment expliqué, que cette erreur est la conséquence d'un retard de livraison des asperges de provenance "France" alors que le panneau indiquant ces asperges avait été apposé dans le magasin;

Que la réalité de cette erreur a donc là encore été par lui reconnue mais que le tribunal a motivé sa condamnation pour publicité mensongère en notant une "volonté de valorisation des asperges proposées";

Que cependant, le tribunal n'indique pas ce qui permettait de caractériser cette "volonté" là où lui-même n'a reconnu qu'une "erreur";

Que par ailleurs, s'il est vrai que la simple négligence suffit à constituer le délit de publicité mensongère, il convient de rappeler les dispositions de l'article L. 121-3 du Code pénal qui dispose qu'il n'y a pas délit:

"si l'auteur des faits accomplit les diligences normales, compte tenu le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait";

Considérant qu'il précise qu'il n'est pas contestable qu'il n'avait pas les moyens de s'assurer personnellement du bon étiquetage des asperges litigieuses;

Que pas davantage, il ne peut être contesté que par les actions de formation dispensée par lui à ses salariés, il met tout ce qui est possible en œuvre pour éviter ces erreurs;

Que les manuels de formation concernant le secteur 'fruits et légumes" de la société Auchan insistent bien sur la nécessité d'un balisage correct des produits;

Qu'il s'estime donc fondé à solliciter, compte tenu des dispositions de l'article L. 121-3 du Code pénal, la réformation du jugement du 3 juin 1997 en ce qu'il l'a reconnu coupable de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur;

Considérant que la cour ne saurait suivre le prévenu en ses explications;

Sur la tromperie:

Considérant tout d'abord que la cour constate que lors de son audition par les services de police, V Guy s'est reconnu pénalement responsable tout en admettant la réalité des infractions reprochées;

Considérant qu'ensuite, à nouveau, devant le tribunal, il a reconnu les faits indiquant que "ce jour-là, une balance avait été oubliée";

Considérant que vainement, V soutient qu'en l'absence de toute mauvaise foi, il ne peut exister de délit de tromperie;

Considérant en effet qu'en l'espèce, il est établi que le prévenu n'avait pas suffisamment formé son personnel, la preuve en étant rapportée par le fait même qu'une balance n'avait pas été tarée;

Qu'en conséquence, il est ainsi prouvé que V Guy, et bien qu'il s'en défende, n'avait pas pris toutes les précautions utiles pour qu'un tel évènement ne se produise pas, étant observé que le prévenu, et il ne le conteste pas, ne produit pas aux débats la délégation de pouvoirs qui lui permettrait de dégager sa responsabilité pénale;

Considérant que la cour, par ces motifs et ceux pertinents du tribunal qu'elle adopte, rejettera les conclusions de V Guy et confirmera le jugement dont appel sur la déclaration de culpabilité du chef de tromperie;

Sur la publicité mensongère:

Considérant qu'il est constant qu'en matière de publicité mensongère, il appartient à l'annonceur de vérifier la véracité des "allégations, indications ou présentations" par lui effectuées;

Considérant qu'en la présente instance, il est établi par le procès-verbal dressé par les contrôleurs de la DGCCRF et non contesté par le prévenu que les asperges en rayon avaient été affichées France-Espagne, le mot Espagne étant rayé, alors qu'elles provenaient toutes d'Espagne;

Considérant en conséquence que la publicité telle que reprochée à V Guy s'est bien avérée trompeuse et que le prévenu, en sa qualité d'annonceur, s'est rendu coupable du délit tel que visé au deuxième chef de la prévention;

Considérant que par ces motifs et ceux convaincants des premiers juges, que la cour fait siens, le jugement dont appel sera confirmé sur la déclaration de culpabilité;

Considérant que la cour ne trouve pas motif à modifier en répression la décision déférée qui a fait au prévenu une juste application de la loi pénale;

Considérant que la cour confirmera donc en répression le jugement critiqué qui a tenu compte à la fois de la relative gravité des délits reprochés et de la personnalité du prévenu, délinquant primaire;

Par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges que la cour adopte expressément: LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement à l'égard de Guy V; Donne acte à V Guy de sa comparution volontaire; Rejette les conclusions de V Guy; Confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions; Dit que cette décision est assujettie au droit fixe de procédure de 800 F dont est redevable le condamné.