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Décisions

CA Grenoble, ch. corr., 28 mars 1996, n° 337-96

GRENOBLE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

UFC 38

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Constantin

Substitut :

général: M. Gandolière

Conseillers :

MM. Fallet, Balmain

Avocats :

Mes Benichou, Brasseur.

TGI Grenoble, ch. corr., du 13 juin 1994

13 juin 1994

Par jugement en date du 13 juin 1994 le Tribunal correctionnel de Grenoble:

- a relaxé Patrick M des fins de la poursuite et rejeté la constitution de partie civile de l'Union fédérale des consommateurs

Le Ministère public et la partie civile ont successivement et régulièrement interjeté appel de cette décision.

L'Union fédérale des consommateurs demande à la cour:

- de condamner Patrick M à lui verser à titre de dommages-intérêts la somme de 50 000 F,

- d'ordonner la publication (subsidiairement à titre de dommages-intérêts supplémentaires) du jugement intégral dans les journaux suivants: Dauphine Libéré, Le 38, Les Petites Affiches, Info et ce jusqu'à concurrence de 8 000 F par insertion,

- d'ordonner l'affichage (subsidiairement à titre de dommages-intérêts) pendant un mois du texte intégral de l'arrêt à intervenir à chaque porte de l'établissement concerné,

- de condamner encore Patrick M à lui verser 9 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Sur ce LA COUR

Attendu que Patrick M est prévenu:

- d'avoir dans le département des Hautes-Alpes et sur le territoire national, courant 1991 et courant février 1992, trompé M. Maurice Leroy, contractant, sur l'origine et les qualités substantielles de boissons spiritueuses présentées comme étant préparées à partir de myrtilles ou de framboises des Hautes-Alpes;

Infraction prévue et réprimée par les articles L. 213-1, L. 216-2 et L. 216-3 du Code de la consommation; et avant le 1er mars 1994, par les articles 1, 6 et 7 de la loi du 1er août 1905;

- d'avoir dans le département des Hautes-Alpes et sur le territoire national, courant 1991 et courant février 1992, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur l'origine de boissons spiritueuses à partir de myrtilles ou de framboises d'un bien ou d'un service;

Infraction prévue et réprimée par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 212-6 al. 1, L. 213-1, L. 121-4 et 121-6 du Code de la consommation et avant le 1er mars 1994 par les articles 44 I, 44 II al. 7, 8, 44 II al. 9, 10, 44 II al. 6 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 et 1 de la loi du 1er août 1905;

- d'avoir à Saint-Quentin-sur-Isère, courant juin 1992, fait usage d'un faux en écriture privée de commerce ou de banque (fausse facture Vedrenne en date du 9 janvier 1992;

Infraction prévue et réprimée par les articles 441-1, 441-1 al. 2, 441-10, 131-26 et 131-27 du Code pénal; et avant le 1er mars 1994 par les articles 150 al. 1 et 2, 147, 163, 151, 42 du Code pénal abrogés par la loi du 16 décembre 1992 mais en vigueur au moment des faits.

Attendu qu'il est constant qu'en sa qualité de PDG de la société X, Patrick M a vendu des boissons spiritueuses inexactement présentées, selon leur étiquetage, comme préparées à partir de myrtilles et de framboises des Hautes-Alpes;

Que l'élément matériel du délit de tromperie sur l'origine de la marchandise est ainsi établi;

Attendu que les infusions de fruits utilisés par la société X pour la fabrication desdites boissons avaient été commandées en janvier et février 1991 à la société Vedrenne - dont le siège est à Dijon- et facturées par cette dernière comme myrtilles et framboises des Hautes-Alpes;

Qu'à supposer mensongères les affirmations de M. Baudoin, Directeur de la société Vedrenne, selon lequel la mention de cette origine n'a été apportée que sur les instances répétées de M. M,ce dernier ne pouvait ignorer, en sa qualité de dirigeant d'une fabrique de liqueur implantée depuis très longtemps dans le Dauphiné, que les quantités de framboises et de myrtilles récoltées dans les Hautes-Alpes sont tout à fait minimes, et que la société Vedrenne était dans l'impossibilité de satisfaire à ses très importantes commandes par la livraison d'infusions de fruits de ce département;

Que l'élément intentionnel de l'infraction n'est dès lors pas douteuxet qu'il convient en conséquence de déclarer le prévenu coupable des délits de tromperie sur l'origine de la marchandise vendueainsi que du délit de publicité comportant une fausse indication;

Attendu que la connaissance qu'avait manifestement M. M de la fausseté des mentions d'origine figurant sur les factures d'infusions dont il a fait usage, établit à son encontre le délit d'usage de faux;

Attendu que la nature des infractions ainsi commises justifient sa condamnation à une peine de 10 000 F d'amende;

Attendu que l'article L. 121-4 impose à la juridiction qui prononce une condamnation d'ordonner la publication de sa décision;

Qu'il convient cependant de limiter cette publication au seul journal "Le Dauphine Libéré" et le coût de l'insertion à 5 000 F;

Sur l'action civile:

Attendu que la constitution de partie civile de l'UFC 38 est régulière en la forme;

Que cette association ne justifie d'aucun préjudice personnel et doit en conséquence être déboutée de la demande en dommages-intérêts qu'elle présente à ce titre;

Attendu, que le préjudice collectif des consommateurs apparaît tout à fait limité, compte tenu de la nature de la tromperie, et que la cour dispose d'éléments d'appréciation suffisant pour en évaluer le montant à 3 000 F;

Qu'il n'apparaît pas nécessaire d'ordonner l'affichage sollicité à titre de dommages-intérêts supplémentaires;

Attendu enfin qu'il apparaît équitable d'allouer à la partie civile, en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, la somme de 3 000 F;

Par ces motifs: En la forme, Déclare les appels recevables; Au fond, infirme le jugement déféré et, statuant à nouveau, Déclare Patrick M coupable des faits qui lui sont reprochés; le Condamne à la peine de 10 000 F d'amende; Ordonne la publication du présent arrêt, par extrait et à la charge de Patrick M dans le journal "Le Dauphine Libéré", sans que le coût de cette insertion puisse excéder 5 000 F; Reçoit l'UFC 38 en sa constitution de partie civile et Condamne Patrick M à lui payer la somme de 3 000 F, à titre de dommages-intérêts, et celle de 3 000 F en application de l'article 475-1 du Code de procédure civile; Condamne Patrick M aux dépens de l'action civile; Constate que le présent arrêt est assujetti au droit fixe de 800 F résultant de l'article 1018 A du Code général des impôts, et dit que la contrainte par corps s'exercera, conformément aux dispositions des articles 749 à 751 du Code de procédure pénale; Le tout par application des dispositions des articles susvisés.