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Décisions

CA Montpellier, 3e ch. corr., 13 mars 1996, n° 95-01021

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Jammet

Substitut :

général: M. Plantard

Conseillers :

Mme Delannoy, M. Peiffer

Avocat :

Me Martin.

TGI Montpellier, ch. corr., du 26 juill.…

26 juillet 1995

Rappel de la procédure:

Le jugement rendu le 26 juillet 1995 par le Tribunal de grande instance de Montpellier a:

Sur l'action publique a déclaré M Sauveur coupable d'avoir:

- sur le territoire national, courant 1992, effectué une publicité comportant des allégations indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur en affichant sur les pompes d'une station essence les dénominations "supercarburants" "sans plomb 98" et "gasoil" alors que les produits vendus ne correspondaient pas à ces dénominations;

faits prévus et réprimés par les articles L. 121-1, L. 121-4, L. 121-5, L. 121-6 al. 1, L. 213-1 du Code de la consommation;

- sur le territoire national, courant 1992, trompé sur les qualités substantielles en l'espèce en présentant à la vente des mélanges de carburant au lieu de produits uniquement composés de "supercarburant", "sans plomb 98", "gasoil";

faits prévus et réprimés par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation;

en répression, l'a condamné à la peine de 30 000 F d'amende;

et a ordonné aux frais du condamné:

1°) la publication par extraits dudit jugement dans les journaux Midi Libre, Marseillaise et Gazette sans que le coût de l'insertion n'excède la somme de 3 000 F;

2°) l'affichage par extraits du jugement par affiche à la dimension de 80 cm x 60 cm, les caractères d'imprimerie étant 6 mm de haut, durant un mois sur les pompes de la station Z à Saint Gély du Fesc servant les carburants suivants:

- super

- super sans plomb

- gasoil

Appels:

Les appels ont été interjetés par:

le prévenu le 28 juillet 1995,

le Ministère public le 28 juillet 1995

Décision:

La cour, après en avoir délibéré,

Attendu que M Sauveur comparaît à l'audience assisté de son conseil; qu'il sera statué par arrêt contradictoire à son égard;

Attendu qu'il résulte du dossier de la procédure et des débats les faits suivants;

M Sauveur a créé en 1991 à Gignac une station essence qu'il exploitait sous la forme d'une SARL (X) avec l'enseigne "Y", en bordure de l'ancienne route RN 109 dite route de Montpellier.

Parallèlement, il était gérant de la SARL Z qui exploite <adresse>une autre station service.

A partir du début de l'année 1992, divers clients s'approvisionnant en carburant à cette dernière station constataient des anomalies dans le fonctionnement de leur véhicule.

C'est ainsi que les services de la Direction Régionale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes étaient amenés à effectuer le 7 avril 1992 un prélèvement officiel en trois échantillons de deux litres de supercarburant dans les conditions normales d'utilisation par le consommateur et l'analyse effectuée par le service des essences des armées à Marseille faisait apparaître que l'échantillon en question contenait 9,1 % en volume de gazole.

Le 30 avril 1992, un client de la station service "Y" informait les gendarmes de Gignac que celle-ci proposerait à la vente du fuel pour du gazole.

Le contrôle effectué le même jour par les militaires en collaboration avec deux fonctionnaires du service des douanes à la pompe gazole permettait de recueillir un produit présentant une couleur rougeâtre qui s'avérait être en fait du fuel domestique.

Valentin Frédéric, employé de M Sauveur reconnaissait en effet qu'étant "tombé en panne de gazole" la veille, il avait transféré environ 1 000 litres de fuel dans la cuve de gazole "pour rendre service au patron" en indiquant qu'il airait servi environ six clients qui ont payé le prix affiché de 3,39 F le litre alors que le prix du fuel était de 2,99 F.

Un article ayant été publié dans la presse invitant toute personne ayant constaté des anomalies après s'être fourni en carburant à ladite station de se faire connaître, les services de gendarmerie procédaient à diverses auditions laissant apparaître que plusieurs clients avaient dés le mois d'août 1991 remarqué soit un pourcentage élevé de fuel dans l'essence, soit la couleur rosée atypique du gazole acheté à cette station essence.

M Sauveur contestait cependant les accusations portées contre lui par ces personnes et déclarait ne reconnaître que l'infraction relevée le 30 avril 1992 à son encontre.

Saisis le 2 juin 1992 par le Parquet de la procédure d'enquête et les 3 et 5 novembre 1992 de nouvelles plaintes déposées par des clients de la Z, les services de la Direction Régionale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes procédaient dans la matinée du 26 novembre 1992 à un nouveau contrôle à Saint Gély du Fesc en présence de Nicole M, employée de la station-service et dans l'après-midi à un contrôle A Gignac en présence du prévenu lui-même.

Ils effectuaient à chaque station un prélèvement officiel en trois échantillons de deux litres de supercarburant, de super sans plomb et de gazole aux pompes de distribution sur lesquelles figuraient respectivement les dénominations "Supercarburant", "Sans Plomb 98" et "Gasoil".

Chacun des échantillons de deux litres environ était conditionné dans des bidons métalliques neufs jamais utilisés, étiquetés et scellés et pour chacun des produits prélevés les trois échantillons étaient répartis dans les mêmes conditions que pour les prélèvements effectués le 7 avril.

Après analyse, le laboratoire, dans les bulletins d'analyse n° 56183, 56184 et 56185 déclarait qu'en ce qui concerne les produits prélevés à Saint Gély du Fesc:

- l'échantillon de supercarburant contient 5,9 % en volume de gazole ou de fioul domestique.

- l'échantillon de super sans plomb contient 8,6 % en volume de gazole ou de fioul domestique.

- l'échantillon de gazole contient: 15 % en volume de pétrole lampant.

et dans les bulletins d'analyse n° 56186, 56187 et 56188 concernant les prélèvements opérés à Gignac que:

- l'échantillon de supercarburant contient 8,7 % en volume de gazole ou de fioul domestique.

- l'échantillon de super sans plomb contient 3,3 % en volume de gazole ou de fioul domestique.

- l'échantillon de gazole contient 12 % en volume de pétrole lampant.

Interrogé sur ses diverses sources d'approvisionnement, M indiquait qu'il avait plusieurs fournisseurs à savoir:

- les établissements Lacure à 12103 Millau

- les établissements Garcia à 13700 Marignane

- et la société TEJ Distribution à 21170 Saint-Usage

Le 20 janvier 1993, Delmas Daniel propriétaire exploitant d'un garage Alfa-Roméo 141 rue du Puech et Serre Alain chef d'atelier au Garage Renault ZI du Puech tous deux à Saint-Gély du Fesc déclaraient que, depuis le début de l'année 1992, ils avaient été amenés à intervenir sur des véhicules utilisant un carburant de mauvaise qualité acheté à la station Z.

Demandes et moyens des parties:

Attendu que par voie de conclusions déposées et développées par son conseil, M Sauveur sollicite au principal sa relaxe en faisant: valoir, qu'il est totalement étranger aux malversations qui ont pu se dérouler, que plus aucun problème n'était survenu à partir du moment où la société auprès de laquelle il s'approvisionnait avait changé de chauffeur;

Subsidiairement, il demande à la cour de prononcer la nullité du jugement déféré en ce qu'il a ordonné une mesure d'affichage pendant un mois alors que le maximum légal prévu par la loi (article 7 alinéa 3 de la loi de 1905 et L. 216-3 alinéa 3 du Code de la consommation) est de sept jours.

Plus subsidiairement enfin, il sollicite la mainlevée de la mesure de publication conformément aux dispositions de l'article 702-1 du Code de procédure pénale.

Attendu que le Ministère public requiert la confirmation du jugement déféré sous réserve du délai d'affichage qui doit être réduit à sept jours.

Sur quoi,

Attendu que les appels réguliers dans la forme et les délais sont recevables.

Sur l'action publique:

Attendu qu'il est constant que M Sauveur a affiché sur les pompes des stations-service exploitées A Gignac et à Saint-Gély du Fesc par les SARL dont il est le gérant au cours de la période visée dans la prévention les dénominations "Supercarburants" "Sans plomb 98" et "Gasoil" alors qu'il a été constaté par les services de gendarmerie et par les services de la Direction Régionale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes que les carburants détenus en vue de la vente ne correspondaient pas à ces dénominations les analyses effectuées comme précisé dans l'exposé des faits ayant révélé la présence de gazole ou fioul dans le supercarburant et le super sans plomb et du pétrole lampant dans le gazole;

Qu'il n'est pas contesté, d'autre part que les clients ayant acheté les produits litigieux ont été trompés sur la nature les qualités substantielles et la composition de la marchandise;

Qu'ainsi les infractions visées dans la poursuite sont établis en leur élément matériel;

Attendu que M Sauveur professionnel de la distribution de carburant a reconnu devant les gendarmes de Gignac sa responsabilité pénale en ce qui concerne la tromperie relevée le 30 avril 1992 à la station-service Y;

Qu'il sollicite néanmoins à titre principal sa relaxe pour l'ensemble des faits visés dans la prévention en les imputant à un fournisseur ou à un préposé de ce dernier;

Attendu cependant que des manipulations des produits en amont doivent être exclues dès lors que les prélèvements effectués à deux périodes différentes de l'année provenaient de plusieurs fournisseurs, que M n'apporte aucune précision sur l'identité du chauffeur remplacé et la date de son remplacement et ne justifie pas avoir formulé une quelconque réclamation après avoir été informé de la déficience de son carburant par les services compétents dés le 26 novembre 1992; que l'enquête a de plus établi que des clients de la Languedocienne et de Y ont connu des ennuis mécaniques liés à la mauvaise qualité du carburant;

Attendu que dans ces conditions les infractions poursuivies sont bien imputables au prévenu;

Attendu que les faits sont donc établis par les éléments du dossier, par l'aveu partiel du prévenu devant les gendarmes de Gignac, par les déclarations des témoins y compris les employés du prévenu, par les constatations matérielles effectuées par les services de gendarmerie à Gignac et celles verbalisées dans le procès-verbal de la Direction Régionale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes;

Attendu que les circonstances de la cause ont été exactement appréciées par le tribunal dont la décision doit être confirmée sur la déclaration de culpabilité du chef des deux délits visés dans la poursuite;

Attendu sur l'application de la peine que si le tribunal correctionnel a méconnu les dispositions de l'article 7 alinéa 3 de la loi de 1905 devenu l'article L. 216-3 alinéa 3 du Code de la consommation en fixant à un mois la durée de la mesure d'affichage, cette violation n'entre pas dans les prévisions de l'article 520 du Code de procédure pénale et ne relève donc pas du pouvoir d'annulation de la cour d'appel mais de la réformation;

Attendu que les faits reprochés au prévenu sont d'autant plus graves qu'ils se sont déroulés sur une période d'une année et que M a déjà fait l'objet de deux condamnations pour publicité mensongère;

Qu'il convient en répression de condamner M Sauveur à la peine d'un an d'emprisonnement avec sursis et à une peine d'amende de 50 000 F;

Attendu qu'il y a lieu d'ordonner aux frais du condamné la publication de la présente décision dans les journaux Midi Libre (Edition de l'Hérault) et Marseillaise (Edition de l'Hérault) sans que le coût de l'insertion n'excède la somme de 5 000 F chacune et l'affichage par extraits de l'arrêt durant sept jours sur les pompes de la station Z à Saint-Gély du Fesc servant les carburants suivants:

- super

- super sans plomb

- gasoil

Par ces motifs: LA COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire à l'égard de M Sauveur et en matière correctionnelle; En la forme: Reçoit les appels réguliers et dans les délais; Au fond: Sur l'action publique, Ecartant toutes conclusions contraires; Confirme en son principe de culpabilité la décision déférée; Emendant sur la peine; Condamne M Sauveur à la peine de un an d'emprisonnement avec sursis; Le condamne en outre à la peine de 50 000 F d' amende; Ordonne aux frais du condamné la publication par extraits du présent arrêt dans les journaux Midi Libre (Edition de l'Hérault), et Marseillaise (Edition de l'Hérault) sans que le coût de chaque insertion n'excède la somme de cinq mille francs (5 000 F); Ordonne aux frais du condamné l'affichage par extraits du présent arrêt par affiche à la dimension de 80 cm x 60 cm, les caractères d'imprimerie étant de 6 mm de haut durant sept jours sur les pompes de la station Z à Saint-Gély du Fesc, servant les carburants suivants: super, super sans plomb 98, gasoil; Fixe comme de droit la durée de la contrainte par corps, s'il y a lieu de l'exercer; Le tout par application des textes visés au jugement et à l'arrêt, des articles 512 et suivants du Code de procédure pénale, L. 216-3 du Code de la consommation, 132-29 et suivants du Code pénal.