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Décisions

CA Grenoble, ch. corr., 22 octobre 1997, n° 1028

GRENOBLE

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Robin

Substitut :

général: Mme Pavan-Dubois

Conseillers :

M. Balmain, Mme Obrego

Avocats :

Mes Bern, Jorquiera.

TGI Grenoble, ch. corr., du 3 févr. 1997

3 février 1997

Le Procureur de la République a interjeté appel le 1er février 1996,

Appel(s) d'un jugement du Tribunal correctionnel de Grenoble en date du 3 février 1997,

A l'audience publique du 1er octobre 1997, après rapport du Président, le Ministère public entendu, la défense ayant eu la parole en dernier,

Le Président a avisé les parties que l'affaire était mise en délibéré au 22 octobre 1997,

Statuant contradictoirement,

LA COUR,

Attendu que par jugement en date du 3 février 1997, le Tribunal correctionnel de Grenoble a déclaré René P coupable d'avoir:

- à l'Albenc (38) et sur le territoire national, les 23 novembre 1993, 27 septembre 1995, 25 octobre 1995, 27 octobre 1995, trompé ou tenté de tromper les acquéreurs ou les consommateurs sur les qualités substantielles, la composition, et les risques inhérents à l'utilisation de marchandises, en l'espèce, de viande de veau, vendues ou mises en vente avec ces circonstances que lesdites infractions ont été commises:

- alors qu'elles avaient pour conséquence de rendre la consommation des marchandises dangereuses pour la santé de l'homme,

- et à l'aide de procédés tendant à modifier frauduleusement la composition, le poids et le volume des marchandises, et ce, en mettant en vente des animaux de boucherie alors qu'ils comportaient des substances interdites (clenbuterol, estradiol, benzoate d'estradiol)

faits prévus et punis par les articles L. 213-1, L. 213-2-1°, et 20 b, L. 216-3, L. 121-4, L. 216-8 du Code de la consommation, 121-6, 121-7 du Code pénal,

en répression l'a condamné à une peine de un an d'emprisonnement et à 50 000 F d'amende, ordonné la publication par extraits de la présente décision dans "Le Dauphiné Libéré" et "Les Affiches du Dauphiné" dans la limite maximale de 5 000 F pour chaque publication,

et sur l'action civile,

l'a condamné à payer à l'Union fédérale des consommateurs UFC Que Choisir, reçue en sa constitution de partie civile la somme de 100 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 5 000 F en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,

Attendu qu'il a été régulièrement formé appel de cette décision par René P et par le Procureur de la République;

Attendu que René P, sans contester la réalité des faits qui lui sont reprochés, demande à la cour de faire preuve d'indulgence;

Que le Ministère public conclut à la confirmation du jugement;

Motifs de l'arrêt

1°) L'action publique

Attendu que René P exerçait la profession d'éleveur à l'Albenc depuis 1972; que son activité principale était l'engraissement de veaux provenant soit de son propre cheptel soit d'achat;

Attendu qu'à la suite de prélèvements de sondage effectués le 23 novembre 1993 par les services vétérinaires de Marseille sur des veaux semblant provenir de l'élevage de M. P, et révélant la présence de clembuterol, les services vétérinaires des Bouches du Rhône décidaient de procéder à l'examen approfondi de bêtes présentées à l'abattoir de Marseille Saumaty et provenant de l'exploitation de René P;

Que l'inspection ante mortem avait mis en exergue une conformation exceptionnelle de certains veaux de nature à suspecter l'administration interdite de substances interdites;

Que sept veaux ont fait l'objet après abattage/de prélèvements d'urine ; qu'il s'avérait que du clenbuterol était décelé chez deux veaux;

Attendu que si René P a contesté ces faits, il n'en demeure pas moins établis que les veaux (n° 1201 et 1310) provenaient de son élevage et que l'enquête et l'information ont mis hors de cause les vétérinaires s'occupant du cheptel;

Attendu que le 25 octobre 1995, la direction des services vétérinaires de Grenoble procédaient à plusieurs prélèvements sur la base d'injection décelée au niveau du collier des carcasses de veau de boucherie mis en vente par René P;

Que les services vétérinaires effectuaient également les 25 et 27 octobre 1995 des prélèvements de pièces de veau de boucherie mis en vente à l'Abattoir de Grenoble par M. Samuel, agent commercial, détenteur des marchandises appartenant à René P;

Que les services vétérinaires avaient de surcroît détecté dès le 25 septembre 1995, dans une boucherie charcuterie de Saint Martin d'Hérès appartenant à Mohamed Zouihag l'absence d'estampille sur deux demi-carcasses de veau, livrées selon le boucher, par René P le 26 septembre 1995 ainsi que la présence d'estradiol, substance interdite;

Que l'expertise concluait que tous les prélèvements contenaient du benzoate d'estradiol accompagné pour trois d'entre eux de l'estradiol libre ; que l'expert ajoutait que le produit incriminé ne pouvait être commercialisé et utilisé légalement que chez l'homme et le chien;

Que les prélèvements effectués les 25 et 27 octobre 1995 faisaient l'objet d'une expertise ; que l'expert révélait que:

- quatre échantillons de viande contenaient du benzoate d'estradiol 17 B, ester de l'estradiol 17 B, une des formes artificielles injectables connues et commercialisées de l'estradiol, hormone sexuelle femelle naturelle possédant des propriétés anabolisantes,

- l'injection de ce composé, en dehors de tout acte thérapeutique, de même que son utilisation à des fins zootechniques est interdite (D. 118),

Attendu que les explications données par René P sont peu convaincantes voire même fantaisistes (achat de veaux de 8 jours et revente immédiate aux abattoirs);

Que les prélèvements ont été effectués sur des veaux de boucherie, engraissés par René P, dans des lieux différents (abattoirs du Fontanil ou boucherie; que les traces d'injection étaient visibles au niveau du collier, ce qui excluait des injections anciennes;

Attendu que l'estradiol, le benzoate d'estradiol et le Clembuterol sont pour les uns des anabolisants (substances stimulant la formation de protéines et favorisant le développement des muscles au détriment des graisses), et pour le troisième (le clenbuterol) les bêta agonistes, molécules efficaces de l'amélioration de la conformation des animaux et l'obtention de viandes maigres;

Que la loi du 16 juillet 1984, relative à l'usage vétérinaire des substances anabolisantes n'avait autorisé l'usage de certaines substances anabolisantes que sous des conditions très strictes d'emploi après obtention d'une autorisation sur le marché et sous le contrôle d'un vétérinaire, les autres produits étant illicites;

Qu'à la suite de la mise en place des règlements communautaires et notamment de la directive communautaire du 31 décembre 1985, interdisant l'utilisation de substances anabolisantes, les autorisations délivrées dans le cadre de la loi du 16 juillet 1984 ont été retirées à compter du 27 décembre 1987;

Que de ce fait l'utilisation dans les élevages d'anabolisants ou de bêta agonistes, comme facteurs de croissance des animaux est devenue illicite;

Que René P ne pouvait ignorer cette interdiction ; que dès lors c'est donc à bon droit que le premier juge a retenu le prévenu dans les liens de la prévention en lui faisant, par ailleurs, une exacte application de la loi pénale;

Qu'en effet, la gravité des faits et les antécédents judiciaires de René P justifiaient le prononce d'une peine d'emprisonnement ferme, qui, de plus a été correctement évaluée;

Qu'il s'ensuit que les dispositions pénales de jugement seront confirmées;

2°) L'action civile

Attendu que l'Union fédérale des consommateurs qui avait obtenu du premier juge une somme de 100 000 F à titre de dommages-intérêts et une somme de 5 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale n'a pas relevé appel du jugement;

Que René P demande à la cour de réduire de manière très notable le montant des dommages-intérêts;

Attendu que l'UFC Que Choisir qui a pour objet la défense des intérêts ainsi que la protection de la santé des consommateurs est parfaitement fondée à réclamer réparation du trouble subi par l'intérêt collectif des consommateurs qu'elle représente;

Qu'en effet le consommateur qui achète à son insu de la viande falsifiée par l'administration d'anabolisants (estradiol, progestérone, testostérone) ou de bêta-agoniste (clenbuterol, nentylmabuterol...) se trouve lésé à un triple niveau qualité de la viande, prix de la vente et également risques encourus pour sa santé;

Que le premier juge a fait une exacte appréciation du préjudice de la partie civile et a fait une exacte appréciation de la somme devant lui revenir en réparation de ce préjudice;

Que les dispositions civiles du jugement seront confirmées;

Attendu, en outre, qu'il est équitable d'allouer à l'Union fédérale des consommateurs UFC Que Choisir la somme de 5 000 F par application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale pour les frais non payés par l'Etat et exposés par elle en appel;

Par ces motifs: En la forme, reçoit les appels, Au fond, Confirme le jugement en toutes ses dispositions tant pénales que civiles; Condamne en outre René P à payer à l'Union fédérale des consommateurs -Que Choisir- la somme de 5 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale; Constate que le présent arrêt est assujetti au droit fixe de 800 F résultant de l'article 1018 A du Code général des impôts, et dit que la contrainte par corps s'exercera, conformément aux dispositions des articles 749 à 751 du Code de procédure pénale; Le tout par application des dispositions des articles susvisés.