Conseil Conc., 7 avril 2004, n° 04-D-12
CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Décision
Pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution d'articles de sport et de loisirs
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré sur le rapport oral de Mme Joly, par M. Jenny, vice-président, présidant la séance, Mmes Behar-Touchais, Renard-Payen, ainsi que MM. Robin, M. Lasserre, membres.
Le Conseil de la concurence (section III),
Vu la lettre enregistrée le 19 janvier 1999 sous le n° 1116, par laquelle la société Go Sport a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution d'articles de sport et de loisirs ; Vu les courriers complémentaires à la saisine en date du 1er février 1999, du 24 mars 1999, du 24 juin 1999, du 19 juin 2000, du 23 novembre 2001 et du 8 janvier 2002 ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, le Décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié, fixant les conditions d'application de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 et le Décret n° 2002-689 du 3 avril 2002 fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce ; Vu les observations présentées par le commissaire du Gouvernement et par les sociétés Go Sport, Décathlon, TSL Sport Equipement, Sport Evasion, Chez François Sport Montagne, Bado Sport et Weigel Sport ; Vu les autres pièces du dossier ; La rapporteure, la rapporteure générale adjointe, le commissaire du Gouvernement, les représentants des sociétés Go Sport, Décathlon, TSL Sport Equipement, Bado Sport 2000 et Weigel Sport entendus au cours de la séance du 4 février 2004 ; les sociétés Chez François Sport Montagne et Sport Evasion, ayant été régulièrement convoquées ; Adopte la décision suivante :
I. Constatations
A. INTRODUCTION
1. Dans sa saisine, la société Go Sport dénonce, en premier lieu, la politique d'ouverture de magasins mise en œuvre par la société Décathlon. Selon la partie saisissante, cette société tenterait de saturer le potentiel des zones de chalandise concernées, en termes de surfaces de vente d'articles de sport, notamment dans les villes moyennes, afin d'empêcher l'installation de concurrents et abuserait ainsi de la position dominante qu'elle occuperait sur le marché de la distribution spécialisée d'articles de sport.
2. En second lieu, Go Sport se plaint de pratiques d'entente entre, d'une part, le fabricant de raquettes à neige TSL et d'autre part, d'autres distributeurs d'articles de sport, dont, notamment, Décathlon. Selon Go Sport, des volumes d'achats anormalement élevés de raquettes TSL, dont certains avaient été réglés avec des chèques au nom de Décathlon, avaient été constatés dans ses magasins, lors d'une opération de promotion portant sur ce produit, et des délais de réapprovisionnement anormalement longs lui avaient ensuite été imposés par TSL.
B. LES OUVERTURES DE MAGASINS DÉCATHLON
1. LE CONTEXTE RÉGLEMENTAIRE
3. Le titre II du livre VII du Code de commerce prévoit que toute création ou extension d'un magasin de commerce de détail d'une surface de vente dépassant 300 m² est soumise à autorisation de la Commission Départementale d'Equipement Commercial (CDEC). Les décisions prises par cette instance peuvent faire l'objet d'un recours devant la Commission Nationale d'Equipement Commercial (CNEC). Les tiers peuvent exercer un recours en excès de pouvoir devant le tribunal administratif. Dans les deux cas, les décisions sont susceptibles de recours devant le Conseil d'Etat.
2. LES SOCIÉTÉS CONCERNÉES
a) Décathlon
4. Décathlon est une société anonyme détenue par l'Association Familiale Mulliez (44 %), la famille du président-fondateur Michel Leclercq (43 %) et les salariés de l'entreprise (13 %). L'enseigne Décathlon est leader sur le marché français de la distribution spécialisée d'articles de sports et de loisirs avec 53,78 % des ventes en 2000. En 2001, Décathlon possédait 196 magasins sur le territoire national. Décathlon se distingue de ses concurrents par la grande taille de ses magasins et la large part occupée par la marque distributeur dans son assortiment.
b) Go Sport
5. Le capital du groupe Go Sport était réparti de la manière suivante au 31 mars 2001 : groupe Rallye (Athlete's Foot et le groupe Casino) 69,1 %, Darty 12 %, autocontrôle 4,3 % et public 14,6 %. L'enseigne Go Sport était, en 2000, le troisième intervenant sur le marché français de la distribution spécialisée d'articles de sport et de loisirs avec une part de marché de 12,57 %, derrière Décathlon et Intersport (15,10 %). Fin 2001, le groupe Go Sport possédait 108 magasins Go Sport en France, 171 magasins Courir et 9 magasins Movie Sport. Le positionnement de Go Sport sur le marché se caractérise par la forte présente des produits de marques.
3. LES FAITS RELEVÉS
6. La société Go Sport a fourni, à l'appui de sa saisine, huit exemples de zones de chalandises sur lesquelles elle aurait constaté des pratiques d'éviction mises en œuvre par Décathlon et consistant en :
- ouvertures de magasins surdimensionnés (Hazebrouck, St Dizier, St Omer, Lorient et Tours) ;
- préemption d'un bail locatif promis à Go Sport (Brest en 1998) ;
- exercice d'un pouvoir d'influence sur la Commission Départementale d'Equipement Commercial compétente (Saintes et Saumur en 1998).
a) Les ouvertures de magasins Décathlon de St Omer, Hazebrouck, St Dizier, Tours et Lorient
7. Les ouvertures de magasins concernées ont bénéficié d'autorisations par la CDEC aux dates suivantes :
- à Lorient, par la CDEC du Morbihan, le 11 décembre 1997 ;
- à St Omer, par la CDEC du Pas de Calais, le 30 avril 1998 ;
- à Hazebrouck, par la CDEC du Nord, le 15 juin 1998 ;
- à Tours, par la CDEC d'Indre-et-Loire, le 7 décembre 1998 ;
- à St Dizier, par la CDEC de la Haute-Marne, le 19 novembre 1999.
8. La société Go Sport s'est trouvée en compétition avec Décathlon sur deux sites, à Lorient et à Tours :
- Alors que Décathlon était autorisée à ouvrir un magasin à Lorient, le 11 décembre 1997, Go Sport s'est vu refuser, le 25 novembre 1999, la création d'un magasin sur la ville voisine de Lanester, par la CDEC du Morbihan. La CNEC a admis son recours et a autorisé l'ouverture de ce magasin, le 11 juillet 2000. Le magasin Go Sport de Lanester a ouvert ses portes au public en 2002 mais le Conseil d'Etat, saisi par la société Rasquer Sport, a annulé la décision de la CNEC par un arrêt du 6 juin 2003, ce qui a entraîné la fermeture du magasin. L'enseigne a présenté une nouvelle demande à la CDEC, qui a été acceptée compte tenu de l'évolution du contexte concurrentiel (faillite d'un magasin) ;
- Go Sport a essuyé également un refus le 12 octobre 1999 de la part de la CDEC d'Indre-et-Loire pour l'extension de son magasin tourangeau, alors que Décathlon était titulaire d'une autorisation d'ouverture depuis le 7 décembre 1998. Cependant, la CNEC a admis son recours et a autorisé l'agrandissement de ce magasin, le 27 juin 2000.
b) L'extension du magasin Décathlon à Brest
9. Le 12 mai 1998, Go Sport a signé avec Toys'r'us une promesse de cession de droit au bail pour les locaux jusqu'alors occupés par cette enseigne à Brest. Cette promesse contient la condition suspensive consistant dans : l'" autorisation expresse du bailleur donnée à la société Toys'r'us de réaliser la présente cession nonobstant les stipulations du bail, notamment l'article 9-2 ". L'article 9-2 dudit bail signé entre la SCI ARIAM (le bailleur) et Toys'r'us stipulait que : " le bailleur, bénéficiera, pendant toute la durée du bail et de ses renouvellements, d'un droit de préemption à égalité de conditions, dont il pourra user pour lui-même ou pour toute autre personne qu'il se substituerait ".
10. Dès qu'elle a eu connaissance du projet de Toys'r'us de ne pas renouveler son bail, la SCI ARIAM, propriétaire des locaux, a mandaté un agent immobilier pour trouver des candidats à leur reprise, alors même que Toys'r'us s'était engagé à trouver lui-même un successeur. L'agent immobilier a, d'abord, contacté le groupe André qui a renoncé puis il a proposé le bail à Décathlon. Le directeur régional de Décathlon a déclaré : " nous avons eu connaissance du projet Go Sport lorsqu'il a été annoncé dans la presse. Nous nous sommes alors préparés à la concurrence en agençant notre magasin au mieux, puisque le projet était prévu à 150 m environ de notre magasin. C'était vers fin mai 98. Le propriétaire du bâtiment loué à Toys'r'us nous a contactés par téléphone 10/15 jours après, en nous demandant si nous étions intéressés ". Ces propos sont confirmés par le gérant de la SCI ARIAM : " [notre agent immobilier] nous a présenté la candidature de Décathlon après que nous ayons reçu la lettre du 12 mai adressé par Toys'r'us qui nous annonçait le projet de cession du droit au bail à Go Sport ".
11. La SCI ARIAM a retenu la candidature de la société Décathlon et celle-ci a signé avec Toys'r'us un acte de cession de bail, le 9 juillet 1998.
c) Le cas de la ville de Saintes
12. Décathlon a déposé, le 26 juin 1998, une demande d'autorisation devant la CDEC de la Charente Maritime pour l'ouverture d'un magasin de 3 000 m² à Saintes. De son côté, Go Sport a déposé sa demande, le 7 août 1998, pour l'ouverture d'un magasin de 1 700 m².
13. Le dossier Décathlon a été rejeté par la CDEC, le 9 octobre 1998, afin, notamment, d'éviter une position dominante de l'enseigne sur la région, Décathlon étant présente à la Rochelle et demandant une ouverture à Rochefort-sur-Mer. Les trois élus locaux (mairie de Saintes, communauté de communes, commune voisine) avaient toutefois exprimé un vote positif.
14. L'ouverture d'un magasin Go Sport, enseigne alors absente du département, a été préférée par la CDEC qui a accepté le dossier, le 17 novembre 1998, par un vote positif de quatre de ses membres, le représentant de la mairie de Saintes et celui de la communauté de communes ayant voté contre.
15. Ces deux collectivités locales ont fait appel des deux décisions susvisées devant la CNEC, en faisant valoir :
- que des discussions avaient été engagées par la municipalité avec Décathlon depuis 1996 (Go Sport ne s'est manifesté qu'en juillet 1998) et que Décathlon devait s'installer sur un terrain mis en vente par la ville ;
- que le lieu d'implantation choisi par Décathlon créait un nouveau pôle d'attraction sur la périphérie de la ville, qui semblait, aux yeux de la municipalité, moins pénalisant pour le centre ville que le lieu choisi par Go Sport.
16. La CNEC a, le 2 mars 1999, confirmé les décisions de la CDEC de la Charente Maritime, à savoir l'autorisation d'ouverture d'un Go Sport à Saintes et le refus pour Décathlon.
d) Le cas de la ville de Saumur
17. A Saumur, deux projets d'ouverture de grande surface spécialisée dans les articles de sport et les loisirs, l'un à l'enseigne Décathlon, l'autre à l'enseigne Go sport, ont été étudiés en parallèle.
18. Le 14 mai 1998, la SA Bournan Distribution, propriétaire d'une surface commerciale à Saumur, a signé une promesse de bail avec la société Go Sport, après avoir, le 17 avril 1998, déposé une demande de permis de construire pour la transformation du site en surface de vente d'articles de sport de 1 200 m2, la demande d'une autorisation en CDEC n'étant, en pareil cas, pas nécessaire. Le directeur général de la société Go sport a déclaré : " Le problème est que l'instruction de notre permis de construire a été anormalement longue (plus de 5 mois). La durée d'instruction a été celle de l'instruction de la demande de Décathlon devant la CDEC, puisque notre permis, après plusieurs demandes de pièces complémentaires, nous a été délivré quelques jours après la réunion de la CDEC pour le projet Décathlon ...). Décathlon ayant obtenu un accord pour 3 000 m2, les perspectives de notre propre projet devenaient trop aléatoires et risquées. C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas poursuivi ".
19. Un dossier de demande d'autorisation a été déposé par Décathlon, le 29 juin 1998, auprès de la CDEC du Maine-et-Loire, portant sur l'ouverture d'une surface de vente de 2 950 m2 à Saumur. Le projet de Décathlon devait prendre place sur un terrain pour lequel une promesse de vente avait été signée le 31 mars 1998, entre la ville de Saumur, propriétaire, et la société Ferimo, qui avait promis le bail à Décathlon ; la réalisation effective de la vente étant conditionnée par la délivrance de l'autorisation de la CDEC à Décathlon. La DDCCRF avait émis un avis défavorable sur le projet, compte tenu de la taille de la surface de vente et du poids, déjà très conséquent, de l'enseigne Décathlon dans le département du Maine-et-Loire et dans la région.
20. Dès le 25 juillet 1997, la ville de Saumur avait écrit à la SA Bournan : " Nous tenons à vous confirmer que l'offre de la société Décathlon est apparue la plus intéressante pour la collectivité ". Lors d'une réunion du 27 mars 1998, le conseil municipal estimait la plus value attendue de la vente du terrain destiné au projet Décathlon à 5 630 085 F. Au cours de la réunion de la CDEC du 28 septembre 1998, le représentant de la mairie de Saumur a annoncé que le permis de construire déposé par la SA Bournan Distribution, par suite d'une modification présentée par le pétitionnaire, le 25 septembre 1998, ne concernait plus un magasin d'articles de sport mais d'équipement de la personne. Du fait de cette déclaration, qui était erronée dès lors que la modification enregistrée le 25 septembre 1998 portait sur les façades et non sur la finalité du magasin, le futur magasin Go Sport n'a pas été pris en compte dans le contexte concurrentiel. L'autorisation d'ouverture donnée par la CDEC a fait l'objet d'un recours, formé par Intersport et rejeté par le Tribunal administratif de Nantes, le 21 mars 2000.
C. LES RAQUETTES A NEIGE
1. LE MARCHÉ DES RAQUETTES À NEIGE
21. Selon la FIFAS (Fédération française des industries du sport et des loisirs), les industriels de la raquette à neige ont vendu à leurs détaillants 100 000 paires représentant un chiffre d'affaires de 31 millions de FF, pendant la saison 98/99. Il s'agit d'un marché extrêmement saisonnier : plus de 50 % de la production sont vendus aux distributeurs en novembre et décembre.
2. LA SOCIÉTÉ TSL
22. TSL est une société anonyme au capital de 3 millions de FF, créée en 1982. Son capital est détenu par 30 actionnaires et contrôlé par le président de son conseil d'administration, M. X..., à hauteur de 51 %. Son chiffre d'affaires est passé de 23,6 millions de FF (3,6 millions d'euros) au cours de l'exercice 98/99 à 36,5 millions de FF (5,6 millions d'euros) pour l'exercice 2002/2003, soit une croissance de près de 55 % en 4 ans.
23. TSL a vendu 74 216 paires de raquettes à neige au cours de l'exercice 98/99, en France et à l'international, dont 42 436 paires pour le seul modèle 225 Rando, objet du litige. Cette entreprise pèse ainsi environ 64 % du marché français de la raquette à neige en volume et 62 % en valeur. Ses principaux clients français, en % dans le chiffre d'affaires, sont les suivants :
24. Décathlon est le premier client de TSL et son poids dans le chiffre d'affaires de TSL est en progression sur la période observée.
EMPLACEMENT TABLEAU
3. LES PRATIQUES CONSTATÉES
a) Les négociations annuelles Décathlon/TSL
25. L'enquête a révélé que les négociations commerciales entre TSL et Décathlon pour la saison 98/99 avaient été particulièrement âpres. Décathlon se plaignait du fait que sa marge sur les produits TSL diminuait depuis quelques années. Dans une lettre du 16 février 1998, faisant suite au rendez-vous de négociation du 11 février 1998, le président de TSL écrivait au chef de marché pour le matériel de randonnée, escalade, alpinisme et équipement voyage chez Décathlon en mettant en cause les concurrents de Décathlon : "... des magasins tels " Le Vieux Campeur " bradent les raquettes, ce qui vous oblige à faire de même. Soyez rassuré, Cécile a visité ce distributeur le lendemain de votre rencontre et un accord a été établi pour que les niveaux de prix soient respectés ".
26. L'acheteur de Décathlon a demandé à TSL des remises lui permettant d'atteindre un niveau de marge de 35 %. Dans son courrier du 16 février 1999 adressé à Décathlon, le président de TSL écrit : " Je connais un moyen tout simple pour obtenir une marge de 35 % : respectez le prix public généralement constaté... et vous aurez ainsi 35,74 % sans que TSL ne vous accorde aucune remise ". Des prix " constatés " figurent d'ailleurs sur les tarifs TSL.
27. TSL, dans un courrier en date du 23 mars 1998, a proposé des conditions que Décathlon a finalement acceptées, comme l'explique la responsable commerciale France de la société TSL : " Nous avons par la suite écrit, le 23 mars 1998, à Décathlon les conditions que nous entendions appliquer. Ce sont les conditions que nous avons appliquées durant la saison 98/99 et sur lesquelles Décathlon n'est pas revenu ". Quatre jours plus tard, dans un courrier en date du 27 mars, le président de TSL adresse au chef de marché pour le matériel concerné chez Décathlon, les prix que comptent appliquer certains de ses concurrents : " Suite à notre entretien téléphonique de ce jour, veuillez trouver ci-après, les prix de vente prévus par vos différents concurrents (...) Go Sport, lors de notre rendez-vous du 27 mars 98 s'est engagé sur les modèles suivants aux prix ci-dessous : (...) TSL 225 Rando 639 F TTC (...), Techniciens du Sport mettra, dans les différents supports qu'il édite la TSL 225 Rando à 639 F TTC, Intersport la Hutte indique les prix publics conseillés suivants : (...) TSL 225 Rando 640 F TTC (...), en ce qui concerne le Vieux Campeur, les prix devraient être du même ordre que ceux de Go Sport ". Selon les déclarations de la responsable commerciale France de la société TSL, ce courrier a été adressé par TSL à la demande de Décathlon : " Téléphoniquement, en mars 1998, M. X de chez Décathlon a souhaité connaître les prix sur lesquels s'étaient engagés oralement ses concurrents (qui correspondaient aux prix conseillés). C'est la raison pour laquelle j'ai adressé le courrier du 27 mars 1998 à Décathlon. Comme nous avions refusé leur proposition commerciale, ceci s'inscrivait dans la proposition faite par M. Y dans sa lettre du 16 février 1998 de respecter le prix public conseillé ".
b) La politique tarifaire de Décathlon sur les raquettes TSL Rando 225
28. Le chef de marché pour le matériel concerné chez Décathlon a, dans un courrier électronique du 23 octobre 1998, adressé aux responsables rayon montagne des magasins Décathlon un rappel à l'ordre : " Ceci est le deuxième message de la semaine pour vous demander de me garantir que les prix conseillés sont ceux qui sont respectés, et ce particulièrement pour les rayons qui rentrent en saisonnalité (exemple raquette à neige). Je viens d'avoir un fournisseur au téléphone avec lequel les négociations ont été rudes l'année passée. Je me suis engagé à pratiquer un niveau de prix nous permettant d'obtenir la marge visée et voilà qu'...on commence mal la saison en ne respectant pas ces prix. ...c'est pourquoi je vous demande : 1) de commencer par faire une suppression de tous les alignements concurrence.... 2) de m'informer systématiquement des problèmes de prix que vous rencontrez avant de baisser vos prix. Pour info, sur les quatre dernières semaines, le prix de vente moyen de la TSL 225 est de 612 F. Ce n'est pas normal, il devrait être de 639 F... ". Il est à noter que la société TSL est portée comme destinataire d'une copie de ce courrier électronique interne à Décathlon. La responsable commerciale France de TSL a déclaré à l'enquêteur que le chef de marché de Décathlon était intervenu à la demande de TSL : " En octobre 1998, des détaillants se sont plaints auprès de nous de prix publics pratiqués par certains magasins Décathlon. Dans la continuité du courrier du 27 mars 1998, j'ai estimé nécessaire et cohérent d'en avertir M. X qui m'a assuré qu'il ferait le nécessaire ".
c) Les rachats de raquettes dans les magasins Go Sport en décembre 1998
29. Le prospectus Go Sport, valable du 3 au 27 décembre 1998, annonce une promotion sur les raquettes TSL Rando 225, vendues 449 F, soit 140 F de moins que le prix de Décathlon (639F).
30. Le président de TSL a indiqué : " il est clair que l'opération réalisée par Go Sport m'embarrassait. Nos clients n'appréciaient pas qu'un de leurs concurrents vende le produit de référence de ce marché avec une promotion de plus de 20 %. Nous avons eu des appels de plusieurs magasins... Nous avons également eu des personnes de chez les grands distributeurs : Décathlon, Techniciens du Sport, Sport 2000, Vieux Campeur ". Le chef de marché Décathlon a déclaré à l'enquêteur " je leur (TSL) ai fait part de mon vif mécontentement ". Cette déclaration est confirmée par le président de TSL : " au début de la promotion (Go Sport), M. X nous a appelés en nous demandant ce que nous comptions faire ".
31. Le président de TSL a entrevu alors une solution : " Après avoir réfléchi, je lui (M. X) ai indiqué que nous allions racheter le stock de Go Sport dans les magasins. Je lui ai demandé de nous aider pour les magasins éloignés de la Haute-Savoie, en lui proposant de lui reverser ensuite la différence entre le prix payé chez Go Sport et le prix qu'ils auraient payé chez TSL... M. X a accepté ".
32. L'acheteur de Décathlon décline toute responsabilité dans les opérations de rachat de raquettes qui résultent, selon lui, d'initiatives de certains magasins : " ils (TSL) m'ont indiqué (...) que leur force de vente rachetait du stock dans les magasins Go Sport. Simultanément, des responsables de magasins me faisaient part de leur mécontentement très vif et de leur intention d'action qui étaient de deux ordres : - alignement de prix - rachat du stock ; Je n'ai interdit aucune action, j'ai simplement informé les magasins par e-mail de ce qui se passait, les laissant libres de choisir de réagir ou de ne pas réagir, et s'ils réagissaient, selon les modalités qu'ils jugeaient opportunes. (...) les magasins qui ont racheté du stock chez Go Sport en ont informé TSL qui leur a fait un avoir consistant en 90 FF HT par raquettes achetées chez Go Sport. (...) Cet avoir était un geste commercial de TSL. La proposition n'a pas transité par la direction commerciale montagne. (...) A ma connaissance c'est un événement sans précédent et unique chez Décathlon ".
33. Les déclarations du directeur commercial montagne de Décathlon et du responsable hiérarchique direct de M. X, déclarent pour leur part : " (...) j'ai été informé que TSL procédait au rachat de raquettes auprès de magasins Go Sport et que certains de nos magasins faisaient de même. Par contre, je ne sais pas qui de TSL ou de Décathlon a initié cette opération. A l'époque, cet événement intervenant en plein rush de fin d'année, je n'ai pas eu de réaction particulière lorsque j'ai appris que certains de nos magasins effectuaient également des achats de raquettes auprès de Go Sport et je ne m'y suis pas opposé. Lorsque j'ai appris que TSL envisageait une contrepartie financière au préjudice commercial subi, cela ne m'a pas semblé constituer quelque chose d'anormal... ".
34. Le directeur commercial de Décathlon a déclaré, le 22 février 2000, concernant l'épisode des raquettes à neige : " (...) Je pense que ce qui a pu se passer est que le fournisseur, ayant une clientèle importante de petits détaillants a dû contacter notre chef de marché pour s'inquiéter sur la réaction à avoir face à la promotion de Go Sport. Le fait que les directeurs de magasins qui ont participé à l'opération n'aient pas réagi auprès de leur hiérarchie directe, c'est-à-dire les directeurs de vente, peut s'expliquer par la jeunesse des directeurs qui font confiance aux chefs de marchés. A cet égard, un des directeurs des ventes de la région méditerranéenne nous a indiqué qu'à l'époque il avait interdit aux magasins se trouvant sur sa zone de participer à cette opération. Pour les remboursements ensuite obtenus par les magasins de la part de TSL, là encore, c'était à l'initiative et sous le contrôle des directeurs de magasin qui disposent d'un compte d'exploitation leur permettant d'encaisser des chèques ".
35. Le président du directoire de Décathlon, à déclaré aux enquêteurs, le 22 février 2000 : " en ce qui concerne l'épisode des raquettes à neige, il est clair qu'il s'agit d'une erreur individuelle. Je n'ai pas donné d'instruction en vue de sa mise en œuvre. J'en ai été informé à posteriori (...) ".
36. Le directeur adjoint du magasin Décathlon de St-Denis, responsable d'exploitation du magasin de Rungis Belle Epine à l'époque des faits, dit avoir procédé au rachat de raquettes à la demande de sa centrale d'achats : " En décembre 1998, la direction commerciale de Villeneuve d'Asq nous a demandé par messagerie électronique, à tous les responsables d'exploitation des magasins situés en périphérie proche d'un magasin Go Sport d'acheter le produit raquette à neige TSL 225 se trouvant dans les rayons des magasins Go Sport concernés (...) Ce n'était pas une initiative du responsable de rayon ni de la direction du magasin mais une instruction du siège. (...) Dans le message de la direction commerciale, il était indiqué que nous devions adresser la facture à TSL qui nous rembourserait une certaine somme ". Ainsi, un courrier adressé à TSL, le 22 décembre 1998, par le magasin Décathlon Belle Epine, énonce : " Conformément avec l'accord passé avec ma direction commerciale, je vous serais reconnaissant de me faire parvenir un chèque de... ".
37. De même, un courrier de Décathlon Antibes, adressé à TSL le 14 décembre 1998, précise : " Ci-joint facture de 2 raquettes TSL achetées chez Go Sport Nice le 03/12/98. C'était les deux dernières de leur stock. Merci de faire le nécessaire suivant l'accord en vigueur avec Décathlon ".
38. Le président de TSL, confronté à certaines écritures passées dans le grand livre de sa société, a déclaré aux enquêteurs : " ces écritures correspondent à des achats de raquettes à neige 225 Rando (environ 200 paires) auprès de magasins Go Sport, effectués par les membres de notre personnel pour le compte de TSL. Ceci a été décidé toujours en réaction à la promotion de Go Sport sur ce produit en décembre 1998. Les achats effectués ont ensuite été remboursés aux membres du personnel qui avaient avancé les fonds " et encore : " Décathlon, comme nous, a procédé au rachat de certaines raquettes dans les magasins Go Sport et nous a fait parvenir des factures Go Sport de ces achats, avec mentionné le calcul de la différence à leur verser (...) cette opération a été faite avec d'autres magasins exploités par des indépendants affiliés ou non (environ 5-10). Décathlon est la seule centrale qui a participé à cette opération ".
39. L'enquête administrative répertorie quatre magasins indépendants ayant participé à l'opération de rachat des raquettes dans les magasins Go Sport : Sport Evasion à Nice, Bado Sports à Valence, Chez François Sport Montagne à Dijon et Weigel Sport (Intersport à Mulhouse).
40. Cette opération a porté sur un total de 392 paires de raquettes, soit au total près de 25 % du stock de Go Sport :
- TSL a racheté 205 paires ;
- Décathlon, 111 paires ;
- Weigel Sport (Intersport Mulhouse), 33 paires ;
- Chez François Sport Montagne, 18 paires ;
- Sport Evasion, 15 paires ;
- Bado Sports, 10 paires.
d) Le délai de livraison du réassort de TSL à Go Sport
41. Pour faire face à ces ventes " exceptionnelles " de raquettes à neige Rando 225, Go Sport a passé, dès le 4 décembre, une commande de réassort pour 750 paires à TSL. L'entreprise a été livrée de 150 paires, le 14 janvier 1999, et des 600 restantes, le 25 janvier, c'est-à-dire bien après la fin de la promotion qui s'est terminée le 27 décembre. Afin de respecter les engagements pris vis-à-vis des clients dans le prospectus et de pouvoir leur proposer un produit équivalent au même prix, Go Sport a dû s'approvisionner chez Dynastar pour 300 paires de raquettes. Cette commande, passée le 4 décembre, a été livrée dès le 7 au magasin de Strasbourg et le 10 à Mulhouse.
42. Les factures émises par TSL sur la période permettent de constater que " Au vieux campeur " a été livré le 7 décembre de 40 paires de Rando 225 commandées le 3 décembre ; de 30 paires le 10 décembre pour une commande du 4 ; de 120 paires le 17 décembre pour une commande des 14 et 15 décembre. La Camif a été livrée, le 22 décembre, de 87 paires commandées le jour même. Le président de TSL a déclaré à l'enquêteur, le 16 novembre 1999 : " il est clair que bien que nous aurions pu traiter cette commande sous 10 jours, j'ai décidé de la retarder car je préfère honorer les commandes des clients qui ne me posent pas de problème.... J'avais même au départ décidé de ne pas les livrer du tout".
II. Les griefs notifiés
Sur la base des constatations qui précèdent, les griefs suivants ont été notifiés :
43. A la société TSL d'avoir abusé de sa position dominante :
- en tentant de mettre en place pendant la saison 98/99 dans son réseau de distribution une politique tarifaire comportant un prix de vente uniforme sur le modèle TSL Rando 225, produit leader du marché ;
- en organisant, à titre de représailles, le rachat dans les magasins Go Sport des raquettes Rando 225 ;
- en retardant volontairement la livraison de la commande de réassort passée par la société Go Sport ; pratiques contraires aux dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce.
44. A la société Décathlon et à la société TSL de s'être entendues pour :
- mettre en place chez les distributeurs de raquettes à neige, pendant la saison 98/99, une politique tarifaire comportant un prix de vente uniforme sur le modèle TSL Rando 225, produit leader du marché ;
- dénoncer et intervenir systématiquement auprès des distributeurs de raquettes à neige ne respectant pas la politique tarifaire convenue ;
- organiser, à titre de représailles, le rachat dans les magasins Go Sport des raquettes Rando 225 ; pratiques contraires aux dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.
45. Aux sociétés TSL, Sport Evasion à Nice, Bado Sports à Valence, Chez François Sport Montagne à Dijon et Intersport à Mulhouse de s'être entendues pour organiser, à titre de représailles, le rachat dans les magasins Go Sport des raquettes Rando 225, pratique contraire aux dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.
III. Discussion
A. SUR LES MOYENS RELATIFS À LA DURÉE DE LA PROCÉDURE
46. La société TSL expose qu'elle a subi un préjudice du fait de la présente procédure et de ses délais ; ceux-ci constituant une violation de l'article 6, paragraphe 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, aux termes duquel toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable.
47. Selon une jurisprudence constante (voir notamment les arrêts de la Cour d'appel de Paris, du 26 septembre 2000 et du 13 décembre 2001), dès lors qu'il n'est pas démontré que le délai employé par le Conseil pour procéder à l'instruction de l'affaire aurait empêché les requérantes de réunir les éléments utiles à leur défense relativement à l'existence des pratiques anticoncurrentielles qui leur étaient reprochées, la sanction attachée à la violation éventuelle de l'obligation de se prononcer dans un délai raisonnable ne peut être l'annulation de la procédure, mais la réparation du préjudice susceptible d'avoir été causé par une telle durée.
48. En l'espèce, la société TSL, entendue dans le cadre de l'enquête administrative moins d'un an après la date des faits qui lui sont reprochés (cf. PV du président de la société TSL du 16 novembre 1999), ne démontre pas que la durée de l'instruction l'aurait empêché d'assurer sa défense.
B. SUR LES OUVERTURES DE MAGASINS DÉCATHLON
49. La société Go Sport soutient dans ses observations qu'un grief aurait dû être notifié à la société Décathlon, pour avoir abusé de la position dominante qu'elle détient sur le marché de la distribution spécialisée d'articles de sport et de loisirs, par des pratiques consistant à implanter des magasins dans les zones où elle est déjà omniprésente et a surdimensionné ses surfaces de vente, nonobstant tout objectif de rentabilité, à fournir des données inexactes aux CDEC à l'appui de ses demandes d'autorisation et à exercer des pressions sur les autorités locales pour obtenir des votes favorables en CDEC.
50. La partie saisissante explique qu'elle n'a pas utilisé les voies de recours prévues par la loi contre les décisions des CDEC car elles sont inadaptées à la sanction des infractions à l'article L. 420-2 du Code de commerce.
51. Elle se réfère à la jurisprudence de la Commission européenne et du Tribunal de première instance des Communautés européennes dans l'affaire ITT Promédia NV/ Belgacom (décision de la Commission IV-35-268 du 21 mai 1996 et TPICE T-111-96 du 17 juillet 1998), selon laquelle : " le fait d'intenter une action en justice, expression du droit fondamental d'accès au juge, ne peut être qualifié d'abus, sauf si une entreprise en position dominante intente des actions en justice (i) qui ne peuvent pas être raisonnablement considérées comme visant à faire valoir ses droits et ne peuvent dès lors servir qu'à harceler l'opposant, et (ii) qui sont conçues dans le cadre d'un plan ayant pour but d'éliminer la concurrence ". La société Go Sport établi un parallèle entre cette jurisprudence et le fait pour une société en position dominante de déposer auprès de la CDEC des dossiers de demande d'autorisation d'ouverture de magasins de manière à s'octroyer tout ou une vaste partie de la surface de vente accordée sur la zone de chalandise concernée, empêchant ainsi tout concurrent de s'implanter sur le marché.
52. A l'appui de ses observations, Go sport cite le rapport administratif lorsqu'il relève que la rentabilité moyenne des magasins Décathlon de la région Nord, par chiffre d'affaires au mètre carré, est nettement inférieure à la moyenne nationale en 1998 et que cette situation s'aggrave en 1999. Selon Go Sport, l'ouverture d'un magasin à Saint-Omer, alors même que la DDCCRF du Pas-de-Calais avait constaté que cette implantation allait lui conférer 89 % des surfaces de vente d'articles de sport, était manifestement abusive, de même que celle des magasins de Hazebrouck, Saint-Dizier, Tours et Lorient, et Go Sport se serait vu refuser l'ouverture de surface de vente dans ces deux dernières villes parce que les surfaces théoriques de vente spécialisée d'articles de sport avaient été préemptées par Décathlon. Go Sport reprend également les éléments qu'elle avait apportés à l'appui de sa saisine concernant l'attitude des élus locaux auraient donné la préférence aux projets de Décathlon en raison des avantages financiers qui en seraient retirés par les collectivités locales, tels que, s'agissant des villes de Saintes, Saumur et Saint-Omer, la vente de terrains appartenant à la municipalité.
53. Cependant, les éléments présents au dossier sont insuffisants pour établir la mise en œuvre par Décathlon d'une stratégie prédatrice visant à saturer les capacités de vente spécialisée d'articles de sport, au prix de pertes, dans le but d'évincer ses concurrents des zones de chalandises concernées. Le caractère systématiquement déficitaire des ouvertures demandées par Décathlon n'est en effet pas démontré. La rentabilité des magasins à l'enseigne Décathlon a été vérifiée au cours de l'enquête pour trois grandes zones géographiques, visées dans la saisine, l'Ouest, le Sud-Ouest et le Nord. La quasi-totalité des magasins des deux premières régions étaient bénéficiaire en 1998/1999. Dans la région Nord, 8 magasins sur 20 étaient déficitaires en 1999, mais il n'existe au dossier aucun élément permettant d'établir que ces résultats pouvaient être anticipés lors du montage des projets au vu du dimensionnement de chacun des magasins ou des risques de cannibalisation des magasins entre eux. Au contraire, l'enquête relève que, pour les sites de Boulogne, Hazebrouck et Saint-Omer, les dossiers présentés en CDEC minoraient vraisemblablement les prévisions de chiffres d'affaires.
54. De même, aucun élément du dossier ne laisse présumer que les demandes d'ouverture déposées par Décathlon devant les CDEC ne pouvaient pas être raisonnablement considérées comme visant normalement à faire valoir ses droits et qu'elles auraient été conçues dans le cadre d'un plan ayant pour but d'éliminer la concurrence.
55. Par ailleurs, il n'existe au dossier aucun élément probant concernant d'éventuelles pressions qui auraient été exercées par Décathlon sur les élus locaux afin que ceux-ci soutiennent ses projets.
56. Enfin, les faits dénoncés par la société Go Sport, s'agissant du caractère erroné des dossiers déposés par la société Décathlon devant les CDEC concernées et de l'absence de conformité aux articles L. 720-1 et L. 720-3 du Code de commerce des décisions d'autorisation accordées à Décathlon, échappent à la compétence du Conseil de la concurrence qui n'est pas chargé de l'application de ces textes.
C. SUR LES PRATIQUES CONCERNANT LE SITE DE BREST
57. La société Go Sport soutient dans ses observations que les conditions dans lesquelles la société Décathlon a obtenu le bail d'une surface de vente à Brest, auprès de la SCI Ariam, seraient constitutives d'un abus de la position dominante qu'elle occupe sur la zone de chalandise de Brest.
58. Cependant, il n'existe au dossier aucun élément permettant de présumer que la société Décathlon aurait mis en œuvre, pour obtenir le bail en cause, une pratique prohibée par le titre II du livre IV du Code de commerce. Le non-respect par la SCI Ariam du contrat de bail signé initialement avec son précédent locataire, à le supposer établi, ne relèverait pas de la compétence du Conseil.
D. SUR LA POSITION DOMINANTE DE LA SOCIÉTÉ TSL
1. SUR LE MARCHÉ PERTINENT
59. La société TSL conteste le marché pertinent retenu par le rapport et soutient que les raquettes à neige sont substituables à d'autres équipements de randonnée et promenade sur neige tels que les skis de fond et les chaussures de randonnées. Elle se réfère à un arrêt de la Cour d'appel de Paris, en date du 17 mai 1984, Sifco Stanley SA outillage à main selon lequel " appliquer le critère de substituabilité à chaque élément d'outillage pris individuellement aboutirait à un véritable émiettement du marché ".
60. L'arrêt de la cour d'appel précité concerne toutefois le secteur de la distribution dans lequel la délimitation du marché pertinent est fonction du service et de l'assortiment de produits offerts aux consommateurs par les différents distributeurs. En l'espèce, la société TSL est un fabricant de raquettes à neige qui distribue ses produits aux consommateurs par l'intermédiaire de détaillants et la délimitation du marché pertinent concerné par les pratiques relevées doit être appréciée en fonction de la substituabilité des raquettes à neige par rapport à d'autres produits, du point de vue des demandeurs. Or, les caractéristiques techniques des raquettes à neige leur confèrent, du point de vue des utilisateurs, une accroche sur la neige et un confort d'utilisation qui les rendent non substituables à d'autres types d'équipements de promenades/randonnées sur neige, tels que les chaussures de randonnée ou les skis de fond. Il y a donc lieu de retenir un marché pertinent de la raquette à neige.
2. SUR LA POSITION DE TSL SUR LE MARCHÉ DE LA RAQUETTE A NEIGE
61. Selon le commissaire du Gouvernement, les éléments du dossier concernant les relations commerciales de la société TSL avec Décathlon démontrent qu'elle n'est pas en mesure d'avoir un comportement indépendant vis-à-vis de ses clients, et n'occupe donc pas une position dominante.
62. La société TSL se défend également d'occuper une position dominante et fait valoir qu'en revanche, elle se trouve en situation de dépendance économique vis-à-vis des principaux distributeurs de ses produits : Décathlon, Intersport, les Techniciens du Sport et Go Sport.
63. La jurisprudence du Conseil (voir, par exemple, les décisions n° 00-D-73, n° 00-D-80) apprécie l'existence d'une situation de dépendance économique au vu de quatre critères cumulatifs : la part de l'entreprise dans le chiffre d'affaires de l'entreprise dépendante, la notoriété de la marque, l'existence ou non de solution alternative et, enfin, les facteurs ayant conduit à la situation de dépendance (choix stratégique ou obligé de la victime du comportement dénoncé). A la date des faits (saison 98/99), Décathlon pesait 31,13 % du chiffre d'affaires de TSL, Intersport 11,2 %, les Techniciens du Sport 9,11 % et Go Sport 5,06 %. Dans la mesure où elle dispose de solutions alternatives pour la distribution de ses produits, la société TSL ne peut être considérée comme étant dépendante de l'un de ses quatre distributeurs. Au surplus, les raquettes à neige de marque TSL bénéficient d'une notoriété qui exclut une relation de dépendance économique.
64. En revanche, cette notoriété et la part importante des ventes de raquettes à neige constituée par les produits TSL (62 % des ventes sur le territoire national à l'époque des faits) confèrent à la société TSL une position dominante sur le marché pertinent en cause. Le refus qu'elle a opposé, lors des négociations annuelles, à la demande de baisse de prix de Décathlon (cf. § 26), à laquelle elle a suggéré de respecter les prix de vente qu'elle conseille, c'est-à-dire, d'augmenter les prix de vente au consommateur, illustre le fait que la société TSL ne craint pas que Décathlon se tourne vers un autre fournisseur et est bien en mesure d'avoir un comportement indépendant dans une mesure appréciable vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et, finalement des consommateurs.
E. SUR LA PRATIQUE DE PRIX IMPOSÉS REPROCHÉE AUX SOCIÉTÉS TSL ET DÉCATHLON
65. Décathlon soutient qu'en l'absence de relevé de prix des raquettes à neige au cours de la saison 1998/99 qui attesterait d'une uniformité, la preuve de l'accord de volonté entre Décathlon et TSL pour la mise en place du prix conseillé par TSL sur la Rando 225 n'a pas été apportée. Elle cite les arrêts récents de la Cour de justice des Communautés européennes (arrêt Bayer du 6 janvier 2004) et du Tribunal de première instance (arrêt Volkswagen du 3 décembre 2003) qui ont considéré que pour démontrer un accord de volonté au sens de l'article 81-1 du traité, il fallait apporter la preuve de l'existence entre les parties d'invitations à fausser le jeu de la concurrence et d'acquiescement effectif, tacite ou exprès à ces invitations.
66. Cependant, de jurisprudence constante tant nationale (voir par exemple la décision n° 03-D-45) que communautaire (voir l'arrêt de la CJCE du 18 septembre 2003), la constatation de la mise en place d'actions anticoncurrentielles par une partie est la preuve de son acquiescement.
67. En l'espèce, il existe au dossier de nombreux éléments démontrant que TSL a invité Décathlon à appliquer le prix recommandé (cf. § 25 à 27). Dans ses observations, TSL reconnaît d'ailleurs : " (...) les négociations ayant été difficiles et le compromis trouvé ayant été le maintien de niveau de prix de la part de Décathlon pour qu'ils aient leur fameuse marge de 35 %, il était impératif que les prix soient maintenus (...) TSL est intervenue auprès de Décathlon pour qu'ils respectent leurs engagements, donc maintiennent les marges (...). "
68. Les faits relatés au paragraphe 28 attestent de l'acquiescement de Décathlon. Dans un courrier électronique du 23 octobre 1998, le chef de marché demande à l'ensemble des magasins de respecter les prix conseillés sur la TSL 225 Rando, à savoir 639 F. De fait, le prix auquel figure la TSL 225 Rando sur le prospectus diffusé par Décathlon du 5 au 31 décembre 1998 est bien 639 F. Enfin, Décathlon, dans ses observations en réponse au rapport reconnaît avoir mis en place le prix recommandé par TSL : " Le prix constaté de TSL se situant dans la fourchette de marge visée, et représentant a priori émanant d'un professionnel parfaitement informé du marché, la valeur commerciale du produit, Décathlon l'a appliqué ".
69. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société TSL a, pour la saison 1998/1999, invité la société Décathlon à appliquer le prix de vente qu'elle préconisait et que la société Décathlon a adhéré et mis en œuvre cette pratique d'entente, en appliquant ce prix et en ne fixant pas son prix de façon autonome. Cette pratique, qui a eu pour objet et pour effet de fausser le jeu de la concurrence est prohibée par les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.
F. SUR LA PRATIQUE DE RACHAT DES RAQUETTES À NEIGE CHEZ GO SPORT, REPROCHÉE AUX SOCIÉTÉS DÉCATHLON, TSL, SPORT EVASION À NICE, BADO SPORTS À VALENCE, CHEZ FRANÇOIS SPORT MONTAGNE À DIJON ET WEIGEL SPORTS À MULHOUSE
70. La société TSL, dans ses observations, ne conteste pas que le rachat des raquettes dans les magasins Go Sport s'est fait à son initiative, qu'elle a proposé de faire de même aux magasins mécontents et qu'elle s'est engagée à leur rembourser la différence ; mais elle soutient que si elle n'avait pas mis en œuvre les pratiques, la survie de la société aurait été mise en péril.
71. La société Bado Sport reconnaît avoir procédé à l'achat de 10 paires de raquettes à neige Rando 225 auprès du magasin Go Sport, en décembre 1998, mais explique que la direction de la société Bado Sport n'était pas au courant que le responsable de rayon du magasin de Valence avait pris une telle initiative et que pour le remboursement de la différence de prix par la société TSL, ce responsable avait directement transmis les instructions à la comptable de la société, laquelle avait elle-même rédigé et signé la lettre à la société TSL en date du 17 décembre 1998. Elle fait valoir, en conséquence, qu'elle n'a pas eu conscience de participer à une entente anticoncurrentielle.
72. La société Weigel Sports de Mulhouse objecte qu'elle a racheté une partie du stock Go Sport de raquettes de neige parce que l'un de ses clients s'était plaint d'avoir acheté chez eux une paire de raquettes Rando 225 au prix de 639 F, alors que Go Sport les vendait au prix de 499 F, et que la société TSL, vers laquelle elle s'était retournée, le lui avait demandé, mais qu'elle n'a, en aucun cas, eu l'intention de participer à une entente illicite. La société Lafuma, qui vient aux droits de la société Sport Evasion de Nice, présente les mêmes arguments.
73. Décathlon ne conteste pas que certains magasins aient procédé au rachat des raquettes à neige, mais soutient qu'il s'agit d'initiatives individuelles des directeurs des magasins et qu'aucune instruction n'ayant été donnée dans ce sens au niveau national, il ne s'agit pas d'une entente.
74. De plus, Décathlon et TSL mettent en avant le caractère limité de l'opération de rachat pour dire qu'il n'en est résulté aucun effet anticoncurrentiel.
75. Les éléments décrits au paragraphe 29 à 40 ci-dessus démontrent qu'en réaction au prix promotionnel de 439 F pratiqué par Go Sport sur la Rando 225 en décembre 1998, TSL a invité Décathlon et quatre autres magasins d'articles de sport, à racheter des raquettes chez leur concurrent. Suite à cette invitation, 111 paires de raquettes TSL 225 Rando ont été rachetées par ces quatre magasins ou par du personnel de Décathlon à leur concurrent Go Sport, matérialisant ainsi l'"acquiescement" de Décathlon, Sport Evasion, Bado Sports, Chez François Sport Montagne et Weigel Sports à l'invitation litigieuse de TSL et donc, l'accord de volonté entre les parties. Les demandes de remboursement de la différence entre les prix de gros pratiqués par TSL et les prix de rachat chez Go Sport, effectuées par les magasins Décathlon, les sociétés Weigel Sports, Chez François Sport Montagne, Bado Sport et Sport Evasion, attestent également de cet accord de volonté.
76. Le fait que les sociétés Sport Evasion, Bado Sport et Weigel Sport aient éventuellement ignoré que TSL avait adressé la même invitation à d'autres magasins est sans incidence sur la qualification de la pratique, l'accord de volontés entre TSL et chacune de ces sociétés caractérisant, à lui seul, une pratique d'entente. De plus, ces sociétés ne peuvent soutenir n'avoir pas eu conscience du caractère anticoncurrentiel de cette entente, puisqu'elle avait pour objet de faire obstacle à la concurrence par les prix de Go Sport.
77. La Cour de cassation, dans les arrêts Entreprise Industrielle du 3 mai 1995 et Colas du 4 juin 1996 et SPIE Batignolles et GTIE du 14 mars 1997 (...) et la Cour d'appel de Paris dans les arrêts Vénarey-les-Laumes du 24 juin 1993, Fouga du 26 avril 1994 et Communauté urbaine du Mans du 27 septembre 1996, ont, d'une part, jugé que, lorsqu'une société avance que le responsable des faits retenus serait une de ses structures locales (agences, etc.), il lui appartient de faire la preuve de l'autonomie de cette dernière et, donc, de sa nature d' "entreprise", d'autre part, posé les principes permettant d'apprécier le degré d'autonomie des structures locales sur lesquelles la société entend se décharger de sa responsabilité ; que, pour donner lieu à ce transfert de responsabilité, l'autonomie invoquée doit être telle qu'elle permet à la structure locale de définir sa propre stratégie commerciale, financière et technique et de s'affranchir du contrôle hiérarchique du siège social ; que la seule mention d'une délégation de signature ou, a fortiori, la seule affirmation d'une indépendance fonctionnelle, ne suffisent pas à établir l'existence d'une telle autonomie. En l'espèce, ni Décathlon ni Bado Sport n'apportent la preuve de l'autonomie de leurs magasins.
78. S'agissant de l'effet de la pratique sur le marché, l'opération de rachat a porté sur 392 paires de raquettes TSL Rando 225, soit plus du quart du total de 1 500 paires commandées par Go Sport pour couvrir les besoins de son opération de promotion. Dans les zones de chalandise des 27 magasins Go Sport victimes de la pratique, 14 paires ont été rachetées par magasin soit, en moyenne, 87,5 % des raquettes commandées par magasin. Sur certains magasins, le rachat a entraîné la rupture du stock. Ainsi, un courrier de Décathlon Antibes, adressé à TSL le 14 décembre 1998, précise : " Ci-joint facture de 2 raquettes TSL achetées chez Go Sport Nice le 3/12/98. C'était les deux dernières de leur stock (...) ". La rupture de certains magasins Go Sport en raquettes Rando 225 a contribué à établir le prix de vente sur la zone à un niveau artificiellement élevé. En effet, Go Sport était une des rares enseignes à proposer un prix compétitif : Décathlon, leader national sur le marché de la distribution spécialisée en articles de sport et loisirs (190 magasins en 2000) vendait le produit 639 F ; Weigel Sport qui possède un magasin à l'enseigne Intersport (n° 2 du marché, 150 magasins en 2000) commercialisait aussi le produit à 639 FF.
79. Il résulte de ce qui précède que les sociétés TSL, d'une part, Décathlon, Bado Sport, Weigel Sport, Sport Evasion et Chez François Sport Montagne se sont entendues pour faire obstacle à la concurrence par les prix de Go Sport, pratique prohibée par l'article L. 420-1 du Code de commerce.
G. SUR LE DÉLAI DE LIVRAISON IMPOSÉ PAR TSL À GO SPORT
80. TSL reconnaît avoir retardé volontairement la livraison du réassort commandé par Go Sport, suite aux ventes exceptionnelles dues à l'opération de rachat des raquettes (cf. § 41). Le président du conseil d'administration de TSL a en effet déclaré à l'enquêteur, le 16 novembre 1999 : " il est clair que bien que nous aurions pu traiter cette commande sous 10 jours, j'ai décidé de la retarder car je préfère honorer les commandes des clients qui ne me posent pas de problème.... J'avais même au départ décidé de ne pas les livrer du tout". Elle soutient cependant que ce délai n'a pas eu d'effet sensible sur la concurrence.
81. Le retard de livraison imposé par TSL à Go Sport a, cependant, amplifié les effets anticoncurrentiels de l'opération de rachat. En effet, la commande de réassort de Go Sport portait sur 750 raquettes. Afin de respecter les engagements pris vis-à-vis de ses clients dans le prospectus, Go Sport a dû s'approvisionner chez Dynastar et a donc été contraint de proposer un produit différent. La commande passée à la société TSL n'a été reçue que le 25 janvier, soit après l'opération de promotion.
82. Il en résulte que le retard de livraison des raquettes commandées par Go Sport le 4 décembre 1998, imposé par la société TSL, avait pour objet et a eu pour effet de faire obstacle à la concurrence par les prix de Go Sport sur ce produit. Une telle pratique, mise en œuvre par une entreprise en position dominante est prohibée par l'article L. 420-2 du Code de commerce.
IV. Sur les sanctions
83. Les infractions retenues ci-dessus ont été commises antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques. Par suite, et en vertu du principe de la non-rétroactivité de la loi répressive plus sévère, les dispositions introduites par cette loi à l'article L. 464-2 du Code de commerce, en ce qu'elles sont plus sévères que celles qui étaient en vigueur antérieurement, ne leur sont pas applicables.
84. Aux termes de l'article L. 464-2 du Code de commerce dans sa rédaction applicable avant l'entrée en vigueur de la loi du 15 mai 2001 : "le Conseil de la concurrence peut ordonner aux intéressés de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans un délai déterminé ou imposer des conditions particulières. Il peut infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement soit en cas de non-exécution des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 5 % du montant du chiffre d'affaires hors taxe réalisé en France au cours du dernier exercice clos (...)".
85. S'agissant de la gravité des faits, il y a lieu de rappeler que les ententes et actions concertées, ayant pour objet et pour effet d'empêcher le jeu de la concurrence en faisant obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché et en favorisant artificiellement leur hausse, font partie des pratiques que le Conseil de la concurrence estime particulièrement graves car préjudiciables au bon fonctionnement du marché, et donc aux avantages que peuvent en attendre les consommateurs.
86. Dans son rapport d'activité pour l'année 1987, notamment, le Conseil de la concurrence avait expliqué dans un chapitre consacré aux "ententes sur les prix et les marges" qu'il était " très attaché à ce que soit préservée sur les marchés où s'affrontent différents producteurs ou différents distributeurs l'indépendance de chacun des opérateurs dans ses décisions de prix. Cette indépendance dans les décisions est en effet une condition nécessaire à l'émergence d'une compétition sur les prix, qui, pour n'être que l'une des formes par laquelle la concurrence joue, n'en constitue pas moins un des éléments déterminants en ce qu'elle oblige chacun des opérateurs à faire l'utilisation la plus économique possible des ressources qu'il mobilise ".
87. De la même façon, la Commission européenne, dans une décision du 29 juin 2001, s'agissant des accords tarifaires entre la société Volkswagen et son réseau de concessionnaires, a considéré que les pratiques en cause " visaient à supprimer ou, au moins, à restreindre la concurrence par les prix, qui constitue l'un des facteurs les plus importants du jeu de la concurrence. Les pratiques en cause représentent par conséquent une altération particulièrement profonde de la concurrence, de sorte qu'elles constituent par nature une infraction très grave aux règles de la concurrence ".
88. De même, le refus de vente, utilisé par une entreprise en position dominante comme moyen de faire obstacle à la concurrence par les prix, constitue un abus grave.
89. S'agissant du dommage à l'économie, il y a lieu de prendre en compte le caractère limité à la saison 1998/1999 de la pratique de prix imposés et le caractère ponctuel des pratiques de rachat de raquettes et de refus de vente, ainsi que la faible taille du marché des raquettes à neige affecté par les pratiques.
A. EN CE QUI CONCERNE LA SOCIÉTÉ TSL
90. La société TSL a tenté, en accord avec la société Décathlon, d'imposer un prix de détail uniforme de 639 F pour la Rando 225 au cours de la saison 1998/1999. En guise de mesure de rétorsion à l'encontre de la société Go sport, qui pratiquait un prix promotionnel de 439 F, elle a organisé le rachat des raquettes vendues par Go Sport, en accord avec les sociétés Décathlon, Weigel Sport, Bado Sport, Sport Evasion, et Chez François Sport Montagne. Elle a, de plus, retardé volontairement la livraison du réassort commandé par Go Sport pour les besoins de son opération de promotion. Le chiffre d'affaires de la société TSL, réalisé en France au cours de l'exercice clos le 30 juin 2003, s'élève à 3 697 318 euros. En fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 30 000 euros.
B. EN CE QUI CONCERNE LA SOCIÉTÉ DÉCATHLON
91. La société Décathlon a, en accord avec la société TSL, appliqué le prix de détail imposé par cette dernière pour la Rando 225, au cours de la saison 1998/1999 et participé à l'opération de rachat des raquettes en promotion chez Go Sport, organisée par la société TSL, afin de faire obstacle à la concurrence par les prix de ce distributeur. Le chiffre d'affaires de la société Décathlon, réalisé en France au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2002, s'élève à 2 060 775 056 euros. En fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 150 000 euros.
C. EN CE QUI CONCERNE LA SOCIÉTÉ WEIGEL SPORT
92. La société Weigel Sport a participé à l'opération de rachat des raquettes en promotion chez Go Sport, organisée par la société TSL, afin de faire obstacle à la concurrence par les prix de ce distributeur. Le chiffre d'affaires de la société Weigel Sport, réalisé en France au cours de l'exercice clos le 28 février 2003, s'élève à 3 034 133 euros. En fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 3 000 euros.
D. EN CE QUI CONCERNE LA SOCIÉTÉ BADO SPORT 2000
93. La société Bado Sport 2000 a participé à l'opération de rachat des raquettes en promotion chez Go Sport, organisée par la société TSL, afin de faire obstacle à la concurrence par les prix de ce distributeur. Le chiffre d'affaires de la société Bado Sport 2000, réalisé en France au cours de l'exercice clos le 28 février 2003, s'élève à 3 363 477 euros. En fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 3 000 euros.
E. EN CE QUI CONCERNE LA SOCIÉTÉ SPORT EVASION
94. La société Sport Evasion a participé à l'opération de rachat des raquettes en promotion chez Go Sport, organisée par la société TSL, afin de faire obstacle à la concurrence par les prix de ce distributeur. Le chiffre d'affaires de la société Sport Evasion, réalisé en France au cours de l'exercice clos le 30 septembre 2003, s'élève à 432 044 euros. En fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 1 000 euros.
F. EN CE QUI CONCERNE LA SOCIÉTÉ CHEZ FRANÇOIS SPORT MONTAGNE
95. La société Chez François Sport Montagne a participé à l'opération de rachat des raquettes en promotion chez Go Sport, organisée par la société TSL, afin de faire obstacle à la concurrence par les prix de ce distributeur. Le chiffre d'affaires de la société Chez François Sport Montagne, réalisé en France au cours de l'exercice clos le 30 septembre 2003, s'élève à 284 804 euros. En fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 1 000 euros.
DÉCISION
Article ler : Il est établi que la société TSL a enfreint les dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce.
Article 2 : Il est établi que les sociétés TSL, Décathlon, Weigel Sport, Bado Sport 2000, Sport Evasion et Chez François Sport Montagne ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.
Article 3 : Sont infligées les sanctions pécuniaires suivantes : - 150 000 euros à la société Décathlon - 30 000 euros à la société TSL - 3 000 euros à la société Weigel Sport - 3 000 euros à la société Bado Sport 2000 - 1 000 euros à la société Sport Evasion - 1 000 euros à la société Chez François Sport Montagne.