Ministre de l’Économie, 12 novembre 2003, n° ECOC0400112Y
MINISTRE DE L’ÉCONOMIE
Lettre
PARTIES
Demandeur :
MINISTRE DE L'ECONOMIE
Défendeur :
Conseils de la Société Foncière Lyonnaise SA
MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE
Maîtres,
Par dossier déclaré complet le 10 octobre 2003, vous avez notifié le projet de prise de contrôle de la société SOPHIA (ci-après "Sophia") par la Société Foncière Lyonnaise SA (ci-après "SFL").
I. - Les parties et l'opération
La société SFL est une société foncière dont l'activité consiste à détenir et gérer des actifs immobiliers, à la fois commerciaux (destinés aux entreprises et aux professionnels) et résidentiels. Le capital de SFL se répartit entre différents actionnaires dont aucun ne dispose de la possibilité d'exercer une influence déterminante, seul ou conjointement, sur la conduite de l'entreprise. L'activité de SFL a généré en 2002 un chiffre d'affaires de 174,6 millions d'euros dont l'essentiel a été réalisé en France.
La société Sophia est également une société foncière dont l'activité principale consiste à détenir, gérer et exploiter des actifs immobiliers. Toutefois, à la différence de SFL, cette activité ne concerne que des actifs immobiliers à usage commercial. Par ailleurs, Sophia exerce une activité de financement d'acquisitions de biens ou de droits immobiliers par voie de crédit-bail et dispose à ce titre du statut d'établissement de crédit, régi par la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit. L'ensemble des activités de Sophia a généré au titre de l'exercice 2002 un chiffre d'affaires total de 382,9 millions d'euros, dont 376,8 ont été réalisés sur le territoire français.
L'opération consiste pour SFL à acquérir les participations des deux principaux actionnaires de Sophia, les groupes AGF et Société générale, qui représentent chacun environ 27 % du capital de cette dernière. Par ailleurs, SFL procédera au lancement d'une offre publique alternative d'achat ou d'échange visant à acquérir le solde du capital de Sophia. L'opération dans son ensemble doit permettre à SFL d'acquérir sinon la totalité du moins la majorité du capital et le contrôle exclusif de Sophia. L'opération envisagée constitue par conséquent une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce. Compte tenu des chiffres d'affaires précités et de leur répartition géographique, cette opération n'est pas de dimension communautaire mais relève du contrôle national des concentrations et est soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du même Code.
II. - Les marchés concernés
Les parties sont toutes deux principalement et simultanément présentes dans le secteur de la détention et de la gestion d'actifs immobiliers à usage commercial (bureaux et locaux commerciaux) en région parisienne (1).
La pratique décisionnelle des autorités de concurrence, aussi bien françaises (2) que communautaires (3), considère qu'il convient de distinguer, au sein de ce secteur, les activités relatives à la détention et la gestion d'actifs immobiliers destinés aux entreprises de celles relatives à la détention et la gestion d'actifs immobiliers destinés aux particuliers. En outre, en matière de détention et de gestion d'actifs immobiliers destinés aux entreprises, le ministre a envisagé une délimitation plus fine en distinguant les activités relatives aux bureaux de celles relatives aux locaux commerciaux et de celles relatives aux autres locaux d'activité (entrepôts, hôtels, etc.), tout en laissant la question ouverte (4). En l'espèce, il n'est pas non plus nécessaire de trancher la question, dans la mesure où, quelle que soit la définition des marchés retenue, les conclusions de l'analyse demeureront inchangées.
Sur le plan géographique, le ministre a également considéré que la dimension des marchés de la détention et de la gestion d'actifs immobiliers destinés aux entreprises pouvait être locale (région ou ville), tout en laissant la question ouverte. En l'espèce, la question de la délimitation géographique des marchés peut également être laissée ouverte dans la mesure où, quelle que soit la délimitation retenue, les conclusions de l'analyse demeureront inchangées.
III. - L'analyse concurrentielle
(i) Les bureaux:
En Ile-de-France, SFL et Sophia détiennent un parc de bureaux de respectivement 210 500 m² et 617 800 m², soit environ [0-10] % et [0-10] % de la surface totale des bureaux de l'Ile-de-France. Si l'on devait distinguer l'agglomération de Paris de sa périphérie, la position du nouvel ensemble ne dépasserait pas [0-10] % de la surface des bureaux à Paris et [0-10] % de la surface des bureaux en périphérie. Compte tenu de ces faibles positions et de la présence de nombreux autres concurrents significatifs dans ce domaine d'activité (autres sociétés foncières, compagnies d'assurances, établissements bancaires, promoteurs-investisseurs, fonds d'investissement, etc.), l'opération n'est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence en matière de détention et gestion de bureaux, au profit de SFL, sur l'Ile-de-France ou à Paris.
(ii) Les locaux commerciaux:
SFL et Sophia détiennent respectivement 81 000 m² et 12 800 m² de locaux commerciaux en Ile-de-France, soit environ [0-10] % et [0-10] % de l'ensemble des locaux commerciaux de la région (5). La position de la nouvelle entité représenterait environ [0-10] % des locaux commerciaux de Paris (6). Parmi les nombreux concurrents présents sur l'agglomération, on peut notamment compter la société foncière Unibail, qui détient à elle seule 227 900 m², soit presque [20-30] % des locaux commerciaux sur Paris. Le nouvel ensemble représenterait par ailleurs moins de [0-10] % des locaux commerciaux dans la périphérie parisienne (7). On peut relever que, parmi les principaux concurrents, les sociétés foncières Klépierre et Unibail disposent quant à elles respectivement d'environ [0-10] % et [0-10] % des locaux commerciaux en périphérie de Paris. En conséquence, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence en ce qui concerne la détention et la gestion de locaux commerciaux dans l'ensemble de l'Ile-de-France ou à Paris.
Compte tenu de ces éléments, il apparaît que l'opération envisagée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence. Je vous informe donc que j'autorise cette concentration.
Je vous prie d'agréer, Maîtres, l'expression de ma considération distinguée.
Nota. - A la demande des parties notifiantes, des informations relatives au secret des affaires ont été occultées et la part de marché exacte remplacée par une fourchette plus générale.
Ces informations relèvent du "secret des affaires", en application de l'article 8 du décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.
(1) De manière très accessoire, SFL et Sophia exercent également une activité de prestation de services immobiliers pour compte de tiers (gestion locative) en Ile-de-France. Cette activité n'a toutefois généré qu'un chiffre d'affaires très marginal, tant pour SFL (2 millions d'euros), que pour Sophia (4,2 millions d'euros). Le nouvel ensemble demeurera confronté à la pression concurrentielle d'opérateurs de taille significative dans ce secteur d'activité tels que Foncia, Vendôme-Rome, Groupe foncier de France (filiale de la Caisse des dépôts et consignations), Crédit foncier de France ainsi que de nombreux cabinets d'administration de biens indépendants. L'opération ne sera donc pas de nature à porter atteinte à la concurrence en matière de gestion d'actifs immobiliers pour compte de tiers.
(2) Lettre d'autorisation du 21 juin 2002 relative à la création de l'entreprise commune Eulia entre la Caisse des dépôts et consignations et la Caisse nationale d'épargne.
(3) Décision M. 1636 DB Investment/SSP/Ohmon du 11 août 1999; décision M. 2110 Deutsche Bank/SEI/JV du 15 juin 2000.
(4) Lettre d'autorisation du 8 novembre 2002 relative à l'acquisition de Simco par Gécina.
(5) Sophia dispose par ailleurs d'entrepôts et d'hôtels dans la région parisienne. Ces actifs représentent toutefois, au maximum, [0-10] % de la surface d'entrepôts sur l'Ile-de-France et [0-10] % du nombre de chambres d'hôtel ([0-10] % du nombre d'hôtels) dans la même région. La position de Sophia en matière de locaux autres que les bureaux et les locaux commerciaux n'est donc pas de nature à modifier de manière significative le fonctionnement du ou des marchés de la gestion d'actifs immobiliers à usage commercial.
(6) L'ensemble des locaux commerciaux recensés dans l'agglomération de Paris (environ 970 000 m²) comprend les pieds d'immeubles et les centres commerciaux.
(7) L'ensemble des locaux commerciaux recensés en périphérie de Paris (environ 2,8 millions de m²) comprend uniquement les centres commerciaux, en l'absence de données disponibles sur les surfaces de locaux commerciaux indépendants.