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Décisions

Ministre de l’Économie, 27 novembre 2003, n° ECOC0400134Y

MINISTRE DE L’ÉCONOMIE

Lettre

PARTIES

Demandeur :

MINISTRE DE L'ECONOMIE

Défendeur :

Conseils de la société Brime Technologies

Ministre de l’Économie n° ECOC0400134Y

27 novembre 2003

MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE

Maîtres,

Par dossier déclaré complet le 24 octobre 2003, vous avez notifié le projet de prise de contrôle de la société ASSYSTEM (ci-après "Assystem") par la société BRIME Technologies (ci-après "Brime").

I. - Les parties et l'opération

Brime est une société anonyme de droit français, cotée au nouveau marché de la Bourse de Paris. Aucun de ses actuels actionnaires n'en détient le contrôle à titre exclusif ou conjoint. Brime est la société mère d'un ensemble de sociétés actives dans le conseil en innovation et la recherche & développement (ci-après "R & D"). L'ensemble du groupe Brime a réalisé en 2002 un chiffre d'affaires total de 148 millions d'euros, dont 128,7 millions dans l'Union européenne et 111 millions en France.

Assystem est une société anonyme de droit français, cotée au second marché de la Bourse de Paris. Elle intervient dans le secteur du conseil et de l'ingénierie et plus précisément sur les grands projets technologiques et industriels. Grâce aux opérations récentes de croissance externe (1), Assystem exerce une activité de R & D et d'ingénierie multisectorielle. Assystem et les sociétés qu'elle contrôle ont réalisé, au titre de l'exercice 2002, un chiffre d'affaires total de 215 millions d'euros, dont 201 millions en France, le solde ayant été réalisé en dehors de l'Union européenne.

Le capital d'Assystem est actuellement détenu à hauteur de 38,55 % par les sociétés SGN (37,39 %) et Cogema (1,17 %), toutes deux filiales du groupe Areva et à hauteur de 28,91 % par la société HDL, le solde du capital d'Assystem étant détenu par le public. L'existence d'une action de concert, au sens de la réglementation boursière, entre les sociétés SGN et HDL avait permis d'envisager l'hypothèse selon laquelle la société Assystem serait in fine contrôlée conjointement par le groupe Areva et la société HDL. Toutefois, pour les besoins de l'analyse, il n'est pas nécessaire de trancher la question du contrôle actuellement exercé sur Assystem.

L'opération envisagée consiste pour les actionnaires d'Assystem à apporter leurs titres à Brime dans le cadre d'une offre publique d'échange initiée par cette dernière et publiée le 22 octobre 2003. A l'issue de l'opération, dans l'hypothèse où tous les actionnaires d'Assystem souscriraient à l'offre publique d'échange, Brime détiendrait 100 % du capital d'Assystem, tandis que son propre capital se répartirait entre ses anciens et nouveaux actionnaires dans les proportions suivantes:

Groupe Areva: 27,53 %.

HDL: 18,71 %.

M. Dominique Louis: 1,94 %.

Dirigeants (personnes physiques): 8,30 % (dont 2,03 % pour M. Carlos Bedran, actuel PDG [*] de Brime).

Public: 40,20 %.

Le solde étant réparti entre des opérateurs financiers, le FCPE Brime Technologies et le FCP Salariés Assystem.

L'existence d'un pacte d'actionnaires entre M. Dominique Louis, actuel PDG de la société Assystem, la société HDL (contrôlée par M. Dominique Louis) et M. Carlos Bedran, actuel PDG (*) de la société Brime, ne permet pas à ces derniers de prendre le contrôle conjoint de Brime, dans la mesure où l'ensemble de ce groupe d'actionnaires ne représente que 22,68 % du capital de cette dernière. Par ailleurs, il a été prévu qu'en cas de succès de la présente opération le groupe Areva et la société HDL mettent fin à l'action de concert précédemment évoquée dans le cadre du contrôle actuellement exercé sur Assystem.

(*) Erreur matérielle: au lieu de: "PDG", lire: "président du conseil de surveillance".

L'opération envisagée permet en conséquence à Brime de prendre le contrôle d'Assystem sans qu'aucun des nouveaux actionnaires de Brime ne puisse prendre le contrôle, exclusif ou conjoint, de celle-ci. Cette opération constitue une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce. Compte tenu des chiffres d'affaires précités et de leur répartition géographique, cette opération n'est pas de dimension communautaire mais relève du contrôle national des concentrations et est soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du même Code.

II. - Les marchés concernés

Les groupes Assystem et Brime réalisent des prestations de conseil et d'ingénierie qui sont relativement proches et comparables. Brime est présente dans les activités de R&D externalisé, de réseaux et de systèmes d'information et de communication, tandis qu'Assystem intervient dans le domaine de la R&D externalisée et de l'ingénierie de process. Leurs activités se complètent en ce qui concerne la nature des prestations réalisées, le type de métier et les secteurs d'activités des clients. Les parties estiment par conséquent que les deux entités sont simultanément actives sur le même secteur, à savoir le secteur de l'ingénierie et des études techniques, qui englobe l'ensemble des prestations fournies à chaque étape de la conduite de projets recouvrant l'ensemble du cycle de vie du produit (R & D, développement, ingénierie et process, réalisation, exploitation et maintenance).

Les autorités de concurrence, tant française (2) que communautaire (3), ont déjà eu l'occasion de se prononcer sur des opérations de concentration dans le domaine de l'offre de services d'ingénierie et d'études techniques, sans toutefois trancher la question de l'existence de marchés distincts en fonction du domaine d'application des prestations d'ingénierie et d'études techniques fournies.

Selon la chambre syndicale des sociétés d'études techniques et d'ingénierie (SYNTEC), l'ingénierie peut être définie comme étant "l'ensemble des prestations consistant à étudier, concevoir et faire réaliser un ouvrage ou système d'ouvrages". La Fédération européenne des associations de conseil en ingénierie (EFCA) estime pour sa part que la profession embrasse des activités allant au-delà du conseil et de la conception, comme par exemple le conseil sur le financement des projets, la conception et la gestion de la réalisation du projet, les études de faisabilité, l'identification de clients et fournisseurs, etc. L'ingénierie s'applique à de nombreux domaines d'activités tels que l'industrie, l'énergie, le transport, l'environnement, le BTP, les services publics, etc.

L'offre en matière d'ingénierie et d'études techniques est très hétérogène et particulièrement atomisée (4). Parmi les opérateurs dont l'ingénierie constitue l'activité principale, on compte notamment des filiales spécialisées appartenant à de grands groupes industriels ou des groupes présents dans l'énergie, l'environnement, le BTP ou autre ainsi que des sociétés d'ingénierie proprement dites dont l'activité est plus diversifiée. On compte également de nombreux bureaux d'études dont la taille varie en fonction des secteurs d'activités. Il est ainsi possible de diviser le secteur en différents marchés pertinents en fonction du secteur d'activité, de la taille des projets, des tâches à accomplir (suivi de l'ensemble du projet ou prestations isolées), etc. La dimension géographique des marchés peut en outre être sensiblement différente en fonction de la taille des opérateurs, des clients, du domaine d'application, etc. Il convient néanmoins de souligner que les différents opérateurs en matière d'ingénierie tendent à se diversifier pour détenir des portefeuilles de compétences de plus en plus larges.

En l'espèce, la société Assystem intervient plus particulièrement sur les grands projets technologiques et industriels, en particulier au niveau du développement de nouveaux produits, de la réduction des coûts de production et de l'adaptation des process de production. Elle intervient surtout dans le secteur de l'aéronautique et de l'aérospatial (25 % de son chiffre d'affaires), de l'industrie automobile (23 %) et dans une moindre mesure dans les secteurs du nucléaire (13 %), de l'industrie ferroviaire et navale (10 %), de l'énergie et de l'environnement (9 %) et plus marginalement dans d'autres secteurs (industrie manufacturière, pharmacie, industrie lourde, télécommunication).

Brime intervient pour sa part plus particulièrement dans le secteur de la banque (18 % de son chiffre d'affaires), de l'automobile (17 %), de l'industrie et de l'énergie (17 %), de l'aéronautique (10 %), des télécommunications (9 %) et plus marginalement dans les secteurs de l'assurance et autres services tertiaires, de l'aérospatial, du ferroviaire et de la défense.

Les parties à l'opération sont donc simultanément actives principalement dans les secteurs de l'aéronautique, de l'industrie automobile, de la défense, des télécommunications, de l'énergie et du ferroviaire. Il est possible de s'interroger sur l'existence de marchés distincts correspondant à ces différents domaines d'application des services d'ingénierie et d'études techniques. Au cas d'espèce, il n'est toutefois pas nécessaire de trancher cette question, dans la mesure où, quelle que soit la définition des marchés de services retenue, les conclusions de l'analyse demeurent inchangées.

III. - L'analyse concurrentielle

Les dernières statistiques officielles publiées par l'INSEE concernant le secteur de l'ingénierie et des études techniques ont estimé le chiffre d'affaires de l'ensemble du secteur à 27,7 milliards d'euros en 2001. Si l'on y rapporte le chiffre d'affaires 2002 de l'ensemble des parties à l'opération, la part de marché du nouvel ensemble ne dépasserait pas 2 % du secteur de l'ingénierie et des études techniques en France.

Si l'on considère que les marchés concernés par la présente opération sont les marchés de l'ingénierie et des études techniques appliquées aux différents secteurs d'activités précités, l'absence de données statistiques officielles ne permet pas de connaître avec certitude la part de marché du nouvel ensemble. Toutefois, il convient de constater la présence d'opérateurs significatifs sur chacun des marchés de l'ingénierie et des études techniques suivants:

Aéronautique: Aéroconseil, Alten, Altran, CDI Corp., Labinal (Snecma), Latécoere, Ratier Figeac (Hamilton Sundstrands), Retec, etc.

Industrie automobile: Alten, Altran, Bertrant, Duarte, Edag, France Design, Italdesign, Pininfarina, etc.

Défense: Altran, Alten, Ateme, Ausy, Coframi, Quaternove, SII, Teamlog, etc.

Télécommunications: Alfacom, Alten, Altran, Axiome, Cap Gemini, Cegelec, CIRCE, Coris, EADS Service, etc.

Energie: Cegelec, Clemessy, Ipedex, MPH, Onectra, Ortec, Segula, Spie Trindel, etc.

Ferroviaire: Altran, Alten, Segula.

Compte tenu de ces éléments, il apparaît que l'opération envisagée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence. Je vous informe donc que j'autorise cette concentration.

Je vous prie d'agréer, Maîtres, l'expression de ma considération distinguée.

(1) Voir la lettre d'autorisation du ministre du 29 avril 2003 relative à la prise de contrôle par la société Assystem des sociétés 161 Centelec, 2TS et TFSI dans le secteur de l'ingénierie et des études techniques, en instance de publication.

(2) Lettre d'autorisation du 29 avril 2003 précitée; lettre d'autorisation du 10 septembre 2003 relative à la prise de contrôle des activités de Matra automobile par Pininfarina dans le secteur du design et de l'ingénierie automobile, en instance de publication.

(3) Décision de la Commission M. 2645, SAAB/VM-DATA AB/SAAB CARAN JV, du 6 décembre 2001.

(4) Voir étude Xerfi ingénierie et études techniques, juillet 2003.