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Décisions

CA Nîmes, ch. corr., 29 novembre 1996, n° 1188-96

NÎMES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Défendeur :

DDCCRF

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Filhouse

Substitut :

général: M. Tailhardat

Conseillers :

M. Nicolaï, Mme Jean

Avocat :

Me Courcelle.

TGI Privas, ch. corr., du 25 oct. 1995

25 octobre 1995

Vu le jugement rendu par le Tribunal de correctionnel de Privas le 25.10.1995, qui statuant contradictoirement déclare le prévenu coupable d'avoir à Saint-Félicien, entre le 30 novembre et le 2 juin 1994, trompé le consommateur contractant sur les qualités substantielles des fromages de chèvres, et en répression l'a condamné à la peine d'amende de: 50 000 F; A ordonné la publication du jugement dans le Dauphine Libéré dans le délai de deux mois à compter du jour où le jugement sera devenu définitif sans que le coût puisse dépasser 2 500 F, et l'a condamné au droit fixe de procédure,

le tout par application des articles:

Art. L. 213-1 Code de la consommation / Art. L. 213-1 Code de la consommation

et des articles 473 et suivants du Code de procédure pénale;

Vu les appels interjetés par le prévenu et le Ministère public le 2.11.1995,

Vu la citation donnée au prévenu le 10.08.1995 à la requête de M. le Procureur général près la cour de céans, à l'effet de comparaître à l'audience du 18.10.1996 pour voir statuer sur lesdits appels;

Sur ce

En la forme

Attendu que les appels interjetés dans les forme et délai légaux sont réguliers et recevables;

Attendu que M. O soulève par voie de conclusions l'exception de nullité de la procédure déjà invoquée devant les premiers juges et rejetée comme ayant été présentée tardivement; qu'il soutient avoir régulièrement opposé cette exception avant sa défense au fond;

Attendu que M. O excipe de la nullité du contrôle effectué par les agents de la Répression des Fraudes aux motifs que:

- l'entrée en vigueur de l'article L. 21563 du Code de la consommation est paralysée par l'absence des décrets nécessaires à l'application de ces dispositions;

- en vertu des procédures de droit commun, les agents de la DGCCRF ne peuvent procéder eux-mêmes aux saisies ou autres investigations prévues par l'article L. 215-3

- son assentiment à la perquisition n'est pas démontré, alors que les agents ont eux-mêmes fouillé les documents de l'entreprise;

- il aurait dû, suivant les articles L. 215-9, L. 215-10 et L. 215-11 du Code de la consommation être avisé par le Procureur de la République qu'il pouvait prendre communication des rapports du laboratoire et réclamer une expertise contradictoire.

Attendu qu'il ressort des pièces de procédure et de deux attestations établies par le substitut du Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Privas et par le premier greffier au même tribunal que le conseil de M. O avait déposé auprès du greffier d'audience des conclusions de nullité avant tout débat et toute défense au fond; que ces conclusions datées et signées ont été visées par le greffier; qu'elles ont été contradictoirement communiquées au Ministère public avant les débats au fond; que dès lors l'exception de nullité est, au regard des articles 385 et 459 du Code de procédure pénale, recevable; que le jugement doit donc être infirmé sur ce point;

Attendu que la loi n° 93-949 du 20 juillet 1993 a codifié les textes régissant le droit de la consommation dont la loi du 1er août 1905 sur les fraudes et falsifications;

Attendu que contrairement aux assertions du prévenu, les dispositions du Décret du 22 janvier 1919 pris pour l'application de la loi du 1er août 1905 sur la répression des fraudes n'ont pas été remises en cause par la loi du 26 juillet 1993: que les saisies de documents sont régies par l'article L. 215-3 et L. 215-4 du Code de la consommation et par les articles 8 et 9 du décret du 22 janvier 1919; que les décrets annoncés par l'article L. 215-4 du Code de la consommation ne conditionnent pas la mise en œuvre de l'article L. 215-3 du même Code; que les dispositions de l'article 7 du décret de 1919 ont été reprises intégralement dans l'article L. 215-6 du Code de la consommation;

Attendu qu'aux termes de l'article L. 215-3, les agents de la Répression des Fraudes, expressément mentionnés par l'article L. 215-1, "peuvent exiger la communication ou procéder à la saisie des documents de toute nature propres à faciliter l'accomplissement de leur mission, entre quelques mains qu'ils se trouvent, et la mise à leur disposition des moyens indispensables pour effectuer leurs vérifications";

Attendu que ces dispositions ont été rappelées à M. O en la présence constante duquel les saisies fondant la prévention de tromperie (télécopie, facture et bon de livraison) ont été régulièrement effectuées; que M. O a signé le procès-verbal de saisie mentionnant sa présence et ses déclarations; qu'il n'a émis aucune contestation de son acceptation aux opérations de visite et de saisie;

Attendu qu'aux termes de l'article L. 215-10, au vu des procès-verbaux ou des rapports des agents de la Direction Générale de la Répression des Fraudes, le Procureur de la République saisit le tribunal, s'il estime qu'une poursuite doit être engagée; qu'en l'espèce la présomption de tromperie, seul délit visé dans la prévention, résultait des constatations des agents de la DGCCRF, concernant les mentions portées sur la télécopie, les bons de livraison et facturation saisis, des déclarations de M. Marquant et de M. O dans les procès-verbaux des 12 juillet 1994 et 30 août 1994; que dès lors il n'y avait pas lieu à application de l'article L. 215-11;

Attendu qu'au bénéfice de ces motifs, la procédure et les poursuites s'avèrent régulières, que l'exception de nullité s'avère en conséquence non fondée;

Au fond:

Attendu qu'il ressort des investigations effectuées par le service de Répression des Fraudes de l'Ardèche qu'à la suite de 4 prélèvements effectués dans divers magasins sur des fromages de chèvre fabriqués par la Fromagerie de Saint-Félicien, sous la marque Bergelou, les rapports d'analyse ont conclu à la non-conformité du produit par la teneur en acide benzoïque et en acide sorbique anormalement élevée;

Attendu que par procès-verbal du 12 juillet 1994, les agents de la Répression des Fraudes saisissaient, à la Fromagerie de Saint-Félicien, un bon de livraison et une facturation de la société Lactel portant les mentions "50 Kg sel alimentaire ainsi qu'une télécopie adressée le 30 juin 1994 à la société Lactel dont le texte était: "Veuillez noter ma commande de 50 Kg de sorbate de potassium à faire parvenir au plus tôt à Saint-Félicien par EFL";

Attendu que, M. O, responsable de gestion de l'activité fabrication de la fromagerie, a reconnu se servir de sorbate de potassium depuis le 30 mai 1994 afin de pallier les conséquences d'un extrait sec insuffisant sur la conservation du fromage de chèvre; que les agents verbalisateurs ont constaté qu'aucune mention sur l'étiquette des fromages commercialisés n'indiquait l'utilisation du sorbate de potassium dans la composition du produit;

Attendu que pour sa défense le prévenu fait valoir en substance qu'à l'époque des faits l'acide sorbique était autorisé par la réglementation communautaire à laquelle la réglementation française doit se conformer; qu'il a agi de bonne foi, le sorbate de potassium permettant d'éviter un développement microbien; qu'il fait valoir que la preuve de l'utilisation d'acide benzoïque n'est pas démontrée; que le consommateur n'a pas connaissance des mentions portées sur la facture;

Attendu que l'article 213-1 al. 1 du Code de la consommation réprime la tromperie du contractant sur la nature, l'espèce, les qualités substantielles, la composition ou la teneur en principes utiles de toutes marchandises;

Attendu qu'il est établi par les constatations des agents de la Direction Départementale de la Concurrence, de la consommation et de la Répression des Fraudes (DDCCRF) que l'addition de sorbate de potassium n'était mentionnée sur aucun document ni étiquette des fromages commercialisés, laissant croire au consommateur que la réelle composition était celle indiquée sans additif de sorbate de potassium; que les faits reprochés à M. O constituent en réalité le délit de tromperie sur la composition des marchandises; que M. O n'est pas poursuivi du chef d'utilisation d'un additif prohibé mais du chef de tromperie;

Attendu que dès lors les moyens développés concernant l'autorisation de l'utilisation de sorbate de potassium comme additif sont inopérants;

Attendu que les premiers juges ont par des motifs pertinents retenu que l'intention frauduleuse était établie par les manœuvres pour dissimuler l'utilisation du sorbate de potassium et notamment la mention "sel alimentaire" employée sur les bons d'expédition et par les déclarations de M. Marquant responsable de fabrication de l'usine Lactel qui a livré le sorbate de potassium, sous la dénomination "sel -alimentaire", à la demande expresse de M. O; que d'ailleurs la société Lactel ne disposait d'aucun stock de chlorure de sodium; qu'il a été constaté que sur la télécopie émise par M. O, celui-ci a mentionné "mettre sur le bon d'expédition sel alimentaire"; que contrairement à son assertion sur l'absence de tout effet du sorbate de potassium, il échet de relever que l'adjonction de ce produit permet d'éviter l'apparition de trace de moisissure sur le fromage et un allongement des délais de péremption, ce qui facilite la commercialisation au détriment d'une information exacte du consommateur;

Attendu que le tribunal a justement relevé que ces mentions mensongères sur la facturation et le bon de livraison ainsi que l'absence de modification de l'étiquetage, d'ailleurs reconnu par M. O, sont exclusifs de la bonne foi invoquée par celui-ci; qu'il savait que la composition du produit ne correspondait pas à celle indiquée en l'absence de la mention du sorbate de potassium;

Attendu que les éléments matériel et moral de l'infraction de tromperie sont caractérisés;

Attendu que la peine d'amende est adaptée à la nature des faits; qu'elle s'avère proportionnée aux ressources et charges du prévenu;

Attendu que, eu égard aux circonstances de commission des faits et à l'absence de tout antécédent judiciaire, la mesure de publication prévue par l'article 216-3 du Code de la consommation s'avère inopportune; qu'il n'y a pas lieu de l'ordonner; que le jugement entrepris sera réformé sur ce point;

Par ces motifs: LA COUR, Statuant par arrêt contradictoire, En la forme: Reçoit les appels; Infirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevable l'exception de nullité; Reçoit ladite exception. La dit non fondée; Au fond, Requalifie les faits en tromperie sur la composition des fromages de chèvre; Dit M. O coupable de ce délit; Confirme le jugement déféré sur la peine d'amende; Réformant pour le surplus; Dit n'y avoir lieu à publication; La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F dont est redevable le prévenu; Fixe au minimum la durée de la contrainte par corps s'il y a lieu de l'exercer.